- Aménagement de la France au XVIIIe siècle
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L’aménagement du royaume de France au XVIIIe siècle est l'ensemble des politiques menées par la monarchie dans le but d’une meilleure répartition géographique des activités économiques et des transports. Cet aménagement intervient à une époque de croissance démographique où la population passe de 17 millions d’habitants au début du siècle à 27 millions en 1789. Cette poussée démographique crée des besoins nouveaux qui nécessitent de nouvelles infrastructures pouvant assurer le transport des hommes et des marchandises, notamment des céréales. L'aménagement du royaume intervient aussi dans le souci d’un embellissement par des jardins et des promenades car la France, dans le siècle des Lumières entre dans une ère de rayonnement culturel. La pensée économique naissante se penche avec le mouvement des physiocrates essentiellement sur la puissance agricole, puis commerciale et manufacturière, car seulement 16% de la population est urbaine en 1725 et cela sera à peine 3% de plus au début de la Révolution française.
Sommaire
Les modalités d'aménagement du territoire
La centralisation
Les prémices de l’aménagement du territoire résident d’abord dans l’organisation d’un espace centralisé.
Cette organisation débute dans la destruction des enceintes médiévales entamée sous Louis XIII et poursuivie sous Louis XIV, le mouvement s’accélère au XVIIIe. On démantèle les fortifications des villes de l’intérieur du royaume en même temps qu’on renforce ou développe celles des frontières notamment par crainte des Anglais qui tiennent Gibraltar et Minorque, ou des forces impériales en renforçant par exemple la citadelle de Montmédy, en Lorraine.
Quand Louis XIV installe la cour à Versailles, il fait émerger une centralisation par la création d'un centre politique unique et sédentaire. Cependant Versailles ne devient officiellement siège du pouvoir qu'en 1782, et ne dépossède pas Paris de son rayonnement.
À cette période, Paris a une influence limitée dans l’organisation du pouvoir monarchique mais son importance ne cesse de croître. Au XVIIIe, elle est la ville la plus peuplée avec 450 000 habitants, elle est le siège de plusieurs palais royaux et de toutes les administrations. On peut ainsi prendre l’exemple du réseau routier :
« Quant à l’avancement des routes, je peux annoncer que toutes celles de la première classe, c’est-à-dire qui communiquent de la capitale aux extrémités du royaume sont achevées ; il en est de même pour celles qui, de Paris, aboutissent aux capitales de chaque généralité […] quant à celles de la troisième classe, destinées à lier entre elles les différentes parties de chaque province […] elles ne sont pas très avancées »
— Chaumont de la Millière, ingénieur et directeur de l’École des ponts et chaussées de 1781 à 1792.
La cartographie
L’École des ponts et chaussées à pour première mission de dresser les cartes des routes du royaume qui serviront aux grands travaux d’aménagement. Cet essor de la cartographie permet aussi de créer des atlas et des guides destinés aux voyageurs ; en 1764, Dresnos publie L’indicateur fidèle composé de cartes itinéraires et horaires de diligences, quelques années après, Louis Denis dans Le conducteur français ajoute à cela des descriptions historiques et topographiques.
Le financement des travaux
L’ampleur des embellissements contraste avec l’état des finances royales et les moyens de la plupart des villes, nombreux sont donc les intervenants dans le financement des travaux car émerge au XVIIIe une question essentielle : qui doit payer les nouvelles infrastructures ? Cela conduira même à la fin du siècle à une tentative d’introduction de routes à péages.
Les riverains sont dans la plupart des cas contraints et cela depuis les termes de l’édit de décembre 1607 toujours en vigueur au XVIIIe, qui met à la charge des locataires et propriétaires, l’entretien et la réfection du pavé des rues devant leur demeure. Dans la pratique, les dépenses de pavage au XVIIIe sont partiellement et inégalement supportées par les riverains. De plus la corvée royale est une obligation de travailler gratuitement à l’entretien du réseau routier ; au printemps et en automne, les paysans valides résidant à proximités des chantiers y travaillent une ou deux semaines.
L'État peut parfois participer au financement en abandonnant temporairement à une ville le produit d’un impôt, en 1755, Louis XV accorde pour 42 ans à la ville de Reims la somme de 15 000 livres. Au contraire l'État peut décider d’une levée d’impôt spéciale en vue de travaux. Le financement royal est tout à fait exceptionnel mais décisif : c’est le roi qui paiera le déblaiement des ruines à Rennes, et il paiera les deux tiers des dépenses pour le palais de justice et les prisons d’Aix-en-Provence. Pour une réalisation, une ville peut aussi être autorisée à contracter un emprunt, ou faire une quête générale dans le royaume.
