- Polyèdre convexe
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Ensemble convexe
Pour les autres sens du mot « convexe », voir convexité.Un objet géométrique est dit convexe lorsque, chaque fois qu'on y prend deux points A et B, le segment [A,B] qui les joint y est entièrement contenu. Ainsi un cube plein, un disque ou une boule sont convexes, mais un objet creux ou bosselé ne l'est pas.
Sommaire
Définition
On suppose travailler dans un contexte où le segment [x,y] reliant deux points quelconques x et y a un sens (par exemple dans un espace affine sur ou sur , ou dans un espace hyperbolique).
Définition — Un ensemble C est dit convexe lorsque, pour tout x et y de C, le segment [x,y] est tout entier contenu dans C.
Sauf précision explicite, tout ce qui suit concerne le seul contexte des convexes dans des espaces affines (ou vectoriels).
On appellera dimension du convexe non vide C la dimension du sous-espace affine engendré par C.
Exemples
- Les sous-ensembles convexes de des nombres réels sont les intervalles de .
- Dans un espace affine, tout sous-espace affine est convexe ; c'est en particulier le cas des sous-espaces vectoriels des espaces vectoriels.
- Dans un espace vectoriel normé (réel ou complexe), toute boule est convexe, qu'il s'agisse d'une boule ouverte ou d'une boule fermée.
Propriétés élémentaires et outils fondamentaux
Intersections de convexes
L'intersection de deux convexes (et même d'une famille quelconque de convexes) est elle-même convexe[1] (et ce très généralement, dès lors qu'on peut définir la convexité).
Stabilité par barycentres à coefficients positifs
La définition de la convexité fait intervenir le choix de deux points quelconques x et y, puis la considération des points du segment [x,y], autrement dit des barycentres à coefficients positifs de ces deux points. En utilisant le théorème d'associativité des barycentres, on voit sans mal que cela n'aurait rien changé de considérer des barycentres à coefficients positifs d'un nombre quelconque de points. Précisément on a[2] :
Proposition — Un sous-ensemble C d'un espace affine E est convexe si et seulement si pour toute famille finie (x1,...,xk) de points de C et tout choix (λ1,...,λk) de coefficients positifs, le barycentre des (xi) affublés des poids (λi) est lui-même dans C.
Enveloppe convexe
Article détaillé : Enveloppe convexe.Étant donnée une partie quelconque A de l'espace ambiant E (espace affine ou contexte plus général), il existe au moins un sous-ensemble convexe de E contenant A, à savoir E lui-même ; ceci autorise à considérer l'intersection de tous les sous-ensembles convexes de E contenant A. On l'appelle l'enveloppe convexe de A.
On vérifie aussitôt que c'est donc le plus petit sous-ensemble convexe de E contenant A, au sens de l'inclusion sur P(E). Si x et y sont deux points de E, l'enveloppe convexe de l'ensemble {x,y} est le segment [x,y].
Le théorème de la projection
Article détaillé : Théorème de projection sur un convexe fermé.À condition d'être en train de travailler dans un espace euclidien (ou plus généralement dans un espace de Hilbert), on dispose d'un résultat remarquable : étant donné un convexe fermé, pour tout point x de l'espace, il existe un et un seul point p(x) du convexe à distance minimale de x. Ce résultat est accompagné de diverses informations complémentaires, notamment le caractère obtus de l'angle pour tout point m du convexe, ou le caractère 1-lipschitzien de l'application p.
Séparation des convexes et structure de la frontière
Articles détaillés : Séparation des convexes et Points et parties remarquables de la frontière d'un convexe.Une technique utile est celle de la « séparation » de deux convexes. Elle consiste, étant donné deux convexes sans point commun d'un même espace, à découper cet espace en deux par un hyperplan (un plan en dimension 3) qui laisse les convexes de part et d'autre de ce mur de séparation. Les démonstrations de la possibilité d'un tel découpage sont multiples, permettant d'obtenir des énoncés plus ou moins généraux ; certaines utilisent le théorème de Hahn-Banach, outil d'analyse fonctionnelle particulièrement pertinent pour l'étude en dimension infinie.
