Histoire des mines d'argent

Histoire des mines d'argent

L’histoire des mines d'argent est ancienne. L'argent a donné lieu à une immense activité d'extraction dans l'Antiquité puis au Moyen Âge, le précieux métal étant recherché pour nourrir la montée du commerce et offrir des réserves de valeur alors très rare. Les techniques minières ont rapidement progressé, sous l'influence des migrations de techniciens allemands et des financements des grands marchands italiens puis anversois.

Sommaire

Les Phéniciens fondent des colonies sur des sites marchands ou argentifères

Les Phéniciens peuple antique d'habiles navigateurs et commerçants fondèrent dès - 3000 de nombreux comptoirs en bordure de la Méditerranée orientale, notamment Carthage (en - 814) et surtout le long des côtes de la péninsule ibérique, dont ils exploitaient les mines d'argent et de plomb[1].

Diodore de Sicile écrit à ce sujet : « Le pays des Ibères contient les plus nombreuses et les plus belles mines d'argent que l'on connaisse. Les indigènes en ignoraient l'usage. Mais les Phéniciens, venus pour faire du commerce, achetèrent cet argent en échange d'une petite quantité de marchandises. L'ayant porté en Grèce, en Asie et chez les autres peuples, ils acquirent ainsi de grandes richesses. »

Si l'on en croit Aristote, les Phéniciens qui abordèrent à Tartesse y trouvèrent tant d'argent, que leurs navires ne pouvaient le contenir, « et ils firent faire de ce métal leurs plus vils ustensiles »[2]. Tartesse était située entre les deux bouches du Guadalquivir[3] C'est au VIIIe siècle av. J.‑C., qu'ils fondèrent des colonies en Sardaigne, dont la plus ancienne Sulcis, sur la presqu’île de Sant'Antioco, est voisine du site minier du mont Sirai, à côté de Carbonia. Ensuite vinrent Karalis, Nora, Bithia, près de Capo Spartivento, Tharros et Bosa.

Fondées surtout comme ports devant servir d'escales, les colonies sardes devinrent par la suite des centres de commerce avec les populations locales. La zone géographique ayant le plus de ressources minières est le Sud-Ouest. En Sardaigne, les premiers objets métalliques, de cuivre et d'argent apparaissent dans les tombes avant le milieu de ce IV° millénaire av. J.-C. Ils s'installèrent en Sardaigne vers 1 200 avant J.-C. et fondèrent des villes côtières importantes en exploitant les mines d’argent. Une série de forteresses intérieures montrent qu'ils ont voulu contrôler le centre de la Sardaigne et qu'ils n'ont pu le faire qu'en construisant une sorte de frontière fortifiée contre les autochtones. Les Carthaginois, au rapport de Diodore (Diod. VI), trouvèrent ensuite tant d'or et d'argent dans les Pyrénées, qu'ils en mirent aux ancres de leurs navires

La Grèce Antique : Athènes profite de l’exploitation des mines du Laurion

Article détaillé : Mines du Laurion.

Les mines du Laurion sont d'anciennes mines d'argent, situées dans la pointe méridionale de l'Attique, entre Thorikos et le cap Sounion, à une cinquantaine de kilomètres au sud d'Athènes, en Grèce. De nombreux vestiges de ces mines (puits, galeries, ateliers de surface) marquent encore aujourd'hui le paysage de la région. L'exploitation des mines du Laurion commença dès l'âge du bronze ancien, les analyses isotopiques du plomb présent dans les objets de cette époque indiquant qu'ils étaient fabriqués, pour une large part, avec du métal provenant du Laurion[N 1].

La preuve de cette exploitation au tout début de l'époque mycénienne, au XVIe siècle av. J.‑C. est la découverte à Thorikos un bloc de litharge témoignant de la pratique de la coupellation dès cette époque[4], pratique qui s'est poursuivie puisque d'autres débris de litharge ont été découverts à des niveaux datant de la période protogéométrique (XIe siècle av. J.‑C.). L'exploitation du gisement était alors de surface, le minerai affleurant au contact du schiste et du calcaire.

À l'époque classique, soit la majeure partie des Ve et IVe siècles av. J.‑C., depuis la victoire athénienne de Salamine contre les Perses en -480 jusqu'à la mort d'Alexandre le Grand en -323, les Athéniens déployèrent une énergie et une inventivité spectaculaires pour en tirer le maximum de minerai. Ils y affectèrent notamment de très nombreux esclaves. Cela contribua notablement à la fortune de la cité et fut sans doute décisif dans l'établissement, à l'échelle du monde égéen, de la thalassocratie athénienne.

Le développement de la monnaie athénienne et sa fonction de monnaie de référence dans tout le monde grec à cette époque s'expliquent également par la richesse des gisements exploités au Laurion, qui furent cependant déclassés par les découvertes ultérieures des romains.

Les Romains retrouvent les mines espagnoles des Phéniciens

Le géographe grec Strabon (-64 av JC) cite un fragment de texte de l'historien et homme d'État Polybe (né entre 210 av. J.-C. et 202 av. J.-C), selon lequel les mines d'argent qui étaient à la source du Bétis, où quarante mille hommes étaient employés, donnaient aux Romains vingt-cinq mille drachmes par jour, dans ce qu’on appelait les montagnes d'argent (mons argentarius).

Le Bétis est le nom que portait à l'époque romaine le Guadalquivir, fleuve espagnol (d'où le nom de la province Bétique). Les Romains n'ayant guère que des mines de cuivre et peu de mines d'argent, et les Grecs ne connaissant que les mines d'Attique, peu riches, ils furent étonnés de l'abondance de celles de cette région.

Le tribut en plomb d’une mine charentaise d’argent à Dagobert

Au tout début de l'époque carolingienne, les mines de Melle, en Poitou, situées sous la ville et aux alentours, fournissent la part la plus importante de l'argent produit dans l'Empire[5]. Celles-ci ont été exploitées de 602 jusqu'à au moins 995. Le minerai extrait était de la galène : du plomb contenant de l'argent. Le plomb servit tout d'abord à payer un tribut aux rois Francs : sous Dagobert Ier), huit mille livres en étaient envoyées tous les ans à Paris pour servir à la couverture de la basilique Saint-Denis. Plus tard, le monnayage fut actif de 768 à 1189. L'atelier monétaire faisait notamment partie des dix ateliers autorisés à maintenir leur activité par Charles le Chauve. (823-877), les carolingiens ayant décidé d’utiliser l’argent pour les monnaies. Deux monnaies étaient frappées : l'obole et le denier. Ces anciennes mines d'argent sont les plus anciennes mines visitables d'Europe.

