Vaisseau fantôme

Vaisseau fantôme
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Flying Dutchman Phantom par George Grie

Un vaisseau fantôme est un navire maudit qui, selon une légende, est condamné à errer sur les océans, conduit par un équipage de squelettes et de fantômes, tel le légendaire Hollandais volant. Il peut aussi s'agir de l'apparition spectrale d'un navire disparu ou naufragé dans des circonstances particulièrement tragiques.

Par extension, en référence à ces légendes, on donne également le nom de vaisseaux fantômes aux épaves retrouvées en mer avec leur équipage mort ou disparu, parfois inexplicablement, dont le plus célèbre exemple est le brick Mary Celeste.

Sommaire

Les bateaux des morts

L'association d'une barque ou d'un navire avec les trépassés est très ancienne. Il semble que la nécessité d'un passage en bateau pour rejoindre le royaume des morts soit un thème quasi universel dans l'antiquité. Dans l'Égypte antique, la barque Mésektet traversait la nuit le royaume souterrain des morts pour permettre à , le dieu du disque solaire, de réapparaitre à l'aube. De même, la barque du Passeur (Mekhenet) permettait aux défunts de franchir un cours d'eau pour gagner un lieu paradisiaque. Dans la mythologie grecque, Charon avait pour rôle de faire traverser le fleuve des enfers, Achéron ou Styx, aux défunts afin qu'ils rejoignent le séjour des morts. Une croyance répandue dans un grand nombre de pays voudrait qu'une âme désincarnée ne puisse franchir un étendue d'eau sans une barque ou un pont[1]. Selon l'historien byzantin du VIe siècle Procope de Césarée :

« Les pêcheurs et les autres habitants de la Gaule qui sont en face de l'île de Bretagne, sont chargés d'y passer les âmes, et pour cela exempt de tributs. Au milieu de la nuit, ils entendent frapper à leur porte; ils se lèvent et trouvent sur le rivage des barques étrangères où ils ne voient personne, et qui pourtant semblent si chargées et s'élèvent d'un pouce à peine au-dessus des eaux; une heure suffit pour ce trajet, quoique, avec leurs propres bateaux, ils puissent difficilement le faire en l'espace d'une nuit[2]. »
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Plusieurs traditions sur ce thème ont longtemps perduré en Bretagne, qu'il s'agisse de la Lestr an Anaon, du Bag er Maru (barque des morts), du Bag noz (bateau de nuit) dont le capitaine est le premier (ou le dernier) mort de l'année, ou du navire immense qui circulait la nuit dans le golfe du Morbihan, condamné à errer jusqu'à la fin des temps avec à son bord les âmes des pires criminels[3],[4]. On retrouve pareillement un peu partout en Europe des histoires de gigantesques navires errants qui servent de paradis aux marins morts. Ce sont le Roth Ramback en Irlande, le Merry Dun en Angleterre, le Refanu dans le nord de l'Europe, le Chasse-Foudre et le Galipétant en France[5], ainsi que la Patte-Luzerne qui fréquentait surtout la côte méditerranéenne[6]. Nul ne sait si ces légendes d'embarcations transportant des morts sont à l'origine du mythe des vaisseaux fantômes, mais l'association entre bateaux et défunts préexistait dans les esprits.

Les vaisseaux fantômes légendaires

La transmission des légendes

Les légendes de vaisseaux fantômes sont extrêmement répandues même si le modernisme paraît leur avoir porté un coup fatal. Une centaine a été recensée[7] :

« Au nombre des légendes qui se transmettent de génération en génération chez les marins et qui se racontent tout bas aux quarts de nuit quand on navigue sous les tropiques, on peut citer la légende du Vaisseau Fantôme. Personne ne l'a vu et cependant chacun en parle et tous les marins y croient. »[8]
« Les marins chantent à demi-voix des chansons maritimes avec cette psalmodie monotone qui caractérise les marins; d'autres se racontent des histoires mystérieuses sur le Voltigeur hollandais, le Vaisseau fantôme, qui courent les mers depuis mille ans, et autres traditions maritimes qui servent depuis longtemps de texte aux contes de bord[9]. »
« Si l'on en croit les légendes et les traditions populaires, des flottilles de vaisseaux errants sillonnent les mers du globe avec une régularité surprenantes[10]. »

Le Hollandais volant

The Flying Dutchman par Albert Pinkham Ryder
Article détaillé : Hollandais volant.

