Histoire De La Prostitution

Histoire De La Prostitution

Histoire de la prostitution

La prostitution (du latin prostituere mettre devant, exposer au public) est une activité consistant à accepter ou obtenir des relations sexuelles, en échange d'une rémunération. Bien que cette activité soit pratiquée par les membres des deux sexes, elle est le plus souvent le fait des femmes, mais cela concerne aussi les hommes dans le cadre de prostitution hétérosexuelle, homosexuelle, travesti ou transsexuelle. Le terme générique employé est prostitué(e). Cet article traite de l'histoire de la prostitution.

Sommaire

Antiquité

La « prostitution sacrée »

Jean Bottéro est un des rares historiens à s'être posé la question des origines de la prostitution dans son ouvrage Mésopotamie[1]. De l'étude des textes de cette civilisation à l'aube de l'histoire, il apparaît que les premières femmes à avoir été consacrées à la prostitution sacrée pour honorer la déesse de la fertilité, Inanna à Sumer, devenue Ishtar pour les Babyloniens, étaient les femmes stériles ; ne pouvant assurer la procréation au sein d'une famille avec un seul homme, elles trouvent une place dans la société en servant la déesse, devenant l'épouse de tous.

Les Israélites de la haute antiquité connaissaient aussi la prostitution sacrée. Ainsi, le roi Josias, vers -630 « ordonna [...] de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashéra et pour toute l'armée du ciel [...]. Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de Yahvé[...] »[2]

Hérodote parle dans son premier livre des prostituées sacrées, quelquefois nommées harots des temples d'Ishtar et d'autres divinités des civilisations de Mésopotamie. Le Code d'Hammourabi, notamment la loi 181, fait référence à une hiérarchie des prostituées sacrées sans faire ouvertement référence à une rémunération par les fidèles.

Les prostitués masculins apparaissent avoir été à l'origine ceux qui, par malformation naturelle ou par accident, ne pouvaient pas davantage assurer la continuité de l'espèce ; eux aussi trouvaient ainsi, au service de la déesse, une place dans la société.

Bien que le témoignage de Hérodote soit quelquefois mis en doute, la présence de prostituées sacrées dans la Genèse XXXVIII avec l'histoire de Tamar et le Deutéronome XXIII:18 laisse deviner la présence de telles pratiques. Dans le culte de Cybèle, la déesse-mère de l'Orient, il existait une prostitution sacrée particulière. Le parèdre de Cybèle, Attis, s'étant émasculé pour plaire à la déesse, les prêtres de Cybèle en faisaient autant. Ces eunuques portaient le nom de Galles, et étaient connus dans toute l'antiquité pour se livrer à une prostitution sacrée dans le temple et ses abords.

Aux premiers temps de la civilisation méditerranéenne, le point de départ de la prostitution semble à la fois religieux et familial. Dans les cultes religieux, les rites reproduisent l’action divine exemplaire. Les cultes de la déesse-amante, présents dans toutes les sociétés anciennes, ont pour rite essentiel l’union sexuelle des hommes avec des prostituées sacrées, qui sont des femmes (ou des hommes, généralement castrés) au service de la déesse. Ces unions sont censées ressourcer la force génitale des fidèles masculins et cette force étendre ses effets positifs à la fertilité des troupeaux et des sols. On trouve encore aujourd’hui des femmes « maraboutes » vivant dans des demeures qui regroupent les filles spirituelles d’un saint et se livrant à l'exercice de la prostitution sacrée. Parfois même toutes les femmes d’une tribu sont concernées par cette pratique qui apparaît comme une survivance de rites d’initiation sexuelle.

Aux époques historiques, dont on a conservé les écrits, ces comportements se monnaient : les sanctuaires s’enrichissent des sommes payées par les fidèles désirant accomplir le rite, de même que les chefs de famille rentabilisent le prêt des femmes qui sont leur propriété. La prostitution devient une affaire d’argent et l'on quitte le domaine du « sacré ». Les responsables des États, à Babylone comme dans tout le Moyen-Orient, ne laissent pas échapper cette source de revenus, et se mettent à créer leurs propres maisons de prostitution. Les prostituées se multiplient autour des temples, dans les rues et dans les tavernes.

Le monde indien possède lui aussi sa prostituée sacrée, la devadasi.