Cette méthode permet tout particulièrement de justifier de l'existence en chaque point de la frontière d'un convexe d'un « hyperplan d'appui » : un hyperplan passant par ce point et laissant le convexe tout entier dans l'un des deux demi-espaces qu'il borde. Ce résultat est à son tour fondamental pour étudier plus en détail la structure de la frontière des convexes (divisions en faces, arêtes, etc...) et particulièrement des polyèdres convexes. On est ainsi amenés à distinguer diverses catégories de points (points extrémaux, sommets) qui joueront un rôle central dans les problèmes d'optimisation sur le convexe, par exemple en programmation linéaire.
Fonctions convexes associées à un ensemble convexe
L'étude des ensembles convexes peut bénéficier des résultats d'analyse qui concernent les fonction convexes. Plusieurs telles fonctions peuvent en effet être associées à un convexe non vide C.
- La plus simple est sa fonction indicatrice, variante de la fonction caractéristique adaptée à la convexité : c'est la fonction qui prend la valeur 0 sur C, et la valeur en dehors :
- Lorsque l'espace ambiant est un espace vectoriel de dimension finie, muni d'une structure euclidienne, on peut ensuite considérer la fonction convexe conjuguée de la précédente, qu'on appelle alors la fonction d'appui de C ;
- Enfin, relativement à chacun des points de C, on peut définir la jauge du convexe, qui est reliée de façon très parlante à sa géométrie et utile notamment dans certaines preuves des théorèmes de séparation des convexes.
Article détaillé : Jauge (mathématiques).Propriétés topologiques
Dans cette section, on suppose l'espace ambiant muni d'une topologie compatible avec sa structure géométrique (c'est toujours le cas dans les espaces de dimension finie ; si on est dans un espace vectoriel de dimension infinie cela revient à exiger qu'il s'agisse d'un espace vectoriel topologique).
Adhérence, intérieur, frontière
Article détaillé : Adhérence, intérieur et frontière d'un convexe.Les opérateurs d'adhérence et d'intérieur préservent la convexité. En outre, lorsque le convexe considéré n'est pas d'intérieur vide (et on peut facilement se ramener à ce cas en le considérant comme partie de son enveloppe affine et non de l'espace global), le convexe, son intérieur et son adhérence ont tous trois la même frontière.
On peut montrer très facilement qu'un convexe compact est l'enveloppe convexe de sa frontière (hors le cas dégénéré de la dimension 0).
Connexité
Une partie convexe est évidemment connexe par arcs donc connexe.
Description à homéomorphisme près en dimension finie
Pour , on notera Br la boule euclidienne fermée de centre 0 et de rayon 1 dans .
Les compacts convexes disposent d'une structure simple :
Théorème — Soit C un convexe compact de , il existe un entier positif d, plus petit ou égal à r tel que C soit homéomorphe à Bd.
Les convexes fermés d'une dimension finie d donnée sont homéomorphes à l'un ou l'autre d'un nombre limité (d + 2) de modèles simples.
Théorème — Soit et soit C un convexe de dimension d, fermé dans son espace ambiant. Alors :
- soit il existe r avec tel que C soit homéomorphe à
- soit C est homéomorphe à un demi-espace fermé dans .
Dans tous les cas, l'homéomorphisme envoie la frontière relative de C sur la frontière relative du modèle.
Pour lire ce théorème sur un exemple instructif, celui de la dimension 3, les convexes fermés de dimension 3 sont homéomorphes à un des cinq modèles suivants : tout entier, la région délimitée par deux plans parallèles, un cylindre, une boule dans ou un demi-espace.
Les intérieurs relatifs de tous les modèles énumérés au théorème précédent sont homéomorphes entre eux, c'est-à-dire homémorphes à . L'homéomorphisme donné par le théorème précédent échangeant les intérieurs relatifs, on peut donc en conclure que tous les ouverts convexes de dimension d sont homéomorphes entre eux (ce qui, en réalité, était une étape de la preuve). On peut en fait obtenir mieux, à savoir un difféomorphisme.