Les Carolingiens lancent l’industrie minière allemande

Les carolingiens, dominant l’Allemagne après la mort de Charlemagne en 814, décidèrent de ne frapper que des monnaies d’argent. Le monométalisme va durer quatre siècles, jusqu’à la frappe après 1250 du Louis d’or de France, du ducat de Venise et du florin de Florence[6].

Les mineurs allemands furent très tôt des spécialistes des techniques minières[6], qui leur ont permis de creuser de nombreuses mines d’argent dans toute l’Europe centrale, s’assurant des flux de métal régulier alors que l’or était beaucoup plus difficile à trouver. Ces mineurs spécialisés étaient de perpétuels migrants. Lors de la récession d'un district vieillissant, ils sont toujours à l'affût du voyage en direction de la contrée parfois lointaine qui saura véhiculer la rumeur d'un nouvel essor.

Des centres d'extraction apparaissent alors dans le Harz, également appelé Basse-Saxe. L'exploitation des mines d'argent y est notifiée dès 968 après Jésus-Christ (près de la ville de Goslar) et dans les siècles suivants, dans presque tout le massif montagneux, surtout de 990 à 1040, lorsque les ottomans s’y intéressent, d’autant plus que ce minerai argentifère a une forte teneur en or[7]. Le minerai est exporté vers des endroits très éloignés, jusqu'en Mésopotamie). Le Rammelsberg, montagne haute de 636 mètres au sud de Goslar, fondée au Xe siècle, est notamment connue pour ses mines classés sur la liste du patrimoine mondial.

1168, le filon de Meissen, en Saxe, incite les mineurs à multiplier les explorations dans toute l'Europe

En 1142, un monastère cistercien avait été fondé à Sedlec, près de l’énorme mine de Kutna Hora, en Bohème[8], qui a représenté jusqu'au tiers de la production européenne, par Miroslav de Cimburg, un noble de l'entourage de Vladislav II, sur une terre déjà défrichée et cultivée, et dont la maison-mère était Valdsassen (Rhénanie-Palatinat) de la branche dite de l’abbaye de Morimond qui s'occupe de métallurgie. Un siècle et demi, plus tard, le gisement va devenir la première mine du monde.

Entre temps, en 1168, une veine d'argent extraordinairement riche fut mise à jour près de Meissen, au Sud-Est de la Saxe, à vint kilomètres de Dresde et de la ville médiévale de Freiberg, qui brûla quelques décennies plus tard. La mine donne 4 tonnes d’argent au cours de ses premières années, sous la direction du margrave, rebaptisé « Otto le riche », dont le petit-fils[9] Henri l'Illustre, gouverna de 1195 jusqu'en 1255, au temps de la reconstruction de l'église de Meissen, qui possédait des tours pleines d'argent. Dans un tournoi qu'il donna à Freyberg, il fit apparaître au milieu d'une forêt, à la grande admiration des conviés, un arbre d'argent ciselé avec un art infini, et chargé de feuilles d'argent et d'or. Les chevaliers qui rompaient une lance sur le corps de leur adversaire obtenaient la feuille d'argent ; ceux qui faisaient vider les étriers, la feuille d'or. Il commença à bâtir la citadelle de Dresde et à y tenir cour, après l’incendie qui avait dévoré Meissen. Il releva une cathédrale à Meissen et fonda nombre de monastères, lançant une ère de renouvellement dans la vie des peuples saxons et de leur art[10].

Au même moment, dans les Alpes orientales, en Carinthie, sur le territoire de l’évêque de Salzbourg, la mine de Friesach produit elle aussi des quantités considérables. Egalement à cette époque, dans les "monts métallifères" de Toscane, les mine de Montieri fut mise à jour[11].

Ces trois mines étaient les plus importantes d’Europe[11], stimulant l’appétit des mineurs. En 1220, nouvelle découverte à Inglau, à la frontière de l’Autriche et de la Moravie, qui permet de compenser l’épuisement des mines de Friesach et le déclin de celles de Meissen. De 1253 à 1274, elles produisirent 4 tonnes d’argent par an, sous le règne d’Ottokar II, roi de Bohème. Ensuite, dès 1280, les mines de Sardaigne prirent le relais des mines de Montieri, alors épuisées[12], tandis qu’en 1290, la plus grande de toutes les mines était découverte à Kutna Hora, produisant 6 à 7 tonnes par an en moyenne, avec des pics à 20 ou 25 tonnes.

La colonisation allemande en Slovaquie après 1241

Les Allemands contribuent à l'histoire des mines hongroises et slovaques. Les colons de la région de Spiš étaient connus comme les Zipser Sachsen, ou Saxons de le Zips et du château de Spiš.

Les Allemands des Carpates colonisèrent ainsi la Slovaquie depuis le XIe siècle jusqu'au XVe siècle, la plupart après la fin de l'invasion des Mongols de 1241, bien qu'il ait eu probablement des colonies isolées dans la zone de Bratislava plus tôt. Ils s’installent ainsi à Spana Dolina en 1242.

Les Allemands étaient attirés par des rois qui cherchaient des spécialistes dans différents métiers, tels que les artisans et les mineurs. Les allemands étaient des spécialistes des techniques minières[6]. En Slovaquie, ils ont extrait surtout du cuivre, ainsi que de l’argent et de l’or, répartis dans de nombreuses mines de taille moyenne, qui se sont modernisées à la fin du XVe siècle.

Les zones principales de colonisation se situaient à proximité de Bratislava (allemand : Pressburg) et dans quelques îlots linguistiques dans le Zips et du Château de Spiš, ainsi que dans le Hauerland. On les trouve à Spana Dolina[13] et Banská Štiavnica, où ils contribuent à l'histoire des mines hongroises et slovaques. Les colons de la région de Spiš étaient connus comme les Zipser Sachsen, ou Saxons de Spiš.

La région minière d’influence germanique compte sept villes minières de Hongrie, dans l’actuelle Slovaquie centrale : Königsberg (Nova Bana), Schemnitz (Banska Stiavnica), Kremnitz (Kremnica), Neusohl (Banska Bystrica), Bugganz (Pukanec), Diln (Banská Belá), Libeten (Ľubietová).