La constitution d'une dot

Dans de nombreuses sociétés archaïques, ce fut par exemple le cas dans la société étrusque, la prostitution n'était pas mal vue et représentait pour les femmes de condition libre une source de revenus pour se constituer une dot et accéder ainsi au mariage qui était un statut recherché, à la grande indignation des Grecs qui reprochèrent de ce fait aux Étrusques la légèreté des mœurs de leurs femmes.

Dans le monde grec

Jeune homme donnant une bourse à une courtisane, œuvre de Polygnote, Musée national archéologique d'Athènes
Article détaillé : Prostitution en Grèce antique.

En Grèce, à Athènes, on attribue à Solon, le père fondateur de la république, au VIe siècle av. J.-C., la création dans tous les quartiers de la ville d’établissements municipaux : l'offre et la vente de corps se déroulent dans des lieux publics, rigoureusement séparés de l'espace privé (l'oikos, la maison) et considérés comme des zones de commercialisation, des espaces qui transforment les humains en produits. Très vite purent s’ouvrir des établissements privés, soumis à autorisation et redevables de taxes.

Dans la société grecque, la plus misogyne de l'Antiquité, qui enferme ses femmes dans les gynécées, les prostitués sont généralement des esclaves, mais peuvent être des jeunes hommes ou des femmes ayant perdu parents ou tuteurs et restés sans ressources. Celles et ceux qui ne sont pas en maison doivent racoler leur clientèle : les ports sont leur terrain de chasse favori et chaque arrivée de bateau voit affluer les prostitués venant sélectionner les patrons ou les riches marchands. À Corinthe par exemple, ville prospère, le temple d’Aphrodite compte plus de 1 000 prostituées. Par ailleurs, les hétaïres, littéralement, « compagnes, amies », sont des prostituées libres, anciennes esclaves affranchies, qui prodiguaient une distraction intellectuelle, culturelle, mais aussi sexuelle à l'aristocratie. Aspasie (Ve siècle av. J.-C.), amante scandaleuse de Périclès, en est une figure.

Rome

À Rome, comme ailleurs dans le bassin méditerranéen, ceux qui possèdent des esclaves peuvent en user à leur guise puisque l'esclave est une propriété privée. La femme esclave est d’ailleurs exclue du champ d’application des lois sur l’adultère : son compagnon ne peut l’accuser, que son amant soit le maître ou un tiers. Par ailleurs, les lois condamnant les maîtres qui prostituent leurs esclaves sont si peu efficaces qu’elles vont être souvent reproclamées du Ier au IVe siècle, de même que les lois assimilant à l’adultère les rapports sexuels entre la maîtresse et son esclave.

Banqueteur et une prostituée, fresque d'une maison d'Herculanum

Cependant, la prostitution reste florissante à Rome où elle se présente sous des formes multiples : les prostitués se trouvent en maison, dans des auberges, dans des loges, ou dans la rue, devant les arcades comme devant la porte de leurs domiciles.

Très tôt, dès le IIe siècle av. J.-C., ils sont inscrits sur un registre spécial et doivent être munis d’une licence d’exercice. Civilement, ils sont frappés d’indignité. Leur condition varie, des plus miséreuses, esclaves, aux courtisans et courtisanes de luxe dont les services se monnaient très cher. Leur cheptel est renouvelé par le trafic d’esclaves alimenté par les guerres et la piraterie : à Délos, 10 000 esclaves sont vendus chaque jour, et dans l’empire ce sont des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents qui approvisionnent chaque année ce marché du plaisir.

Les ruines d'un lupanar à Pompéi, témoignent de l'exercice de la prostitution dans la Rome antique. La profession, jugée dégradante, était cependant licite ; la sexualité n'étant pas bridée dans l'Antiquité comme elle le deviendra dans le monde christianisé. Il est difficile d'avoir une image unique de la prostitution à l'époque romaine. Le proxénétisme, lenocinium, fut souvent l'objet d'interdiction et de punition. Néanmoins la présence de prostitués et prostituées, lenones, atteste du contraire. L'empereur fit même taxer la profession pour augmenter les recettes de l'État. Bien que tolérée, cette pratique n'était pas exempte de risques. Un papyrus du IVe siècle relate un procès entre une vieille femme ayant livré sa fille à la prostitution et l'assassin de cette dernière à qui elle demandait réparation. Certaines époques où l'adultère était puni de mort ont vu des dames de la haute société s'inscrire sur le registre des prostituées pour éviter la condamnation.

