- Bataille de l'île d'Aix
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La bataille de l'île d'Aix, également appelée Affaire des brûlots et plus rarement bataille de la rade des Basques (traduction de anglais : Basque Roads) est une bataille navale, entre les Britanniques et les Français, a lieu les 11 et 12 avril 1809, dans le cadre de la cinquième coalition.
Sommaire
La situation
Géographique
Le combat va se tenir face à l'embouchure de la Charente entre Fouras et l'île d'Oléron, avec au Nord l'île d'Aix[1].
Le port militaire de Rochefort se situe en amont, sur la Charente.
Militaire
En 1809, Napoléon a institué le blocus continental. Mais la flotte britannique bloque chacun des ports de l'Empire.
Les colonies des Antilles sont menacées. Il est prévu d'y envoyer une escadre pour apporter des approvisionnements et des renforts. À cet effet, des navires partent de Brest, sous le commandement de l'amiral Willaumez, pour gagner Rochefort, lieu de rassemblement du départ. Ils doivent récupérer, au passage, des navires à Lorient, mais ceux-ci ne sont pas prêts. L'escadre n'attend pas et continue sa route pour atteindre Rochefort sans encombres.
Les navires français, ancrés à l'embouchure de la Charente, sont surveillés par l'escadre de Gambier, qui mouille un peu au nord-ouest de l'île d'Aix dans la rade des Basques.
Les adversaires
Les amiraux
Lord James Gambier est né le 13 octobre 1756. Il embrasse très tôt la carrière de marin (1767) et connaît la guerre d'indépendance américaine. Il participe aussi au combat de Prairial, commandant un 74 canons, le HMS Defence. En 1795, il devient contre-amiral. Vice-amiral en 1799, il commande en 1807, la flotte chargée de bombarder Copenhague une nouvelle fois, six ans après Nelson. Depuis 1808, il commande la flotte de blocus. Après l'affaire de l'île d'Aix, il passera, à sa demande, devant une cour martiale qui l'acquittera. En 1830, il deviendra amiral. Il meurt le 19 avril 1833.
Thomas Cochrane (10e comte de Dundonald), est né le 14 décembre 1775. En 1793, il s'engage sur HMS Hind. En 1795, il est lieutenant. En 1800, il commande le sloop HMS Speedy. Avec ses 14 canons et 54 marins, il livre combat et s'empare de l'espagnol Gamo, de 32 canons et 319 hommes d'équipage. Capitaine de frégate ("Post-captain") en 1801, il commande HMS Pallas et HMS Imperieuse. C'est avec cette dernière qu'il participe au combat de l'île d'Aix. Après ce combat, il cherche à s'opposer à Lord Gambier.
Zacharie Allemand est né à Port Louis le 1er mai 1762. Orphelin à 11 ans, il devient mousse et participera aux combats de Suffren. Il en revient borgne. En 1792, il est lieutenant de vaisseau. Son mauvais caractère lui fait perdre son commandement en 1797. Il en retrouve un deux ans plus tard, avant de le reperdre pour le même motif. En 1805, il commande une escadre qui s'empare d'un convoi britannique et du Calcutta, 54 canons.Il devient contre-amiral en 1806. En 1808, il est commandant de l'escadre de Méditerranée. Le départ de Willaumez, lui fait prendre le commandement de l'escadre assemblée à Rochefort.
Personnage souvent décrit comme un courtisan envers ses supérieurs et un tyran pour ses subordonnés, son rôle dans l'affaire de l'île d'Aix sera durement apprécié par ses pairs. Ainsi, quand il reçoit le commandement de l'escadre de Toulon, en juillet 1809, il ne trouve personne pour accepter d'être son capitaine de pavillon. Celui-ci doit être nommé par le ministre, Decrès.
Les flottes
Les Britanniques alignent 34 navires dont 11 vaisseaux de ligne. Le vaisseau-amiral est le HMS Caledonia, de 120 canons. Les autres sont des vaisseaux de troisième rang, de 74 canons ou de 80 canons pour trois d'entre eux.
Ils alignent 7 frégates, de 44 à 32 canons. Le HMS Mediator, 32 canons, est armé en flûte et jouera un rôle important dans le combat. La frégate HMS Imperieuse est celle de Lord Cochrane.
Ils disposent de 40 autres navires de transport parmi lesquels ceux qui seront transformés en brûlots. Ils ont aussi 3 « navires-machines infernales » (sic) préparés par le colonel Congrève.
Une goélette, la HMS Whiting, et deux cotres affrétés, Nimrod & King Georges, sont équipés de rampes pour les fusées "à la Congrève".