1258 à 1326 : l'histoire minière de Sardaigne prend son essor grâce à Pise

En 1258, Ugolin della Gherardesca(1220-1289), comte de Donoratico et tyran de Pise, passé à la postérité pour avoir servi de modèle au héros damné de la Divine Comédie de Dante, fonda à la pointe Sud-Ouest de la Sardaigne, Villa di Chiesa (aujourd'hui Iglesias)[14], et l'une des plus importantes mines d'argent de la chrétienté[15], à six kilomètres au sud du site minier de Fluminimaggiore et son magnifique temple romain d'Antas[16] Le site devint le premier domaine du Comte puis en 1302 fut soumis à la souveraineté directe de Pise.

Ugolino opérait sur un territoire de 500 kilomètres carrés nommé Argentaria del Sigerro en honneur de son sous-sol. Il favorisa le transfert des connaissances minières toscanes en Sardaigne. Le principal résultat de la politique démographique des Donoratico fut l'essor et le développement de Villa di Chiesa, l'actuel Iglesias. Les mineurs sardes fournirent 15 tonnes d’argent par an à Pise pendant la période qui va du XIIe au XIVe siècle. La splendeur de la ville toscane fut donc en partie créée par environ 6 500 metallari à Villa di Chiesa. Les pisans reprirent le travail des Romains en ouvrant de nombreux puits et en redécouvrant les anciens. Une série de lois réunies dans un codex subdivisé en quatre tomes appelé le Breve di Villa di Chiesa[17] organisait l’activité dans les mines.

Ce codex insistait sur la réglementation de l'extraction de l'argent. La peine de mort était prévue non seulement pour ceux qui volaient de l'argent ou des minéraux en contenant, mais aussi pour les fondeurs traitant des minéraux volés. Les mineurs utilisaient de petites pioches et d'autres outils manuels, préparant au feu la roche plus dure, travaillant douze heures par jour, du lundi midi au samedi midi. Le travail était suspendu l’été, les régions côtières étant exposées au paludisme.

Pise a perdu ses domaines sardes en 1326 en faveur de la couronne du Royaume d'Aragon, qui prit contrôle elle-même des mines dans le but d'éviter des disputes entre les nobles aragonais. La perte de l'argent sarde fut le début du déclin de Pise, alors rivale avec Lucques et Florence. Lors de la conquête totale de l'île, les aragonais cherchèrent à donner un nouvel élan à l'extraction de l'argent : douanes, impôts et droits de la couronne sur les minerais furent allégées. Mais sans succès : l'activité minière subit un déclin continu sous la domination aragonaise. La Sardaigne, autrefois l’une des premières origines d'argent, devra importer le métal précieux depuis les possessions espagnoles du Nouveau Monde.

En 1284, une écluse et un canal de 22 kilomètres en Forêt-Noire

Relancée en 1170, la recherche de gisements nouveaux s’étendit vite à la Forêt-Noire, avant de gagner plus tard les Vosges. L’exploitation de l’argent débute vers 1200 dans les mines de Segen Gottes, sur la commune de Haslach avec trois étages de galeries creusées dans le massif granitique, en Forêt-Noire, dans le Bade Würtemberg, en Allemagne.

Les mines de plomb et d'argent de Glottertal, les plus riches du Brisgau, appartenaient aux comtes de Freiburg et virent la construction d'une écluse (la première en Europe centrale) et d’un canal de 22 kilomètres en 1284, le canal "Urgraben". A travers de trois carrefours d´eau, il menait du "Zweribach" à Suggental et à Glottertal. Le canal faisait fonction d´un bassin de réception de l'eau qui venait de la côté Ouest du mont Kandel, d'une hauteur de 1243 mètres, est entouré des communes de Waldkirch, Simonswald, St. Peter et Glottertal[18].

De véritables villes minières éclosent en Forêt-Noire au XIIIe siècle, et surtout au XIVe siècle, comme Prinzbach, Neubulach, Todnau, Munster et Sulzburg. Prinzbach s’est métamorphosée plus tard en modestes villages et Munster a été effacée de la carte.

Venise prend l’avantage sur Gênes et Florence pour le grand commerce, grâce à l’argent allemand

L’argent des diverses mines découvertes par les mineurs allemands en Saxe, en Forêt-Noire, en Slovaquie ou en Bohème est expédié à Venise sous forme de lingots par des négociants allemands, dont « Bernard l’Allemand ». Plus tard, Venise profitera de l’énorme mine de Kutna Hora, en Bohème, où des techniciens allemands lui assurenbt un flux régulier d'approvisionnement à bon compte, sécurisant l'importation des marchandises du monde arabe et des Indes, où l'argent est demandé en échange des précieuses épices.

Ce lien vénitien avec l'Asie est consacré triomphalement en 1295 par le retour de Marco Polo. Plus près encore de Venise, les mines du Tyrol connaissent alors à leur tour une première phase d’expansion, à la fin du XIIIe siècle. Les arrivages d’argent allemand à Venise culminent vers 1340, puis déclinent, après avoir fait la richesse de la ville, qui s'est équipée un immense flotte, l'arsenal de Venise quadruplant sa surface entre 1304 et 1325[19], grâce aussi à la création en 1297 d'un système d'enchères, l'Incanto des galées du marché.

La rivale Gênes, pourtant bien placée aussi pour capter les épices de l’Asie, n’en profite pas, faute d'accès à des mines d'argent. Les rivales toscanes, Pise puis Florence, tentent de la seconde moitié du XIIIe siècle de s'assurer des flux d'argent, Pise n'y parvenant que jusqu'en 1326 et Florence profitant progressivement de sa nouvelle monnaie, le florin, pour se spécialiser dans le tissage et devenir un pilier de l'histoire de la laine et du drap.

Florence, Gênes, Venise créent des monnaies en or

La demande d'argent sera réduite lorsque trois grandes cités marchandes d'Italie décident de jouer la carte de l'or en créant chacune une pièce fabriquée dans ce métal, plus difficile à rogner. C'est un coup de frein à l'intense exploration minière, mais très progressif, ces nouvelles monnaies mettant du temps à s'imposer, sans complètement évincer l'argent.

Le florin, principale monnaie du Moyen Âge et la première en or, est créé en 1252 par la corporation des changeurs et banquiers (Arte del Cambio) de Florence, l'une des cinq corporations majeures. Florence est suivie 12 ans après par le Roi de France Louis (Saint-Louis) qui créé en 1264 le gros tournois d'argent et l'écu, appelé aussi Louis d'or, interdisant par la même occasion au féodaux de battre monnaie. Puis c'est Venise qui créé en 1284 le ducat d'or, selon Les Révolutions industrielles du Moyen Âge, de l'historien Jean Gimpel. Le Gros de Prague, en argent, suit en 1300 grâce à la découverte de Kutna Hora en 129.

