e (nombre)

e (nombre)
Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir E.

En mathématiques, e est une constante[1] dont l’expression décimale commence par 2,718 281 828 459 045 235 360 287 4…. Il s'agit de la base des logarithmes naturels.

Appellations :

  • e est parfois appelée constante de Néper, du nom du mathématicien écossais John Napier (ou Neper) qui introduisit les logarithmes.
  • e fut appelé nombre exponentiel par Euler en 1761.[réf. souhaitée]

Sommaire

Considérations historiques

Le nombre e est probablement la constante réelle irrationnelle la plus importante des mathématiques, après π : on la retrouve en effet dans la normalisation des fonctions exponentielles. Il est cependant difficile de dater avec exactitude son apparition dans la littérature. En effet, si Neper introduit les logarithmes comme artifice de calcul pour simplifier les calculs du sinus, du cosinus, du produit et du quotient, il ne précise pas de base particulière pour ces logarithmes et les logarithmes les plus courants à cette époque sont ceux en base 10.

Les logarithmes naturels apparaissent pour la première fois en 1618 en appendice d’un traité de Napier probablement rédigé par William Oughtred.

En 1624, Briggs donne l’approximation du logarithme décimal d’un nombre qu’il n’identifie pas avec précision, mais qui se révèle être e.

L’aire sous l’hyperbole est égale à 1 sur l’intervalle [1;e].

En 1647, Grégoire de Saint-Vincent calcule l’aire sous l’hyperbole, mais ne met pas en évidence le nombre e.

En 1661, Huygens est capable de faire le rapprochement entre l’aire sous l’hyperbole et les fonctions logarithmes. Comme e est le réel tel que l’aire sous l’hyperbole entre 1 et e vaille 1, il est probable que ce nombre fut remarqué à cette époque sans toutefois que l’on parle pour lui de la base du logarithme naturel.

La première apparition de e comme nombre remarquable date de 1683, époque à laquelle Bernoulli s’intéresse aux calculs d’intérêt. Ce qui l’amène à étudier la limite de la suite (1 + \tfrac 1n)^n. Mais personne à ce moment ne fait le rapprochement entre ce nombre et les logarithmes naturels. Pourtant c’est durant cette période que l’on commence à entrevoir que la fonction logarithme de base a est la réciproque de la fonction exponentielle de base a. La communauté scientifique est alors mûre pour découvrir e. C’est dans une lettre de Leibniz à Huygens que ce nombre est enfin identifié comme la base du logarithme naturel, mais Leibniz lui donne le nom de b.

On doit la notation e pour cette constante à Euler dans une lettre que celui-ci adresse à Goldbach en 1731. Le choix de e a donné lieu a de nombreuses conjectures : e pour Euler ? e pour exponentielle ? ou tout simplement e comme première voyelle disponible dans le travail d’Euler.

C’est aussi Euler qui donne le développement de e en série

 \mathrm e = 1 + \dfrac{1}{1!} + \dfrac{1}{2!} + \cdots + \dfrac{1}{k!}+ \cdots

et en fraction continue :

\mathrm e=2+\frac{1}{1+\frac{1}{2+\frac{1}{1+\frac{1}{1+\frac{1}{4+\frac{1}{1+\frac{1}{1+\frac{1}{6+\ldots}}}}}}}}

Puisque e possède un développement en fraction continue infini, il est irrationnel. Les différents approximants de Padé permettent d’offrir de nombreuses expressions de e sous forme de fractions continues généralisées (cf. l’article Approximant de Padé de la fonction exponentielle). Elles permettent à Charles Hermite de démontrer la transcendance de ce nombre en 1873.

Décimales connues

Le nombre de décimales connues de la constante e a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières décennies. Cette précision est due à l’augmentation des performances des ordinateurs ainsi qu’au perfectionnement des algorithmes[2],[3].

Nombre de décimales connues de la constante e
Date Décimales connues Performance due à
1748 18 Leonhard Euler[4]
1853 137 William Shanks
1871 205 William Shanks
1884 346 J. Marcus Boorman
1946 808  ?
1949 2 010 John von Neumann (avec l’ENIAC)
1961 100 265 Daniel Shanks & John W. Wrench[5]
1981 116 000 Stephen Gary Wozniak (avec l’Apple II[6])
1994 10 000 000 Robert Nemiroff & Jerry Bonnell
Mai 1997 18 199 978 Patrick Demichel
Août 1997 20 000 000 Birger Seifert
Septembre 1997 50 000 817 Patrick Demichel
Février 1999 200 000 579 Sebastian Wedeniwski
Octobre 1999 869 894 101 Sebastian Wedeniwski
21 novembre 1999 1 250 000 000 Xavier Gourdon
10 juillet 2000 2 147 483 648 Shigeru Kondo & Xavier Gourdon
16 juillet 2000 3 221 225 472 Colin Martin & Xavier Gourdon
2 août 2000 6 442 450 944 Shigeru Kondo & Xavier Gourdon
16 août 2000 12 884 901 000 Shigeru Kondo & Xavier Gourdon
21 août 2003 25 100 000 000 Shigeru Kondo & Xavier Gourdon
18 septembre 2003 50 100 000 000 Shigeru Kondo & Xavier Gourdon
27 avril 2007 100 000 000 000 Shigeru Kondo & Steve Pagliarulo