Théorème — Soit et soit C un convexe de dimension d, ouvert dans son espace ambiant. Alors :
C est difféomorphe à .
Il ne faut pas espérer une classification aussi simple des convexes sans condition topologique : qu'on songe que pour toute partie A du cercle-unité de l'ensemble obtenu en réunissant le disque-unité ouvert et A est convexe[3]
Démonstrations-
- Il existe un entier d tel que le convexe compact C de Rr soit homéomorphe à la boule fermée Bd :
Une translation est un homéomorphisme, il suffit de montrer la proposition pour un translaté de C. On peut donc supposer, sans perte de généralité que C contienne le vecteur nul. Soit F le sous-espace vectoriel de Rn engendré par C.
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- Le convexe C, considéré comme un sous-ensemble de F, est d'intérieur non nul.
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- Comme, pour un espace vectoriel réel de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes[4], on peut choisir celle pour laquelle la démonstration est la plus simple. Soit (ej) un ensemble de vecteurs de C définissant une base de F. On choisit pour norme, celle qui à un vecteur associe la valeur absolue de sa plus grande coordonnée dans la base (ej). Pour cette norme on remarque que la boule de centre 1/(2d) (Σej) et de rayon 1/2d est formé des vecteurs ayant des coordonnées positives et inférieures à 1/d dans la base (ej). Ces vecteurs sont tous des éléments de C. Ce qui montre que le centre de la boule est bien dans l'intérieur recherché.
On considère maintenant uniquement l'espace vectoriel F et on note d sa dimension. Quitte à opérer une nouvelle translation, on peut toujours supposer que le vecteur nul est dans l'intérieur de C. On note B la boule fermée de centre le vecteur nul et de rayon 1 et S la sphère de même centre et de même rayon. Soit u un vecteur de S et Eλ(u) l'ensemble des réels positifs λ tels que λu soit élément de C. Comme C est compact, l'ensemble est borné et l'ensemble Eλ(u) l'est aussi. Soit φ(u) la borne supérieure de Eλ(u). On vient de définir une application de S dans R+ qui à u associe φ(u). Comme il existe un voisinage du vecteur nul inclus dans C, la fonction φ ne s'approche jamais de la valeur 0.
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- L'application φ est continue.
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- Supposons qu'il existe un point u de S tel que φ ne soit pas continue en u. Il existe alors un réel strictement positif μ strictement plus petit que φ(u) tel que :
- La suite (φ(un) est positive et bornée, elle est à valeurs dans un compact et il existe une sous-suite convergente (φ(uψ(n)), d'après le théorème de Bolzano-Weierstrass. Soit λl la limite de cette suite. La suite (φ(uψ(n)).uψ(n)) est une suite de points de la frontière de C, convergeant vers λl.u. Le point v = λl.u est un point de la frontière de C et la distance entre les deux points de la frontière de C φ(u).u et v est supérieur à μ. Comme φ(u) est la plus grande valeur telle que φ(u).u soit un élément de C, λl est strictement plus petit que φ(u) et par construction il est strictement plus grand que 0. Il ne peut valoir 0 car le vecteur nul n'est pas un point de la frontière de C et λl.u l'est. Comme v est un point qui n'est pas dans l'intérieur de C, Il existe un hyperplan d'appui passant par v séparant l'espace en deux composantes connexes, dont l'une contient l'intérieur du compact C (en rouge sur la figure de droite). Cet hyperplan contient la droite passant par le vecteur nul, v et φ(u).u. Cet hyperplan possède une intersection non vide avec le voisinage du vecteur nul strictement inclus dans C (en vert sur la figure). Cette contradiction montre que la fonction φ est continue.
La proposition précédente permet simplement de démontrer le résultat du paragraphe.
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- Le convexe compact C est homéomorphe à la boule B.
