- Langues juives
-
Les langues juives sont un ensemble de langues qui se sont développées dans différentes communautés juives de par le monde et plus particulièrement en Europe, en Asie occidentale et en Afrique du Nord. Le développement habituel de ces langues passait par l'addition de mots et de phrases issus de l'hébreu et utilisés pour exprimer des concepts principalement juifs. Étant donnée la nature insulaire de nombreuses communautés juives dans le passé, nombre de langues juives gardent un vocabulaire et une structure linguistique issus de la langue qui les a engendrées, même après que celle-ci a perdu ce vocabulaire et cette structure.
Sommaire
Histoire jusqu’au XIXe siècle
Les livres les plus anciens et plus importants pour le peuple juif ont été la Torah et le Tanakh, composés presque entièrement en hébreu biblique à une époque où les judéens parlaient araméen et abondamment utilisés par les juifs durant leur histoire. Les juifs ont beaucoup étudié ces textes hébreux, ont observé leurs commandements, ont basé leurs prières sur ceux-ci, et ont parlé la langue de ceux-ci. Pour les Juifs, l'hébreu est la langue de Dieu, d'où le nom de « lashon hakodesh » (« langue sacrée »).
La plus ancienne inscription en hébreu qui nous est parvenue, le calendrier de Gezer, date du Xe siècle avant notre ère. Il fut écrit en alphabet paléo-hébraïque, alphabet qui fut utilisé à l'époque du Temple de Salomon, jusqu'à ce qu'il soit modifié pour devenir l'alphabet assyrien (ktav ashurit) par Esdras, suite à l'Exil à Babylone. À cette époque il y eut également des modifications dans la langue alors qu'elle se développait vers l'hébreu mishnique. Jusqu'alors, la plupart des Juifs avait parlé l'hébreu en Israël et en Judée. Mais avec la destruction du Second Temple, la plupart s'étaient mis à parler l'araméen, et une grande partie de la diaspora juive parlait le grec. Alors que les Juifs émigraient vers des pays lointains, et que les langues des pays dans lesquels ils se trouvaient changeaient, ils adoptèrent de plus en plus la langue locale et se mirent à parler plusieurs langues. Pendant le Moyen Âge, l'araméen était la langue principale des Juifs. Le Targoum et la plus grande partie du Talmud étaient écrits en araméen. Plus tard, durant le Moyen Âge, la plupart des œuvres littéraires juives furent écrites en judéo-arabe, c'est-à-dire de l'arabe écrit avec l'alphabet hébreu. Ce fut ainsi par exemple la langue utilisée par Maïmonide. L'hébreu restait utilisé dans des cadres religieux et officiels tels que les événements religieux et gardait ainsi une importance, tout comme l'araméen, pour l'écriture des Ketubah (contrats de mariages).
Au fil du temps, ces dialectes juifs se différencièrent tellement du langage-parent qu'ils constituèrent une langue à part entière. Ils étaient influencés de façon notable par des mots issus de l'hébreu, de l'araméen, ainsi que par d'autres innovations. Ainsi, une grande variété de langues propres à la communauté juive furent créées. Les plus connues sont ainsi le yiddish en Europe, le judéo-espagnol issu d'Andalousie qui s'est ensuite répandu dans de nombreuses régions autour de la Méditerranée suite à l'expulsion de 1492 et à la persécution de l'Inquisition espagnole.
Les Juifs de la diaspora ont formé de nombreuses communautés souvent repliées sur elles-mêmes, notamment en raison de l'ostracisme et des persécutions subies par les communautés alentour, ainsi que du désir de maintenir leur propre culture. Ce facteur sociologique a contribué à la formation de dialectes qui ont souvent divergé pour former différentes langues.
Au début du XIXe siècle, le yiddish était la langue principale des Juifs en Europe de l'Est (ce qui en faisait la langue la plus parlée par les Juifs dans le monde), tandis que le judéo-espagnol s'était répandu dans le Maghreb, en Grèce, dans les Balkans et jusque dans l'actuelle Turquie. De petits groupes en Europe parlaient des langues telles que le judéo-italien, le yévanique, le karaïm. Les Juifs du monde arabe parlaient différentes langues regroupées sont l'appellation de judéo-arabe, tandis que les Juifs d'Iran parlaient le judéo-perse, d'autres le judéo-berbère ou encore, au Kurdistan, le judéo-araméen.
