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Garde nationale (Révolution française)
Pour les articles homonymes, voir Garde nationale.La Garde nationale est le nom donné lors de la Révolution française à la milice de citoyens formée dans chaque ville, à l’instar de la garde nationale créée à Paris. Elle a existé sous tous les régimes politiques de la France entre 1789 et 1871.
Création
À l'origine de la Garde nationale, il y a la garde bourgeoise de l'Ancien Régime, qui avait pour mission de défendre les biens et les personnes. Dans le pays, il pouvait y avoir des insurrections contre la perception des impôts, et les gens du bas peuple, craignant de manquer de grains et de blés, pouvaient attaquer des boutiques et des convois de blés. Le 13 juillet 1789, la population parisienne, affamée par une disette, se soulève et commence le pillage des boutiques et des armureries. Craignant un débordement populaire, la municipalité de Paris décide de canaliser la tension montante en créant une garde parisienne. De nombreux volontaires issus de couches les plus aisés de la société y adhèrent spontanément. Cette milice bourgeoise joue un rôle très important dans la journée du lendemain, lors de la prise de la Bastille. Le 15 juillet, le roi Louis XVI nomme le marquis de La Fayette commandant en chef de la garde parisienne. Le mouvement de grande peur qui, dans les jours suivants, affole les campagnes et de nombreuses villes, provoque dans tout le pays la formation de milices sur le modèle parisien.
Mise en place et organisation de la Garde nationale
La création et la mise en place de la Garde nationale sont le résultat d'un long débat à l'assemblée constituante. Le 27 juillet 1789, le comité propose un article stipulant que le roi reste dépositaire de la force publique. Nombre de députés pensaient alors qu'il serait dangereux de replacer Louis XVI dans cette situation de force. Avant de lui rendre la direction de la force publique, il paraissait indispensable de la régir par des règles strictes et en accord avec la nouvelle organisation du pouvoir. L'idée était d'empêcher les forces de l'État d'opprimer le peuple et l'armée d'intervenir dans les conflits intérieurs. Finalement, l'assemblée adopta, le 24 août 1789, un texte inspiré par Jérôme Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. Il fut introduit dans l'article 12 de la constitution, le 5 septembre, avec la déclaration suivante : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confié. » Cette déclaration ne prévoyait aucune organisation de la force publique, alors que la France s'était couverte de milices qui n'étaient soumises à aucune règle. Le 7 janvier 1790, les députés décidèrent que les gardes nationaux devaient prononcer un serment de fidélité à la Constitution, ce qui les confirmait dans le rôle de gardiens de la Constitution. L'armée avait pour seule tâche de défendre l'État contre les ennemis extérieurs. Cette décision fut confirmée par le décret du 28 février 1790, imposant aux soldats et aux officiers un simple serment de fidélité à la Constitution. Dans ces conditions, il était alors possible de restituer au roi ces anciennes prérogatives de chef suprême de l'armée, alors que les gardes nationales, qui, par les décrets des 12 décembre 1789 et 2 février 1790, étaient soumises aux seules réquisitions administratives et municipales, échappaient totalement à son autorité directe et pouvaient même la contrecarrer.
Le 24 juin 1791, un décret donnait la possibilité aux généraux de l'armée d'obtenir le concours des gardes nationaux des villes et des bourgs mis provisoirement à leur disposition, ce qui était en contradiction avec la loi sur la Garde nationale, votée les 27 et 28 juillet 1789, qui concernant uniquement une organisation sédentaire. Dès lors, la Garde nationale constituait une sorte d'armée parallèle. Pour les libéraux, elle était un moyen de faire contrepoids à l'armée royale. Les patriotes l'avaient utilisée pour renforcer leur mainmise sur les magistratures municipales. La Fayette avait ensuite tenté d'en faire un rempart face à l'anarchie envahissant le royaume. Il n'en reste pas moins que, de 1789 à 1791, il n'y avait pas de doctrine bien établie pour la Garde nationale.
Le 29 septembre 1791, l'Assemblée constituante votait une loi sur la Garde nationale, qui fut approuvée par le roi le 14 octobre 1791. La première section en était intitulée De la composition des listes de citoyens, la deuxième De l'organisation des citoyens pour le service de la Garde nationale, la troisième Des fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales, la quatrième De l'ordre du service et la cinquième De la discipline des citoyens servant en qualité de gardes nationales.