Les Français ont rassemblé 11 vaisseaux de ligne et 4 frégates. Le vaisseau-amiral est le puissant Océan de 118 canons. Deux 80 canons, de la classe Tonnant, le Foudroyant et la Ville-de-Varsovie (commandé par le capitaine de frégate Cuvillier) considéré, même par les Britanniques, comme un magnifique navire. Sept vaisseaux de 74 canons (Aquilon, Cassard, Jemmapes, Patriote, Regulus, Tonnerre et Tourville), auxquels on peut rajouter le Calcutta, une prise britannique, ex-Indiaman[2] de 54 canons. Il est armé en flûte et porte de nombreux équipements pour les Antilles, comme des mortiers, des barils de poudre, de la farine, etc.Les 4 frégates sont des 44 canons, Elbe, Hortense, Indienne et Pallas.
Le fil des événements
Les prémisses
L'idée d'incendier l'escadre française semble provenir de l'Amirauté britannique, et n'est pas agréée par Gambier. Aussi Lord Mulgrave va proposer à une tête brûlée de se charger de l'opération. C'est comme cela que Thomas Cochrane va se trouver mêlé à cette affaire. En dépit des précautions prises pour ménager les susceptibilités, son arrivée ne sera pas trop bien perçue sur place. Il est bien connu pour ne pas trop se sentir lié par les ordres reçus. Il le montrera encore le 12 avril.
On transforme en brûlots tous les navires possibles, des transports aux petits chasse-marées capturés. Sur les côtes des Downs, la presse annonce même la préparation de 12 brûlots supplémentaires. Pour faire bonne mesure, on sacrifiera même une frégate, le HMS Mediator, qui sera transformé en bombe flottante et dont la masse devrait permettre de renverser tout obstacle placé par les Français.
Les navires français sont ancrés au sud-est de l'île d'Aix, sur trois lignes. La première avec les quatre frégates (Indienne, Hortense, Pallas. La quatrième, l'Elbe, est décalée et se trouve quasiment au niveau de la troisième ligne dit le rapport britannique). La deuxième ligne avec six vaisseaux (dans l'ordre, Foudroyant, Ville de Varsovie, Océan, Régulus, Cassard, Calcutta), la troisième avec les cinq derniers vaisseaux (Tonnerre, Patriote, Jemmapes, Aquilon, Tourville)[3]. Ils sont amarrés sur deux ancres qui les conservent nez au nord-ouest, et suffisamment proches de l'île d'Aix pour être sûr que les Britanniques ne pourront se glisser entre les navires et la terre, comme à Aboukir.
Il est évident pour les Français que leurs ennemis préparent une attaque. Ils peuvent même observer la préparation de brûlots. Ce n'est pas un secret, la presse britannique annonce même l'opération[4].
Pour faire bonne mesure, les Britanniques ont vérifié les courants en lâchant des barils de goudron enflammé. Ceux-ci sont arrivés droit sur l'escadre à l'ancre. Remarquons que cela ne semble pas avoir ému l'amiral français.
L'amiral Allemand, pour sécuriser son mouillage, fait établir une estacade de près de 900 toises[5] de long. Il prévoyait d'en établir deux, mais les équipements demandés n'ont pas été livrés. L'estacade est donc constituée principalement d'espars fournis par les navires eux-mêmes, maintenue en place par des ancres enlevés aux mêmes vaisseaux. L'arsenal de Rochefort n'a quasiment rien fourni.
Allemand choisit aussi d'équiper des chaloupes d'un canon de 36 ou d'une caronade. Il décide d'en préparer 73, la majeure partie est fournie par l'escadre. Elles devront patrouiller pour éviter toute mauvaise surprise.
Enfin, il a l'idée de faire démonter une partie de la mâture, déverguer les voiles pour offrir le moins d'aliment possible à un incendie provoqué, par exemple, par un brûlot.
Si ces différentes mesures ne semblent pas anormales, a priori, elles seront fortement critiquées. L'estacade ? Insuffisante et trop peu solide du fait de sa construction improvisée. Et elle est trop proche du mouillage de l'escadre. Les chaloupes armées ? Le canon porté est trop lourd pour elles. Elles ne peuvent que difficilement se déplacer et si la mer est un peu forte, elles embarquent à couler-bas. Et les vaisseaux vont se trouver dépourvus, perdant ainsi un moyen efficace de dévier des brûlots. Réduire la mâture ? C'est être sûr que les navires ne pourront que difficilement manœuvrer s'ils devaient quitter leur mouillage.
