Chî`isme

Chî`isme

Chiisme

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Le chiisme, ou chî`isme[1], constitue l'une des trois principales branches de l’islam avec le sunnisme et le kharidjisme; il regroupe environ 15 % des musulmans. Les chiites sont souvent appelés péjorativement râfidhites[2] dans les textes du Moyen Âge.

Les figures importantes du chiisme imamite (majoritaire) sont le prophète de l'islam Mahomet ainsi que sa fille Fatima et les 12 imams issus de sa famille, du premier imam Ali ibn Abi Talib au douzième, Muhammad al-Mahdi.

Sommaire

Étymologie

Le chiisme en terme arabe "shi'a" désigne à l’origine un groupe de partisans. Dans le Coran, ce terme est utilisé plusieurs fois dans ce sens. Par exemple, dans le verset 28 : 15 où les partisans de Moïse sont décrits par chiites. Ailleurs, Abraham est introduit comme un chiite de Noé (verset 37 : 83). Au commencement de l’histoire islamique, le terme « shî`ite » fut utilisé dans son sens originel ou littéral pour désigner des partisans de différentes personnes par exemple les chiites d'Ali ibn Abî Tâlib et ceux de Muawiya Ier. Cependant, le terme a acquis graduellement le sens secondaire de partisans d’Ali, ceux qui croient en son imamat. Dans son Al-Firaq al-Shî`ah, Hasan ibn Musa al-Nawbakhti, savant chiite, écrit :

« Les chiites sont les partisans de Ali. Ils sont appelés "Les chiites de Ali" durant et après la vie du Prophète et sont connus comme les partisans de Ali et croient en son Imamat. »

Cheikh Moufid, un des premiers érudits chiites, définit les chiites comme étant ceux qui suivent Ali et croient en sa succession immédiate après Mahomet. En expliquant pourquoi les chiites sont aussi appelés « Imàmîyah », il dit :

« C’est un titre pour ceux qui croient dans la nécessité de l’imâmat et de sa continuité en tout âge, et que chaque Imâm doit être explicitement désigné, et doit aussi être impeccable et parfait. »

Mahomet al-Shahrastani, dans son Al-Milal wa al-Nihal, une source sur les différents groupes en islam, écrit :

« Les chiites sont ceux qui suivent Ali en particulier et qui croient en son Imâmat et califat selon les directives explicites et les volontés du prophète Mahomet. »

. C’est une définition très précise, étant donné que les chiites eux-mêmes croient que la raison de suivre Ali est motivée par l’exigence du Prophète.

Ainsi, on peut dire que les chiites sont ceux qui ont les croyances suivantes sur la succession de Mahomet :

  1. La succession de Mahomet est une désignation divine.
  2. Comme Mahomet a été choisi par Dieu, son successeur ou imam doit aussi être choisi par Dieu et puis inspiré à Mahomet.
  3. Le successeur immédiat de Mahomet est Ali.

Nomination du successeur

Les chiites pensent que des personnes choisies parmi la famille de Mahomet (les imams) étaient la meilleure source de connaissance à propos du Coran, de l'islam, de l'émulation (les successeurs de la mission prophétique après Mahomet) et les protecteurs les plus fervents de la sunnah de Mahomet. Une tradition prophétique (rapportée aussi bien par les sunnites que les chiites) l'atteste: "Je suis la cité du savoir, Ali en est la porte. Celui qui veut le savoir ainsi que la sagesse qu'il passe donc par la porte". Il faut noter que le symbolisme de la porte est fréquent dans les différentes traditions initiatiques.

En particulier, les chiites reconnaissent la succession de Mahomet par Ali ibn Abi Talib (son cousin, gendre et premier homme à accepter l'islam —après Khadidja— et aussi un des cinq membres de l'Ahl al-Bayt ou « gens de la maison du prophète »). Au contraire, les musulmans sunnites reconnaissent le califat. Les chiites croient que Mahomet a désigné Ali comme son successeur en de nombreuses occasions, et qu'il est donc le guide spirituel des musulmans, selon la mission divine révélée à Mahomet.

