Sandro Pertini

Sandro Pertini
Sandro Pertini
Pertini ritratto.jpg
Mandats
7e président de la République italienne
9 juillet 197829 juin 1985
Élection 8 juillet 1978
Président du Conseil Giulio Andreotti
Francesco Cossiga
Arnaldo Forlani
Giovanni Spadolini
Amintore Fanfani
Bettino Craxi
Prédécesseur Giovanni Leone
Amintore Fanfani (intérim)
Successeur Francesco Cossiga
Président de la Chambre des députés
5 juillet 19684 juin 1976
Prédécesseur Brunetto Bucciarelli-Ducci
Successeur Pietro Ingrao
Sénateur à vie
(en tant qu'ancien président de la République italienne)
29 juin 198524 février 1990
Biographie
Date de naissance 25 septembre 1896
Lieu de naissance Flag of Italy.svg Stella (Italie)
Date de décès 24 février 1990 (à 93 ans)
Lieu de décès Flag of Italy.svg Rome (Italie)
Nationalité italienne
Parti politique Parti socialiste italien
Conjoint Carla Voltolina
Religion Athéisme

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Présidents de la République italienne

Alessandro Pertini, dit Sandro Pertini (né le 25 septembre 1896 à Stella San Giovanni, en Ligurie – mort le 24 février 1990 à Rome[1]) est un homme politique, avocat et journaliste italien, médaille d'or de la valeur militaire, médaille d'argent de la valeur militaire, septième président de la République italienne de 1978 à 1985.

Membre du Parti socialiste italien, il est, lors de la prise du pouvoir par le fascisme, l'un des plus fervents opposants au régime et pour cela il est condamné par le tribunal spécial pour la sécurité de l'État d'abord à la relégation puis à l'emprisonnement, il passe une longue période d'exil en France. À l'issue de la chute du régime instauré par Benito Mussolini, il devient un des membres de premier plan de la Résistance italienne et membre du Comité de libération nationale.

Dans l'Italie républicaine, il est élu député à l'assemblé constituante, assumant par deux fois consécutives, du 5 juin 1968 au 25 mai 1976, la charge de président de la Chambre des députés puis il est élu, le 8 juillet 1978, président de la République. Il est considéré, unanimement, comme le président de la République italienne le plus populaire de l'histoire républicaine.

« [...] Pour moi la liberté et la justice sociale, qui sont les objectifs du socialisme, constituent un binôme indissociable, il ne peut y avoir liberté sans justice sociale, comme il ne peut y avoir justice sociale sans liberté.
Ainsi, si à moi socialiste, on m'offrait la réalisation de la réforme la plus radicale à caractère social en me privant de la liberté, je la refuserais [...] Voici comment je suis socialiste [...] »

— interview[2].

Sommaire

Biographie

La jeunesse

Il naît dans une famille aisée composée de quatre enfants : l'ainé Luigi, peintre ; la sœur Marion, qui épouse un diplomate italien ; Giuseppe, officier de carrière et Eugenio, déporté et tragiquement disparu dans le camp de concentration de Flossenberg le 25 avril 1945. Le père Alberto est un propriétaire terrien.

Pertini, très lié à sa mère Maria Muzio, fait ses premières études au collège des salésiens Don Bosco de Varazze, puis il entre au lycée Gabriello Chiabrera de Savone, où il a comme professeur de philosophie Adelchi Baratono, socialiste réformiste et collaborateur de la Critica Sociale de Filippo Turati, lequel le fait se rapprocher du socialisme et du milieu des mouvements ouvriers ligure. Il s'inscrit à l'Université de Gênes où il obtient un diplôme en droit.

En 1917, le jeune Pertini est appelé comme sous-lieutenant et envoyé sur le front d'Isonzo et il se distingue par une série d'actes héroïque, il est décoré de la médaille d'argent de la valeur militaire pour avoir mener, en août 1917, un assaut sur le mont Jelenik, lors de la bataille de la Bainsizza. Après la guerre, il ne reçut pas sa décoration, le régime fasciste lui en refusant le mérite en raison de son activité socialiste.

En 1918, Sandro Pertini commence à militer au Parti socialiste italien. Il s'installe à Florence, hôte de son frère Luigi, et il s'inscrit à l'Institut universitaire « Cesare Alfieri di Sostegno » recevant en 1924 son second titre en science politique, avec une thèse ayant pour titre La Coopération (La Cooperazione). À Florence, Pertini entre en contact avec les milieux de l'interventionnisme démocratique et socialiste proche de Gaetano Salvemini, des frères Nello Rosselli et Carlo Rosselli et de Ernesto Rossi, c'est à cette période qu'il adhère au mouvement d'opposition au fascisme Italie libre (Italia Libera).