Le 11 avril
Le temps est couvert, mer grosse. Le vent est de nord-ouest, grand frais. La marée, en soirée, montante.
Pendant la journée, des frégates britanniques sont venues mouiller juste à la limite de portée des canons d'Aix et d'Oléron. Elles sont rejointes par d'autres bâtiments. Allemand pense aux brûlots et ordonne d'envoyer les chaloupes armées. Mais celles-ci ne pourront pas lutter contre le vent et la marée[6].
A la nuit tombée du 11, les Britanniques attaquent, avec l'aide d'une trentaine de brûlots[7].
Comme toujours avec ces engins, il se passe un peu n'importe quoi. Ainsi un brûlot précoce mettra le feu à l'un des trois « navires-machines infernales » de Congrève, d'autres s'échouent ou flambent prématurément. Mais des catamarans[8] explosent contre l'estacade. Elle résiste cependant jusqu'à l'arrivée du HMS Mediator. Il est conduit par lord Cochrane en personne, avec un officier et quatre marins. Ils s'échappent de justesse et le brûlot explose détruisant l'estacade que vont alors pouvoir franchir une volée d'autres brûlots.
Une légère pagaille contrarie l'action des Français. Ils laissent l'un après l'autre filer ou couper leurs cordages d'ancre pour éviter les brûlots ou un des autres navires. Le vent, la marée et le manque de voilure vont se conjuguer pour gêner leur manœuvre. La plupart des navires vont s'échouer. L'amiral Allemand s'est borné à donner l'ordre : liberté de manœuvre.
Le 12 avril
Au petit jour, il ne reste que deux vaisseaux ancrés sous l'île d'Aix, le Foudroyant et le Cassard, qui ont suivi les ordres du contre-amiral Gourdon[9]. Les autres sont éparpillés, échoués sur à peu près tous les rochers ou bancs de vase du coin. Chaque équipage essaie frénétiquement de se dégager, avec plus ou moins de succès. Ils passeront par dessus-bord une partie de leur artillerie pour essayer de s'alléger. C'est ainsi que l'on aura au fond de la baie 385 canons ou caronades[10]
Si Cochrane brûle de relancer l'attaque et achever la destruction de l'escadre ennemie, Gambier préfère temporiser, estimant qu'elle n'est plus une menace. En fin de mâtinée, des bâtiments légers et quelques frégates vont venir bombarder les navires sans défense. Leur position fait qu'il ne pourront généralement répondre aux tirs que par leurs canons de retraite. C’est-à-dire deux pièces en général, bien que l’Océan puisse en aligner huit.
Cela leur est d'autant plus facile qu'aucun bâtiment français ne vient aider les navires attaqués.
L’Aquilon, la Ville de Varsovie, le Calcutta, le Tonnerre seront ainsi incendiés, par leur équipage ou par les Britanniques. Le 15 avril, la frégate l’Indienne finira par se briser sur le rocher d'où elle n'a pu se dégager.
Il sera aussi reproché à l'amiral Allemand d'avoir retenu autour de son propre navire près de 30 chaloupes qui devaient servir à l'évacuer (et en particulier ses affaires personnelles ; le commandant du Regulus, le capitaine de vaisseau Lucas[11], dans les annotations qu'il fît sur le rapport d’Allemand rappelle perfidement que « vous y égarâtes vos diamants »[12]...), ayant même donné l'ordre de tirer sur les chaloupes qui s'éloigneraient.
Les conséquences
Cette bataille se solde par une indiscutable victoire britannique, détruisant une frégate et quatre vaisseaux de l'escadre française, sans autres pertes que les brûlots qu'ils ont utilisés et ruinant les espoirs de renforts pour les colonies menacées aux Antilles. C'est enfin un nouveau désastre pour la marine impériale, à force égale, malgré la présence de forts redoutablement armés, malgré la connaissance de la côte, les vaisseaux français pourtant en très bon état de combattre s'avèrent impuissants face à la détermination et l'ingéniosité de l'ennemi.
Chez les Français : un procès et un chantier abandonné
Faute de pouvoir, ou de vouloir, mettre en cause l'amiral et, partant, le ministre qui l'a nommé, Decrès, quatre des commandants français seront renvoyés devant la justice militaire.
(un procès partial ?)
Le 9 septembre 1809, le commandant Jean-Baptiste Lafon, qui commandait le Calcutta, sera condamné par le Conseil de guerre voulu par l'Empereur Napoléon, et passé par les armes à bord du navire amiral, l’Océan.
Le 17 octobre 1816, le Capitaine de Vaisseau Charles-Nicolas La Caille fut réhabilité par décision du roi Louis XVIII [13].