La principale nomination fut le jour d'al-Ghâdir et dans de nombreux autres endroits. Le jour d'al-Ghadîr, après le pèlerinage de l'adieu, Mahomet annonça solennellement et devant des milliers de pèlerins venus du monde entier[réf. nécessaire] le discours suivant et l'un des plus importants :

« À qui je suis un Maître (Mawla), Ali est son Maître (Mawla). Mon Seigneur, allié de celui qui s'allie à lui, hait celui qui le hait, glorifie celui qui le glorifie, délaisse celui qui le délaisse, et laisse le droit et la justice avec lui où qu'il soit. »

Cette différence entre la reconnaissance du pouvoir de l'Ahl al-Bayt (la famille de Mahomet) ou du calife Abou Bakr a modelé les doctrines chiites et sunnites à propos du Coran, des hadiths et d'autres points. Par exemple, la collection des hadiths reconnus par les chiites se fonde sur des narrations faites par l'Ahl al-Bayt alors que les hadiths de narrateurs ne faisant pas partie de la famille de Mahomet sont considérés comme pouvant être discutés (ceux de Abu Huraira par exemple).

Selon les chiites, le Prophète a désigné explicitement Ali comme son Successeur (Imâm ou Calife), qui assumera la responsabilité à la fois de gérer l’empire et de guider les croyants dans leur vie spirituelle après trois autres califes. Aurait-il dû être choisi plus tôt ? « En effet, comme le remarquera Jean-Paul Roux, il ne manque pas de titres. Il est cousin du Prophète : son père a élevé Mahomet quand celui-ci est devenu orphelin ; il est l'un des premiers convertis ; il a épousé Fâtima, fille de Mahomet et, par elle, à lui qui n'avait pas de fils, il a donné ses deux seuls petits-enfants mâles, Hasan et Hussein. »

En dehors des considérations sur le califat, les chiites reconnaissent l'autorité de l'imam (aussi appelé Khalifat Allâh) en tant qu'autorité religieuse, bien que les différentes branches de l'islam chiite ne soient pas d'accord sur la succession de cet imam et de son successeur (les duodécimains, ismaéliens ou zaydites par exemple).

Origine

Sur le chemin de retour de son pèlerinage d'adieu, Mahomet fit une halte à mi-chemin entre La Mecque et Médine au lieu dit Ghadir Khumm. Là, au cours d'un sermon, Mahomet annonça sa fin prochaine. Dans le hadith, dit Hadith de Ghadir Khumm, rapporté par Muslim, Mahomet aurait dit qu'il laissait derrière lui deux choses importantes : la première c'est le livre de Dieu (Le Coran) et la seconde c'est sa descendance.

À sa mort en 632, Mahomet était le chef de l'Oumma d'un territoire devenu un important État en seulement quelques années. La question de sa succession fut à l’origine du premier grand schisme de l’islam. La plupart des Muhajirun, les premiers musulmans, voyaient en Ali, gendre et cousin de Mahomet, l'unique successeur légitime de celui-ci. Mais les chefs des tribus arabes, anciens ennemis de Mahomet, réunis secrètement à Saqifah à l'insu d'Ali, décidèrent de choisir un calife parmi eux. Ils obtinrent gain de cause et c'est finalement Abou Bakr qui fut désigné premier calife (guide spirituel et temporel de la communauté).