Le florin d'or vaut deux florins d'argent et sa pureté va peu à peu l'imposer. Sa fabrication est dirigée par deux signori della zecca élus tous les six mois par les capitudini des arts, appartenant l'un à la corporation des changeurs l'autre à celle des lainiers, auxquels on adjoignait deux essayeurs de l'or et l'argent[20]. Il s'apprécie progressivement par rapport au florin d'argent. Le premier sert à l'investissement, le second au commerce quotidien[20].

1290, fièvre de l'argent en Bohème après la découverte du plus gros gisement de l'histoire européenne

En 1290, éclate la « fièvre de l'argent » à Kutna Hora,: par milliers les gens affluent, en majorité allemands (voir Drang nach Osten). Une cité minière est fondée pour abriter la dizaine de milliers de mineurs, avec un statut de ville royale et des exemptions fiscales.

En 1300, Venceslas II promulgue un code royal, le Jus regale montanorum, qui détermine les bases de l'extraction minière et constitue, entre autres, une sorte de code du travail très en avance pour l'époque. Une réforme monétaire remplace les différents deniers frappés par les ducs ou les villes pour créer le Gros de Prague.

Le caractère géostratégique des mines d'argent pousse les rois de Bohême a édifier des fortifications « en dur » qui remplacent les palissades provisoires, ce qui permet de repousser les tentatives d'invasion d'Albert d'Autriche en 1304 et 1307. L’argent a permis à la ville de financer la construction d'églises et de monuments et maisons magnifiques inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO[8].

Puis au XVe siècle, l'extraction du minerai commence à faiblir. Les autres mines exploitées ensuite en Europe n'atteignirent pas, loin s'en faut, la même production et leur production était immédiatement aspirée par l'Italie et par l'Orient pour combler le déficit constant de la balance des paiements[21], aboutissant vers 1450 à une « famine d’argent », sur fond d’épuisement des grands gisements, de fin de la guerre de Cent Ans puis de découvertes des navigateurs portugais en Asie. La découverte du riche filon d’argent à Meissen en 1168 avait entre temps incité les mineurs allemands à se lancer aussi dans la prospection à travers les monts métallifères[22], à la frontière entre l’Allemagne et la Bohème, puis des recherches couronnées de succès, comme le montre l’histoire des mines hongroises et slovaques de Transylvanie, dans les Alpes orientales, et au Tyrol.

L'accord entre la couronne anglaise et les Frescobaldi de Florence

En cinq ans, de 1292 à 1297, les mines du Devon produisirent la valeur de 4046 livres d’argent et 360 livres de plomb. Un an plus tard, en 1298, la production des mines d’argent du Devon doubla, grâce au creusement des "areines", des galeries de drainage légèrement inclinées qui permettent d’évacuer à flanc de colline l'eau des mines[23]. Nécessitant près de cent mineurs, elles furent efficaces, permettant d’exploiter la mine été comme hiver[24].

En 1297, le roi d'Angleterre décide de sanctionner le roi de France Philippe le Bel, qui avait en 1294 puis 1296 dévalué l'écu (Louis d'or) en diminuant son poids d'or : il décide le blocus des exportations britanniques de laine brute vers la France, ce qui pénalise les quatre villes tisserandes de la Flandre/Nord de la France (Arras, Ypres, Bruges et Gand) et provoque plus tard en 1302 à Bruges un révolte ouvrière se traduisant par l'assassinat de centaines de Français.

Les florentins ont au contraire créé un des premiers « hôtels des monnaies », la corporation des changeurs opérant sur le « punto veccio » à Florence, corporation qui créa en 1252 une monnaie en or, le florin. Pour que celle-ci s’apprécie contre l’argent et devienne une monnaie recherchée, ils encouragent les anglais à produire plus d’argent-métal, ce qui aura pour effet de dévaluer l’argent face à l’or.

La famille Frescobaldi signe en 1299 un contrat avec Londres permettant d’acheter le minerai au prix de 5 sous la charge, au maximum, l’une des onze clauses prévoyant un éventuel prix plus bas si les deux parties s’accordent. Par ailleurs, le contrat de location prévoyait un tarif de 20 sous par charge, le roi devant de son côté payer les dépenses de matériel occasionnées par l’extraction[25]. Les mines ne sont louées que pour un an, contrat reconductible, le but étant d’inciter les italiens à développer le site, comme dans un financement de projet[26].

Ne parvenant pas à obtenir le minerai au tarif réduit espéré, ni à produire à un coût aussi bas qu’espéré, ils subirent des pertes et ne renouvelèrent pas leur contrat. Le roi d’Angleterre reprit l’expoitation à son compte et en 1305, elle rapporta encore plus qu’en 1298. Au cours du XIVe siècle, la production d’argent du Devon s’épuise, malgré les prospections opérées par des mineurs allemands appelés par le roi.

L'argent du Devon sert à financer la guerre de Cent Ans

La mine d’argent de Combe Martin, située dans un village du nord du Devon, tout près de la Cornouaille, fut l’un des plus riches gisements d’argent de l’histoire de l’Angleterre. L’historien anglais William Camden (1551–1623) écrivit en 1607 une étude détaillée de la topographie des îles britanniques, appelée « Britannia », dans laquelle il explique que le roi d’Angleterre utilisa l’argent de la mine de Combe Martin pour financer la guerre contre la France, qu’il mena de 1312 à 1377[27]. Son frère John d’Eltham, était comte de Cornouaille et en 1337, le comté fut érigé en Duché. La région a toujours été considérée comme stratégique par les rois anglais, spécialement depuis l’invasion normande de 1066.

Lors de cette guerre de Cent Ans, la couronne d'Angleterre prit l’avantage grâce aux premiers vrais canons, qui perforent les murs des citadelles françaises. C'est la famille Peruzzi de Florence qui prête, en prenant des gages sur les mines du Devon, rachetées aux Frescobaldi par la Couronne d'Angleterre.

William Camden écrit dans le même livre que l’agent de cette mine a aussi servi à financer la « chevauchée en France » d’Henri V (1387 – 1422), qui monta sur le trône en 1413 et lança en août 1415 une grande campagne de conquête de la France, s’emparant d’Harfleur, le 22 septembre, puis de Calais et remportant en octobre la célèbre victoire d’Azincourt avant de gagnée ensuite à Crécy et Poitiers.