Définitions et propriétés

Définitions de e

Les considérations précédentes montrent que e peut être défini de plusieurs façons différentes

  • e est le réel tel que ln(e) = 1 lorsqu’on définit la fonction ln  comme la primitive de la fonction x \mapsto \tfrac1x qui s’annule en 1. C’est pourquoi cette constante est aussi appelée la base des logarithmes naturels
  • e est le réel tel que exp(1) = e lorsqu’on définit la fonction exp  comme l’unique fonction vérifiant u' = u et u(0) = 1.
  • e est la limite de la suite (1 + \tfrac 1n)^n (quand n tend vers l’infini).
  • e est égal à la somme de la série infinie \displaystyle\sum_{k=0}^\infty \dfrac{1}{k!} (avec la convention 0! = 1).

L’équivalence de ces quatre définitions provient des relations qui lient la fonction exponentielle, la fonction logarithme et les limites de suites.

Théorie des nombres

La constante de Néper apparaît largement dans la théorie des nombres. Les mathématiciens se sont très tôt intéressés à la nature du nombre e. L’irrationalité de e fut démontrée par Euler[7] en 1737 et l’irrationalité de ses puissances entières par Lambert en 1761[8]. La démonstration peut se faire grâce à son développement en série (voir la démonstration de l’irrationalité de e, ci-dessous) soit par son développement en fraction continue.

La preuve de la transcendance de e fut établie par Charles Hermite en 1873. On en déduit que, pour tout rationnel r non nul (ce qui inclut les entiers naturels), er est aussi transcendant ; le théorème de Gelfond-Schneider permet de démontrer également que, par exemple, eπ est transcendant, mais on ne sait pas encore (2011) si ee et πe sont transcendants ou non.

Les propriétés de ce nombre sont à la base du théorème d’Hermite-Lindemann.

Il a été conjecturé que e était un nombre normal.

Fonction exponentielle et équation différentielle

Pour tout réel x, exp(x) = exexp  est l’unique fonction y vérifiant l’équation différentielle y' = y et y(0) = 1. Cette fonction est appelée fonction exponentielle de base e.

Elle permet de donner toutes les solutions de l’équation différentielle y' = ay qui sont les fonctions définies par f(x) = Ceax.

La fonction exponentielle admet le développement en série suivant :

\forall x \in \R,\ \sum_{k=0}^\infty \frac{x^k}{k!} = \mathrm e^x

Fonction trigonométrique

La recherche de l’unique solution complexe à l’équation différentielle u' = iu et u(0) = 1 conduit à la fonction u(x) = eix = cos(x) + isin(x) et à l’identité d’Euler :

eiπ + 1 = 0

qui selon Richard Feynman est « la formule la plus remarquable du monde »[9] (e représentant l’analyse, i l’algèbre, π la géométrie, 1 l’arithmétique et le nombre 0 les mathématiques). Euler lui-même aurait également été émerveillé de cette relation rassemblant cinq nombres fondamentaux : 0, 1, e, i, π.

Démonstration de l'irrationalité de e

Le nombre e est égal à la somme de la série de l’exponentielle de 1 :

\mathrm e = \sum_{n = 0}^{\infty} \dfrac{1}{n!}

Ce développement peut être employé pour montrer qu’il est irrationnel.

Démonstration.

Il s’agit de prouver que pour tout entier b\,>0, le nombre b\,\mathrm e n’est pas entier.

Pour cela, montrons que b\,!\ e lui-même n’est pas entier, en le décomposant sous la forme

b\,!\ \mathrm e=x+y,

où les nombres x et y sont définis par :

x=b\,!\ \sum_{n=0}^b\dfrac1{n!},\qquad y=b\,!\ \sum_{n=b+1}^\infty\dfrac1{n!}.
  • Le nombre x est entier, car pour tout entier n compris entre 0 et b, n! divise b! : les quantités \tfrac{b!}{n!} sont donc entières, donc leur somme x est un entier.
  • Le nombre y n’est pas entier, car il est strictement compris entre 0 et 1. En effet,
0 < y = \dfrac{1}{b+1} + \dfrac{1}{(b+1)(b+2)} + \dfrac{1}{(b+1)(b+2)(b+3)} + \cdots
<\dfrac{1}{b+1} + \dfrac{1}{(b+1)^2} + \dfrac{1}{(b+1)^3} + \cdots = \dfrac{1}{b} \ \le 1
Ici, la dernière somme est une série géométrique de raison \dfrac{1}{b+1}.

