Théorème de hahn-banach

Théorème de hahn-banach

Théorème de Hahn-Banach

Ce théorème, auquel a été donné le nom des deux mathématiciens Hans Hahn et Stefan Banach, garantit l'existence d'une forme linéaire vérifiant certaines conditions (valeurs imposées sur une partie de l'espace, mais limitées partout).

En permettant de prouver abstraitement l'existence de nombreuses fonctions continues, c'est un outil fondamental de l'analyse fonctionnelle.

Par son interprétation géométrique en termes d'hyperplans évitant un convexe fixé, il joue également un rôle primordial dans l'étude de la géométrie des convexes, et au-delà en analyse convexe.


Sommaire

Forme analytique et forme géométrique

Les énoncés dénommés « théorème de Hahn-Banach » dans la littérature scientifique sont nombreux, différant les uns des autres parfois par de simples détails et parfois de façon significative. Ils se divisent néanmoins nettement en deux classes : certains garantissent de pouvoir prolonger une forme linéaire, sous certaines exigences de majoration (les formes « analytiques » du théorème) ; d'autres assurent qu'on peut séparer deux ensembles convexes par un hyperplan affine (les formes « géométriques » du théorème).

Donnons pour commencer un exemple d'énoncé pour chacune de ces deux catégories[1].

Un énoncé de la forme analytique du théorème

Théorème — Soit V un espace vectoriel sur \R et p une fonction convexe définie sur V et qui ne prend que des valeurs finies.

Soit G un sous-espace vectoriel de V, et f une forme linéaire sur G qui y vérifie en tout point la condition de majoration : f(x)\leq p(x).

Il existe alors un prolongement de f en une forme linéaire sur l'espace V tout entier, vérifiant encore la condition : f(x)\leq p(x) en tout point de V.

Un énoncé de la forme géométrique du théorème

Théorème — Soit E un espace vectoriel topologique et C un convexe ouvert non vide de E.

Soit L un sous-espace affine de E qui vérifie la condition : L\cap C=\emptyset.

Il existe alors un hyperplan affine H contenant L et qui vérifie lui aussi la condition : H\cap C=\emptyset.

De plus, H est un hyperplan fermé.

La forme analytique du théorème est due à Banach[2] (1932) généralisant un résultat de Hahn qui s'intéresse dès 1920 aux espaces vectoriels normés. Il existe une généralisation du théorème de Hahn-Banach aux espaces vectoriels sur le corps des complexes[3] due à Bohnenblust et Sobczyk (1938). Les difficultés de la généralisation du théorème de Hahn-Banach apparaissent même pour des espaces vectoriels de dimension finie.

Relations entre les deux énoncés et preuve de la forme « géométrique »

La forme géométrique du théorème —d'où on peut ensuite déduire une succession de variantes diverses relatives à la séparation des convexes— est la retranscription de la forme analytique pour le cas particulier où la fonction convexe qui y intervient est la jauge d'un ouvert convexe d'un espace normé. C'est d'ailleurs le cas dans les utilisations les plus simples et fondamentales du théorème en analyse fonctionnelle qu'on peut selon ses goûts lire depuis une version ou l'autre (on en verra un exemple plus bas).

Voyons de plus près comment la forme géométrique se déduit de la forme analytique :

On peut s'étonner que la forme géométrique fasse intervenir une topologie tandis que la forme analytique concerne un espace vectoriel sans structure additionnelle. En fait, il est tout à fait possible d'énoncer une forme géométrique dans un espace vectoriel quelconque : il faudra alors supposer que tout translaté du convexe C contenant l'origine est absorbant, à défaut de pouvoir donner un sens à « ouvert »  ; on n'a bien sûr plus le complément sur le caractère fermé de l'hyperplan obtenu tombe. La démonstration est la même.

La preuve de la forme « analytique »

Deux types d'idées bien distinctes sont à mettre bout à bout pour aboutir à une preuve dans le cadre de généralité où le théorème a été énoncé. Dans un premier temps, quelques calculs assez simples permettent de justifier l'extension de la forme linéaire f dans le cas particulier où G est de codimension 1 dans V. Une fois cette étape franchie, on a déjà le théorème en dimension finie (il suffit de faire grossir pas à pas le sous-espace où on a réussi à étendre f, d'une dimension à chaque pas, et jusqu'à atteindre la dimension de V). En revanche, pour les usages en dimension infinie, il faut adapter cette méthode fort simple d'avancée méthodique et appeler quelques techniques assez standardisées de théorie des ensembles : on exécute ainsi une récurrence transfinie, le plus souvent rédigée sous forme d'un appel au lemme de Zorn.

Un exemple d'application en analyse fonctionnelle

Le corollaire suivant illustre comment le théorème de Hahn-Banach peut produire très facilement des résultats essentiels d'analyse fonctionnelle[4].

Corollaire — Soit E un espace normé, G un sous-espace de E et f une forme linéaire continue sur G. On peut alors prolonger f en une application continue définie sur E, de même norme que f.