Le plus célèbre des vaisseaux fantômes est le Hollandais volant, jadis appelé quelquefois Le voltigeur hollandais[11], également connu sous les noms anglais The Flying Dutchman[12] ou allemand Der Fliegende Hollander, ce dernier étant le titre original du premier des dix opéras majeurs[13] de Richard Wagner.

Il existe plusieurs versions de cette légende, la plus répandue est que le capitaine de ce brick fut assassiné par son équipage mais qu'il eut toutefois le temps de maudire. Peu de temps après, la peste se déclara à son bord et le navire fut rejeté de tous les ports où il tenta d'accoster, par peur de la contagion. Il commença alors à errer sans fin sur les mers[10].

« Les marins de toutes les nations croient à l'existence d'un bâtiment hollandais dont l'équipage est condamné par la justice divine, pour crime de pirateries et de cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu'à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage[14]. »

Autres légendes de vaisseaux fantômes

Carte de la Baie des Chaleurs

Le vaisseau fantôme de la Baie des Chaleurs

La baie des Chaleurs est un bras du golfe du Saint-Laurent au Canada. Au XVIIIe siècle, lorsqu'un navire voulait entrer dans la baie, pour venir commercer avec un des nombreux villages indien, il hissait un drapeau pour demander la venue d'un pilote pour le guider. Il s'agissait généralement de pirates, dont un des plus célèbres était le capitaine Craig. Cette assistance était indispensable autant pour entrer que pour ressortir de la baie[15].

Un jour où le capitaine Craig avait demandé l'assistance d'un pilote pour guider sa sortie, celui-ci, une fois à bord entendit des cris. Sous la menace d'être balancé à la mer par le pilote doté d'une carrure impressionnante, le pirate accepta de jeter l'ancre. Le pilote découvrit alors deux jeunes indiennes qui avaient été enlevées et qu'il s'empressa de libérer et ramener à terre. Une fois hors de danger, elles conjurèrent leur sauveteur de ne pas retourner sur le navire parce qu'elles pressentaient une catastrophe. Peu crédule, le pilote retourna à bord, mais une vague projeta effectivement le bateau sur les rochers. L'équipage fut tué sur le coup, Craig et son premier lieutenant se noyèrent, seul le pilote en réchappa. Le soir même, par un temps calme mais orageux, des témoins virent glisser sur la baie une boule de feu qui prit la forme du navire de Craig. Le même phénomène se fût reproduit à plusieurs reprises, mais toujours par un temps identique[16],[17].

Le spectre du Saguenay

La rivière Saguenay

Certains vaisseaux fantômes s'aventurent sur les rivières. Ainsi une ancienne légende québécoise concerne l'âme en peine du seigneur de Roberval, premier vice-roi du Québec, qui naviguerait la nuit sur la rivière Saguenay, un affluent du fleuve Saint-Laurent au Québec. Roberval est supposé avoir disparu avec son bateau en partant à la recherche du mythique royaume de Saguenay. Cependant, il revint vivant de son exploration et mourut à Paris en 1560.

« Cent ans après, les pêcheurs du Saint-Laurent racontaient encore en se signant que, chaque année, au fort des tempêtes de l’équinoxe, on pouvait voir, glissant silencieusement toutes voiles dehors, sur les flots du Saguenay, le navire sur lequel était parti. Roberval et, à la barre du vaisseau fantôme, la haute stature de Roberval immobile[18]. »

Le Caleuche

Vue d'artiste du Caleuche
Article détaillé : Caleuche.