La première section précisait que seuls les citoyens actifs, c'est-à-dire pouvant voter et ayant une résidence continue depuis plus d'une année, pouvaient servir dans la Garde nationale (I.1). Les citoyens passifs, qui avaient servi sans interruption depuis le début de la Révolution et qui étaient jugés « bien intentionnés », pouvaient continuer à figurer sur le registre d'inscription (I.3). Les fils de citoyens actifs, à partir de 18 ans, devaient également être inscrits (I.5). Ce service était un privilège, mais également une obligation sans contrepartie financière. Ne pas être inscrit supprimait l'exercice des droits du citoyen (I.2). Le fait de manquer son service, ne fût-ce qu'une seule fois, obligeait à payer une taxe égale à deux journées de travail (I.15). En outre, ceux qui manquaient trois fois leur service dans le cycle d'une seule année se voyaient suspendus pendant un an du service et du droit de voter ou de se faire élire (I.15).
La seconde section établissait le mode d'organisation de la Garde nationale qui, dans les campagnes, se répartissait par cantons et par districts et non plus par municipalités (II. 1). Dans les villes, la base du dispositif restait la section électorale ou le district (I. 2). Chaque canton, section ou district fournissait les effectifs d'un ou plusieurs bataillons de quatre compagnies (II. 3-4). Les bataillons, au niveau du district, se regroupaient en une légion ou en une réunion de légions (II. 10-11). L'élément de base était la compagnie. Elle se composait dans les villes des citoyens d'un même quartier et dans les campagnes des citoyens des communautés les plus voisines (II. 13). À partir du 14 juillet 1792, l'uniforme national bleu, blanc et rouge devait être adopté partout (II. 25-26). Chaque année, les citoyens actifs inscrits dans les compagnies se réunissaient sans uniforme, le deuxième dimanche de mai, au chef-lieu du canton, pour élire ensemble leur capitaine ainsi que les officiers et les sous-officiers jusqu'au grade de caporal. Une fois élus, les officiers et les sergents choisissaient à la majorité absolue le commandant en chef du bataillon et ses adjoints (II. 19). Réunis entre officiers de compagnies, ceux-ci élisaient à leur tour, au chef-lieu de district, l'état-major des légions (II. 20). Tous ces chefs étaient élus pour un an seulement (II. 23). Les insignes de grades étaient les mêmes que ceux de la troupe de ligne (II. 24). Les drapeaux étaient tricolores et portaient la devise « Le peuple français, la liberté ou la mort » (II. 27).
La troisième section fixait le rôle et les formes d'action de la Garde nationale. Les gardes nationaux avaient pour fonction de maintenir l'ordre et de garantir l'obéissance aux lois (III. 1). Ils pouvaient dissiper « toutes émeutes populaire et attroupement séditieux », arrêter et livrer à la justice « les coupables d'excès et violences », employer « la force des armes » dans le cadre de la loi martiale ou de la loi sur l'action de la force publique (III. 10). Les autres clauses étaient beaucoup plus restrictives et prouvaient la défiance des constituants envers les citoyens armés. À l'exception des patrouilles, du service ordinaire et journalier ou des exercices, les chefs ne pouvaient prendre aucune initiative (III. 6). Ils ne pouvaient agir que sur réquisition particulière en période calme (III. 8-9). Ces demandes d'intervention ne leur étaient adressées qu'à défaut d'un nombre suffisant de gendarmes, de gardes soldés ou de troupes de ligne (III.3). Les commandants devaient les exécuter sans discussion, mais pouvaient exiger qu'elles fussent écrites (III. 2). Sans injonction légale, les officiers ne pouvaient pas réunir leurs troupes et, sans ordres, les citoyens ne pouvaient pas non plus se réunir (III. 5). Il était interdit de se rendre en armes à une assemblée électorale ou politique (III. 17). Le serment fédératif avait lieu chaque année le 14 juillet au chef-lieu de district (III. 20). L'organisation de toute fédération particulière était considérée comme un attentat « à l'unité du royaume et à la fédération constitutionnelle de tous les français » (III. 21). L'article 12 prévoyait qu'en cas d'invasion du territoire français par des armées étrangères, le roi ferait parvenir ses ordres au nombre de gardes nationaux qu'il jugerait nécessaire. Il y avait donc la possibilité d'utiliser des citoyens contre un ennemi extérieur. En cas d'action militaire de la part des gardes nationaux, le commandant supérieur serait toujours un gendarme ou un officier de ligne (III. 11).
