- Maison close
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Lupanar
Lupanar est un synonyme de maison close, établissement offrant le service de prostituées. Plus discret que son synonyme populaire bordel, ce terme est plutôt utilisé par les Européens francophones mais presque inusité au Québec. En Belgique, on dit aussi privé.
Sommaire
Étymologie
Le mot « lupanar », emprunté directement au latin (première attestation en français en 1532), est dérivé du latin lupa, « louve », « dont le sens de « courtisane, prostituée » est attesté avant même celui de « femelle du loup » »[1]. Les prostituées de la Rome antique étaient appelées lupa, « louve », possiblement parce qu'elles criaient la nuit pour appeler leurs clients[2], ou plutôt en référence à la « louve évocatrice de la bestialité sexuelle »[3] : la voracité de la louve contrairement à celle du mâle, principalement orale, « se manifeste également sur le plan sexuel: lorsqu'elle dévore, c'est avec l'autre bouche au cours d'accouplement aussi divers que stériles »[4].
Synonymes
- bordel, bordeau (vieux) : petite maison, du francique (gaulois) borda, cabane de planche...
- hôtel borgne
- hôtel de passe, maison de passe
- maison de tolérance (citation célèbre attribuée à Paul Claudel : « La tolérance, nous avons des maisons pour ça ! »)
- maison close
- maison de plaisir(s)
- maison de joie
- claque[5]
- boxon
- bateau de fleur (Chine)
- bouic
- foutoir
- maison d'abattage
- bobinard
- BMC : Bordel Militaire de Campagne, en jargon militaire français
- pouf, en argot militaire plus particulièrement établissement se situant à l'intérieur des casernements de la légion étrangère. Vient de l'argot allemand Puff (même signification).
En Grèce
Article détaillé : Prostitution en Grèce antique.Les maisons de prostitution (ou maisons closes) sont nées à Athènes. Solon (l'un des Sept Sages de la Grèce 640 - 558 av JC) les inaugure sous le nom de Dictérions : ce sont des entreprises situées auprès des ports, pour une clientèle de marins.
À Rome
Des esclaves féminines sont destinées aux soldats. Les maisons de prostitution se trouvent à proximité des casernes, des remparts. Le relâchement des mœurs sous l'Empire favorisa l'extension de la prostitution. De tous côtés, des lupanars (lupanaria) ouvrent leurs portes.
Les filles de joie portent des vêtements jaunes, le jaune étant la couleur de la honte et de la folie, mais leurs chaussures étaient d'un rouge vif.
Après Domitien, les filles se regroupent dans des maisons : les lupanar.
À Pompéi
On a retrouvé les ruines d'un lupanar de dix chambres à Pompéi, dans la région VII des fouilles. C'est le seul dédié à cette activité en sachant que les étages des tavernes remplissaient aussi souvent la fonction de lupanar. Près de l'entrée du rez-de-chaussée était peint, près d'un figuier, un Priape à deux phallus, dont il tenait chacun dans une de ses mains.
Vue intérieure d'une chambre d'un lupanar de Pompéi
Fresque d'un lupanar de Pompéi représentant un cunnilingus
En France
Au Moyen-Âge
Après avoir décrété la prohibition de la prostitution, Louis XI fait machine arrière et proclame la tolérance. Des établissements se spécialisent dans le commerce charnel.
Pendant la régence de Philippe d'Orléans et durant le règne de Louis XV , les maisons closes connaissent un éclat particulier.
L'âge d'or
Mais l'âge d'or des maisons closes se situe sous la IIIe République. L'Etat, et notamment le fisc profitait de ce commerce en prélevant 50 à 60 pour cent sur les bénéfices. Les maisons furent fermées le 13 avril 1946.
Les placeurs
Les placeurs (ou placeuses) s'occupaient du recrutement des maisons closes. Ils parcouraient les petites pensions de province, les hôpitaux (notamment le service des maladies vénériennes),....charmaient des femmes en leur promettant une bonne place et de l'argent. Les femmes ainsi placées dans des pensions parisiennes ou de grandes villes (Rouen, Bordeaux, Reims...), les placeurs recevaient un dû assez conséquent (cinquante francs) au début du XXème siècle [6]. D'autres femmes y entraient par besoin (notamment les filles mères) ou parce que ne sachant rien faire d'autre.