L’argent de Serbie profite d’un regain d’intérêt pour l’or au XIVe siècle

La ville de Novo Brdo est citée par Raguse pour ses minerais mixtes, associant l'or et l'argent, très recherchées à partir des années 130[Combien ?], lorsque la demande d'or a commencé à augmenter dans le sillage du succès progressif de la décision de frapper des monnaies d'or dans les grandes cités commerciales italiennes[28]. Le florin d'or a en particulier permis aux drapiers de Florence de capter la matière première anglaise à leur profit dans les années 1300.

La première mine serbe connue est Brskovo, mentionnée en 1254, où travaillent des mineurs saxons. Leur activité en Serbie, et plus tard en Bosnie, a été importante pour l'expansion des mines. Ils ont apporté leur technique, leur vocabulaire et ils ont formé les cadres locaux. Au siècle suivant apparaissent les mines de la région de Kopaonik, de Novo Brdo, puis au Nord de la Serbie celles de Zeleznik. En Bosnie, le mouvement suivit mais avec un retard de près d'un siècle. Les archives ne mentionnent qu'en 1349 le nom de la mine d'Ostruvznica[29]. La grande peste a touché la population européenne entre 1347 et 1351 tuant entre 30 et 50 % de la population pénalise ces nouvelles mines, son impact ne s'atténuant progressivement. En 1450, la ville de Novo Brdo, construite sur le cône d'un ancien volcan, n’a plus vraiment de rivaux. Elle produisit cette année-là 6 tonnes par an d'un argent, contenant une forte proportion d'or.

Les mines du sud des Vosges, ouvertes vers 1350, après la dépression causée par la grande peste

Dans les Vosges, au pied du Ballon d'Alsace, Giromagny était au cœur d'une vaste concentration de mines. Vers le milieu du XIVe siècle, après la prise de possession de la région par la Maison d'Autriche, une activité minière se développa le long de la rivière Savoureuse. Les mineurs ont alors un problème à résoudre : la pénurie de main-d’œuvre, car la grande peste, qui déferle à partir de la fin des années 1330, décime les populations en Europe. Il faut importer des mineurs, en bâtissant près de la mine une cité minière du type de celles qui se sont développées en Forêt-Noire.

La demande d'argent a commencé à diminuer, la grande peste ayant ralenti les échanges commerciaux et l'activité économique. L'âge d'or de ces gisements se situera plutôt entre le milieu du XVIe et le début du XVIIe siècle : les travaux s'enfoncèrent de plus en plus profondément nécessitant l'installation de machines d'exhaure perfectionnées. De nombreuses réserves d'eau furent établies (étangs) ainsi qu'une dérivation de la rivière Savoureuse. La guerre de Trente Ans accéléra le processus d'abandon des mines du secteur[30].

La famine monétaire de la fin du Moyen Âge

L'effondrement de la masse monétaire à la fin du Moyen Âge est mesuré par un autre exemple évocateur : les Valenciens, en 1451, refusent d'acheter à Jacques Cœur en invoquant comme une raison plausible que tout l'argent en circulation dans la ville ne suffirait pas à payer les marchandises chargées sur ses nefs. Par ailleurs, les tout-puissants Médicis n'auraient été, par leur chiffre d'affaires, qu'une compagnie de second ordre au début du XIVe siècle[7].

À la fin des croisades, les «paiements politiques» avaient déjà contribué à un premier déficit. Les 100 000 livres parisis dépensées par saint Louis en Terre Sainte, en plus de sa rançon, ou les 750 000 livres sterlings dépensées par Édouard Ier en 1294-1298 représentent 100 ou 300 tonnes d'argent et ces versements massifs ont souvent réduit le stock monétaire, d’autant plus que la mine d’argent de Combe Martin, dans le Devon s'est ensuite épuisée, faute d’investissement, dans la deuxième partie du XIXe siècle.

En Angleterre, la quantité d’argent en circulation fut d’abord mutipliée par dix entre le milieu du XIe siècle et le milieu du XIIIe siècle, pour atteindre 100 000 deniers d’argent, selon les estimations. À la fin du règne du règne d’Édouard Ier (1239 – 1307), c’est 400 tonnes, soit plus qu’à la fin du règne d’Élisabeth Ire (1553 – 1603), chiffre qui montre à quel point la circulation d’argent a chuté à la fin du Moyen Âge puis à la Renaissance, incitant à la relance par la reine de la mine d’argent de Combe Martin[31]

L'ouverture de la route maritime portugaise vers l'Inde stimule la demande d'argent

En 1453, la chute de Constantinople fragilise la route des épices par l'Asie, imposant la recherche d'autres voies pour le commerce des épices. L'Empire colonial portugais s'étend en 1483, quand Diogo Cao atteint l'embouchure du Congo. En 1488, Bartolomeu Dias dépasse le cap de Bonne-Espérance et Vasco de Gama arrive aux Indes en 1498. Dès 1501, les navires portugais jettent l'ancre dans le port d'Anvers pour y ramener du poivre de l'Inde[32], selon Fernand Braudel, qui observe que le roi du Portugal a choisi Anvers, car « la grosse clientèle du poivre et des épices est l'Europe nordique et centrale »[32].

L'Inde, passée maître dans l'orfèvrerie, demande en échange de l'argent, stimulant la demande et nécessitant une renaissance des mines allemandes, ce qui fait la force d'Anvers, les marchands allemands, particulièrement de la Haute-Allemagne, s'étant installés massivement depuis plusieurs années dans la ville[32]. Ce sont eux qui auraient les premiers préférés le port de l'Escaut à Bruges[33].

Officiellement fondée en 1508 à Anvers, la Feitoria de Flandres ne fait qu'officialiser le rôle pris par la ville depuis 1501 comme tête de pont de l'empire commercial portugais, la Casa da Guiné, devenue en 1503 Casa da India, à l'intersection des colonies du Brésil de l'Afrique et des Indes.

Les progrès techniques permettent au Tyrol de dominer à partir de 1490

Ce qui s'était passé dans le Rammelsberg au XIIIe siècle, puis à Meissen au XIVe, se reproduit dans la haute-vallée tyrolienne de l'Inn au XVe siècle, en Autriche,à 100 km au sud de Munich, à mi-chemin entre la frontière avec la Bavière et la métropole des Alpes, Innsbruck.

Les quelque 500 kilomètres de galeries des mines d'argent de Schwaz, où travaillaient jusqu'à 11 000 ouvriers et d’où est sorti à un moment 85% de l'argent mondial s’étendent au XVe siècle, l'extraction appartenant à de nombreux mineurs indépendants[34].