Le Caleuche Caleuche est un vaisseau fantôme appartenant au folklore de l'archipel des îles Chiloé au Chili. Son apparence la plus fréquente est celle d'un grand bateau blanc illuminé d'où proviennent les échos d'une musique de fête et qui peut disparaître rapidement sous les eaux. Selon la légende, il s'agirait de la dernière demeure des personnes noyées en mer. Une de ses caractéristiques est de changer continuellement d'aspect, ce qui lui a valu son nom, Caleuche venant de Kaleuntun en Mapudungun, qui signifie se transformer, changer de peau[19]. Il est parfois considéré comme un repaire pour les sorciers et les démons locaux. Sa rencontre en mer est interprétée comme un très mauvais présage[réf. nécessaire].

Il n'existe aucun accord sur l'origine de cette légende. Il pourrait s'agir d'une adaptation locale des croyances européennes concernant les barques des morts, les vaisseaux fantômes et le célèbre Hollandais volant. Toutefois, il pourrait tout aussi s'agir d'élucubrations à partir de faits réels tels que la disparition du navire hollandais « Calanche », de l'occupation temporaire de l'île par le corsaire hollandais Baltazar de Cordes ou d'une pure invention destinée à masquer des opérations de contrebande[20],[21].

Le Princess Augusta

Article détaillé : Princess Augusta (navire).
Les falaises de Block Island

Le Princess Augusta est un navire dont deux voyages sont connus, de Rotterdam vers Philadelphie, réalisés en 1736 et 1738[N 1]. Les passagers d'origine germanique qu'il transportait étaient supposés venir du Palatinat et appelés « Palatines » par les autorités anglaises de la colonie de Pennsylvanie[22],[N 2].

En 1738, son dernier voyage s'est terminé tragiquement par un naufrage au large de l'île américaine de Block Island, près de New York. Il existe deux versions des raisons de ce sinistre. La première relate que le capitaine Andrew Brook, inexpérimenté, aurait égaré son navire, que l'équipage aurait racketté les passagers, des querelles s'en seraient suivies et le naufrage aurait eu lieu au cours d'une violente tempête. La seconde version est que les habitants de l'île auraient allumé des feux pour tromper le capitaine et provoquer le naufrage. C'est cette dernière hypothèse qui a inspiré à John Greenleaf Whittier un poème intitulé The Palatine[23]. Le Princess Augusta est devenu ensuite un vaisseau fantôme célèbre aux États-Unis, qui pourrait vu apparaissant en feu entre Noël et jour de l'an, ou avant une tempête. En 1879, un vieil habitant de l'île nommé Benjamin Corydon, prétendit avoir vu huit ou neuf fois son apparition. La dernière daterait de 1969[24],[25].

Le Yarmouth

Le Yarmouth était un deux-mâts carré de 200 tonnes, construit en 1811 dans la ville éponyme de Yarmouth en Nouvelle-Écosse au Canada. En 1812, son premier voyage était destiné à livrer une cargaison de poisson salé et de bois de charpente aux Antilles.

Le port d'Yarmouth en 1913

Il avait à son bord, outre Randall McDonald le propriétaire, son épouse Rebecca et neuf hommes d'équipage. Une lettre expédiée des Antilles informe qu'il était arrivé à bon port et serait de retour quelques semaines plus tard. Il a été vainement attendu et il devint évident que l'Yarmouth avait disparu en mer pendant son trajet de retour[réf. nécessaire].

Lorsqu'un an plus tard, des témoins stupéfaits virent arriver le bateau toutes voiles dehors dans le port, abaisser son mat et jeter l'ancre. Ne voyant personne se manifester à son bord pour descendre à terre, quelques hommes s'approchèrent avec une barque. Ils racontèrent avoir entendu le capitaine McDonald leur crier de rester à distance, puis le bateau disparut brusquement, les laissant totalement abasourdis. L'année suivante, à la même période, un scénario identique se répéta, et il en fut de même pendant 60 ans, l'apparition devenant de plus en plus faible, jusqu'à finalement disparaître totalement en 1872[26],[N 3]

La vision de l'Inconstant

Apparition d'un vaisseau fantôme

Vers quatre heures du matin, le 11 juillet 1861, par beau temps, le HMS Inconstant de la Royal Navy naviguait dans l'océan Pacifique lorsque l'officier de quart vit brusquement un voilier à deux mâts enveloppé d'un nuage luminescent surgir brusquement, lui couper la route, passer à environ 200 mètres sur bâbord puis disparaître. En quelques instants il ne resta plus de l'étrange vaisseau qu'une faible lueur à l'horizon. L'événement fut consigné dans le livre de bord[27],[28].