Abou Bakr décida de désigner son successeur, au lieu de permettre aux musulmans de l'élire. Le deuxième calife - Omar ibn al-Khattab - désigna, à son tour, un conseil de six personnes pour choisir en son sein le prochain calife selon une procédure très stricte, qu’il avait mise au point. Uthman ben Affan, nommé troisième calife fut assassiné en 656, à la suite d'une révolte populaire. Ali fut, enfin, désigné à la tête de la communauté. Malgré ses titres et ses exploits, son califat se déroula dans le tumulte et son pouvoir fut contesté : une partie du clan des Omeyyades (lié au défunt calife Utman) et la veuve de Mahomet Aïcha, réclament sa déchéance. Muawiya ibn Abî Sufyan, gouverneur de Damas et chef du clan des Omeyyades rompit son pacte avec Ali et se souleva dans le but de devenir calife. Son armée rencontre celle d'Ali à Siffîn - sur les rives de l'Euphrate - en 658. Ce dernier était sur le point de l'emporter quand les troupes de Muawiya brandirent des feuillets du Coran au bout de leurs épées et réclamèrent un arbitrage, qu'Ali accepta. Cet arbitrage avait pour objectif de dire si Uthman avait mérité d'être assassiné pour avoir manqué aux règles du livre sacré. Une partie des hommes d'Ali - les Kharidjite - se révoltèrent, reprochant à Ali d'avoir consenti à la procédure de l'arbitrage. Cette révolte fut fortement réprimée par Ali et la majorité des Khârijites mourut à la bataille de Nahrawan ; un de leurs survivants se vengea en assassinant Ali, en 661, avec une épée enduite de poison, alors qu’il faisait sa prière dans la mosquée. La bataille de Siffin a été décisive car elle a marqué le début d’un regroupement favorable à Ali et à ses descendants sous le nom de Shî`at Ali ("le parti de Ali"), qui ne s’est vraiment structuré qu'au IXe siècle. Il implique, dès ses origines, une fidélité à la famille de Mahomet et à ses descendants.

Ce conflit de succession a engendré une scission fondamentale au sein de l'islam : d'une part, les chiites reconnaissent Ali comme premier successeur légitime de Mahomet. Avec ses deux fils - Hasan et Hussein - qui lui succèdèrent - a commencé pour les chiites la lignée des imams. De l'autre, les sunnites majoritaires ne voient en Ali que le quatrième calife. Les sunnites se sont ainsi ralliés au clan des Omeyyades. Les particularités doctrinales et les différences théologiques entre ces deux courants reposent donc sur une querelle du succession. Ces courants religieux se sont donc construits sur un socle politique.

Le sunnisme vient du mot "Sunna", c'est-à-dire la tradition du Prophète, qui comprend ses paroles, ses actes et ses pratiques. Ils considèrent que le Coran (la parole divine) n'a pas été créé et que l'univers et l'Histoire sont prédéterminés. Être sunnite revient davantage à perpétuer mimétiquement la tradition de Mahomet ; selon ce courant, le cycle de la prophétie s'est clos avec lui. Le chiisme pratique la méthode du Kalam (raisonnement déductif), qui insiste sur le raisonnement, l'argumentation, le libre arbitre et le caractère créé du Coran, à l'opposé du sunnisme. Les chiites croient en la liberté de la volonté individuelle. L'existence dépend de la présence d'un imam, vivant intercesseur entre le monde spirituel et temporel, entre Mahomet et les croyants. L'imam est doté, dans le cadre de l'exégèse du Coran de la "connaissance" et de "l'infaillibilité". Le Coran a un sens évident et un sens "caché" qu'il faut étudier, et que les imams sont chargés de transmettre aux fidèles les plus méritants. Cette importance accordée à l'imam n'a pas d'équivalent dans le sunnisme et explique l'organisation, la hiérarchisation et l'autorité du clergé chiite (par exemple, en Iran). Le chiisme attend et prépare l'arrivée du Mahdi, sorte de Messie qui "comblera la terre de justice et d'équité autant qu'elle est actuellement remplie d'injustice et de tyrannie". Cette attente, qui implique souvent chez les chiites un rejet de l'ordre actuel (hérité de la querelle de succession autour d'Ali et aggravé par les évènements ultérieurs) et la préparation de l'arrivée du Mahdi, est un facteur de déstabilisation.