Évolutions récentes
Ce tableau général a été fortement modifié par des événements historiques majeurs à partir de la fin du XIXe siècle. L'émigration de plusieurs millions de juifs européens vers l'Amérique du Nord a fortement augmenté le nombre d'anglophones juifs. Pour beaucoup de Juifs du Maghreb, la période coloniale a entraîné le passage au français et à l'espagnol. Enfin, le sionisme a relancé l'hébreu comme langue vivante, en a augmenté le vocabulaire de façon substantielle et en a simplifié la phonétique. Eliézer Ben Yehoudah a joué un rôle de tout premier plan dans la renaissance de cette langue, tandis que la Haskala promouvait l'hébreu au détriment du yiddish. La Shoah a éradiqué la grande majorité des Juifs européens parlant le yiddish, l'allemand et le judéo-espagnol. Le conflit israélo-palestinien a amené de nombreux Juifs à quitter le monde arabe.
Les Juifs d'aujourd'hui parlent un grand nombre de langues, adoptant pour leur grande majorité les langues de leur pays de résidence. La langue la plus parlée par les Juifs aujourd'hui est l'anglais. Vient ensuite l'hébreu, la langue parlée en Israël ainsi que par des émigrants israéliens vivant à l'étranger. L'hébreu est la langue de tous les jours en Israël, bien que pour une grande partie de la population, l'hébreu soit la deuxième langue.
La troisième langue la plus parlée par les Juifs est actuellement le russe, avec environ 2 millions de locuteurs issus de l'ancienne Union soviétique et dont la majorité vit actuellement en Israël. Environ 1 million d'Israéliens parlent russe couramment.
Le français, l'espagnol et le portugais sont les autres langues parlées par un grand nombre de Juifs. Des centaines de milliers de Juifs parlent le français en France et au Québec, la plupart d'entre eux étant issus d'Afrique du Nord où ils parlaient autrefois le judéo-espagnol ou l'arabe. L'espagnol et le portugais sont parlés par les communautés juives d'Amérique centrale et du Sud. Buenos Aires possède ainsi une importante communauté juive. Une part importante des immigrants en Israël parlent ainsi couramment français ou espagnol.
Le Yiddishet le judéo-espagnol, qui correspondaient aux deux grandes aires de civilisation ashkénaze et séfarade, continuent à être parlés par certaines générations et dans certains îlots d'Europe (Anvers) et d'Amérique (États-Unis). Le yiddish est toujours parlé chez les Haredim. Si le nombre de locuteurs diminue, on note cependant un regain d'intérêt pour ces langues considérées comme porteuses d'un héritage culturel. Nombre des langues évoquées précédemment restent malgré tout des langues en danger. Certaines, comme le judéo-araméen ou le judéo-provençal disparu en 1977, tendent même à devenir des langues mortes.
Présentation des variétés linguistiques
- variétés judéo-arabes : l'arabe judéo-irakien, l'arabe judéo-marocain, l'arabe judéo-tripolitain, l'arabe judéo-tunisien, l'arabe judéo-yéménite.
- dialectes néo-araméens : le hulaula (Kurdistan iranien), le lishán didán (Azerbaïdjan iranien), le lishanid noshan (Kurdistan irakien du Sud), le lishana deni (Kurdistan irakien du Nord).
- dialectes persans : le boukharique (parlé par les Juifs de Boukhara), le dzhidi (judéo-persan), le juhuri (ou judéo-tat, parlé par les Juifs des montagnes)
- variété romanes : le judéo-espagnol et ses variantes dialectales occidentales (tetuani et haketiya), le judéo-italien (italkien), le judéo-portugais, le judéo-provençal (shuadit), le judéo-français (sarphatique), le judéo-catalan, le bagitto (parlé par les Granas ou Juifs livournais).
- autres : le yiddish (judéo-allemand), le jéddischdaitsch (judéo-alsacien), le yévanique (judéo-grec, parlé par les Romaniotes), le judéo-berbère, le judéo-géorgien.
Liens externes
- [1] Imma Hbiba dictionnaire français-judéomarocain
- Langues juives : histoire, traces, passage. Dossier consacré aux langues de la diaspora juive.
- Yiddish et judéo-espagnol : un héritage européen sur le site de l'Institut séfarade européen.
Wikimedia Foundation. 2010.