Le Tricoleur

« Le 5 janvier 1937, vers 17 heures, le Khosron voguait prudemment sous une pluie battante, actionnant sa sirène toutes les deux minutes. Soudain, le son d'une autre sirène se fit entendre. Le capitaine fit aussitôt stopper les machines. Brusquement, la forme imprécise d'un navire surgit à bâbord et passa à moins de deux cents mètres. L'équipage put distinctement lire son nom : Tricoleur. Quelques minutes plus tard, la pluie cessa et la vue porta à sept milles. Étant donné leurs vitesses relatives, les deux navires ne pouvaient être éloignés de plus de trois milles. Pourtant, le Tricoleur avait disparu. Robinson, qui venait de faire le point, emmena alors le capitaine dans la chambre des cartes. À l'endroit où les navires s'étaient croisés, la carte indiquait : « M.S. Tricoleur, a explosé et coulé en ce point le 5 janvier 1931, à 17 heures[29]. »

Hypothèses sur les origines des légendes

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour tenter de donner une explication rationnelle aux phénomènes ayant donné naissance aux diverses légendes.

Mirage

L'hypothèse généralement acceptée pour expliquer l'apparition et la disparition soudaine de navires est celle d'un mirage froid, également appelé « mirage supérieur », phénomène résultant de la réfraction atmosphérique à travers des couches d'air de températures différentes, de l'image d'un bateau situé à une distance variable, parfois au-delà de l'horizon[30].

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Feu de Saint-Elme

Feu de Saint-Elme
La découverte du Marlborough

La luminosité de certaines apparitions pourrait s'expliquer par le phénomène du Feu de Saint-Elme, c'est-à-dire la luminosité, provoquée par une forte charge électrostatique telle que produite par un orage, apparaissant de nuit aux extrémités de la mâture d'un navire. Toutefois cette hypothèse implique la présence réelle d'un bateau[16],[30].

Gaz inflammables

Une autre théorie voudrait que le navire de feu ne serait qu’une boule de gaz inflammable possiblement émise d’une faille sous-marine[16].

Bioluminescence

Une troisième possibilité est que l’illusion du navire de feu serait créée par une forme de vie marine phosphorescente[16].

Méprise

Il peut également parfois s'agir de simples méprises. En 1907, l'information suivante a été publiée :

« L'énigme du vaisseau fantôme, près du cap Hom, qui a si souvent épouvanté les marins et qui a été la cause de la perdition de bien des équipages, vient d'être résolue par le bureau hydrographique des États-Unis. Des navires qui passaient par le cap Horn, pour se rendre d'Europe dans les ports de l'Amérique occidentale, ont vu leurs équipages souvent saisis par le spectacle d'un navire naufragé battu par les vagues. Le navire italien Couronne d'Italie essaya de porter secours au navire naufragé et manqua se perdre sur les rochers. Tout récemment, les officiers de la barque norvégienne Serbia donnèrent des détails sur ce vaisseau fantôme, toujours immuable, et leur description concordait entièrement avec celle des officiers italiens. Ceci décida le gouvernement des États-Unis à approfondir le mystère. La commission du bureau hydrographique découvrit un rocher qui, éclairé d'une certaine façon, ressemble d'une manière frappante à un navire[31]. »