- Jugement rendu par le Conseil de guerre
- Fort Boyard : victime collatérale de cette bataille...
En 1801, profitant d'une courte trêve dans la guerre qui oppose la France à l'Angleterre Bonaparte, Premier consul, qui avait approuvé le projet, ordonne de reprendre activement la construction d'un fort entre ceux des îles d'Aix et d'Oléron pour protéger les flottes au mouillage de toute incursion ennemie dans la rade. Les premiers enrochement sont difficilement réalisés avec effet à partir de 1804. En juin 1809, après cette désastreuse bataille, la construction du fort, malgré les très importantes sommes dépensées et 75 000 m3 de pierres déversées, est officiellement abandonnée.
Chez les Britanniques : une cour martiale
Thomas Cochrane fut récompensé de sa victoire en étant fait Chevalier grand-croix de l'ordre du Bain, le second capitaine, après Lord Saint-Vincent, à obtenir cet honneur. Il informa immédiatement Lord Mulgrave que si un vote de remerciements était proposé pour Lord Gambier à la Chambre des Communes, il voterait contre. Gambier contre-attaqua en demandant une cour martiale. Cochrane fit alors diverses erreurs tactiques qui permirent à Gambier d'être acquitté avec les honneurs puis d'obtenir un vote de remerciements des Communes. Inversement, la cour martiale reconnut Cochrane coupable de diffamation sur un officier supérieur.
Notes
- Fort Boyard. Mais si les travaux de sa construction ont commencé en 1801, il est loin d'être achevé. C'est dans ces eaux que se trouve le fameux
- Compagnie anglaise des Indes orientales. Un Indiaman est un navire marchand armé de la
- d'après la relation de l'affaire par les Britanniques, dans les documents justificatifs donnés par J. Silvestre.
- 6 avril 1809. Ces articles seront pour une part repris par le Moniteur, mais après la bataille. Par exemple, le British Critic du
- Longueur fournie par le rapport de Allemand, cité par J. Silvestre. Une toise vaut 1,949 mètre. L'estacade fait donc environ 1 750 mètres de long.
- J. Silvestre note que l'ordre est donné à 18 h 00. Mais ne doit être exécuté qu'à 20 h 00. Les canots devront alors ramer contre la marée.
- Le nombre exact est difficile à préciser. Chaque relation donne un chiffre différent ; mais tous tournent autour de trente.
- L'article de la Revue "Navires & Histoire", citée en bibliographie, offre une reproduction d'un dessin de ce type d'engin.
- Etienne Taillemite, Dictionnaire des Marins Français, Taillandier éditeur, Paris 1982, p. 143.
- D'après J. Silvestre : 47 pour l’Océan, 62 pour le Foudroyant, 43 pour le Cassard, 66 pour le Régulus, 27 pour le Tourville, 13 pour le Jemmapes, 63 pour le Patriote. Les frégates aussi : 25 pour la Pallas, 19 pour lElbe, 20 pour lHortense...
- Trafalgar commandait le Redoutable qu'il mena à l'attaque du HMS Victory et dont l'un des tireurs tua Nelson. Celui-là même qui a
- Drouin, page 202.
- Julien Lafon, Histoire des brûlots de l'île d'Aix, Paris 1867.
- Annales périodiques de la ville d'Orléans - 6ème année, 2ème semestre, n° 607 - Paru le mercredi 25 octobre 1809, p. 292,293,294.
Bibliographie
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
- Jules Silvestre, "Les brûlots anglais en rade de l'île d'Aix", Paris, chez Arthur Savaète éditeur, 1912. Disponible sur Gallica.
- Julien Lafon, "Histoire des brûlots de l'île d'Aix", Paris, Aymot, 1867. L'auteur est le petit-fils du commandant Lafon.
- Gérard Piouffre, "La nuit des brûlots", Navires & Histoire 19 & 20, août & octobre 2003 (ISSN 1280-4290).
- Droin, Dominique, "Napoléon & les brûlots de l'île d'Aix", 2003 (ISBN 2-9515363-3-X).
Liens externes
- Les brûlots anglais en rade de l'île d'Aix (1809), le texte de Jules Silvestre.
- Le combat naval d'avril 1809 entre Île-d'Aix, île d'Oléron et Fouras :
Sources
En plus des sources données en bibliographie, ont été utilisés :
- CV Pichot, Répertoire des navires de guerre français, Paris, 1967.
- Jean Boudriot, Le vaisseau de 74 canons, tome 4, Editions des Quatre Seigneurs, Grenoble, 2001.
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