À la mort d'Ali, les chiites ont reconnu son fils Hasan comme successeur au califat. Pour les ismaéliens, Hasan a été désigné comme imam temporaire (Imâm-i mustawda`) alors que Hussein était effectivement l’imam permanent (Imâm-i mustaqarr). Hasan, contraint d’accepter l'autorité umayyade, vécut paisiblement à Médine; mais il posa au calife deux conditions : vous devez m’obéir pour faire la guerre ou contracter la paix. En fait, Hasan estimait qu’il n’avait pas les moyens de se battre contre l’armée de Mu`âwiya. Il envoya des émissaires en secret pour négocier une reddition honorable avec Mu`âwiya. Les conditions étaient telles que ce sera Hussein qui succèdera à Hasan après sa mort et que leurs rentes ne seraient pas interrompues. Quelques années plus tard, Hasan meurt en 670. Le second fils de Ali, l’imam Hussein rompit avec la dynastie ommeyade dès que Mu`âwiya associa au pouvoir son fils Yazîd Ier en 678, jugé impie, débauché et ivrogne. Après que toute l'Ummah à l'exception de Abd Allah ibn Al Zubayr et Al Hussein, ait prêté allégeance à Yazid, les deux dissidents se réfugièrent à La Mecque. Recevant des lettres de la ville irakienne d'Al Kufa, lui promettant 18 000 combattants, Hussein dépêcha son cousin Muslim Ibn Aqil. Prévenu par ses partisans, Yazid destitua le gouverneur mou d'Al Kufa, Nuuman Ibn AlBachir, et le remplaça par son cousin intraitable UbaidAllah Ibn Ziad. Celui-ci avec 20 policiers et 10 nobles assiégés dans le palais du gouvernorat, réussit à casser la volonté des koufis par des promesses d'argent ou de destruction. La nuit-même, Muslim fut abandonné à lui-même et erra dans les ruelles d'Al Koufa. Humilié et effaré, il sera hébergé par une vieille femme, sera dénoncé par le fils de celle-ci et exécuté par UbaidAllah. Entre temps, décidé à rejoindre ces troupes promises et contre l'avis d'Ibn Umar l'appelant à l'obéissance, Ibn Abbas, à plus de préparation militaire, d'Ibn Zubayr, désirant garder un allié de poids à La Mecque, Al Hussein partit avec 72 hommes de sa famille et partisans ainsi que toute sa famille élargie (200 femmes et enfants). Apprenant la mort d'Ibn Aqil en cours de route, Al Hussein cède aux frères de Muslim qui exigent de venger leur frère et continue son expédition. Il confisque également en cours de route, l'argent de l'impôt des musulmans du Yémen apporté par une caravane à Yazid. Le 10 octobre 680, UbaidAllah Ibn Ziad ordonne à Umar Ibn saad d'aller à la rencontre d'Al Hussein avec son armée. La jonction de l'armée Omeyyade forte de 4000 hommes (majoritairement koufis) et des 40 fantassins et 32 cavaliers d'Al Hussein se fera à Karbala.

Al Hussein donna le choix à Umar Ibn Saad de le laisser repartir à La Mecque ou aller guerroyer en jihad contre les ennemis de l'islam ou la confrontation militaire. Pour sa part, Umar ibn Saad recevra en réponse un ordre formel de Ubayd Allah de, soit le conduire enchaîné à Damas pour faire allégeance à Yazid, soit de lui faire la guerre. La bataille dura trois jours, pleine de péripéties, contées avec ferveur par les conteurs chiites. Car ce qui est sûr, c'est que tous les chiites hommes ont été tués durant la bataille soit 72 personnes, à l'exception de Ali ibn Al Hussein dit Zine Al Abidine, lui-même malade et confiné à l'intérieur d'une tente avec ses tantes. Il existe toute une hagiographie, sur le courage et la valeur guerrière d'Al Hussein. Après une demi-journée d'hésitations, où chaque combattant ommeyade ne voulait pas être celui qui tue le petit-fils de Mahomet, Shamr Ibn Al Jawshan lui coupa la tête. Ibn Saad empêcha Shamr et UbaydAllah de tuer Zine Al Abidine, disant qu'il était malade et ne représentait aucun danger. La tête fut conduite avec les femmes et les enfants au palais de Yazid, à Damas. Chaque dixième jour du mois lunaire de Mouharram, les chiites commémorent cette défaite par l’Ashûra, et se flagellent ou se coupent en signe de contrition pour avoir abandonné Al Hussein à Kufa.