L'exploitation se rationalise et tombe progressivement dans les mains de Jacob Fugger, qui au XVIe siècle, à l'apogée de la mine, tente de contrôler aussi le monopole de l'exploitation du cuivre en Europe. Schwaz est alors la seconde ville d'Autriche et une monnaie, le Taler est fondue à Hall, dans la vallée de l'Inn. C'est dans ces mines que le médecin Paracelse travailla comme mineur en 1502, puis en 1506 comme chimiste à l'école des mines de Villach, où enseigne son père, avant de partir en 1521 sur d'autres sites miniers gérés par des allemands, à Banská Bystrica.

On extrait aussi à Schwaz 25 tonnes de cuivre par an à partir d'un minerai à 5% de cuivre, souvent mêlé à l’argent. En 1490, des mineurs venus de Nuremberg améliorent le procédé de séparation des métaux, par adjonction de plomb, ce qui permet d'obtenir 1,38 kilo d'argent pour 100 kilos de cuivre contre 0,79 kilo auparavant, doublant d'un seul coup la production de la mine de Falkenstein[31] et permettant à la ville d'Anvers, débouché portuaire éloigné de commercer à meilleur compte avec l'orient[35].

Ce progrès techniques technique incite au percement de galeries jusqu'au dessous du niveau de la nappe de la vallée de l'Inn, ce qui provoque de continuelles infiltrations d'eau. Plus de 600 ouvriers travaillent en permanence à son évacuation. En 1553, l'installation d'une roue hydraulique, remplace le travail de plusieurs centaines de ces ouvriers. D'autres mines d'argent, à 20 kilomètres à l'ouest, à Rattenberg ou Kitzbühel, permirent la construction du château Matzen. Tout proche, le haut-plateau de la Wildschönau, comptait aussi les mines d'argent de Thierbach. L'un des propriétaires des mines acheta en 1520 le château de Reichersbeuern ou château de Sigriz (Schloß Sigriz), en Haute-Bavière dans le village de Reichersbeuern qu'il transforma en château renaissance. Le château de Tratzberg, juste à côte de ScWhaz. De l'autre côté de la frontière suisse, 0 Zillis Grisons furent creusées les mines d'argent d'Alp Taspegn.

La fortune des Fugger, qui assurait la livraison de l'argent du Tyrol sur le marché d'Anvers, s'accrut de 54% entre 1511 et 1527, selon Fernand Braudel[36]. À la mort de Jacob Fugger, sa fortune fut scrupuleusement estimée à 1,60 million de florins, dont 0,38 million pour les marchandises en stock, principalement du cuivre, 0,4 million pour les créances sur les princes, ou encore 0,15 million pour les immeubles à Augsbourg, Anvers, et Rome, Jacob Fugger ayant tissé un réseau de succursales à travers l'Europe.

Les Vosges centrales, un cycle presque contemporain de celui des Amériques

La pénurie de métaux précieux favorisa l’essor des mines des Vosges, au Val-de-Galilée (La Croix-aux-Mines) et à son voisin d'une douzaine de kilomètres, le Val d'Argent (Sainte-Croix-aux-Mines et Sainte-Marie-aux-Mines),de part et d'autre de la rivière qui sert au lavage et à la fonderie, la Lièpvrette, gisement située en partie sur les terres des Ribeaupierre, où fut bâtie dès l'époque carolingienne le prieuré de Lièpvre.

Les mines d'argent, de cuivre et de mercure ont été exploitées dès le Xe siècle dans le Val-de-Galilée (La-Croix-aux-Mines) au bénéfice des monastères de Moyenmoutier et de Saint-Dié. Les trois principales exploitations se nommaient Saint-Nicolas, Saint-Jean et Chipal. La production décline en 1538 après vingt ans d’activité et avoir connu un maximum en 1532, à 6.386 marcs d'argent fin (soit 1.563 kg) envoyé à la Monnaie de Nancy.Les mines sont laissées plus ou moins à l'abandon après 1670, les fermiers du roi n'y trouvant plus leur compte.

Au Val d'Argent (Sainte-Croix-aux-Mines et Sainte-Marie-aux-Mines), l’activité a culminé plus tôt, en 1529, et duré plus longtemps. Les premières mines sont Notre-Dame-du-Val-de-Lièpvre et Saint-Jacques, dans Sainte-Marie-aux-Mines. Amorcée en 1512[37], l’activité est freinée par des conflit de territorialité. La recherche reprend en 1518 avec le creusement de six mines à Sainte-Marie-aux-Mines et d'un à l'Allemand-Rombach [38], vallon à 9 km au nord-est. La découverte en 1526 des mines Sainte-Anne, Herrschafft et Saint-Jean à Musloch étend l'activité minière aux vallons voisins : Stimbach et Sainte-Croix. En 1527, 23 mines sont exploitées[39].

Partie de Sainte-Marie-aux-Mines et Musloch, la « ruée vers l’argent » s’étend en 1529 à tous les vallons, avec 88 nouvelles mines : 9 à Musloch, 7 à Sainte-Marie-aux-Mines, 6 à Stimbach, 6 à l'Allemand-Rombach, 6 au Petit-Rombach, 6 à Ysenreyn, 6 à Ysembach, 5 au Grand-Rombach, 5 à Lièpvre, 4 à Saint-Pierremont, 4 à Saint-Blaise, 3 à Sainte-Croix, 3 à Schwymbach, 1 à Fénarupt. Les 25 mines déjà en activité continuent et au total 113 sites sont exploités au cours de l'année 1529[40]. Quatorze nouvelles mines ouvrent ensuite entre 1532 et 1535 dans le vallon de Fénarupt. De 1532 à 1537, 10.194 florins, 9 gros, 1/2 deniers y sont investis, soit 35,13 % des dépenses totales d'exploitation des mines ducales. Mais, aucun ne produira d'argent. Dès 1536, les investissements se réduisent.

Dès 1546, soit à peine 22 ans après le décollage, une raréfaction drastique du bois oblige à en chercher beaucoup plus loin[41]. Et dès 1559, le déclin des productions, malgré le redressement effectué entre 1569 et 1571, marque l'ensemble des mines du Val d'Argent ducal, même celles de Saint-Pierremont, de loin les plus productives. Encore respectable de 1572 à 1574, la quantité d'argent produite en 1583 ne représente plus que 26,5 % de celle de 1574.