Puisque b\,!\ \mathrm e est somme d’un entier et d’un non-entier, il n’est pas entier ; a fortiori, b\,\mathrm e n’est pas entier, et cela pour n’importe quel entier b\,>0. Ainsi \mathrm e\, doit être irrationnel. CQFD.

Une autre démonstration consiste à établir le développement en fraction continue du nombre e. Si la preuve est plus complexe, elle offre aussi plus de possibilités de généralisation. Elle permet de montrer que si x est un nombre rationnel non nul, alors ex est irrationnel. Elle permet aussi d’établir que e n’est pas un irrationnel quadratique, c’est-à-dire n’est solution d’aucune équation du second degré à coefficients rationnels (cf. Fraction continue et approximation diophantienne). En revanche, pour aller plus loin, c’est-à-dire que pour montrer que e n’est solution d’aucune équation du troisième degré à coefficients rationnels, puis qu’il est transcendant, ce qui signifie qu’il n’est solution d’aucune équation polynomiale à coefficients rationnels, de nouvelles idées sont nécessaires.

Notes et références

  1. La typographie des constantes mathématiques requiert l’utilisation de la police romaine, pour réserver l’italique aux variables.
  2. Sebah, P. and Gourdon, X.; (en)The constant e and its computation.
  3. Gourdon, X.; (en)Reported large computations with PiFast.
  4. (en)New Scientist 21st July 2007 p. 40.
  5. (en)Calculation of Pi to 100,000 Decimals[PDF] Extrait de l’article Calculation of Pi to 100,000 Decimals de Daniel Shanks & John W Wrench - « We have computed e on a 7090 to 100,265D by the obvious program ». page 78, Journal Mathematics of Computation, vol. 16 (1962), issue 77, page 76-99.
  6. (en)Byte Magazine vol. 6, Issue 6 (June 1981) p. 392) "The Impossible Dream: Computing e to 116,000 places with a Personal Computer".
  7. (en) Ed Sandifer, « How Euler did it », dans M.A.A. on line, 2006 [texte intégral [PDF]] .
  8. Alain Juhel, Lambert et l’irrationalité de Pi (1761).
  9. (en)Equations as icons.

Voir aussi

Liens externes

Articles connexes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article e (nombre) de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Nombre D'or —  Pour l’article homonyme, voir Nombre d or (astronomie).  La proportion définie par a et b est dite d extrême et de moyenne raison lorsque a e …   Wikipédia en Français

  • Nombre d'Or —  Pour l’article homonyme, voir Nombre d or (astronomie).  La proportion définie par a et b est dite d extrême et de moyenne raison lorsque a e …   Wikipédia en Français

  • Nombre d’or — Nombre d or  Pour l’article homonyme, voir Nombre d or (astronomie).  La proportion définie par a et b est dite d extrême et de moyenne raison lorsque a e …   Wikipédia en Français

  • nombre — [ nɔ̃br ] n. m. • déb. XIIe; lat. numerus I ♦ 1 ♦ Concept de base des mathématiques, une des notions fondamentales de l entendement que l on peut rapporter à d autres idées (de pluralité, d ensemble, de correspondance), mais non définir.… …   Encyclopédie Universelle

  • Nombre Complexe — Pour les articles homonymes, voir complexe. Les nombres complexes forment une extension de l ensemble des nombres réels. Ils permettent notamment de définir des solutions à toutes les équations polynomiales à coefficients réels. Les nombres… …   Wikipédia en Français

  • Nombre Composé — Un nombre composé est un nombre entier positif qui possède un diviseur positif autre que un ou lui même. Par définition, chaque entier plus grand que un est soit un nombre premier, soit un nombre composé. Les nombres zéro et un ne sont considérés …   Wikipédia en Français

  • Nombre Parfait — Un nombre parfait est un nombre entier n strictement supérieur à 1 qui est égal à la somme de ses diviseurs stricts, autrement dit, tel que où σ(n) est la somme des diviseurs entiers positifs de n, n non compris. Le premier nombre parfait est 6,… …   Wikipédia en Français

  • Nombre Premier — 7 est un nombre premier car il admet exactement deux diviseurs positifs …   Wikipédia en Français

  • Nombre compose — Nombre composé Un nombre composé est un nombre entier positif qui possède un diviseur positif autre que un ou lui même. Par définition, chaque entier plus grand que un est soit un nombre premier, soit un nombre composé. Les nombres zéro et un ne… …   Wikipédia en Français

  • Nombre+transcendant — Nombre transcendant En mathématiques, un nombre transcendant est un nombre réel ou complexe qui n est racine d aucune équation polynomiale : où et les coefficients sont des nombres entiers (donc des rationnels), dont au moins l un an est non …   Wikipédia en Français

  • Nombre (grammaire) — Nombre grammatical Le nombre est, en grammaire et linguistique, un trait grammatical caractérisant certains lemmes comme les noms et adjectifs, les pronoms ainsi que les verbes. Dans le système nominal et pronominal, le nombre représente de… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”