Réalité terrifiante

La découverte de certaines épaves réelles, dans des circonstances particulièrement lugubres, peut avoir marqué durablement les esprits et contribué à la légende de bateaux conduits par des équipages de fantômes et de squelettes. Une telle sinistre rencontre s'est déroulée en 1913. Le Marlborough, un trois-mâts à coque en fer, long de 70 m, avait été lancé à Glasgow en 1876 et était devenu la propriété de la Shaw, Saville & Albion Company. Il était armé par un équipage de 29 hommes commandé jusqu'en 1883 par le capitaine Anderson, puis par le capitaine Herd. Entre 1876 à 1890, le Marborough avait assuré avec succès quatorze traversées d'immigrés entre Londres et la Nouvelle-Zélande. Chargé d'une cargaison de viande congelée et de laine, il partit de Lyttelton en Nouvelle-Zélande le 11 janvier 1890, et a été vu pour la dernière fois le 13 janvier, avant de disparaitre sans laisser de traces. Il a été retrouvé 23 ans plus tard, en 1913, intégralement recouvert de moisissure verte, dans des circonstances particulièrement tragiques :

« Un navire anglais se rendant à Lyttleton a fait, à Punta Arenas (près du cap Horn) une découverte macabre. Il a aperçu un navire qui semblait désemparé. Aucune réponse n'étant fait à ses signaux il s'est approché ; des matelots ont pénétré à bord de ce navire. Ils y ont trouvé vingt squelettes humains. Le bateau portait le nom de Marlborough, du port de Glasgow. Or, en 1890, un voilier de ce nom qui se rendait au Chili fut aperçu, pour la dernière fois auprès du détroit de Magellan, puis on demeura sans aucune nouvelle de lui et il fut classé comme perdu[32],[33]. »

Les épaves dérivantes

Abandon d'un navire en perdition

À partir du XVIIIe siècle, de nombreux navires furent abandonnés en haute mer par leur équipage pour diverses raisons :

« Ou bien le navire coulait bas envahi par l'eau et, après abandon, il a continué à flotter entre deux eaux : ou bien, il a été incendié, son équipage s'est enfui épouvanté, et le feu s'est arrêté lorsque l'eau est arrivée au niveau du pont. Parfois, à n'en pas douter, et le cas est heureusement rare, le choléra, la peste ou toute autre maladie ont fait périr tout le monde à bord : voila donc le navire qui continue sa route, encore gréé, au hasard, dangereux à aborder à tous points de vue[10],[34]. »

Bien que redoutablement réels, se crée une habitude de les qualifier de « vaisseaux fantômes » en référence aux diverses légendes. À la fin du XIXe siècle, le bureau hydrographique de Washington, aux États-Unis, a créé un service spécial chargé de recenser ces épaves errantes[N 4]. Selon cet organisme, il y avait à cette époque une vingtaine d'épaves à flot en permanence sur les grandes routes maritimes de l'Atlantique nord, occasionnant environ 230 rencontres à hauts risques chaque année[34]. La situation empira ensuite à tel point qu'en 1913 l'administration américaine construisit un navire spécifiquement destiné à les couler à l'aide d'explosifs :

« Scientific American nous dit que les États-Unis viennent de mettre en service, pour la protection de leur côte atlantique contre les épaves flottantes, le navire spécial destructeur d'épaves Seneca. Le Seneca a son champ d'opérations limité en latitude par les parallèles de l'île des Sables et des Bermudes. Muni de la télégraphie sans fil, il est immédiatement prévenu soit d'un naufrage en tel ou tel point, soit de la rencontre par un navire d'une de ces dangereuses épaves, navire abandonné par son équipage, mature coupée avec son gréement, ou navire flottant entre deux eaux, qui ont si souvent joué le terrible rôle de « vaisseau-fantôme[35]. »
Baychimo (1931)
Le Baychimo pris dans les glaces de la banquise

Le Baychimo, surnommé le bateau-fantôme de l'Arctique[36] entre dans la catégorie des vaisseaux fantômes par la durée exceptionnelle de sa survie, bien que les circonstances de son abandon soient parfaitement connues. C'était un cargo à vapeur en acier, construit en Suède en 1914, long de 70 mètres et pesant 1 300 tonnes. Il appartenait à la Compagnie de la Baie d'Hudson et était affecté au transport des fourrures le long de l'île Victoria et de la côte nord-ouest du Canada, au-delà du cercle Arctique. Le 1er octobre 1931, il fut pris une première fois dans les glaces de la banquise puis, après quelques péripéties, définitivement abandonné le 24 novembre 1931. L'opinion générale était qu'il allait rapidement couler et disparaitre, mais il n'en fut rien. Quelques mois plus tard, il fut aperçu à 300 milles à l'est de sa dernière position connue. Il a ensuite été revu à de nombreuses reprises et, pour la dernière fois, par un groupe d'Inuits en 1969, soit 38 ans après son abandon. Il était alors prisonnier de la banquise de la mer de Beaufort. Il n'existe plus d'informations à son sujet depuis cette date et il est présumé avoir finalement coulé. En 2006, le gouvernement de l'Alaska a lancé un projet pour retrouver le Baychimo, qu'il soit à flot ou au fond des mers[37],[38],[39].