L’unique survivant homme de Hussein, l’imam Ali Zayn al-Abidin, de ce fait, était aussi reconnu comme le dépositaire du savoir divin. Durant sa vie, il ne prit part à aucune action politique. En consultant les premières œuvres historiques majoritairement sunnites et en s’appuyant sur des sources plus tardives duodécimaines et ismaéliennes, une relecture de l’histoire nous dévoile une vision plus réaliste et plus critique de l’origine du chiisme originel. La formulation embryonnaire de la doctrine de l’imamat a émergé durant cette période tumultueuse entre Ali ibn Abî Tâlib et Zayn al-`Âbidîn. Durant cette période l'aspect le plus profond et fondamental des principes de la foi shî`ite a été exposé. L’imam Muhammad al-Baqir jouissait d’un rôle prestigieux. De plus, son rôle en tant qu’imam de la jeune communauté chiite était crucial car la communauté vivait de multiples scissions. Il était un érudit qui était versé dans toutes les connaissances aussi bien religieuses (Coran, sunnah, hadith, etc.) que philosophiques et scientifiques.

Le destin tragique d'Hussein secoue une partie de la conscience musulmane et provoque une détermination à combattre jusqu'au bout pour un idéal de pouvoir juste et respectueux des principes fondamentaux de l'islam. Le martyre devient un symbole de la lutte contre l'injustice, selon le credo chiite. Le cœur du chiisme est dans ce massacre, d'où le culte des martyres. Tous les descendants de Hussein vont avoir un destin tragique, tel que la prison sur ordre du calife.

La scission entre chiites duodécimains et ismaéliens, les deux plus grands groupes de ce courant, eut lieu à la mort du 6e Imam Jafar as-Sadiq en l’an 765.

De nos jours, le chef de la communauté musulmane est, pour les sunnites, le calife : un homme ordinaire (et non proche de Dieu), élu par d'autres hommes dans la communauté des fidèles. Leur système religieux est moins hiérarchisé que celui des chiites. Depuis leur sécession, ceux-ci (ceux qui "prennent le parti" d'Ali) accordent beaucoup plus d'importance à leurs dirigeants religieux que les sunnites ; ils considèrent que la communauté musulmane ne peut être dirigée que par les descendants de la famille de Mahomet, des imams qui tirent directement leur autorité de Dieu.

Doctrines

En tant que mouvement musulman, le chiisme reconnaît l'unicité divine, les textes sacrés du Coran, Mahomet, les cinq obligations fondamentales, le jugement dernier et la résurrection.

Les ismaéliens nizârites ont un guide spirituel reconnu, l'Aga Khan VI. Les mustaliens obéissent à un da'i représentant de l'imam occulté. Les duodécimains en reconnaissent plusieurs, appelés des ayatollahs ou Marjaâ: chaque fidèle peut choisir le sien, suivre ses enseignements et lui verser sa dîme (khûms ou zakat).

Le chiisme accorde une affection particulière aux imams martyrs, Ali, Hasan et surtout Hussein, célébrés aux fêtes de deuil de Mouharram.

Certains chiites prient en posant leur front sur le sol de Kerbala, ou, s'ils en sont éloignés, sur un petit disque plat d'environ 6 à 8 cm de diamètre d'argile de la même terre sainte.

Justice de Dieu

Les chiites considèrent la justice comme étant l'un des fondements de la religion (usûl al-dîn) qui sont par ordre d’importance : l’unicité divine (Tawhîd), la justice (`Adl), la prophétie (Nubuwwa) et l’imam. Elle fait partie du dessein divin. Les tenants de la justice, en l'occurrence les Mu`tazilites et les chiites ont soutenu que l’intellect (`aql) humain joue un rôle déterminant dans le choix de notre décision. L’intellect humain qui, indépendamment de toute instruction, possède une connaissance intuitive du bien et du mal. On ne peut attribuer le mal à Dieu, car il est sage et cet attribut est contraire à sa nature. Les tenants de la justice ont établi une série de règles et c'est dans ces règles qu'ils ont fondé la question de la contrainte (jabr) et du libre choix (ikhtiyâr), laquelle est l'une des questions les plus ardues dans la théologie islamique (cf. : Mahomet Rizâ al-Muzaffar, Les Croyances du Chiisme, http://www.bostani.com/Livres/croyance.htm).