La quatrième section déterminait l'ordre du service et le rang des compagnies, lesquels étaient fixés annuellement par le sort. On demandait aux officiers élus de se comporter « comme des citoyens qui commandent des citoyens » (IV. 1). Aucun moyen de force ne pouvait être utilisé contre des récalcitrants qui refusaient de se soumettre à leurs obligations. La désobéissance, l'abandon de poste, le manque de respect, l'insubordination, étaient punis d'arrêt ou d'une peine de prison d'une durée maximum de huit jours, sans distinction de grade (IV. 6-13). Il était possible de refuser la peine, mais cela entraînait la perte des droits de citoyens et le paiement de la taxe de remplacement (IV. 14).
La loi du 14 octobre 1791 ne prévoyait pas d'organisation centrale chargée d'animer, de contrôler et de diriger ces citoyens armés. Le roi n'y était associé qu'à travers son ministre de l'Intérieur. C'est aux administrations des départements et des districts qu'il appartenait de veiller à son application et d'en dénoncer les contraventions au corps législatif.
Il existait une grande méfiance des constituants à l'égard de la Garde nationale. Les citoyens armés se retrouvaient relégués à des taches de second ordre et restaient soumis à un contrôle très strict. Le service était obligatoire et donc astreignant pour les citoyens. La charge était la plus lourde pour ceux qui étaient les moins fortunés et qui avaient besoin de leur temps pour travailler. Cette inégalité était aggravée par le fait que les officiers municipaux et les magistrats, recrutés souvent parmi les plus aisés, en étaient dispensés contre le paiement d'une modeste taxe. Cette loi voulait canaliser une force révolutionnaire dont on redoutait les débordements.
La Garde nationale sous la monarchie constitutionnelle (1791-1792)
À l'automne 1791, le roi accepta la nouvelle constitution. Mais en province, la Garde nationale connut de graves crises de désunion. Les gardes nationaux des différentes villes s'affrontaient pour des raisons sociales ou religieuses. Ainsi, dans les Cévennes, la réorganisation de la Garde nationale sur les bases de la loi du 14 octobre 1791 fournit à la base catholique l'occasion attendue pour éliminer les officiers protestants. À Arles, la Garde nationale locale fut attaquée par quatre mille gardes nationaux levés autour de Marseille, qui prirent la ville le 29 mars 1792.
Sur le plan extérieur, la guerre éclate le 29 mars 1792 avec une coalition contre la France. Des gardes nationaux furent réquisitionnés pour être envoyés aux frontières. Ainsi, le général Alexis Magellon de Lamorlière, chef de l'armée du Rhin, requérait quatre mille gardes nationaux dans les communes sous son commandement.
La Garde nationale sous la première République (1792-1799)
Le 21 septembre 1792, la France devenait une république. La Garde nationale prit parti pour la Révolution. Au début de l'année 1793, elle comptait 116 000 hommes. Le 21 janvier, la Garde maintint l'ordre lors de l'exécution de Louis XVI. L'exécution du roi provoqua une extension du conflit auquel faisait face la France, l'Angleterre et la Hollande entrant le 1er février 1793 en guerre aux cotés de l'Autriche et de la Prusse. L'intensification du conflit nécessita de nouveaux effectifs. La Garde nationale fut peu à peu utilisée comme un réservoir pour l'armée. Les membres de la Garde les plus riches payaient des gens plus pauvres pour les remplacer dans des tâches qui ne les intéressaient pas. En septembre 1793 fut supprimé le bureau particulier pour les gardes nationales du ministère de la Défense. Ainsi s'acheva l'évolution de la garde vers l'armée nationale.