Les disparitions d'équipages

Dans la plupart des cas de bateaux abandonnés, tout ou une partie de l'équipage a heureusement réussi à échapper au sinistre ayant provoqué cet abandon. Leurs récits permettent d'en connaître les motifs. Mais, pour quelques navires, les causes et les modalités de cet abandon restent une énigme, laissant la porte ouverte à de multiples hypothèses, y compris les plus excentriques.

Le Mary Celeste (1872)

Article détaillé : Mary Celeste.
Le Mary Celeste

Le Mary Celeste, souvent appelé à tort La Marie-Céleste[40], est incontestablement le plus célèbre des vaisseaux fantômes réels. C'était un brick de 198 tonneaux construit en 1860 en Nouvelle-Écosse au Canada. Il avait appareillé, chargé d'une cargaison de 1 701 fûts d’alcool dénaturé, avec à son bord le capitaine Benjamin Briggs, sa femme, sa fille Sophia âgée de 2 ans et sept hommes d’équipage. Il fut découvert abandonné, le 5 décembre 1872, entre le Portugal et les Açores par le Dei Gratia, commandé par le capitaine Morehouse. Les dernières indications notées sur le livre de bord du navire remontaient au 24 novembre et une ardoise indiquait qu'il avait atteint l'île de Santa Maria aux Açores le 25. Le navire était intact, voiles partiellement carguées, mais avec une certaine quantité d'eau dans la coque. La barre n'était pas amarrée, il manquait à bord le canot, un hunier, les instruments de navigation, des vivres et une certaine quantité d'eau. Tout laisse à penser que le bateau avait été abandonné dans la panique pour une raison inconnue. L'équipage, embarqué dans le canot, avait ensuite probablement disparu en mer.

En 1884, Arthur Conan Doyle fit de cette découverte un récit romancé[41], en y ajoutant de nombreux détails imaginaires. Ces derniers furent repris comme des éléments réels dans des relations ultérieures et contribuèrent à alimenter les hypothèses les plus diverses[réf. nécessaire].

Le J. C. Cousins (1883)

L'embouchure de la Columbia

La goélette J. C. Cousins était un luxueux yacht de 49 tonnes, long de 20 mètres, construit à San-Francisco en 1863. Après divers emplois, le navire avait été acheté pour être utilisé comme bateau-pilote à Astoria (Oregon), à l'embouchure de la Columbia. Le soir du 6 octobre 1883, la goélette avait appareillé vers l'est[N 5] d'Astoria pour aller prendre son poste en mer, afin de pouvoir guider les navires devant éviter les bancs de sable à l'embouchure du fleuve. Son équipage de quatre marins fraîchement recrutés, sans fauteur de troubles connu, était sous le commandement du capitaine Joshua Zeiber. Une fois parvenu au milieu de la rivière, le capitaine avait noté dans le livre de bord, outre sa position et l'heure, que « tout allait bien à bord ».