L'antifascisme

La première condamnation

Hostile dès le début au régime fasciste, il s'inscrit au PSU après l'assassinat du député Giacomo Matteotti. En raison de son activité politique, il est souvent l'objet d'agression des squadristes et le 22 mai 1925 il est arrêté pour avoir distribué un opuscule clandestin imprimé à ses frais au titre de Sous la barbare domination fasciste (Sotto il barbaro dominio fascista) et dans lequel il dénonce la responsabilité de la monarchie envers l'instauration du régime fasciste, les violences du fascisme et la défiance à l'égard du travail du Sénat, composé en majorité de « philofascistes », appelé à juger au sein de la Haute Cour de Justice les éventuelles complicités du général Emilio De Bono concernant l'affaire Matteotti.

Il est accusé d'« instigation à la haine entre les classes sociales » selon l'article 120 du Code Zanardelli, de délit d'imprimerie clandestine, outrage au Sénat et lèse prérogative de l'irresponsabilité du roi pour des actes du gouvernement.

L'intérieur de la prison de l'île de Santo Stefano

Pertini, au cours de l'interrogatoire mené par le procureur du roi et lors de l'audience publique, revendique son action assumant l'entière responsabilité et se disant prêt à poursuivre la lutte antifasciste en faveur du socialisme et de la liberté, quelle qu'en soit la condamnation.

Le 3 juin 1925, il est condamné à huit mois de détention et à une amende pour les divers délits. La condamnation ne ralentit pas son activité qu'il reprend à peine libéré.

En novembre 1926, après l'échec de l'attentat de Anteo Zamboni contre Mussolini, comme beaucoup d'autres antifascistes, il est l'objet de nouvelles violences de la part des fascistes, et il est contraint de quitter Savone pour revenir à Milan. Le 4 décembre 1926, avec la proclamation des lois exceptionnelles contre les antifascistes, Pertini est envoyé en relégation pendant cinq ans, le maximum de la peine prévue par la loi, dans la prison de la petite île de Santo Stefano.

L'exil et la période clandestine

Le 12 décembre 1926, pour éviter la capture, il quitte Milan et s'expatrie en France avec Filippo Turati et avec l'aide de Carlo Rosselli et Adriano Olivetti. Après avoir passé quelques mois à Paris, il s'établit définitivement à Nice et il devient un membre de premier ordre des exilés, menant une intense propagande contre le régime fasciste au travers d'écrits et de conférences.

En avril 1926, il installe dans sa résidence de Nice une station de radio clandestine afin de maintenir un lien avec ses compagnons en Italie et pour pouvoir communiquer et recevoir des nouvelles. La police française le découvre et il est condamné à un mois de réclusion, peine suspendue avec la conditionnelle après paiement d'une amende.

L'exil français se termine en mars 1929, il part de Nice avec un faux passeport au nom de Roncaglia Luigi, il passe la frontière à la gare de Chiasso le 26 mars 1929 et rentre en Italie.

La capture et la prison

Le 14 avril 1929 à Pise, cours Vittorio Emanuele, l'actuel cours Italia, il est reconnu et arrêté. Le 30 novembre 1929 il est condamné par le Tribunal spécial pour la sécurité de l'État à 10 ans et 9 mois de réclusion et à 3 ans de surveillance spéciale. Pendant le procès, Pertini refuse de se défendre, conscient du fait qu'il se trouve face à un tribunal à la solde du régime, et c'est ainsi qu'il exhorte la cour à passer directement à la condamnation déjà prévue. Pendant l'annonce de la sentence, il se lève et crie : « À bas le fascisme ! Vive le socialisme ! »

Il est enfermé dans l'île de Santo Stefano, mais après presque deux ans de détention, le 10 décembre 1930, il est transféré, en raison de son état de santé, dans la prison de Turi, où il partage sa cellule avec Athos Lisa et Giovanni Lai. À Turi, où il est le seul socialiste emprisonné, il fait la connaissance d'Antonio Gramsci, avec qui se crée une grande amitié et une admiration mutuelle rendue plus forte par les souffrances endurées pendant la réclusion ; ils deviennent l'un pour l'autre confident, ami et soutien.

En 1932, il est transféré au sanatorium judiciaires de Pianosa, où sa santé ne s'améliore pas malgré les soins, au point que sa mère présente une demande de grâce aux autorités. Ne reconnaissant pas l'autorité fasciste et donc le tribunal qui l'a condamné, Pertini repousse la demande de grâce avec des mots très durs, aussi bien envers sa mère que pour le président du tribunal spécial.