Durant les journées de Vendémiaire de l'an IV (octobre 1795), 25 000 insurgés des sections réactionnaires de l'ouest de Paris, composées de royalistes, s'affrontèrent au canon à cinq mille soldats, sous le commandement de Barras. Ces derniers l'emportèrent, confirmant ainsi la supériorité de l'armée sur les gardes nationaux pour maintenir l'ordre. Le décret du 16 Vendémiaire (8 octobre) décapita la garde parisienne en supprimant l'état-major général, ainsi que celui des divisions et des sections. Toute l'organisation hiérarchisée mise en place par La Fayette fut alors réduite à une juxtaposition de bataillons, placés sous les ordres du chef militaire de la place de Paris. Le 16 Vendémiaire, un décret supprima les grenadiers, les chasseurs, les canonniers et la cavalerie. Ces dernières dispositions furent étendues à toutes les gardes nationales. De cette façon, le Directoire voulait maintenir la Garde nationale en dehors de toute action politique.
En 1799, on mobilisa à nouveau des citoyens en masse, face à la poussée d'une nouvelle coalition contre la France. Cette mobilisation fonctionnait par tirage au sort. Plus de 400 000 hommes furent alors levés.
Le coup d'État de 1799
Lors du coup d'État de brumaire an VIII de Napoléon Bonaparte, la Garde nationale ne joua pas un rôle de premier plan. Elle contribua seulement à maintenir l'ordre. À la suite des guerres de la Révolution, la Garde nationale s'était progressivement assimilée aux militaires de métier. La Garde nationale sédentaire, qui maintenait l'ordre à l'intérieur des frontières, était médiocre et formée de citoyens peu motivés.
La Garde nationale du Consulat
La constitution de l'an VIII consacra l'existence de la Garde nationale. L'article 48 distinguait la Garde nationale en activité et la Garde nationale sédentaire. La première, qui comptait essentiellement les hommes des armées de terres et de mers, était placée sous les ordres du gouvernement (Art. 47). La seconde ne dépendait que de la loi. En septembre 1800, le ministère de l'Intérieur rédigea un projet imposant le service à tous ceux qui exerçaient les droit du citoyen, mais en autorisant le remplacement. L'élection fut écartée et il fut prévu la nomination des officiers par le préfet et celle des sous-officiers par le chef de bataillon. La Garde nationale était considérée comme impuissante par le nouveau régime.
Napoléon se méfiait de cette force bourgeoise, capable de maintenir l’ordre et de réprimer les émeutes aussi bien que de renverser le pouvoir établi. Le 12 Vendémiaire an XI (3 octobre 1802), un arrêté des Consuls créait une garde municipale de 2 300 hommes, à Paris, placée sous les ordres de militaires nommés par le chef de l'État. La mission des gardes municipaux restait à peu près la même. Leur solde était désormais assurée par une contribution de 1 800 000 francs, payée par la population parisienne. En contrepartie, les citoyens n'étaient plus tenus de faire un service régulier et journalier. Cette décision fut bien accueillie. La population se sentait déchargée d'un service militaire lourdement ressenti. Les artisans et autres travailleurs ne perdraient plus leur temps à monter la garde ou ne paieraient plus de remplaçants.
La Garde nationale sous l'Empire
Pendant tout le règne de Napoléon, les gardes nationaux ont servi de réserve à l'armée et ont été mobilisés au gré des guerres de l'Empire. Ainsi, lors de la reprise de la guerre contre la Prusse, le 17 septembre 1806, l'empereur ordonna la levée, le 23 octobre, de 3 000 grenadiers et chasseurs de la Garde nationale de Bordeaux pour renforcer la défense des côtes. Le décret du 12 novembre 1806, signé à Berlin, réaffirmait l'obligation de tous les Français âgés de 20 à 60 ans d'effectuer le service de la Garde nationale. Il en confirmait également l'incompatibilité pour ceux travaillant dans la fonction publique et dans l'administration ainsi que pour les ecclésiastiques. Les autres pouvaient se faire remplacer. Les compagnies de grenadiers et de chasseurs, composées d'hommes, si possible, de 20 à 40 ans, pouvaient être appelées à effectuer un service intérieur dans les villes de plus de 5 000 habitants, ou un service militaire. Dans ce cas, elles étaient assimilées aux troupes de ligne.
Le 29 juillet 1809, 49 000 Anglais firent une tentative ratée de débarquement à Walcheren, aux Pays-Bas, alors aux mains des Français. Cet événement fit prendre conscience à Napoléon de la menace que représentait un éventuel débarquement anglais sur les côtes françaises. À partir de 1809, l'empereur décida d'appuyer, en partie, la protection des côtes et des frontières sur les gardes nationaux.