Le lendemain matin, 7 octobre 1883, il faisait un temps clair et un vent léger. Très tôt le navire avait été observé virant à trois miles au large, en direction de Clatstop Spit, près d'Ilwaco, dans l'État de Washington. Brusquement, vers 13 heures, suite à un changement de vent, le navire a brusquement pivoté sur lui-même et s'est dirigé, toutes voiles dehors, droit sur la côte, pour finalement s'échouer brutalement sur un banc de sable. Les témoins se sont immédiatement précipité à son secours et ont découvert, une fois montés à bord, une situation incompréhensible : le navire avait été manifestement abandonné avec précipitation. Il y restait un repas intact servi sur la table du carré et, dans la cuisine, des pommes de terres cuisaient dans un casserole, sur une cuisinière encore chaude. Dans le poste d'équipage, tous les effets des marins étaient proprement pendus. Il n'y avait pas la moindre trace de lutte ou de désordre. Dans la cabine du capitaine un révolver Colt était rangé avec ses six balles de calibre .45 dans le barillet. Le canot du bord était arrimé à son poste et, sur le pont près du grand mât, une caisse contenant une pile de bouées de sauvetage en liège était intacte. Aucun corps n'a été repêché et, à terre ou en mer, il n'y avait la moindre trace de l'équipage. Une commission d'enquête a exploré en vain toutes les hypothèses possibles mais le mystère n'a jamais été éclairci. Le navire a finalement été remorqué, puis vendu aux enchères[42],[43],[44].

Le Caroll A. Deering échoué fin janvier 1921. Cliché des gardes-côtes américains

Le Caroll A. Deering (1921)

Le schooner à cinq mâts Caroll A. Deering a été retrouvé le 31 janvier 1921 échoué toutes voiles dehors sur des hauts-fonds au large du cap Hatteras, sur la côte est des États-Unis. Un repas était en préparation mais, à l'exception de deux chats, il n'y avait plus âme qui vive à bord. La plupart des effets personnels avaient disparu et divers indices laissaient à penser que son commandant, le capitaine Willis Wormell, avait été remplacé avant le naufrage. On ne retrouva aucune trace des membres de l'équipage et le mystère ne fut jamais éclairci[45].

Dans la culture populaire

De nombreuses œuvres se sont inspirées par cette légende et en portent le nom, bien que ce soit aussi le thème principal ou secondaire de réalisations très différentes même si l'appelation « vaisseau fantôme » ne figure pas explicitement dans leur titre :

Livret de l'opéra « le Vaisseau fantôme » de Richard Wagner
Le manège du Hollandais volant au parc Walibi World
Opéras
Films et séries télévisées
Poème
  • Le vaisseau fantôme est un poème écrit par le roumain Alexandru Macedonski publié par L'Élan littéraire en 1885.
Littérature
Bandes dessinées
Attractions
  • L'attraction De Vliegende Hollander du parc Efteling.
Divers
  • Le Vaisseau fantôme est une petite salle de spectacle parisienne logée dans une péniche

Notes et références

Notes

  1. Il est possible qu'un troisième voyage ait eu lieu en 1737 mais il n'en existe aucune trace connue
  2. D'où le nom de « Palatine » qui est parfois donné abusivement au navire.
  3. Le fait que le retour spectaculaire - et répétitif - du Yarmouth n'ait été relaté par la presse qu'au bout de 42 ans, le 16 novembre 1854, dans une édition du San Francisco Golden Era, ne plaide pas en faveur de l'authenticité de cette apparition[réf. nécessaire].
  4. Connues sous le terme de derelicts en anglais
  5. C'est-à-dire sans aucune cargaison monnayable