« [...] Pourquoi maman, pourquoi ? Ici dans la cellule en cachette j'ai pleuré des larmes d'amertume et de honte — quelle défaillance t'a surprise pour que tu aies pu réaliser un tel acte de faiblesse ? Et je me sens humilié à la pensée que toi, seulement même pour un instant, tu aies pu supposer que moi, je pouvais abjurer ma foi politique afin de retrouver ma liberté. Toi, qui m'as toujours compris et qui étais orgueilleuse de moi, comment as-tu pu penser cela ? Tu t'es soudainement éloignée de moi au point de ne plus entendre l'amour que j'ai pour mes idées ? [...]  »

— Lettre à sa mère 1933[3]

Le 10 septembre 1935, il est transféré à Ponza comme prisonnier politique et le 20 septembre 1940 il est envoyé en prison pour cinq années supplémentaires, qu'il passe entre Ponza et Ventotene, où il rencontre Altiero Spinelli et Ernesto Rossi.

La Résistance

Le retour à la liberté et la lutte

Il retrouve la liberté seulement le 7 août 1943 pour reprendre immédiatement la lutte antifasciste, en participant à Rome, le 8 septembre, aux combats contre les Allemands à Porte San Paolo, avec Luigi Longo, Emilio Lussu et Giuliano Vassalli.

Il est capturé avec Giuseppe Saragat par la SS et ils sont condamnés à mort pour leur activité de résistant, mais la sentence n'a pas le temps d'être exécutée grâce à l'intervention d'un groupe de résistants des groupes d'action patriotique (GAP), qui permet leur fuite le 24 janvier 1944, alors qu'ils sont internés dans la prison de Regina Cœli. Pertini se rend à Milan pour participer activement à la résistance comme membre du CLNAI et avec l'intention de réorganiser le Parti socialiste.

En juillet 1944, à la libération de Rome, il est appelé par Pietro Nenni, qui vient de rentrer dans la capitale. Les ordres sont de contacter, à Gênes, le monarchiste Edgardo Sogno qui doit le mettre en contact avec les Alliés afin de le faire entrer à Rome par un vol depuis la Corse. La situation se complique, car arrivé à Gênes, il ne parvient pas à rejoindre la Corse. Pertini qui a des contacts avec les résistants de la Spezia, part avec l'intention de trouver dans la cité ligure un moyen approprié pour leur voyage, ce qu'il fait. Mais de retour à Gênes, il apprend que Sogno a trouvé un bateau à moteur et qu'il est parti avec d'autres personnes pour la Corse. Pertini se retrouve abandonné dans un territoire occupé. Il décide de retourner à la Spezia pour tenter de rejoindre la capitale et il obtient un laissez-passer pour Prato, de là il arrive à pied à Florence.

À Florence, il se met en contact avec le professeur Gaetano Pieraccini qui lui trouve une cachette via Ghibellina. Le 11 août, il participe aux combats pour la libération de la ville en organisant l'action du Parti socialiste et la publication des premières tirages de l'Avanti!.

Le retour au nord et la libération de Milan

Arrivé à Rome, il comprend que sa présence est inutile et il manifeste l'intention de retourner dans le Nord, dont il est le secrétaire du Parti socialiste pour toute l'Italie occupée et représentant du parti au sein de Comité de Libération de l'Italie du Nord.

Il reçoit de faux documents, un permis de conduire au nom de Nicola Durano, et il est transféré par avion de Naples vers Lyon puis Dijon. Une fois arrivé à Chamonix, il entre en contact avec la résistance française, la route du retour en Italie passe par le Mont Blanc qu'il réalise avec Cerilo Spinelli, le frère de Altiero, puis ils entreprennent la traversée de la mer de Glace et enfin ils prennent contact avec la résistance du Val d'Aoste, grâce à l'aide du champion de ski Émile Allais. Arrivés à Aoste puis à Ivrea, ils évitent les patrouilles et les barrages des Allemands et ils arrivent à Turin.

En avril 1945, Pertini est, avec Leo Valiani et Luigi Longo, l'un des organisateurs de l'insurrection de Milan. Le mercredi 25 avril 1945, il proclame à la radio[4] la grève générale insurrectionnelle de la ville milanaise :

« Travailleurs ! Grève générale contre l'occupation allemande, contre la guerre fasciste, pour la sauvegarde de notre terre, de nos usines. Comme à Gênes et à Turin, mettez les Allemands face au dilemme : vous rendre ou périr »

Quelques jours auparavant, à proximité de l'archevêché de Milan, il rencontre pour la première fois Benito Mussolini :

« [...] lui descendait les escaliers, moi je les montais. Il était émacié, le visage livide, détruit »

— « À Milan et à Turin dans la flambée insurrectionnelle », dans Avanti!, 6 mai 1945

Le même 25 avril, le Comité de libération nationale de l'Italie du Nord se réunit dans le collège des Salésiens, via Copernico à Milan. L'exécutif présidé par Luigi Longo, Emilio Sereni, Sandro Pertini et Leo Valiani, décrète, à la suite de l'échec de la tentative de médiation du cardinal Alfredo Ildefonso Schuster, la condamnation à mort de Mussolini.