Rénovation des voies de transports
Rénover les routes
Si la voie d’eau est encore à la fin du XVIIe, le principal outil de communication et d’échange, la situation évolue. Un arrêt du Conseil de 1720 imposera de dresser la liste des chemins à rénover, les intendants jugèrent, dans la majorité des cas, que l’amélioration du réseau routier devait passer par la création de tracés neufs. De même, en 1738, Philibert Orry, contrôleur général des finances, propose, dans son Mémoire instructif, une hiérarchisation des voies terrestres afin de leur conférer un gabarit propres : avec les grandes routes, les routes de 60 pieds (19,40m), les grands chemins de 48 pieds (15,50m), les chemins royaux de 36 pieds (11,60m) et les chemins de traverse de 30 pieds (9,70m).
Selon François-Michel Lecreulx, ingénieur et architecte de l’école des ponts et chaussées, de 1716 à 1775, 26 000km de routes ont été construites. Jean-Rodolphe Perronet fait le même constat en 1776, élevant à 3 135 lieues, soit 13 932km, la longueur des nouvelles routes dans les pays d’élection ; il estime qu’il faut doubler ce chiffre à l’échelle du royaume.
L’évolution du réseau au XVIIIe met en lumière les buts de la monarchie. La route assure la diffusion de l’information, des troupes et permet l’intégration de régions isolées dans des circuits d’échanges commerciaux régionaux ou nationaux. De plus, l'essentiel des routes converge vers Paris, confirmant le désir de centralisation de la monarchie. Ainsi grâce aux nouvelles routes et la réfection des anciennes, on note un progrès dans la durée du trajet à travers le royaume, en 1750 il faut encore 12 jours pour aller de Paris à Marseille, quinze ans plus tard, pour cette même distante il ne faut plus que 8 jours.
Des innovations techniques sont aussi faites dans la construction des routes, en 1755, Pierre Marie Jérôme Trésaguet, normalise un procédé de revêtement de routes certes plus grossier, mais plus rapide et surtout moins coûteux que le pavé dit « l’empierrement » ou « le cailloutis ».
De manière plus anecdotique, on voit aussi apparaître les premières plaques indiquant le nom des rues et en 1779, à l’initiative d’un particulier, on numérote les maisons.
À côté du réseau routier, les ingénieurs vont, pendant tout le XVIIIe, multiplier la réalisation des voies navigables car si la route est le principale vecteur de circulation, elle reste longtemps inconfortable, longue et peu sûre.
La fonction principale du canal est l’approvisionnement des villes, notamment des capitales provinciales, lesquelles sont souvent déjà d'importants carrefours pour l'alimentation en bois, en blé ou en vin. On estime à près de 18 000km la longueur des canaux ouverts entre 1750 et 1789, parmi eux le canal de Briare, le canal d'Orléans ou le Canal de Bourgogne. Ce dernier est la principale entreprise du siècle concernant les voies navigables, il permet de relier la Seine à la Saône en assurant ainsi le commerce entre Marseille, Lyon, Dijon, Paris et Rouen, avait déjà été étudié par Colbert et Vauban, mais l’ouvrage estimé à 7 millions de livres n’est autorisé par les édits royaux qu’en 1773 et 1774, ce financement étant assuré par le roi et les États de Bourgogne. Néanmoins le chantier ouvert en 1775 sera stoppé pendant la Révolution française, faute de financement.
Des projets de ports de mer et d’arsenaux sont élaborés à l’école nationale des ponts et chaussées depuis 1761, les ports de commerce étaient avant cela rattachés au secrétaire d'État de la Guerre. Au XVIIIe, l’essor des échanges transatlantiques stimule la croissance des grands ports français, jusqu’à présent modeste. Bordeaux notamment se spécialise dans le commerce avec les Antilles (vin et farine contre sucre, café et coton). Ces aménagements se présentent parfois comme des projets monumentaux, comme pour port militaire de Cherbourg.
La construction de ponts
L’ingénieur Émiland Gauthey, dans son Traité des ponts, paru au XIXe, compte 543 ponts de plus de 20m de long, édifiés de 1700 à 1789, dont la majorité est en pierre, les ponts métalliques restent couteux. La réalisation de tant de ponts est le résultat d’innovation en matière de construction car avant cette date le royaume ne comptait que 774 ponts. Parmi ces innovations, il y a la pratique du surbaissement des arches qui permet une plus grande portée ou la diminution de l’épaisseur des piles pour permettre un meilleur écoulement de l’eau et éviter ainsi les effets néfaste des crues.