Le 14 mars 1812, un décret demandait le recrutement de 88 cohortes de 888 hommes recrutés par départements et proportionnellement au chiffre de la population. Ils étaient chargés de renforcer la surveillance des côtes et des frontières. Le décret du 12 janvier 1813 absorba les cohortes de gardes nationaux dans 22 régiments de ligne. Les 88 compagnies d'artilleurs furent incorporées dans le corps impérial de l'artillerie et leurs effectifs répartis dans des régiments à pied ou dans les compagnies en service dans la grande armée.
À partir du 21 décembre 1813, la France était envahie. Le 30 décembre 1813 et le 6 janvier 1814 furent pris les décrets levant 101 640 hommes. Ces personnes étaient souvent âgées ou invalides. Le 30 mars 1814, Paris tombait malgré la participation à sa défense des gardes nationaux. Dans de nombreuses villes du Sud comme Marseille ou Bordeaux, les gardes nationaux royalistes avaient accéléré la chute de l'empire en agissant pour le retour de la monarchie.
La Garde nationale sous la Restauration
Le 15 mai 1814, le comte d'Artois fut nommé colonel général des gardes nationales de France. Le général Jean Joseph Dessolles devint son major général tout en gardant le commandement de la garde parisienne. La création du poste de colonel général témoignait de la volonté de centraliser la direction de la Garde nationale. Une ordonnance du 16 juillet 1814 précisait que les gardes nationales ne devaient plus être que sédentaires. Leur déplacement en dehors de la ville ou du canton ne pouvait avoir lieu qu'exceptionnellement et serait déterminé par une loi spéciale. Le but de l'institution était de réunir les hommes les plus intéressés par le maintien de l'ordre et les propriétaires territoriaux ou les industriels. Seul étaient admis au service ordinaire ceux qui pouvaient s'armer, s'habiller et s'équiper. Ils étaient peu nombreux.
Durant les Cent-Jours, les gardes nationales n'offrirent pas de résistances au retour de Napoléon. Elles n'y jouèrent pas non plus un rôle crucial.
En 1815, lors du second retour de Louis XVIII, la Garde nationale retrouvait son organisation de 1814, avec le comte d'Artois à sa tête. Elle représentait à peu près la seule force sur laquelle pouvaient compter les préfets.
Le 17 juillet 1816 fut proclamé une nouvelle ordonnance. La Garde nationale restait une obligation pour tous les Français de 20 à 60 ans, imposés ou fils d'imposés, au rôle de contributions directes (Art. 3). Les listes étaient faites par des conseils de recensements composés du maire et de notables nommés par le préfet (17-20). L'ordonnance accordait toujours une dispense aux ecclésiastiques, aux militaires et aux fonctionnaires (23-29). Elle faisait la différence entre le « contrôle ordinaire » et le « contrôle de réserve » (21). Le premier concernait les citoyens aisés et le second les citoyens pour qui le service était une charge et ne pouvaient être requis qu'exceptionnellement. Les officiers étaient nommés par le roi (7). Le commandant de la garde communale dirigeait sous l'autorité du maire (6) et un commandant de la garde d'arrondissement dirigeait sous l'autorité du préfet (4). Il y avait des mesures restrictives à l'égard de la Garde nationale, signe que le régime s'en méfiait. Il était interdit de se réunir pour prendre des délibérations (9). Interdiction pour le commandant de publier les ordres du jour sans l'autorisation du préfet (10). Interdiction de prendre les armes et de s'assembler sans ordres des chefs et de l'administration (35). Il était créé un conseil de discipline devant juger les fautes et délits des gardes nationaux durant leur service.
L'œuvre de centralisation de la Garde nationale menée par le comte d'Artois fut finalement abandonnée par le régime. Le 29 avril 1827, le roi Charles X signait l'ordonnance de licenciement de la Garde nationale parisienne. Là encore, la méfiance du pouvoir avait principalement motivé cette décision. Cette mesure fut malgré tout accueillie avec soulagement par des personnes qui n'avaient plus à faire leur service. Seul les opposants au régime et les libéraux firent des protestations.