Après les évènements qui menèrent à la mort du dictateur, Pertini écrit dans les colonnes de l'Avanti! :

« [...]Mussolini se comporta en lâche, sans un mot de fierté. Présentant l'insurrection, il s'était adressé au cardinal archevêque de Milan, lui demandant de pouvoir se retirer dans Valtellina avec trois mille des siens. Aux partisans qui l'arrêtèrent, il offrit un empire qu'il n'avait pas. Au dernier moment encore, il quémandait d'avoir la vie sauve pour parler à la radio et dénoncer Hitler qui selon lui l'avait trahi neuf fois[...] »

— « À Milan et à Turin dans la flambée insurrectionnelle », dans Avanti!, 6 mai 1945

Selon Pertini, les émotions éprouvées pendant la libération sont une expérience qui confirme son idée dans la « capacité du peuple italien à réaliser les plus grandes choses pour peu qu'il soit animé du souffle de la liberté et du socialisme ».

Alors que le 25 avril il participe à la fête de la libération, son frère Eugenio, est assassiné dans le camp de concentration nazi de Flossenbürg.

Le 8 juin 1946, Pertini épouse la journaliste et résistante Carla Voltolina, dont il a fait la connaissance pendant la libération de Milan.

La carrière politique républicaine

L'après-guerre

En avril 1945, Pertini devient secrétaire du PSIUP, charge qu'il occupe jusqu'en août 1946.

Au cours du XXVe Congrès du Parti socialiste d'unité prolétarienne, qui se déroule à Rome entre le 9 et le 13 janvier 1947, Pertini se dépense pour éviter la scission avec l'aile démocratico-réformiste de Giuseppe Saragat. Pendant des jours, il se met au centre des disputes pour tenter une médiation entre les deux courants mais malgré ses efforts « la force des choses », comme le définit Pietro Nenni, provoque la scission entre socialistes, connue sous le nom de « Scission du palais Barberini », d'où la naissance du Parti Socialiste des Travailleurs Italiens.

Bien qu'il soit partisan de l'unité du mouvement des travailleurs, mais depuis toujours fervent défenseur de l'autonomie socialiste au regard du Parti communiste italien, il s'oppose au sein du Parti socialiste italien, à la constitution du front démocratique populaire pour les élections de 1948, sa motion est minoritaire.

Il est élu à l'Assemblée constituante sur la liste socialiste[5] et il participe à la rédaction des articles du Titre I qui concernent les rapports civils. Il s'oppose à l'amnistie envers les délits politiques commis par les responsables des crimes fascistes et à l'assemblée, il intervient le 22 juillet 1946 par une question auprès du ministre de la Grâce et de la Justice Fausto Gullo.

L'interrogation porte sur les motivations de l'interprétation généreuse des mesures d'amnistie, sur l'inaccomplissement du gouvernement de De Gasperi dans l'application du décret en faveur du retour des travailleurs antifascistes éloignés de leur travail pour des motifs politiques[6].

Son action politique au cours de cette période a pour objectifs les réformes sociales nécessaires à au redémarrage du pays dévasté par l'expérience fasciste et par la tragédie de la guerre, mais surtout l'élimination des débordements d'injustices du régime mussolinien[7].

Au cours de la 1re législature, il est nommé sénateur de la République et il devient le président du groupe socialiste au Sénat. Le 27 mars 1949, pendant la 583e séance du Sénat, Pertini, pour le compte de son parti, vote contre l'adhésion au Pacte Atlantique, parce qu'il le juge comme un instrument de guerre, de plus anti-soviétique et avec l'intention de diviser l'Europe. Il souligne la manière dont le Pacte Atlantique va influencer la politique italienne avec des conséquences négatives pour la classe ouvrière. À cette séance, il défend la position pacifiste du groupe socialiste, exprimant la solidarité envers les compagnons communistes - vrais objectifs, à ses dires du Pacte Atlantique - et concluant avec les paroles suivantes :

« Aujourd'hui nous avons entendu crier "Vive l'Italie" quand vous avez posé la question de l'indépendance de la Patrie. Mais je ne sais pas combien de ceux qui aujourd'hui pousse ce cri, serait prêt demain vraiment à prendre les armes pour défendre la Patrie. Beaucoup de ceux-ci n'ont pas su les prendre contre les nazis. Les paysans et les ouvriers les ont pris, et ils se sont fait tuer pour l'indépendance de la Patrie »

— Actes parlementaires. 1er législature, Sénat. Vol. V : Discussions 1948-49

Il est successivement réélu à la Chambre des députés en 1953, 1958, 1963, 1968, 1972 et en 1976, dans les collèges de Gênes-Imperia-La Spezia-Savone, puis il devient président de la commission parlementaire des Affaires intérieurs puis de celle des Affaires constitutionnelles, et en 1963 vice-président de la Chambre des députés.