Les Hébreux

De leur côté, les Hébreux de la Bible instituent un monothéisme qui, par nature, interdit les rites spécifiques aux différents dieux, notamment la prostitution sacrée. La prostitution ordinaire est interdite aux femmes du peuple hébreu, mais autorisée pour les étrangères. En fait, cette interdiction fonctionne grâce à un tour de passe-passe, car n’est pas appelée « prostituée » la femme que son père prête contre de l’argent, mais seulement la femme qui est sous l’autorité d’un homme et qui, sans son approbation, vend ou donne ses charmes. C’est le détournement du bien d’un chef de famille qui est interdit, pas le commerce sexuel, et, au Moyen-Orient, un père peut monnayer les services de sa fille dès que celle-ci a trois ans.

La Bible montre de fait que les hommes ont facilement recours aux prostituées (Genèse 38,15), alors que les livres de sagesse répètent à qui mieux mieux le conseil d’éviter celles qui vous prendront dans leurs filets pour vous dépouiller de tous vos biens. Les recommandations sont du domaine de la prudence, non du respect des personnes, et la prostituée est un personnage bien présent dans le monde de la Bible.

Christianisme ancien

Le Jésus des Évangiles a une attitude très personnelle avec les prostituées qu’il traite amicalement et qu’il donne en exemple de foi : « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au royaume de Dieu » (Matthieu 21,31). La prostituée est coupable d’une grave faute morale, mais elle peut être sauvée par la foi.

Par la suite, la tradition chrétienne considère la prostitution comme un moindre mal. Les Pères de l'Église en témoignent, d'Augustin d'Hippone au IVe siècle qui estime qu’elle est naturelle et permet de protéger les femmes honorables et les jeunes filles du désir des hommes, jusqu'à Thomas d'Aquin au XIIIe siècle, qui juge qu’elle est nécessaire à la société comme les toilettes à une maison : cela sent mauvais, mais sans elle(s), c’est partout dans la maison que cela sentirait mauvais. La prostitution est d’ailleurs tellement naturelle que, pour plusieurs théologiens, il est préférable qu’une femme y pousse son mari plutôt que de consentir à certains rapports sexuels considérés, eux, comme de graves péchés.

Dans le domaine familial, l’usage oriental d’offrir les esclaves de la maison aux hôtes de passage est un gage d’hospitalité.

En Arabie

A l'époque anté-islamique, la répudiation d’une femme par son époux la laisse sans droits et sans recours. C’est une autre conséquence visible de la détérioration de la condition féminine,c’est-à-dire à une époque où les femmes étaient dominées par les hommes, l’on se rend compte qu’un homme épousait à sa guise et en même temps le nombre de femmes qu’il voulait, et qui dépendaient souvent de lui pour survivre ; de la même manière, il pouvait aussi en répudier autant qu’il voulait, sans avoir d’obligations légales vitales vis-à-vis d’elles. Assez vite, ces femmes répudiées qui dépendaient des époux pour vivre, se retrouvaient dans la misère. Lorsqu’elles ne tombaient pas en esclavage dans le strict sens du mot, elles se livraient à la prostitution qui est une forme terrible d’esclavage. Et pour attirer l’attention, elles avaient souvent la poitrine nue, à l’image des prostituées sacrées, connues en Mésopotamie et en Inde, régions avec lesquelles la péninsule arabique commerçait et avait des échanges culturels et humains intenses. Mais dans un temps rapproché de l’apparition de l’Islam les choses changèrent car la religion condamnait la prostitution (péché).

Moyen Âge

Légende de saint Nicolas : le saint donne aux trois filles pauvres une dot, leur évitant ainsi la prostitution, Gérard David, v. 15001510, National Gallery of Scotland

Au Moyen Âge, les responsables de l’ordre public, municipalités, seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (évêques, abbés et pape), organisent progressivement la prostitution, déjà à partir du XIIe siècle, et surtout à partir du XIVe siècle, en tirant un profit financier. On trouve même des bordels possédés par des monastères ou des chapitres. La prostitution est toujours considérée comme naturelle, comme un moindre mal. En Italie du Nord, les autorités expliquent même que le recrutement de prostituées attirantes permettra de convaincre les jeunes gens de se détourner de l'homosexualité. Les villes et les bourgs ouvrent ainsi officiellement des maisons municipales de prostitution ou bien désignent les quartiers de la cité, généralement ses faubourgs, où la prostitution sera tolérée.