Le règlement
Chaque maison avait son règlement intérieur. Les clients payaient 5 francs 25 en 1929. Sur cette somme 2 francs étaient destinés à la maison et 2 francs 50 à la femme. On payait 25 centimes pour la serviette. Les femmes devaient aussi payer les frais de la maison (nourriture, blanchisserie,...) à raison de 30 francs par jour, ainsi que la visite du médecin[6].
Les femmes travaillaient tous les jours. Elles dormaient le plus souvent dans un établi ou dans le grenier [6].
Le One Two Two et le Sphinx
Dès 1939, les maisons closes connaissent la pénurie de clients. Pour attirer la population masculine et aisée, une nouvelle sorte de maisons fait son apparition: le One-two-two [7], cabaret bordel, où de grands noms se croisent: Colette, Marlène Dietrich, Jean Gabin, Sacha Guitry... La maison est composée de dix salons, vingt-deux chambres, et abritent une soixantaine de pensionnaires[6].
Le One Two Two s'essoufflant, Le Sphinx fait son apparition boulevard Edgar-Quinet à Paris. Cette maison est même protégée par le ministre de l'Intérieur de l'époque Albert Sarraut. On peut y rencontrer Mistinguett et Marlène Dietrich.
En 1941, L'Étoile de Kléber ouvre ses portes pendant l'Occupation. Edith Piaf y vient chanter à partir de 1943. Ce cabaret-bordel est un des lieux favoris de la Gestapo et des officiers supérieurs de la Wehrmacht.
Liste de quelques adresses parisiennes
Source : [8]
- Le Chabanais : 12, rue Chabanais (9e arr.)
- Le One-two-two : 122, rue de Provence (8e arr.)
- Le Sphinx, 31, boulevard Edgar-Quinet (14e arr.)
- L'Étoile de Kléber : 4, rue Paul-Valéry (16e arr.)
- Aux Belles Poules : 32-34, rue Blondel (2e arr.)
- Le Fourcy : 10, rue de Fourcy (4e arr.)
- La Rue des Moulins : 6, rue des Moulins (1er arr.), fréquentée notamment par Toulouse-Lautrec
- 2, rue de Londres (9e arr.) où Amélie Élie, qui a inspiré le film Casque d'or, a fini sa carrière.
- 50, rue Saint-Georges (9e arr.)
- 39, rue Pasquier (8e arr.)
- 29, rue Saint-Lazare (9e arr.)
- 4, rue du Hanovre (2e arr.)
- 9, rue de Navarin (9e arr.)
Beaucoup de ces immeubles ont été conservés, mais présentent des façades très neutres.
Loi Marthe Richard (l'abolitionnisme)
En 1946, la "loi Marthe Richard" impose la fermeture de toutes les maisons closes.
En Belgique
En Belgique les lupanars sont officiellement illégaux[9], mais en pratique ils sont tolérés. Ces établissements existent toujours et sont appelés privés. Ils sont très discrets ; parfois, une petite pancarte indique "Maîtresse..." avec une femme en porte-jarretelles ou bien une pancarte indique "Sophrologie".
Un privé fonctionne de la manière suivante :
Le client entre tout seul ou sonne à la porte et attend qu'on lui ouvre. Les privés sont organisés pour éviter qu'un client n'aperçoive un autre client. Les filles se présentent et le client choisit une ou deux filles et ils montent ensemble dans une chambre pour une durée qui va de quinze minutes, une demi heure ou une heure suivant les tarifs. Certains privés proposent des fantasmes sous forme de suppléments à régler à la fille (embrassades, fellation, sodomie, etc.). Les privés ont parfois une salle spéciale pour sadomasochistes, avec des fouets, de carcans et des chaînes sur les murs.En Suisse
Ces établissements existent en Suisse et sont appelés « salons érotiques ». Leur existence est légale depuis que le délit de proxénétisme a été rayé du Code pénal suisse en 1992. Ils sont pour une bonne partie implantés dans des appartements ou des locaux commerciaux. Leur taille et le nombre de prestataire sont très variés, allant de deux chambres à une dizaine de chambres, avec un nombre de prestataires allant de deux jusqu'à une cinquantaine.