Il est parmi les hommes politiques qui dénoncent publiquement et avec indignation que le congrès du Mouvement social italien puisse se tenir dans la ville de Gênes et le 1er juillet 1960, il dénonce à la Chambre les violences des forces de l'ordre envers les manifestants tant dans le chef-lieu ligure que dans les autres villes d'Italie. Quelques jours après, les désordres conduisent au tragique massacre de Reggio d'Émilie.

Politiquement, il est parmi ceux qui ne soutiennent pas le centre-gauche parce que, à travers cet accord, les communistes auraient été marginalisés, mettant fin à la collaboration entre les deux principaux partis de gauche.

Au printemps 1978, lors de l'enlèvement de Aldo Moro, Pertini, à la différence de la majorité de la direction du parti socialiste, soutient la « ligne de fermeté » envers les kidnappeurs, refusant toutes négociations avec les Brigades rouges.

Au cours des 5e (à partir de 1968) et 6e législatures (jusqu'en 1976), il occupe la fonction de président de la Chambre des députés. En occupant la troisième charge de l'État, Pertini se fait remarquer pour son esprit de conciliation, d'écoute et d'impartialités lors des séances au palais Montecitorio.

La présidence de la République

L'élection du septième président de la République débute le 29 juin 1978 suite à la démission du président Giovanni Leone. Au cours de trois premiers scrutins, la Démocratie chrétienne (DC) opte pour Guido Gonella et le Parti communiste italien (PCI) vote pour son candidat Giorgio Amendola, alors que l'aile parlementaire socialiste concentre ses votes sur Pietro Nenni. Jusqu'au 13e scrutin, le PCI maintient la candidature de Amendola et le PSI propose Francesco De Martino, sans trouver de consensus, mais au 16e scrutin, le 8 juillet 1978, la convergence des trois partis politiques se porte sur le nom de Pertini, qui est élu président de la République italienne avec 832 voix sur 995, et aujourd'hui encore c'est la plus grosse majorité obtenue à une élection présidentielle de l'histoire italienne.

Son élection est immédiatement un signe de changement pour le pays, grâce à son charisme et à son image de héros, de combattant antifasciste et de père fondateur de la République. La déclaration de Indro Montanelli est emblématique :

« Il n'est pas nécessaire d'être socialiste pour aimer Pertini. Quoi qu'il dise ou fasse, odeur de propreté, de loyauté et de sécurité »

Dans son discours d'intronisation[8] Pertini rend hommage à son compagnon de cellule et ami Antonio Gramsci, et il souligne la nécessité de mettre fin aux violences terroristes rappelant la tragique disparition d' Aldo Moro.

L'image de la Présidence

Au cours de sa présidence au palais du Quirinal, il contribue à la fusion de l'image du président de la République avec la population et grâce à sa stature morale, il permet le rapprochement des citoyens avec les institutions dans des moments difficiles entachés d'évènements délictueux comme ceux des années de plomb.

Suite au tremblement de terre du 23 novembre 1980 à Irpinia, l'expression « Faites vite » (Fate presto) reste dans la mémoire de tous comme l'appel au secours face à la tragédie des victimes, phrase qui est publiée le jour suivant dans le quotidien Il Mattino sur neuf colonnes .

Après sa visite à Irpinia, le 26 novembre, peu de jours après le tremblement de terre qui coûta la vie de 2 735 personnes, il dénonce publiquement l'impuissance et l'inefficacité des secours de l'État dans un discours télévisé; au cours de ce même discours, il souligne l'insuffisance des moyens en matière de protection du territoire et d'intervention en cas de calamité et il dénonce le secteur de l'État qui a spéculé sur le malheur lors du tremblement de terre de Belice[9].

En sa qualité de président de la République, il nomme cinq sénateurs à vie : le politicien et historien Leo Valiani, l'acteur Eduardo De Filippo, la politique et résistante Camilla Ravera[10], le critique littéraire et recteur Carlo Bo et le philosophe Norberto Bobbio. Avec ces nominations, les sénateurs à vie sont au nombre de sept. Selon l'interprétation de Pertini, l'article 59 de la Constitution ne prévoit pas une limitation à cinq sénateurs qui peuvent siéger au Parlement mais permet à chaque président de la République d'en nommer jusqu'à cinq. Une telle décision n'est pas contestée, probablement en raison de la qualité des sénateurs et peut-être plus encore en raison de la grande popularité dont Pertini bénéficia auprès de la population et dont son successeur Francesco Cossiga héritera par la suite.