Les réglementations portent sur :

  • les restrictions aux libertés des prostituées (déplacements, fréquentations, habits) ;
  • les jours et les heures de fermeture obligatoire des maisons ;
  • les relations financières et autres entre les gérants de maison et leur personnel, d’une part, ou les autorités d’autre part.

Souvent est précisée la nature des clients : beaucoup de maisons ne peuvent théoriquement pas recevoir les hommes mariés, les prêtres et les Juifs. La tenue de la prostituée doit être distincte de celle des autres femmes afin que celles-ci ne risquent pas d’être importunées à tort. L’état d’esprit des règlements n’est pas de protéger les femmes prostituées contre la violence ou l’exploitation : dans une perspective du moindre mal, ces femmes sont sacrifiées pour un bien supérieur, l’ordre public. Souvent, en effet, c’est la permanence des viols par bandes organisées qui amène les municipalités à se poser la question d’organiser la prostitution afin de canaliser l’agressivité sexuelle des hommes. Pour ces femmes « perdues », l’idéal serait qu’après avoir rempli un temps leurs fonctions, elles se repentent, et sauvent leurs âmes, comme Marie-Madeleine, en référence à la parole de Jésus. Dans l’esprit de l’époque, les prostituées ne sont donc pas marginalisées, mais bien intégrées dans une société où elles ont leur rôle à jouer. Dans les fabliaux, parfois égrillards, du Moyen Âge, les prostituées se font complices d'autres femmes et les aident à se venger des prétendus séducteurs. La cathédrale de Chartres a d'ailleurs un vitrail qui a été offert par les prostituées, de la même façon que d'autres vitraux ont été offerts par la corporation des boulangers ou des regrattiers.

Les prostituées le sont pour des raisons financières, parce qu’elles sont sans ressources pour une raison ou une autre : tel est le cas pour les étrangères à la ville, les migrantes venant de la campagne, les filles exclues du système matrimonial parce qu’elles ont été violées, parce qu’elles sont des servantes enceintes et chassées, parce qu’elles sont veuves ou abandonnées. Mais il existe aussi une prostitution moins miséreuse, de femmes qui reçoivent discrètement chez elles des hommes de bonne condition, et que le voisinage tolère plus ou moins bien.

Les pratiques sexuelles, pour ce que l’on peut en savoir, semblent être communément orales, anales, manuelles et interfémorales, les femmes fuyant le rapport vaginal pour des raisons contraceptives.

La prostitution pendant la période médiévale fait l'objet d'un traitement inégal. La ville de Marseille, à elle seule, présente plus d'un revirement de sa réglementation qui va de la prohibition la plus sévère à une certaine complaisance en passant par une taxation par les autorités. Thomas d'Aquin pensait que si on supprimait la prostitution, le désir incontrôlable des hommes risquait de menacer le reste de la société et les honnêtes femmes, leur couple en particulier. Tullia d'Aragon et Rosa Vanozza furent des hautes figures de ce temps, la dernière devenant à trente ans la maîtresse attitrée du pape Alexandre VI et lui donnant quatre enfants. Un ordre de Sainte-Marie-Magdeleine fut instauré pour la réinsertion des prostituées. Leur réputation est cependant mauvaise, Jeanne d'Arc, par exemple, chassa les ribaudes qui suivaient son armée. Les prostituées furent souvent les compagnes des soldats.

À partir du milieu du XVIe siècle, la tendance à organiser la prostitution se renverse et la fermeture des maisons se généralisent dans toute l’Europe, en pays réformés comme en pays catholiques. En France, l’ordonnance de proscription date de 1560. À partir de ce moment, la prostitution sera pourchassée, mais comme les actions seront plus ou moins sévères et plus ou moins persévérantes, suivant les époques, le phénomène va perdurer : il lui suffit de s’adapter, et de se développer dans la clandestinité.

Période moderne

Étienne Jeaurat, Le transport des filles de joie de l'Hôpital, 1755, musée Carnavalet

Du XVIIe au XIXe siècle, la période moderne est marquée par la volonté de lutter contre la prostitution. Parfois les mesures visent son éradication, par l’emprisonnement ou le bannissement. Mais beaucoup de ces mesures sont assez vite oubliées ou pas du tout appliquées. Certains comportements sont nouveaux : des asiles s’ouvrent pour les femmes repenties, que vont bientôt rejoindre celles que l’on considère comme risquant de tomber dans la prostitution parce que pauvres et célibataires. Des ordonnances précisaient même de n’admettre que les jolies filles, les laides « n’ayant pas à craindre pour leur honneur ». L’Angleterre, puis l’Espagne, créent de tels établissements. En 1658, Louis XIV ordonne d’emprisonner à la Salpêtrière toutes les femmes coupables de prostitution, fornication ou adultère, jusqu’à ce que les prêtres ou les religieuses responsables estiment qu’elles se sont repenties et ont changé. C’est alors la première fois en Europe que la prison sert de punition : elle ne servait auparavant que pour garder les accusés jusqu’à leur procès ou les condamnés jusqu’à leur départ pour l’exil ou le bagne.