Le déclin des productions, 1538 et 1559, correspond à la saturation du marché mondial, d’abord causé par les mines espagnoles, puis par la montée en puissance du Potosi en Bolivie. L'ensemble des Vosges centrales, comptait 56 fonderies à la Renaissance, autour des sites d'extraction, le plus souvent en séries le long d'un même cours d'eau. La concentration du minerai et l'élimination de sa gangue s’effectuait grâce à un court bief de dérivation. Les champs d'épandage des boues de lavage, parfois étendus sur plusieurs centaines de mètres, généraient des conflits entre paysans et mineurs.

Un réveil de l’activité, sans égaler son ancien niveau, se produit dans les années 1710, soit 75 ans après le déclin des années 633-1637), sur fond de guerre de Trente Ans. Quelques biefs de dérivation des rivières sont alors tracés ou rafraîchis. Les 70 kilomètres de réseaux souterrains ont fonctionné pendant plusieurs siècles sans apport thermique, créant un véritable musée des techniques minières. Sainte-Marie-aux-Mines a conservé 56 demeures de l'époque Renaissance, parmi lesquelles 12 maisons à tourelles et deux habitations de mineurs de modeste condition, sans étage ni ornementation. Un tunnel routier permet d'y traverser les Vosges de part en part.

La montagne d'argent du Potosi bolivien livre 240 tonnes d'argent en moyenne par an, entre 1560 et 1580

Potosí est fondée en 1545 pour exploiter les mines dans la montagne qui surplombe la ville, le Cerro rico. Le métal alimente les caisses de la couronne espagnole qui le dilapide au détriment de la production locale[42]. Colbert écrit à cette époque : « Plus un État fait de commerce avec l'Espagne, plus il possède d'argent »[43].

Potosi bolivien livre la plus grande partie de l'argent expédié d'Amérique latine en Espagne, soit 240 tonnes d'argent en moyenne par an, entre 1560 et 1580, pour un total de 4800 tonnes[44]. Encore aujourd'hui, l'expression vale un Potosí (« cela vaut un Potosí » — citation du Don Quichotte) — s'emploie en espagnol à peu près avec le même sens que l'expression française « c'est le Pérou », dont l'origine historique est la même, le Potosi étant à l'époque situé au Pérou et la Bolivie n'existant pas encore.

Nouvelle « famine monétaire » pour l'Europe et l'Asie entre 1680 et 1720

L'effondrement de la masse monétaire à la fin du XVIIe siècle est mesuré par la baisse de la production du Potosi bolivien, qui fournissait alors la plus grande partie de l'argent utilisé dans le monde, en particulier pour le commerce hollandais à travers l'Asie. Les nombreux conflits militaires de la fin du XVIIe siècle, en particulier la guerre de la ligue d'Augsbourg, désorganisent les circuits commerciaux. Les Anglais ont en 1655 pris la Jamaïque aux Espagnols et en font une large base d'accueil des aventuriers, corsaires et pirates, dirigés par Henry Morgan, qui lance de grandes expéditions à Cuba en 1668, à Maracaibo (Venezuela) en 1669 et Panama, à tel point que Londres en fait un gouverneur de la Jamaïque ensuite pour tenter de l'assagir.

« Les marchands européens, pour poursuivre leur profitable commerce d'Asie, sont eux-mêmes à la merci des arrivées à Cadix de l'argent américain, toujours irrégulières, parfois insuffisantes. L'obligation de trouver à tout prix les espèces nécessaires au commerce asiatique ne peut être ressentie que comme une servitude. De 1680 à 1720 en particulier, le métal se fait relativement rare, son prix sur le marché dépasse le prix offert par els hôtels de monnaies. Le résultat, c'est une dévaluation, de fait, des monnaies décisives, le florin et le sterling, et une dégradation pour la hollande ou l'Angleterre des terms of trade avec l'Asie », selon l'historien Fernand Braudel[45].

La production d'argent du Potosi, dans la cordillère des Andes ayant atteint 7 à 8 millions de pesos par an à la fin du XVIe siècle, elle avait éclipsé et découragé les autres sources minières d'argent. Ensuite, elle décline très progressivement à partir de 1605, stagne entre 1650 et 1680, puis décline franchement à partir de 1680, au moment où les trois expéditions pirates d'Henry Morgan ont découragé durablement le circuit monétaire de l'argent espagnol, à un bas niveau de deux millions de pesos par an jusqu'en 1730, avant d'opérer un modeste rebond jusqu'en 1800, à 3 millions de pesos par an. Les arrivées d'argent mexicain stagnent aussi à partir de 1650, touchent un plus bas à millions de pesos par an en 1700 et ne reprennent leur croissance que vers 1715, à la fin de la guerre de succession d'Espagne.

La sortie de l'argent espagnol est aussi perturbée par les grandes expéditions des corsaires malouins dans les mers du Sud, sur la côte Pacifique, qui pillent les villes côtières espagnoles et ramènent des fortunes en piastres d'argent après 1700, enrichissant la Bretagne mais décourageant l'extraction minière en Amérique du Sud et désorganisent les circuits monétaires, une partie des intermédiaires espagnols n'y participant plus.

C'est l'époque où la Compagnie néerlandaise des Indes orientales décline, tandis que l'important effort naval et commercial produit par la Révolution financière britannique ne parvient pas à prendre le relais en Asie. L'histoire des indiennes de coton en Europe, qui prend son essor grâce à la Suisse à la même époque, en copiant les produits indiens par des techniques d'impression locales, est le résultat du frein au commerce asiatique causé par cette famine monétaire, qui prendra fin à partir des années 1720 lorsque le Minas Gerais brésilien bouleverse l'histoire des mines d'or en produisant 9 tonne d'or par an en moyenne, soit trois fois plus que lors des vingt années précédentes, grâce aux machines de Thomas Newcomen.

[Quoi ?] en produisant 20 tonne d'or par an.

La relance des mines mexicaines à partir de 1715

Le sommet de la production des mines d'argent mexicaines ne sera atteint que vers 1780, une trentaine d'années avant l'indépendance du Mexique, avec près de 24 millions de pesos produits chaque année contre un peu moins de 4 millions de pesos pour le Potosi. Les deux parties de l'empire espagnol ont alors connu un « deuxième cycle » de la production d'argent, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, dont l'ampleur fut beaucoup plus importante au Mexique, où il se produit dès le début du siècle, alors qu'il n'est effectif au Potosi qu'à partir des années 1740[46]. Ce regain est soutenu en 1778 par la découverte de nouveaux filons d'argent tout près du Real de Catorce, à une centaine de kilomètres à l'est de Zacatecas, tandis qu'un autre gisement est identifié en 1850, près de mines de Cinabre, non loin de San Luis Potosi.