Son image est liée aux évènements joyeux de l'histoire de l'Italie, mais aussi aux moments de souffrance. Les Italiens se souviennent notamment de sa joie dans le stade de Madrid lors de la victoire mémorable de l'équipe italienne de football à la Coupe du monde de football de 1982 et comment il voulut être présent lors des tentatives de sauvetage du jeune Alfredino Rampi, un enfant de six ans de Vermicino tombé dans un puits en 1981. Il introduit le rite du « baiser au drapeau » tricolore qui deviendra de règle pour ses successeurs.

Pertini est présent lors de la mort de Enrico Berlinguer, il quitte Rome par un vol présidentiel pour pouvoir escorter le cercueil jusque dans la capitale. Pendant les obsèques place Saint Giovanni, Nilde Iotti, depuis la tribune des autorités, remercie publiquement Pertini, provoquant un émouvant applaudissement.

Il participe ému aux funérailles du président égyptien Anouar el-Sadate, marchant derrière le cercueil au milieu de la foule tout le long du parcours du convoi funéraire et l'évoquant lors de son discours de la fin d'année 1981 :

« [...]Nous sommes préoccupés, nous avons assisté aux funérailles du Président Sadate assassiné par des fanatiques. Il œuvrait pour la paix de son pays avec Israël et le Monde Arabe. Et bien, nous avons assisté à ces funérailles, nous y avons assisté avec une âme emplie d'angoisse. Ce sont des situations qui nous concernent tous, elles ne peuvent être circonscrites aux peuples et aux Nations où elles se déroulent, elles concernent chacun de nous, chaque homme qui aime la liberté et chaque homme qui a à cœur la liberté[...] »

— Message de fin d'année aux Italiens, Palais du Quirinal 31 décembre 1981[11]

Positions contre la criminalité organisée

Il se montre intransigeant envers la criminalité organisée dénonçant « la néfaste activité contre l'humanité » de la mafia et invitant toujours à ne pas confondre les phénomènes criminels de la mafia, de la camorra et de la 'Ndrangheta avec les lieux et les populations où elles sont présentes.

Dans le discours de fin d'année 1982, il parle expressément du problème mafieux en rappelant Pio La Torre et le général Carlo Alberto Dalla Chiesa :

« [...]Il y a d'autres maux qui tourmentent le peuple italien : la camorra et la mafia. Ce qui est train de se produire en Sicile vraiment nous horrifie. Il y a des morts presque tous les jours. Il faut faire attention à ce qui se produit en Sicile et en Calabre et avec la camorra à Naples. Il faut faire attention à ne pas confondre le peuple sicilien, le peuple calabrais et le peuple napolitain avec la camorra ou avec la mafia. Les mafieux sont une minorité et les camorristes à Naples sont aussi une minorité
Ceci en est la preuve : quand Pio La Torre a été assassiné, tout Palerme était autour du cercueil. Quand le général Dalla Chiesa a été assassiné, avec sa douce épouse, qui est venu plus fois me rencontrer dans ce bureau, tout Palerme s'est serré autour des deux cercueils pour protester
QDonc le peuple sicilien, le peuple calabrais et le peuple napolitain sont contre la camorra et contre la mafia.[...] »

— Message de fin d'année aux Italiens, Palais du Quirinal 31 décembre 1982[12]

En 1983, Sandro Pertini prend la décision de dissoudre le Conseil municipal de Limbadi dans la province de Vibo Valentia car Francesco Mancuso, chef de de l'homonyme famille mafieuse, en fut le président.

Il revient sur le thème lié à la criminalité organisée dans son discours présidentiel de fin d'année, le 31 décembre 1983.


Gouvernement socialiste

La présidence de Pertini favorise l'accès du premier secrétaire du Parti socialiste italien à la tête du gouvernement, en effet en 1983, il confie la charge de former le gouvernement à Bettino Craxi. Pendant deux ans et pour la première fois, le président de la République et le président du Conseil des ministres sont socialistes. Pertini a, avec Craxi, des rapports mitigés dus essentiellement à leurs tempéraments et leurs formations différentes. Pertini souvent ne partage pas les actes politiques de Craxi comme lors du XLIII Congrès à Vérone, le 15 mai 1984, où Bettino Craxi est élu secrétaire par acclamation plutôt que par l'habituel vote. Les rapports entre les deux politiciens restent cordiaux et respectueux même s'ils ne s'aiment pas. Antonio Ghirelli, alors porte-parole du Quirinal, rapporte que le jour de la prestation de serment du président du Conseil et de son cabinet, Pertini note que Craxi s'était présenté au Quirinal en jeans; le président de la République lui intima l'ordre de revenir avec des vêtements de circonstance[13].