L’Angleterre commence à déporter aux Antilles les filles des maisons fermées : elles sont 400 après la fermeture des maisons de Londres en 1650 ; on estime à 10 000 celles qui rejoignent de force l’Amérique de 1700 à 1780. L’aristocratie européenne semble particulièrement violente dans sa façon de vivre la sexualité et, contrairement au Moyen Âge, on a pour ces siècles des récits de brutalité dans les établissements où orgies, coups, flagellation, débauche de mineurs sont le quotidien. La société dans son ensemble est caractérisée par la violence sexuelle et, dans les campagnes comme dans les villes, des bandes organisées attaquent les femmes isolées pour des viols collectifs accompagnés de sévices divers.

À la veille de la Révolution française, on évalue à 30 000 les simples prostituées de Paris et à 10 000 les prostituées de luxe ; à Londres, elles seraient 50 000, ce qui est une preuve de l’échec des mesures de répression. Pour mesurer l'ampleur du phénomène, la plupart des historiens contemporains soulignent que si la proportion de prostituées était la même aujourd'hui (environ 13 % des femmes), on aurait pour Paris intra-muros une population de plus de 100 000 prostituées.

Devant l'échec des mesures précédentes, le Directoire, puis Napoléon, ainsi que l’ensemble des responsables européens, codifient l’organisation des maisons de tolérance.

Le XIXe siècle, en France

La visite médicale, Toulouse-Lautrec, cca 1894

La France moderne et contemporaine a souvent utilisé la réglementation plus que la prohibition. Ainsi, en janvier 1796, sous l'impulsion du Directoire, Napoléon fait établir le registre de la prostitution parisienne. En 1802, on établit la visite médicale obligatoire des prostituées pour endiguer l'épidémie de syphilis de l'époque. Dans un temps où les femmes, n'ayant pas accès à l'université et ne pouvant donc pas être médecins, cette « visite médicale », perçue comme plus dégradante qu'une passe avec le client, était abhorrée par les prostituées.

Les filles de rue sont alors dites « en carte » et celle des maisons closes sont dites « à numéro ». Les « insoumises » sont punies. Cette position dure jusqu'en 1946, date à laquelle Marthe Richard fait fermer les 1 500 maisons closes françaises, comme Le Chabanais.

Henri de Toulouse-Lautrec, Salon de la rue des Moulins, 1894, Musée Toulouse-Lautrec

La maison close du XIXe siècle « était un endroit de détente aussi ordinaire et naturel qu’un autre ». Elle est partie intégrante de la vie sociale, les hommes d’affaires respectables ou les jeunes gens s’y rencontrent habituellement et sans devoir se cacher. Les étudiants et lycéens ont pris l’habitude de s’y rendre, et ils les monopolisent les jeudis après-midi et pendant les vacances scolaires. On a une lettre de Proust adolescent demandant à son grand-père de l’argent de poche pour pouvoir se rendre dans l’un d’entre eux. À Paris, ils sont environ 200 établissements officiels, sous le contrôle de la police et des médecins, au milieu du siècle, mais seulement une soixantaine à la fin, par suite de la multiplication des bordels clandestins qui comptent alors 15 000 prostituées. De 1870 à 1900 environ, il y a 155 000 femmes officiellement déclarées comme prostituées, mais la police en a arrêté pendant la même période 725 000 autres pour prostitution clandestine.

Le XXe siècle

France

Au point qu’en 1911, le préfet de police Lépine autorisait des « maisons de rendez-vous » où les prostituées ne vivent pas, mais où elles viennent seulement pour travailler. À côté de ces maisons existent des brasseries qui sont des cafés à serveuses « montantes » : 115 à Paris dans les mêmes années. Sans compter les parfumeries, ou les instituts de bains et de massage. La police estime à 40 000 clients par jour la fréquentation des diverses maisons, ce qui équivaudrait à dire que le quart des hommes parisiens avait des relations avec les prostituées.