Selon Fernand Braudel, une évaluation réalisée en 1810 par José Maria Quiros, secrétaire du consulado de Vera Cruz indique que le produit minier ne représente au total que 12,3% du produit total de la Nouvelle-Espagne. Fernand Braudel estime alors que le produit de la Nouvelle-Espagne représente à peu près la même chose que celui de toutes les autres colonies espagnols, soit environ un demi-milliard de pesos pour chacune des deux parties et un revenu moyen de 66 pesos par habitant, pour les six millions de personnes vivant en Nouvelle-Espagne[47]. Les calculs statistiques effectués beaucoup plus tard évaluèrent à 838.857 marcs d'argent la production des mines du Mexique entre 1824 à 1830, pour sept années, soit seulement le tiers environ de ce qu'elles produisaient à leur apogée pour une seule année[48].

Notes et références

  1. La Civilisation phénicienne et punique : manuel de recherche, par Véronique Krings, page 879
  2. Histoire romaine, volume 2, par Jules Michelet, page 45
  3. Histoire d'Espagne depuis le premiers temps jusqu'à nos jours, par Charles Romey, page 26
  4. Domergue 2008, p. 180
  5. http://www.mines-argent.com Les mines d'argent des Rois Francs
  6. a, b et c La Révolution industrielle du Moyen Âge, Jean Gimpel, page 44
  7. a et b Monnaie et économie à la fin du Moyen Âge. À propos d'ouvrages récents, par Marc Bompaire, page 273
  8. a et b http://books.google.fr/books?id=H6D8RGsIpCMC&pg=PA31&dq=histoire+des+mines+de+la+forêt-noire&hl=fr&ei=_u_0S6-5O5eCmgOmi8zXCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CFMQ6AEwBw#v=onepage&q&f=false
  9. De l'art en Allemagne, par Hippolyte-Nicolas-Honoré Fortoul
  10. http://books.google.fr/books?pg=RA2-PA170&ei=H0z1S-DsJpKD-Qbisay8CA&ct=result&id=utg9AAAAcAAJ&output=text
  11. a et b Le Rôle de la monnaie dans la révolution commerciale du XIIIe siècle, par Peter Spufford (1984), page 356
  12. Le rôle de la monnaie dans la révolution commerciale du XIIIe siècle, par Peter Spufford (1984), page 357
  13. http://www.spaniadolina.sk/history.html
  14. Les Villes d'Italie du milieu du XIIe au milieu du XIVe : économies, sociétés, par Franco Franceschi et Ilaria Taddei, page 101
  15. http://books.google.fr/books?id=nYPGHLkAWyEC&pg=PA108&dq=frescobaldi+++++devon+argent&hl=fr&ei=6R_vS6zoNY2NOPv0yJII&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=1258&f=false
  16. http://www.routard.com/mag_carnet/220/4/romains_argent_et_carnaval_.htm
  17. Philippe Braunstein, Travail et entreprise au Moyen Âge, De Boeck Université, 2003, ISBN 2-8041-4377-5. p. 151;
  18. http://www.glottertal.de/frame.php?file=http://www.glottertal.de/fr/natur/tipps.php
  19. Histoire de l'arsenal de Venise
  20. a et b http://books.google.fr/books?id=tFyXyY6i5KIC&pg=PA92&lpg=PA92&dq=%22cr%C3%A9ation+du+florin%22&source=web&ots=3A_I-kLWV7&sig=5XIQV5tjQTQ-CQAEk9_pcRyc_qM&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=1&ct=result#PPA93,M1
  21. Études d'histoire monétaire, par John Day
  22. Études d'histoire monétaire, par John Day , page 31
  23. http://www.an1000.org/forum/719_0-la-revolution-industrielle-du-moyen-age.html
  24. La Révolution industrielle du Moyen Âge, par Jean Gimpel, page 48
  25. La Révolution industrielle du Moyen Âge, par Jean Gimpel, page 46
  26. http://finance.wharton.upenn.edu/~bodnarg/ml/projfinance.pdf
  27. http://familytreemaker.genealogy.com/users/s/h/a/Kendrick-W-Shackleford/FILE/0039page.html
  28. http://books.google.fr/books?id=H6D8RGsIpCMC&pg=PA31&dq=histoire+des+mines+de+la+for%C3%AAt-noire&hl=fr&ei=_u_0S6-5O5eCmgOmi8zXCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CFMQ6AEwBw#v=onepage&q&f=false
  29. Les mines d'or et d'argent en Serbie et Bosnie, par Desanka Kovacevic, page 249
  30. http://www.123recettes.com/giro.htm
  31. a et b Travail et entreprise au Moyen Âge, par Philippe Braunstein, page 88
  32. a, b et c Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 171
  33. Études anversoises de 1964, par Renée Doehaerd, pages 62 et 63
  34. http://edytem.univ-savoie.fr/membres/cayla/geosite/schwaz.pdf
  35. http://books.google.fr/books?id=t3ocY0i8_tgC&pg=PA88&dq=argent+mines+schwaz&hl=fr&ei=eDj1S42bDZH__AajlZi7Cg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDUQ6AEwAg#v=onepage&q=argent%20mines%20schwaz&f=false
  36. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 172
  37. Les mines d'argent du duché de Lorraine au Val-de-Liepvre, de 1512 a 1628, par Jacques Grandemange
  38. Aujourd'hui appelé Rombach-le-Franc
  39. Les Mines d'argent du duché de Lorraine au Val-de-Liepvre, de 1512 à 1628, par Jacques Grandemange
  40. http://ccrh.revues.org/index2949.html
  41. Les mines de plomb, cuivre et argent de la Renaissance ont généré des paysages contrastés. L'exemple de l'Alsace et des Vosges, par Pierre Fluck, professeur à l'université de Haute-Alsace
  42. Eduardo Galueno, Les Veines ouvertes de l'Amérique latine, Pocket, 1971, p. 41.
  43. cité in Eduardo Galueno, Les Veines ouvertes de l'Amérique latine, Pocket, 1971, p. 38.
  44. Société et économie de l'Espagne au XVIe siècle par Marc Zuili, page 186
  45. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 617
  46. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 526
  47. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 524
  48. Voyage pittoresque dans les deux Amériques : résumé général, par Alcide Dessalines d'Orbigny - 1836, page 440
  1. « L'autre source principale était l'île de Siphnos ». Domergue 2008, p. 180

Voir aussi

Bibliographie

Autres articles sur l’histoire des matières premières


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