Pendant son mandat, il dissout par deux fois le parlement, provoquant des élections en 1979 qui donnent naissance à la VIIIe législature et les élections de 1983 qui donnent naissance à la IX législature. Il confie la charge de former le gouvernement à (par ordre chronologique) Giulio Andreotti, Francesco Cossiga par deux fois, Arnaldo Forlani, Giovanni Spadolini par deux fois, Amintore Fanfani et Bettino Craxi et il nomme Virgilio Andrioli, Giuseppe Ferrari et Giovanni Conso juges à la Cour constitutionnelle.

Popularité

Sa présence constante dans la vie publique, au cours des moments cruciaux de l'histoire italienne qui se sont déroulés sous son septennat, est à l'origine de sa grande popularité. Pour beaucoup, il est considéré comme le président de la République le plus aimé des Italiens, pour son amour envers la patrie, pour son charisme, pour son ironie, pour l'amour envers les enfants pour qui il faisait preuve de beaucoup d'attention lors des visites scolaires au Quirinal et pour avoir initié un nouveau mode de rapports avec les citoyens, avec un style franc, direct et amical[14]. La sincérité et le pragmatisme de Pertini apparaissent constamment dans son action politique et institutionnelle, refusant les compromis et s'imposant avec sa grande rigueur morale.

Sa personnalité est imprégnée de principes qui ont inspirés la démocratie parlementaire et républicaine, née de l'expérience de la résistance; il a toujours refusé la pensée fasciste et toutes les idéologies qui ne reconnaissent pas la liberté de l'homme :

« Le fascisme est l'antithèse de la foi politique, parce qu'il opprime tous ceux qui pensent différemment »

— Centre d'Exposition Sandro Pertini, interview[15]

Sénateur à vie

Le 29 juin 1985, peu de temps avant la fin de son mandat, il démissionne afin de faciliter la procédure de l'élection de son successeur. Il devient, comme ses prédécesseurs et comme cela est prévu par la Constitution, sénateur à vie. L'unique charge officielle qu'il prend est la présidence de la fondation d'études historiques « Filippo Turati », créé à Florence en 1985 avec l'objectif de conserver le patrimoine documentaire du socialisme italien.

Pendant et après la période présidentielle, il ne renouvela pas son adhésion au Parti socialiste italien restant ainsi au-dessus des partis sans renier pour autant ses convictions socialistes.

La nuit du 24 février 1990, à l'âge de 93 ans, il s'éteint à Rome à son domicile, une mansarde face à la fontaine de Trevi.

Fondation Sandro Pertini

La Fondation Sandro Pertini a été créée le 23 septembre 2002, à Florence, sur l'initiative de la femme du président Carla Voltolina.

La signature de l'acte public de création s'est déroulée à l'occasion de la cérémonie dans l'amphithéâtre de la la faculté des sciences politiques « Cesare Alfieri » qui vit, en 1924, Sandro Pertini se remettre son diplôme.

La Fondation Sandro Pertini, a pour principal objectif de préserver l'esprit et la pensée de Sandro Pertini au travers de la préservation du patrimoine du grand homme politique constitué de livres, d'archives historiques, de photographies, de tableaux et de divers documents destinés au public et celui de diffuser les valeurs pour lesquelles Pertini s'est battu toute sa vie.