Pour les étrangers, les bordels parisiens ont aussi à cette époque la réputation de rivaliser entre eux pour offrir une spécialisation dans toutes les sortes de perversions que l’on pouvait imaginer. Ils sont en tout cas des lieux de plaisir et de raffinement érotique.

Les prostituées sont recrutées parmi les jeunes femmes venues travailler en ville et marginalisées par le chômage ou les grossesses.

La France, qui a été le pays d'origine du réglementarisme, change d'orientation en 1946 avec la loi « Marthe Richard » et adopte un régime abolitionniste qui ferme les maisons de tolérance et prévoit la création des services de prévention et de réadaptation sociale (SPRS). En 1946, Marthe Richard fait fermer les 1 500 maisons closes françaises, et aussi quelque chose se change sur le point de l’ enregistrement des prostituées, et des visites médicales obligatoires des prostituées, qui existaient depuis 1796 respectivement 1802.

En 1975, le premier mouvement de prostituées voit le jour avec l'occupation de l'église Saint-Nizier à Lyon et la chapelle Saint-Bernard à Paris. Elles s'opposent aux nouvelles lois répressives et à la réouverture des maisons closes. Grisélidis Réal fait partie des leaders de ce mouvement.

XXIe siècle

Dr. Camille Cabral, une Activiste des prostituées à la Pute Pride à Paris en France, le 18 mars 2006

Europe

Du 15 au 17 octobre 2005 a eu lieu une conférence européenne de prostituées à Bruxelles qui a débouché sur la rédaction d'un manifeste et d'une déclaration des droits des travailleurs du sexe.

France

Activiste des prostitués à Paris en France, octobre 2005

Le deuxième important mouvement de prostituées a lieu en 2002 afin de s'opposer cette fois à la loi pour la sécurité intérieure dite loi Sarkozy dont l’article 225-10-1 sur le racolage. La loi est promulgée le 19 mars 2003.

Enfin depuis 2006, a lieu chaque année à Paris la « Pute Pride » une marche de fierté des travailleuses du sexe.

Certaines travailleuses du sexe en France ne sont pas en faveur de législations contraignantes telles les maisons de tolérance, qui ne leur permettent pas de conserver le choix de leurs clients, pratiques, horaires, prévention, etc. Les travailleuses du sexe, réunies en Assises le 16 mars 2007, ont conclu à l'unanimité qu'elles étaient contre le salariat[3] .

En novembre 2007, des prostituées et leurs alliés poursuivent leur contestation de la répression du racolage en se rassemblant devant le Sénat et interpellent à nouveau les parlementaires[4].

Le racolage dans la rue étant de plus en plus réprimé et réputé dangereux, certaines prostituées préfèrent en 2008 en France, nouer des contacts sur Internet. Secondairement, la crise du logement pousserait certaines jeunes femmes à échanger des services sexuels contre un logement[5].

Le 20 mars 2009 ; A l'issue des Assises Européennes de la Prostitution qui ont eu lieu au théâtre de l‘Odéon est né le STRASS (Syndicat du TRAvail Sexuel) Dès sa création, ce syndicat à reçu l’adhésion d’au moins 200 membres et crée 5 fédérations au niveau national ainsi qu'une représentation en Grande Bretagne.

Une des premières actions sera de peser sur les prochaines élections européennes en rappelant aux candidats les revendications des travailleurs du sexe. Un courrier leur sera prochainement envoyé leur demandant de se positionner sur le manifeste et la déclaration des droits des travailleurs du sexe en Europe[6].

Notes

  1. Référence:Mésopotamie : l'écriture, la raison et les dieux (Jean Bottéro)
  2. Deuxième livre des rois, 23:4 et suivants.
  3. Droits et prostitution
  4. http://www.droitsetprostitution.org/lettreparlement.pdf
  5. http://www.liberation.fr/societe/010134035-loue-studette-contre-pipe Libération 05/02/2008 : loue studette contre pipe
  6. STRASS

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris, 1870-1918, Paris, L'Harmattan, 2005, 225 p.
  • Jacques Rossiaud, La Prostitution médiévale, Flammarion, 1988.
  • Michel Foucault, Histoire de la Folie, Gallimard, 1961.
  • Érica-Marie Benabou, La Prostitution et la police des mœurs au XVIIIe siècle, Perrin, 1987.
  • Alain Corbin, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Aubier, Paris, 1978.
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