Les méthodes de fonctionnement sont variées, mais en général le client se présente à la porte, et une fois entré, choisit une ou des filles avec lesquelles il consomme la passe dans une chambre pour une durée de dix minutes à une ou plusieurs heures. Le prix de la passe dépend tant des prestations offertes (fellation naturelle ou complète, sodomie, etc.) que de la durée.
Certains salons érotiques proposent des jacuzzis, d'autres des salles spécialisées dans le sado-masochisme. Ces prestations font l'objet de suppléments de prix. Les prestataires des salons érotiques ne sont pas des employées, mais des indépendantes travaillant en tant que profession libérale dans le cadre d'un contrat (écrit ou tacite) de prestations de service. Elles encaissent le prix de la passe du client et rétrocèdent une somme définie au salon. Ces rétrocessions peuvent être calculées de différentes manières, les plus courantes étant un prix payé à la journée de travail, ou au pourcentage du prix encaissé (dans ce cas les taux usuels vont de 30 à 50 %).
Des cantons ont édicté des règlements spécifiques concernant ces établissements. Dans certains, les prestataires doivent être enregistrées auprès de la police, dans d'autres l'exploitant de l'établissement, s'il est locataire, doit fournir une preuve que le propriétaire de l'immeuble accepte que les locaux loués le soient dans le but de l'exploitation d'un salon érotique.
Ces établissements ont pignon sur rue, et la publicité pour ceux-ci est acceptée par de nombreux médias (presse, affichage, radio, etc.). Certains quotidiens tirent par ailleurs de la prostitution de fortes recettes publicitaires.
Littérature et Art
Les écrits sur la maisons closes devinrent importants pendant cet âge d'or. Un des premiers écrivains à traiter de ces maisons fut Constantin Guys avec Le peintre de la vie moderne, publié en 1843 en feuilleton dans Le Figaro. N'oublions pas Gustave Flaubert et son Education sentimentale ou Madame Bovary; J.K.Huysmans et Marthe ; Guy de Maupassant et La maison Tellier; etc...
Les peintres ne sont pas en reste : Degas et La fête de la patronne ou encore La fille assise ; Toulouse-Lautrec et Femme tirant sur son bas ou Le Divan ; Van Gogh et Le Lupanar d'Arles ; etc...
Les maisons closes furent aussi chantées, notamment par Georges Brassens : La complainte des filles de joie.
En 2002, Patrice Leconte a tourné Rue des plaisirs [10] avec Laetitia Casta.
Notes et références
- ↑ Le Robert historique
- ↑ (fr) André Morali-Daninos, ed. Presses Universitaires de France, 1980, Collection Que sais-je? n° 1074, p. 21, Histoire des relations sexuelles (ISBN 2-13-036561-2)
- ↑ Christine Bard, Prostituées, Presses Universitaires du Mirail [1]
- ↑ Sophie Bobbé, L'ours et le loup: essai d'anthropologie symbolique, Ed. de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 2002
- ↑ Abréviation de claque-dent ou claque-bosse, « maison de jeu, maison de prostitution ». Définition de claque sur patrimoine-de-france.org.
- ↑ a , b , c et d Alphonse Boudard & Romi L'âge d'or des maisons closes, édition Albin Michel
- ↑ One Two Two
- ↑ www.apophtegme.com/ROULE/curiosa.pdf
- ↑ [2]
- ↑ Rue des Plaisirs
Bibliographie
- Romi, Maisons closes, L'histoire, l'art, la littérature, les mœurs, Michèle Trinckvel, Paris, 1979
- Alphonse Boudard et Romi, L'âge d'Or des maisons closes, Albin Michel, Paris, 1990
- Laure Adler, La Vie quotidienne dans les maisons closes de 1830 à 1930, Hachette, 1990
- R.Radford, La prostitution féminine dans la Rome antique, Lulu, 2007. 168 p. ISBN 978-1-4303-1158-4
Articles connexes
Liens externes
- Petite histoire des maisons closes par Romi [pdf]
- Lupanar de Pompéi
- Prostitution féminine à Rome entre -200 et 200 après Jésus-Christ. Essai de maîtrise.
- Portail de la sexualité et de la sexologie
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