Curiosités

  • Pertini reçut sa médaille d'argent de la valeur militaire obtenue pendant la Première Guerre mondiale seulement quand il devint président de la République, après des recherches de l'état-major des armées. Lorsqu'on proposa de la lui remettre, il refusa indiquant que si le régime d'alors lui en niait le mérite, il ne lui paraissait pas juste de la récupérer en raison de sa position de président de la République. Il reçut la médaille à la fin de son mandat présidentiel, dans son bureau de sénateur à vie, des mains du président du Sénat Giovanni Spadolini.
  • Pertini fut élu président de la Chambre des députés pendant la période de contestation des étudiants en 1968 et il fut le premier homme politique non démocrate chrétien et de gauche à occuper cette charge. En 1978, lors des années de plomb, peu de mois avant l'assassinat de Aldo Moro, il fut élu président de la république avec l'appui de tous les partis démocrates et antifascistes.
  • En 1938 la carte du PSI fut dédiée à Sandro Pertini, à Rodolfo Morandi et à Antonio Pesenti tous trois prisonniers des prisons fascistes.
  • Pertini fut le premier président de la République à conférer la charge de former le gouvernement à une personnalité laïque non démocrate-chrétienne, Giovanni Spadolini, lequel présenta son gouvernement le 28 juin 1981.
  • Pertini, lors de son élection, avait pris la décision, avec son épouse, de ne pas habiter le palais du Quirinal, le couple présidentiel préférant conserver son appartement romain situé face à la fontaine de Trevi.
  • Pertini avait pour habitude de passer ses vacances d'été à Selva di Val Gardena, se logeant dans la caserne des carabiniers pour ne pas déranger les habitants avec les mesures de sécurité. À proximité du Val di Fassa, dans la commune de Campitello, il a été construit, en 1986, le refuge Sandro Pertini, en hommage à l'amitié qui liait le président au gardien du refuge.
  • Pertini a été un acteur d'une bande dessinée (Pertini, ou Pertini Partigiano) dessinée par Andrea Pazienza et publiée dans différents journaux satiriques parmi lesquels Cuore, Frigidaire, Cannibale et Il Male. L'ensemble a été publié dans un volume par l'éditeur Primo Carnera en 1983 et par Baldini & Castoldi en 1998. La bande dessinée immergeait le président Pertini dans les années de la résistance italienne contre le nazisme, le dépeignant comme un guerrier courageux et pragmatique, accompagné par Paz (l'auteur même) son aide incompétent. La serie eut un certain succès et elle fut appréciée par Pertini même s'il discutait beaucoup le style de Andrea Pazienza.
  • Selon le mensuel italien Ciak, en 1938 Pertini joua dans le film Feux d'artifice (Fuochi d'artificio), dirigé par Gennaro Righelli.
  • À la mort de Joseph Staline, ses interventions parlementaires saluèrent sans réserve le chef de l'Union des républiques socialistes soviétiques, probablement en raison de l'alliance étroite entre le Parti socialiste italien et le Parti communiste italien :

« [...] nous restons étonné par la grandeur de cet homme que la mort nous présente dans sa juste valeur. Hommes de toutes croyances, amis et adversaires, chacun aujourd'hui reconnait l'immense stature de Joseph Staline. C'était un géant de l'histoire et sa mémoire ne connaitra pas de déclin. »

— Vittorio Messori, Pensare la storia, SugarcoEdizioni, (2006)[16]

Notes et références

  1. Fondazione Sandro Pertini
  2. CESP Centro Espositivo Sandro Pertini interview
  3. www.Pertini.it Lettre à sa mère 1933.
  4. CESP Centre d'exposition Sandro Pertini Audio de l'annonce radiophonique
  5. Camera.it Données personnelles et charges dans l'assemblée constituante
  6. legislature.camera.it Compte rendu sténographique de la séance du 22/07/46
  7. legislature.camera.it Compte rendu sténographique de la séance du 19/11/47
  8. Camera.it Serment et discours d'intronisation
  9. www.23novembre1980.it Site en mémoire du tremblement de terre irpino
  10. Première femme à recevoir cette nomination
  11. www.quirinale.it Sandro Pertini, Message de fin d'année aux Italiens, palais du Quirinal 31 décembre 1981
  12. www.quirinale.it Sandro Pertini, Message de fin d'année aux Italiens, palais du Quirinal 31 décembre 1982
  13. Le métier de témoin, de Togliatti à Pertini et Craxi
  14. Il adressait un « Amis très chers » lors de ses vœux à la télévision italienne ou aux journalistes : « ne poser pas seulement des questions pertinentes mais aussi impertinentes : moi, je m'appelle Pertini... »
  15. CESP Centre d'Exposition Sandro Pertini Interview
  16. Vittorio Messori, Pensare la storia, SugarcoEdizioni, (2006)

Publications

Bibliographie

  • (it)Antonio Ghirelli. Caro Presidente. Milano, Rizzoli, 1981.
  • (it)Sandro Pertini. Sandro Pertini, Sei condanne, due evasioni. Milano, Mondadori, 1984.
  • (it)Gianni Bisiach. Pertini racconta Milano, Mondatori, 1984.
  • (it)Raffaello Uboldi. Pertini soldato Milano, Bompiani, 1984.
  • (it)Claudio Angelini. In viaggio con Pertini. Milano, Bompiani, 1985.
  • (it)Mario Guidotti Sandro Pertini, una vita per la libertà. Roma, Editalia, 1988. (ISBN 88-7060-178-1)
  • (it)Stefano Caretti e Maurizio Degl'Innocenti Sandro Pertini combattente per la libertà. Bari, Lacaita, 1996.
  • (it)AA. VV. Sandro Pertini nella Storia d'Italia. Bari, Lacaita, 1997.
  • (it)Paolo Nori. Noi la farem vendetta. Milano, Feltrinelli, 2006.

Sources

Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

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