- Romaniotes
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Les Romaniotes (Ρωμανιώτες Rōmaniōtes, « citoyens de l'Empire romain d'orient ») forment un groupe ethnique juif de culture grecque, qui a vécu autour de la Méditerranée orientale et de la mer Noire pendant plus de 2 400 ans. Locuteurs du yévanique, les Romaniotes se distinguent historiquement des Séfarades, originaires de la péninsule ibérique et locuteurs du judéo-espagnol ou du ladino, venus habiter en Grèce et dans l'Empire ottoman après 1492.
Sommaire
Histoire
Aux origines des Romaniotes
Les Romaniotes descendent de Juifs hellénisés, qui ont préféré demeurer en diaspora après l'exil des Juifs en Babylonie. Une tradition orale romaniote fait remonter l'arrivée des premiers Juifs à Ioannina en 70 EC, peu après la destruction du Second Temple[1].
Les Juifs hellénisés sont établis dans les États royaux issus de l'Empire d'Alexandre, en particulier dans l'Égypte des Ptolémées. Ils en ont adopté la langue et la culture grecques, mais ont conservé leur foi, et sont à l'origine d'un important corpus de littérature judéo-hellénistique, qui comporte entre autres les premières traductions de la Bible hébraïque (dont la Septante), les livres deutérocanoniques, qui ne sont pas acceptés dans le Tanakh, les livres intertestamentaires, et les premières tentatives d'intégrer la philosophie au judaïsme, dont le plus brillant représentant est Philon d'Alexandrie.
Ils se répandent dans tout l'espace hellénistique, notamment en Égypte, en Syrie, dans les cités d'Asie mineure et de Grèce, et sur les rives de la Mer Noire, ainsi qu'en attestent les écrits de Luc et, en particulier, le détail des voyages de Paul. Ces communautés hellénisées répandues dans un Orient romain où le grec est la langue universelle, à la fois langue intellectuelle, langue des affaires et langue urbaine, contribuent activement à l'expansion de la culture grecque de l'Antiquité tardive, parallèlement au développement du christianisme.
Les Romaniotes au Moyen Age
Avec l'avènement de l'Empire romain d'orient, ces communautés suivent le sort des autres populations hellénisées d'Orient, citoyens romains proches des populations de langue grecque d'Anatolie, de Grèce continentale ou de la Mer Noire. Elles prennent le nom de la Romania (Ρωμανια, nom officiel de l'Empire romain d'orient), duquel proviennent également ceux de la Romagne, de la Roumanie, et de la Roumélie (du turc Roum-ili, « pays des Roumis », nom turc des chrétiens, dérivé de Ρωμαιoι Romaioi, « citoyens de l'Empire romain d'Orient »)
Une partie des communautés romaniotes essaime en Europe : on y trouve des patronymes d'origine romaniote (Kalonymos, Chryssologos, Margolis, Mellinis, Nassis, etc.) à Narbonne, Mayence et Venise dès le XIe siècle. Les Romaniotes diffusent leur culture et leur art au sein des communautés ashkénazes et séfarades d'Occident.
Benjamin de Tudèle (XIIe siècle) rapporte la présence de Juifs à Corfou, Arta, Aphilon, Patras (dont est originaire la famille de Sabbataï Tsevi), Corinthe, Thèbes, Chalcis, Salonique et Drama. La plus grande communauté, celle de Thèbes, comporte près de 2 000 Juifs, exerçant pour la plupart la profession de teinturiers ou de confectionneurs d'habits de soie.
Les Romaniotes sont, depuis la période hellénistique, considérés par les Grecs d'Asie mineure comme des frères de culture. Lors de la Quatrième croisade, les Croisés sont choqués de trouver dans Constantinople, ville chrétienne, des synagogues ayant pignon sur rue, ainsi que des Juifs se promenant librement et parfois en armes, comme les chrétiens. Au cours d'une attaque des Croisés sur l'une de ces synagogues, un quartier de Constantinople est brûlé[2].
À la suite de ces incidents, la guerre éclate entre Croisés et Byzantins. Lorsque les premiers s'emparent de Constantinople pour 58 ans, ils pillent la ville, et parquent les juifs dans des quartiers isolés.L'arrivée des Séfarades dans l'Empire ottoman se produit après leur expulsion d'Espagne en 1492. Au début, les Séfarades maintiennent, comme à leur habitude, une séparation sociale et cultuelle avec les populations autochtones, mais à la longue ils assimilent progressivement la plupart des communautés romaniotes. Les communautés de Constantinople, où les Juifs sont devenus ottomans, forment un millet au sein du système turc, et prennent leurs distances avec les populations chrétiennes, devenues elles aussi minoritaires.
Les Romaniotes aux temps modernes
Lors de l'éveil des nationalismes, les persécutions turques des XIXe et XXe siècles contre les chrétiens d'Anatolie épargnent les Séfarades, qui ne présentent pas de revendication à l'indépendance ni à l'autonomie. Ceci constitue les bases d'un premier différend avec les Romaniotes demeurés en Grèce, qui ont tendance à considérer les Séfarades comme trop complaisants à l'égard du persécuteur de leur culture commune, l'hellénisme. Après 1922, les Juifs turcs, composés essentiellement de Séfarades, se déclarent fidèles citoyens de la république d'Atatürk, où ils ne sont pas inquiétés (si l'on excepte quelques actions isolées d'extrémistes islamistes).