Jurisprudence

Les chiites pensent que la sunnah découle des traditions orales énoncées par Mahomet et de leur interprétation par les imams —qui étaient les descendants de Mahomet par sa fille Fatima Zahra et son mari Ali.

Ils accordent de l’importance à l’interprétation de la révélation divine qui est un processus continu, nécessaire pour se conformer selon le Qur’ân. Les sunnites croient aussi qu'ils peuvent interpréter le Coran et les hadiths. Cependant ils préfèrent accorder une plus grande importance aux savants tels Hanbali, Hanafi, Maliki et Shâfi`i. Les penseurs chiites considèrent actuellement que l'ijtihad existe toujours, et qu'ils peuvent interpréter le Qur’ân et les Hâdith avec la même autorité que leurs prédécesseurs tout en sachant qu'ils ne sont pas infaillibles tels les Imams.

La loi religieuse (sharî‘a) étant fondée partiellement sur les hadîths ; le fait que les chiites et les sunnites ne s’accordent pas sur la validité des mêmes hadîths entraîne des différences dans les traditions religieuses, et donc dans la jurisprudence.

Statut de l'Imâm shî‘ite

Article détaillé : Imam.

Dieu ne peut admettre que les hommes aillent à leur perte, donc leur a envoyé les Prophètes pour les guider. Mais la mort de Mahomet met fin à la lignée des Prophètes. Il faut un garant spirituel de la conduite des hommes, qui est une preuve de la véracité de la religion et qui dirige la communauté. L'imam doit remplir un certain nombre de conditions : être instruit de la religion, être juste, exempt de défauts, donc être le plus parfait de son temps. Son investiture divine est confirmée par le Prophète, puis par l'imâm précédent.

À l'inverse des sunnites, les chiites exigent donc que la communauté musulmane soit dirigée uniquement par un descendant de la famille de Mahomet (Ahl al-Bayt). Cette revendication n’avait à l’origine qu’un aspect politique et religieux, mais au fil du temps elle prit une importance fondamentale dans la théologie shî`ite. La conception de l’imamat des chiites est foncièrement opposée à celle du califat admise par la majorité des musulmans. L’imamat, incarnant à la fois le pouvoir temporel et spirituel et inauguré par Ali, est considéré comme la succession du cycle de la prophétie définitivement bouclé par le dernier Prophète Mahomet. L’imâm, qui ne peut être qu’un descendant de Ali, est la Preuve de Dieu (Hujjat Allâh) sur terre, le gardien du sens caché de la révélation et il est un Guide impeccable (ma‘sûm) pour la communauté.

Pour les chiites, les Imâms sont les Guides, les Mainteneurs du Livre. Leur légitimité n'est pas due à leur descendance charnelle du Prophète, mais à leur héritage spirituel, ils ont une connaissance par le cœur du Qur’ân, en expliquant l'ésotérique (batin) aux fidèles. L'imam tire son autorité de Dieu, il est donc impeccable. Selon les chiites, la succession est héréditaire. Mais toutes les tendances ne sont pas d'accord sur la ligne de succession.

Divisions et branches

Article détaillé : Branches de l'islam.

Des divergences à propos de la succession de certains Imâms furent en grande partie à l’origine de l’éclatement du chiisme en d’innombrables groupes. Trois grandes tendances forment l’essentiel du monde chiite d'aujourd'hui : le chiisme duodécimain, le chiisme septimain, dit aussi "Ismaéliens" et les zaydites.

Chiisme duodécimain

Le chiisme duodécimain est le chiisme "historique" : il est majoritaire en Irak (qui a sur son territoire plusieurs villes saintes dont Kerbala), en Iran où le chiisme est religion d'État, ainsi que parmi les musulmans du Liban. Les Duodécimains ne s'éloignent pas fondamentalement du sunnisme et ils ont été reconnus musulmans par l'Institut Al-Azhar du Caire, la plus connue des autorités sunnites du monde.