Références

  1. Paul Sébillot, Le folklore de France, T2, Guilmoto, 1905, p. 151
  2. Procope de Césarée, La guerre des Goths, I.IV.c20 (vers 552)in Paul Sébillot, Le folklore de France, T2, Guilmoto, 1905, p. 148
  3. Jean Markale, Les mystères de l'après vie, Pygmalion, 1998, p. 59
  4. Daniel Cohen, Encyclopédie des fantômes, Robert Laffont, 1991, pp. 288-289
  5. Robert de La Croix, Vaisseaux fantômes et épaves errantes, Famot, Genève, 1982 p. 93
  6. Paul Sénéquier, Revue des traditions populaires, T12 no 7, juillet 1897 p. 390 Lien Gallica
  7. Xavier Yvanoff, Histoire de revenants - Les temps modernes , JMG, 2007,p. 356
  8. Édouard-Jean-Baptiste Gélineau, Souvenirs de l'île de la Réunion, Vigot frères, Paris, 1905, p. 231
  9. Charles Marchal, Veillées sur terre et sur mer, J. Vermot, Paris, 1857, p. 35
  10. a, b et c Joël Jacquet, en préface du livre Le vaisseau fantôme de Frederick Marryat, Glénat, 1992, p. 7
  11. Léon Renard, L'art naval, Hachette, Paris, 1873, (3e édition), p. 268 lien Gallica
  12. Archibald Philip Primrose (comte de Rosebery), Napoléon, la dernière phase, Hachette, Paris, 1901 (3e édition) p. 132 Lien Gallica
  13. L'opéra de Wagner sur le site de forumopera.com
  14. Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, seconde édition, P. Mellier, Paris, 1844, p. 322
  15. La légende du vaisseau fantôme de la baie des Chaleurs
  16. a, b, c et d Le vaisseau fantôme par la ville de Bathurst
  17. À la recherche du vaisseau fantôme
  18. Georges Lamy, Voyage du novice Jean-Paul à travers la France d'Amérique, A. Colin, Paris, 1890, p. 23
  19. Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette. Chili, île de Pâques, Patagonie, Nouvelles éditions de l'université - Le Petit Futé, 2004 p. 376 (ISBN 978-2746909731)
  20. Jacques Soustelle, Folklore chilien, Collection ibéro-américaine, Institut international de coopération intellectuelle, 1938
  21. Robert de La Croix, Histoire secrète des océans, Ancre de Marine, 1998
  22. (en) Palatine immigration ships (consulté le 22/06/2008)
  23. (en) L'œuvre de John Greenleaf Whittier sur Questia (consulté le 27/12/2009)
  24. Collectif, Les lieux hantés, Editions Time-Life, Amsterdam, 1989, p. 76
  25. (en)La légende de la Palatine
  26. Le vaisseau fantôme «Yarmouth»
  27. Xavier Yvanoff, Histoire de revenants - Les temps modernes, JMG, 2007, p. 356
  28. Jean-Paul Ronecker, Les annales du mystère, JMG, 2000, p. 102
  29. Vincent Gaddis, Les vrais mystères de la mer, p. 130 in Jean-Paul Ronecker, Les annales du mystère, JMG, 2000, p. 204
  30. a et b Collectif, Les lieux hantés, Éditions Time-Life, Amsterdam, 1989, p. 75
  31. Journal L'écho du merveilleux, N°241, 15 janvier 1907, p. 39
  32. Supplément illustré du Petit Journal, no 1.196 du 19 octobre 1913.
  33. (en)Le mystère du Marlborough
  34. a et b Max de Nansouty, Actualités scientifiques, F. Juven, Paris, 1907, pp. 366-369
  35. Bulletin de la société de géographie de Rochefort, tome 34, 1913, p. 128
  36. En anglais the Ghost Ship of the Arctic.
  37. (en)David Gunston, Courrier de l'UNESCO, août-Septembre 1991
  38. (en)Kenn Harper, Bateau fantôme, la disparition du Baychimo, 24 novembre 2006
  39. (en)A.F. Jamieson (officier radio du Baychimo), Le dernier voyage du Baychimo, Vancouver Sun, 4 mai 2006
  40. Nom que lui donne Arthur Conan Doyle dans son récit imaginaire, voir çi-après.
  41. Arthur Conan Doyle, Déposition de J. Habakuk Jephson (J. Habakuk Jephson's Statement - 1884), Contes du camp - Contes de l’eau bleue - Autres contes, Editions Néo, L'intégrale 5, 1987, (ISBN 2-7304-0423-2)
  42. (en)James A. Gibbs, Jr. Pacific Graveyard, A narrative of the ships lost where the Columbia river meets the pacific ocean, Binfords and Mort, Portland, 1950, pp. 153-190
  43. (en) Bateaux fantômes et équipages disparus
  44. (en) Le Cimetière du Pacifique: Les naufrages sur la côte de Washington
  45. John Harris, Les vaisseaux fantômes, Presses de la Cité, 1983, p. 9
  46. Titre original anglais The phantom ship

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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