Quelques autres versions du théorème

On trouvera ci-dessous deux variantes de la « forme analytique » qui se déduisent facilement de celle mise en relief. La première fournit une variante du résultat pour les espaces vectoriels complexes ; la seconde précise que sous une bonne hypothèse de symétrie de p, notamment vérifiée quand p est une semi-norme, on peut obtenir une majoration de la valeur absolue (ou du module dans le cas complexe) de la forme linéaire prolongée[5].

Théorème — Soit V un espace vectoriel sur \mathbb{C} et p une fonction convexe définie sur V, qui ne prend pas la valeur +\infty.

Soit G un sous-espace vectoriel de V, et f une forme linéaire sur G qui y vérifie en tout point la condition de majoration : \mathrm{Re}\,f(x)\leq p(x).

Il existe alors un prolongement de f en une forme linéaire sur l'espace V tout entier, vérifiant encore la condition : \mathrm{Re}f(x)\leq p(x) en tout point de V.

Théorème — Soit V un espace vectoriel sur \R ou \mathbb{C} et p une fonction convexe définie sur V, qui ne prend pas la valeur +\infty.

On suppose en outre que p possède la propriété de symétrie suivante : pour tout scalaire θ avec | θ | = 1 et tout vecteur x de V, p(x) = px).

Soit G un sous-espace vectoriel de V, et f une forme linéaire sur G qui y vérifie en tout point la condition de majoration : |f(x)|\leq p(x).

Il existe alors un prolongement de f en une forme linéaire sur l'espace V tout entier, vérifiant encore la condition : |f(x)|\leq p(x) en tout point de V.

On trouvera des variantes de la forme géométrique à l'article Séparation des convexes.

Le rôle de l'axiome du choix

Comme on l'a vu, le lemme de Zorn (équivalent à l'axiome du choix) entraîne le théorème de Hahn-Banach. En réalité, le lemme des ultrafiltres, qui est une proposition plus faible que l'axiome du choix, est suffisant pour démontrer le théorème de Hahn-Banach. Mais inversement, on sait depuis des travaux de D. Pinas de 1972 que le théorème de Hahn-Banach n'est pas suffisant pour démontrer le lemme des ultrafiltres. Ainsi, le théorème de Hahn-Banach n'est pas équivalent à l'axiome du choix dans le système d'axiomes de Zermelo-Fraenkel. On doit ajouter à cela que le seul système de Zermelo-Fraenkel n'est pas à lui seul suffisant pour démontrer Hahn-Banach, dont toute preuve doit donc reposer inévitablement sur une ou autre variante de l'axiome du choix.[6]

Références

Lorsqu'une note renvoie à un nom d'auteur sans plus de précisions, il s'agit d'un des ouvrages mentionnés ci-dessous en bibliographie.

  1. L'énoncé analytique est le théorème III-5 dans Reed-Simon, p. 75. La forme géométrique est le théorème 1, p. II-39 dans Espaces vectoriels topologiques de Nicolas Bourbaki, Masson, 1981, (ISBN 2225684103), où figure aussi la remarque qui suit l'énoncé.
  2. Théorie des opérations linéaires, Varsovie
  3. H.F. Bohnenblust, A. Sobczyk, Bull. Amer. Math. Soc[1]
  4. L'exemple donné ici est le corollaire 1-2 dans Brezis, p. 3.
  5. Ces deux versions sont issues d'un cours donné par Gabriel Nagy à l'Université du Kansas, dont les notes sont disponibles en ligne.
  6. Toutes ces informations sont disponibles dans Consequences of the Axiom of Choice, de Paul Howard et Jean E. Rubin, coll. « Mathematical surveys and monographs », vol. 59, American Mathematical Society, 1998 (ISBN 0821809776), qui renvoie notamment aux articles de D. Pinas, « Independence of the prime ideal theorem from the Hahn-Banach theorem », dans le Bulletin of the American Mathematical Society, 78 (1972) p. 203-248 et « The strength of the Hahn-Banach theorem », dans Proceedings of the Victoria Symposium on Nonstandard Analysis, coll. « Lecture notes in mathematics », vol. 369, Springer, Heidelberg, 1973. Pinas fournit deux modèles où Hahn-Banach est vrai alors que certaines formes de l'axiome du choix (lemme des ultrafiltres, axiome du choix dénombrable) ne le sont pas, l'un construit pour l'occasion, l'autre étant un modèle déjà connu construit par A. Levy en 1962 à d'autres fins dans lequel il prouve que Hahn-Banach est vérifié. Il prouve par ailleurs qu'il existe des contre-exemples à Hahn-Banach dans le fameux modèle de Solovay de Zermelo-Fraenkel (celui où tout ensemble de réels est Lebesgue-mesurable).

Bibliographie


  • Haïm Brezis, Analyse fonctionnelle : théorie et applications [détail des éditions]
  • Lawrence Narici et Edward Beckenstein, 'The Hahn–Banach Theorem: The Life and Times', Topology and its Applications, Volume 77, 2° édition (3 juin 1997) pp. 193-211. Un préprint est disponible en ligne.
  • Michael Reed et Barry Simon, Functional Analysis, Section III.3. Academic Press, San Diego, 1980. (ISBN 0-12-585050-5).
  • Walter Rudin, Analyse fonctionnelle [détail des éditions]
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