Jean-Rodolphe Perronet, est le témoin et surtout l’acteur de nombreuses de ces réalisations ; parmi ses construction les deux plus importants sont le pont de Neuilly avec 5 arches de 120 pieds d’ouverture, et le pont Louis XVI, une des rares œuvres existant encore aujourd’hui, achevé au début de la Révolution. D’autres ponts en province illustrent parfaitement cette évolution, par exemple le pont Jacques Gabriel à Blois en 1716, le pont des Belles Fontaines, le pont de Saumur, réalisé par Jean-Baptiste de Voglie, ou le Pont George V construit par Jean Hupeau, de 1751 à 1760.
Le désir d'embellir
La rénovation urbaine
À partir de 1740, sous l’influence de la vulgarisation médicale, nombreux sont persuadés que l’étroitesse des rues étouffe et emprisonne. Il émerge alors une volonté de rupture avec la ville existante issue de l’époque médiévale, on veut des rues droites et larges pour faciliter la circulation des biens, des hommes et de l’air ; on préserve aussi la salubrité avec des jardins, le pavage ou empierrement des rues, on interdit les encorbellements, le XVIIIe voit notamment la création des premiers éléments du réseau des égouts souterrains parisiens, et enfin on rejette hors de la ville ce qui est perçu comme polluant (cimetières, hôpitaux, prisons).
Les ensembles architecturaux
Les Écoles
L’École militaire est construite pour assurer la formation de 500 cadets sans fortune, les travaux débutent en 1752 et se sont étendus sur 20 ans. L’École militaire est construite par Jacques Ange Gabriel par la volonté de Louis XV qui voulut récompenser la noblesse d’épée qui avait manifesté sa fidélité à la Monarchie dans la guerre de Succession d'Autriche. Une maison pour l'éducation pour jeunes filles est aussi construite en 1772 sur un projet de la reine Marie Leczinska, près de Versailles, l'architecte étant en Richard Mique.
Les bâtiments religieux
Le grand chantier de l’Église Sainte Geneviève (futur Panthéon) commence en 1764 sous les ordres de Jacques-Germain Soufflot. L'église est construite sur une promesse de Louis XV lorsque celui-ci était malade. L’Église de la Madeleine, dans l’actuel 8e arrondissement de Paris est entreprise la même année. Toutes deux sont empreintes d'un style architecturale du néoclassicisme.
Les bâtiments culturels
La France s’est couverte de théâtres tout au long du siècle : en 1733 à Marseille, à Nancy en 1749, à Caen en 1765, à Rouen en 1774 ou à Nantes en 1788 et avec la construction d'une des plus belles salles d’Europe, le Grand Théâtre de Bordeaux, œuvre de Victor Louis. Pour la seule ville de Paris seront construits une vingtaine de théâtres, le plus célèbre étant sans doute le théâtre de l'Odéon construit en 1782. On construit aussi des opéras, comme l'opéra royal du château de Versailles, par Jacques Ange Gabriel, qui sera terminé en 1770 pour le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette.
Autres
Le mur des Fermiers généraux est réalisée de 1784 à 1787, c'est une enceinte entourant Paris, non pas à vocation militaire ou de défense, mais il a essentiellement une fonction fiscale : forcer le paiement à la Ferme générale de l'octroi dû sur les marchandises qui entrent dans Paris.
À titre anecdotique enfin, le palais de l'Élysée est construit par l’architecte Mollet, en 1720. La marquise de Pompadour l’acheta en 1753 pour en faire son pied-à-terre parisien. Ce bâtiment, construit par la Monarchie devient dès 1873 la résidence du chef de l’État.
Les jardins
Outre les bâtiments, l’aménagement du territoire passe par la création de jardins. Cette pratique est la réponse même d’un besoin d’esthétisme, parmi les réalisations les plus remarquables on peut citer les Jardins de la Fontaine à Nîmes ou le jardin du Petit Trianon en 1774 par Richard Mique. On note dans ce domaine une opposition avec les jardins du XVIIe, à l’image de Versailles par André Le Nôtre ; les jardins de l'époque sont plus apparentés aux Jardins à l'anglaise. En effet, les ingénieurs des jardins du XVIIIe siècle recherchent à avoir un paysage naturel, et pas une construction de l’homme tel les Jardins à la française.
Les places royales
La construction de places royales est en pleine apogée au XVIIe. Elles ont une fonction d’aménagement mais aussi une fonction politique car c'est par elles que s’affirme la monarchie en y plaçant une statue du souverain destiné à exalter la puissance monarchique.
On érige des statues à Louis XIV en 1713 à Lyon et en 1726 à Rennes, puis viennent les places consacrées à Louis XV, à Rennes, à Bordeaux avec la place de la Bourse par Jacques Gabriel, ou l’une des plus célèbres, la place Louis XV à Paris, œuvre de Jacques Ange Gabriel.
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