Pour les duodécimains, depuis l'occultation (ghayba) du douzième imâm, les hommes ne peuvent pas se réclamer d'une autre autorité et ils sont donc libres par rapport au pouvoir temporel en place. Il y a donc une séparation du spirituel et du temporel.

Les oulémas jouent un grand rôle dans la révolution. La doctrine n'est pas figée car le douzième Imâm est toujours vivant : malgré son absence physique, il informe sa communauté de l'expression de sa volonté. L'interprétation reste donc ouverte dans le chiisme et les problèmes nouveaux peuvent recevoir une solution nouvelle. Selon les critères du savoir théologique, les `Ulama peuvent interpréter les signes de l'Imam.

Les autres membres de la communauté se contentent d’imitation (taqlîd) et d’une lecture littérale du Qur’ân. Vision idéaliste de la fin des temps, l'imâm caché renvoie à une face cachée de la révélation. Il faut faire un effort pour arriver à trouver et à comprendre l'ésotérique, au-delà de ce qui est visible.

Actuellement pour le courant majoritaire du chiisme duodécimain, le douzième successeur de Mahomet al-Mahdî disparaît en 874 : c'est l'occultation. Ce phénomène surnaturel d'occultation va permettre de mettre un terme à la question du pouvoir temporel, et donne une dimension eschatologique et religieuse très forte.

Les duodécimains admettent dorénavant passivement l'ordre politique car le douzième Imâm reviendra à la fin des temps et retrouvera son règne. En son attente, aucun pouvoir n'est vraiment légitime, mais le croyant doit attendre le retour de l'imâm tout en faisant des efforts pour s'améliorer spirituellement.

On peut noter que la révolution iranienne de 1979 a en partie rompu avec cette attente en voulant mettre en place un régime religieux et politique juste avant le retour de l'imâm, ce qui a été rejeté par certaines tendances théologiques du chiisme duodécimain.

Article connexe : Imamat.

Ismaéliens

Article connexe : ismaélisme.
Article connexe : Imams cachés (ismaéliens).

Zaydisme

Les Zaydiyya reconnaissent cinq Imâms.

Courants chiites minoritaires

Parmi ces courants - dont certains sont issus du courant ismaélien - on peut citer les Alaouites de Syrie, les Alévis de Turquie et les Druzes de Syrie, de Palestine, du Liban et d'Israël. Ils se sont bien éloignés de l'orthodoxie islamique, si l'on entend par orthodoxie ce qui est commun à la majorité des Musulmans, c'est-à-dire les enseignements du Coran et de la Tradition Mohamédienne, notamment les cinq piliers : l'Attestation de Foi, la prière quotidienne (salat), l'Aumône légale, le Jeûne du Ramadan et le Pèlerinage à La Mecque.

Les différents courants chiites

Les Chiites eux-mêmes sont divisés en plusieurs courants.

Aujourd'hui, l'Iran est le grand centre du chiisme mais ce courant de l'islam existe aussi ailleurs, il n'est donc pas la version iranienne de l'Islam. Les chi'ites sont majoritaires en Iran, Bahreïn, Irak, et ils constituent une minorité dans une quinzaine d'autres pays.

  • Le chiisme duodécimain est la religion majoritaire en Iran et en Irak. On trouve aussi de fortes minorités duodécimaines en Inde et au Pakistan (environ 10% des musulmans), en Afghanistan, dans la péninsule arabique et au Liban ; voir Khoja ;
  • Les Ismaéliens sont très dispersés. Leurs communautés d'origine sont au Pakistan et en Syrie, mais la plupart forment une diaspora, surtout dans les pays anglo-saxons ;
  • Les Zaydites sont surtout présents au Yémen ;
  • Les Alevi, qui sont proches des Alaouites, sont majoritaires en Azerbaïdjan et ils sont environ 25 millions en Turquie. Il y a quelques croyants en Afrique du Nord et dans les Balkans (surtout en Albanie).
  • Les Alaouites, qui sont proches des Alevi, constituent 10 % de la population en Syrie. La famille du chef d'État syrien est issue de cette communauté. On en trouve aussi au Nord du Liban.
  • Les Druzes, vivant principalement au Liban (environ 8% des Libanais) et en Syrie (environ 4% des Syriens).