Quant aux communautés romaniotes de Grèce, elles sont situées, au début du XXe siècle, à Thèbes, Ioannina, Chalcis, Corfou, Arta, Corinthe, ainsi que sur les îles de Lesbos, Chios, Samos, Rhodes et à Chypre.
Au cours de la seconde guerre mondiale, la Grèce est occupée par les forces de l’Axe. En dépit des tentatives de l’église orthodoxe de Grèce et de nombreux Grecs chrétiens, la communauté juive de Grèce est exterminée à 86%. Les Romaniotes sont en théorie mieux lotis que les Séfarades : le gouvernement grec les a protégés jusqu’à l’occupation nazie et ils parlent le grec sans accent, contrairement aux Séfarades dont la langue première est le judéo-espagnol. Cependant, sur 1 950 Juifs, seuls 90 échappent à la déportation à Ioaninna.
Les survivants ont pour la plupart émigré après la guerre civile grecque (1945 - 1949) et la création de l'État d'Israël (1948) vers les pays anglophones ou Israël.
Les Romaniotes de nos jours
Au début du XXIe siècle, il ne reste que trois communautés romaniotes actives : à Ioannina en Grèce, à New York et à Jérusalem[3]. D'anciennes synagogues peuvent également être visitées à Athènes ou dans l'île d'Égine. Celle de Constanza, sur la Mer Noire, est en ruines depuis 2005, faute de fidèles.
La communauté de Ioannina
La communauté romaniote de Ioannina (Janina) compte environ 50 membres, pour la plupart fort âgés. Leur synagogue, la Kehila Kedosha Yashan, n'est ouverte que sur demande expresse des visiteurs et lors de rassemblements d'émigrants romaniotes chaque été. Une Bar Mitzva y a été tenue en 2000, et a été considérée comme un évènement exceptionnel[1].
La synagogue se situe dans la vieille partie fortifiée de la ville, le Kastro, au 16, rue Ioustinianou. Construite en 1829, probablement sur les ruines d'une synagogue plus ancienne, son architecture est typique de l'ère ottomane. La Bimah, où les rouleaux de la Torah sont lus lors des offices de prière, est placée sur un dais surélevé du mur occidental, l'Aron Kodesh (où les rouleaux sont rangés entre les offices) est sur le mur oriental, une large aile séparant les deux. Les noms des Juifs de Ioannina assassinés pendant la Shoah sont gravés dans la pierre des murs de la synagogue.
La communauté de New York
La Kehila Kedosha Janina, située à Chinatown, dans le Lower East Side de Manhattan, est la seule synagogue romaniote des Amériques. Fondée en 1927, elle est encore en usage lors du chabbat et des fêtes juives, mais peine à atteindre le quorum de dix personnes nécessaire à la tenue des offices publics[4].
La communauté de Jérusalem
Des Romaniotes originaires de Ioannina ont émigré à Jérusalem et construit deux synagogues de rite romaniote, la synagogue Yanina, située dans le quartier chrétien de la vieille ville de Jérusalem et la synagogue Beit Avraham veOhel Sarah LaKehilat Yanina, dans le quartier Ohel Moshe[5], mais seule la dernière est encore en activité. De plus, si elle conserve une partie des poésies liturgiques romaniotes et les mélodies de la communauté de Yanina, son rite n'est plus romaniote mais séfarade.
Particularités du judaïsme et de la culture romaniotes
Les Juifs romaniotes déterminent la Loi juive en fonction du Talmud de Jérusalem, comme les communautés ashkénazes et italkites, alors que les communautés séfarades et orientales suivent le Talmud de Babylone[6], [7],[8]. Il en résulte un rite romaniote spécifique, considéré comme assez proche de l'ancien rite en vigueur en terre d'Israël vers l'an 400. Ce rite a cependant évolué en fonction de celui des Séfarades, qui a, chez de nombreux Romaniotes, remplacé leur rite au détriment de leur héritage propre.
Les Romaniotes ont par ailleurs développé leur langue propre, le yévanique ou judéo-grec, considéré aujourd'hui comme une langue morte.
Romaniotes célèbres
Par ordre alphabétique :
- Albert Cohen (1895-1981), poète, écrivain et dramaturge, dont les héros, Solal et les Valeureux sont des Juifs romaniotes originaires de Céphalonie
- Mordehai Frizis (1893-1940), colonel de l'armée grecque pendant la seconde guerre mondiale.
- Eliyahou Mizrahi (c.1450-c.1525), rabbin et savant.
Notes et références
- Ioannina, Greece, publié en 2002, consulté le 7 octobre 2009 E. Victor,
- ISBN 2-7453-1135-2 Robert de Cléry, La conquête de Constantinople, XIV, éd. Honoré Champion, Paris 2004,
- La diversité géographique des traditions juives sur la site du CICAD
- Laura Silver, Spreading little-known history of Romaniote Jews, Daily News (New York), publié le 18/06/2008
- Jerusalem Quartered: The 'Armenian' Quarter, Joint Distribution Committee 1975, consulté le 7/10/2009 Rabbi Y. Goldman,
- http://judaism.stackexchange.com/questions/6067/yerushalmi-versus-bavli
- (en)http://www.yeshiva.org.il/ask/eng/?id=4612
- (it)http://www.morasha.it/sbr/sbr_somekh.html
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