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- On considère l'application de B dans C, qui à u associe φ(u).u, si u est différent du vecteur nul et qui laisse invariant le vecteur nul. Cette application est continue pour tout vecteur non nul. Comme l'application φ est borné (car C est un compact) elle est aussi continue au vecteur nul. L'application φ est bijective. Comme φ(u) n'est jamais nul (si u ne l'est pas), l'application inverse est celle qui, à u différent du vecteur nul, associe φ(u)-1.u et au vecteur nul encore le vecteur nul. L'application considérée est bien un homéomorphisme, ce qui termine la démonstration.
Ensembles convexes et géométrie combinatoire
Les ensembles convexes jouent un rôle central en géométrie combinatoire, ne serait-ce que parce que, face à un nombre fini de points d'un espace affine, l'opération géométrique la plus évidente qu'on puisse leur appliquer est d'examiner leur enveloppe convexe : ce qu'on appelle un polytope.
Polytopes
Article détaillé : Polytope.L'objet de base de la géométrie combinatoire convexe, c'est le polytope, qu'on peut définir comme enveloppe convexe d'un nombre fini de points.
Pour ne citer ici que l'exemple sans doute le plus fameux de résultat de géométrie combinatoire, en dimension 3, les nombres de sommets, d'arêtes et de faces d'un polytope sont liés par la formule d'Euler (voir à ce sujet l'article Caractéristique d'Euler) :
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Les théorèmes de Radon, Helly et Carathéodory
Articles détaillés : Théorème de Radon (géométrie), Théorème de Helly et Théorème de Carathéodory (géométrie).Considérons un ensemble de d + 2 points dans un espace affine de dimension d.
Le théorème de Radon affirme que :
Théorème (Radon) — A admet une partition en deux parties A1,A2 dont les enveloppes convexes Conv(A1) et Conv(A2) se rencontrent.
Pour énoncer de façon parallèle les théorèmes de Helly et Carathéodory, on va introduire une notation : pour chaque indice i variant entre 1 et d + 2, notons l'enveloppe convexe des points de A autres que le point ai. En dimension 2, chaque Δi serait un triangle (et il y en aurait quatre) ; en dimension 3 on aurait affaire à une collection de cinq tétraèdres, et ainsi de suite.
Les deux énoncés suivants sont des cas particuliers des énoncés les plus courants des théorèmes de Helly et Carathéodory, mais qui en contiennent essentiellement toute l'information : on reconstitue facilement les énoncés généraux à partir des versions fournies ci-dessous.
Théorème (Helly) — Il existe un point commun aux d + 2 simplexes Δi.
Théorème (Carathéodory) — Les d + 2 simplexes Δi recouvrent tout le polytope enveloppe convexe de A.
Ces théorèmes sont étroitement liés : la démonstration la plus courante de Helly est fondée sur Radon, tandis qu'on prouve facilement Carathéodory indépendamment, mais il est aussi possible par exemple de déduire Helly de Carathéodory ou le contraire.
D'innombrables variantes les précisent ou les généralisent.
Références
Dans les sections renvoyant à un article détaillé, on se réfèrera à cet article détaillé pour les sources à l'appui des informations qui y figurent.
Les références à un auteur sans mention d'ouvrage renvoient au livre de cet auteur mentionné en bibliographie.
- ↑ Eggleston, Th. 1, p. 8. (Le résultat est énoncé dans dans cette source, mais la preuve s'adapte évidemment à une situation plus générale).
- ↑ Eggleston p. 4-5. (Le résultat est énoncé dans dans cette source, mais la preuve s'adapte évidemment à une situation plus générale).
- ↑ L'ensemble de cette sous-section est issu de Marcel Berger, Géométrie [détail des éditions], section II-3, tome 3, p. 29-38 dans l'édition de 1978.
- ↑ Les détails sont donnés dans l'article Topologie d'un espace vectoriel de dimension finie.
Bibliographie
- Marcel Berger, Géométrie [détail des éditions]
- (en) H.G. Eggleston, Convexity, Cambridge University Press, coll. « Tracts in Mathematics and Mathematical Physics » n° 47, 1958, réimpression avec corrections 1969.
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Catégorie : Géométrie convexe
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