Les chiites dans le Monde

Pays avec une population musulmane de plus de 10%
vert: Pays Sunnite, Rouge: Pays Chiites, Bleu: Ibadite (Oman)

États dans lesquels les chiites constituent la majorité de la population

États dans lesquels les chiites constituent la majorité des musulmans mais pas de la population

États musulmans dans lesquels les chiites sont minoritaires

Centres d'études religieuses majeurs

Calendrier religieux

Tous les musulmans, sunnites ou chiites, célèbrent les fêtes annuelles suivantes :

Les fêtes suivantes sont célébrées uniquement par les chiites :

  • L'Achoura[6] et la passion d'al-Hussein commémorent le martyre de l'Imâm Hussein. Ce petit fils de Mahomet a été tué par l'armée de Yazid ben Muawiya. L'Achoura est un jour de deuil qui a lieu le 10 du mois de Mouharram. Ce jour du calendrier hégirien est aussi célébré par les autres musulmans ; seulement, alors que les sunnites commémorent l'Achoura aussi bien pour le martyre d'Al-Hussein que pour les multiples miracles antérieurs dont c'est l'anniversaire (accostage de l'Arche de Noé, sortie d'Égypte des Enfants d'Israël sous la conduite de Moïse, etc.) les chiites, eux, célèbrent l'Achoura presqu'exclusivement pour la mémoire d'Al-Hussein.
  • L'Arbayn[7] commémore la fin de la période de deuil de 40 jours suivant la décapitation d'Hussein, ainsi que la souffrance des survivants de la bataille de Karbalâ’, qui ont erré dans le désert avant d'arriver à Damas. Elle est fêtée le 20 du mois de safar.
  • L'`Id al-Ghâdir est la commémoration du dernier sermon de Mahomet, dans lequel il aurait désigné Ali comme son successeur. La fête a lieu le 18 du mois de dhou al-hijja.
  • Al-Mubahila célèbre la rencontre entre « gens de la maison [du prophète] » et les chrétiens du Najran. Al-Mubahila se tient le 24 du mois dhûl-hijja.
  • Le 13 Rajab : Naissance de Ali Ibn Abi Talib le premier imam chiite.
  • Le 17 Ramadan : Assassinat de Ali Ibn Abi Talib

Notes et références

  1. arabe : šīʿa, شيعة
    persan : šīʿah, شیعه
  2. Râfidhites en arabe : rāfiḍ, رافض, (pl.) rawāfiḍ روافض, hérétique ; déserteur, ou rāfiḍī, رافضي, sectaire, dont la communauté est appelée rāfiḍiya, رافضية, sectarisme. C'est le terme employé par Ibn Battûta et après lui par Ibn Khaldoun au XIVe siècle.
  3. arabe : ʿīd al-fiṭr, عيد الفطر, fête de la rupture du jeûne, également appelée : ʿīd aṣ-ṣaḡīr, عيد الصغير, petite fête
  4. arabe : ʿīd al-kabīr, عيد الكبير, grande fête,également appelée : ʿīd al-ʾaḍḥā, عيد الأضحى, la fête du sacrifice
  5. arabe : al-mawlid an-nabawîy, المولد النبويّ, la naissance du prophète
  6. arabe : ʿašara, عشرة, dix, d'où ʿāšūrāʾ, عاشوراء, le dix (du mois de muharram)
  7. arabe : ʾarbaʿīn, أربعين, de ʾarbaʿūna, أربعون, quarante

Annexes

Bibliographie

  • (fr) Henry Corbin, en islam iranien I le shî'isme duodécimain, Collection Tel, Gallimard, Paris, 1991 329 p. (ISBN 2-07-072404-2)
  • Thual François, Géopolitique du Chiisme, Paris, Arléa, 2002.

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