La Garde nationale lors de la Révolution de Juillet
Le 25 juillet 1830, Charles X publia trois ordonnances qui provoquèrent la révolution de juillet. Le 29 juillet, La Fayette, âgé de 73 ans, fut nommé de nouveau à la tête de la Garde nationale. Il rétablit la Garde nationale parisienne. Le 31 juillet, il accueillit Louis-Philippe Ier à l'Hôtel de ville de Paris. Louis-Philippe passa en revue la Garde nationale de Paris, forte de 60 000 hommes. Devant les acclamations des contribuables en armes, il s'écria, en embrassant La Fayette : « Cela vaut mieux pour moi que le sacre de Reims ! » Cela souligne l'importance attachée à la milice bourgeoise du régime, garante de l'ordre public et de l'alliance de la monarchie de Juillet et des propriétaires. Le roi confia à La Fayette le commandement de toutes les Gardes nationales. Elles furent réactivées dans toute la France pour mettre fin aux échauffourées.
La Garde nationale sous la Monarchie de Juillet
La Garde nationale démontra son importance en décembre 1830, à l'occasion du procès des ministres de Charles X, où elle parvint à maintenir le calme dans Paris. Louis-Philippe, qui rendit visite, le 23 décembre, aux douze arrondissements de la garde parisienne pour leur exprimer ses remerciements, fut soulagé, mais il réalisa aussi le danger qu'il y avait, pour la monarchie, à dépendre d'une seule force pour assurer l'ordre public : il demanda au ministre de la Guerre, le maréchal Soult, de réorganiser sans tarder l'armée de ligne. Il décida également de se débarrasser de La Fayette, trop peu fiable à ses yeux.
Le 22 décembre, le roi écrivit à La Fayette pour le remercier d'avoir donné, « dans ces jours d'épreuves, l'exemple du courage, du patriotisme et du respect pour les lois », mais, en sous-main, il manœuvra à la Chambre des députés, qui engagea, dès le 24 décembre, le débat sur l'organisation de la Garde nationale requis par l'article 69 de la Charte de 1830, selon lequel des lois doivent pourvoir « dans le plus court délai possible » notamment à « l'organisation de la Garde nationale, avec intervention des Gardes nationaux dans le choix de leurs officiers ». Or, durant le débat, des députés fidèles du Palais-Royal démontrèrent que la fonction de commandant en chef de toutes les unités du royaume était contraire à la Charte et firent voter sa suppression à la condition de donner à La Fayette « quelque marque de regret et quelque compensation ». Dès le lendemain, La Fayette démissionna. Le président du Conseil, Jacques Laffitte, et le ministre de l'Intérieur, Camille de Montalivet, lui-même colonel de la Garde nationale, cherchèrent à trouver un compromis, mais La Fayette posa des conditions extravagantes : il voulait la formation d'un nouveau ministère où n'entreraient que ses amis, la dissolution de la Chambre des députés et l'abolition de l'hérédité de la pairie. Le 26, il maintenait sa démission. Louis-Philippe en prit aussitôt acte dans une brève et sèche lettre de regret. Le Roi nomma alors le général Mouton de Lobau commandant de la Garde nationale.
L'article 69 de la Charte révisée avait renvoyé à une loi « l'organisation de la Garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers ». Venu en discussion le 24 décembre 1830, le projet fut voté le 5 mars par les députés, le 10 par les pairs, et promulgué le 22. La Garde nationale est chargée de défendre la monarchie constitutionnelle, la Charte et les droits qu'elle consacre, pour maintenir l'obéissance aux lois, conserver ou rétablir la paix et l'ordre publics. En revanche, toute délibération prise par la Garde nationale sur les affaires de l'État, du département ou de la commune est une atteinte à la liberté publique et un délit contre la chose publique et la Constitution (Art. 1).
La Garde nationale est théoriquement composée de tous les Français âgés de 20 à 60 ans (2-9), mais la loi distingue le service ordinaire et le service de réserve (19), la répartition entre les deux étant faite par le conseil de recrutement de la commune, qui n'appelle au service ordinaire que ceux qui ont les moyens de supporter les frais d'habillement et d'armement et disposent du temps nécessaire pour le service. Aussi ne trouve-t-on dans le service ordinaire, le seul qui soit effectif, que des hommes aisés : ceci donne à la garde son caractère de milice bourgeoise, rempart des propriétaires contre le désordre. Force civile, elle est organisée dans chaque commune (4) et placée sous l'autorité des maires, des préfets et du ministre de l'Intérieur (6). Le refus du service est puni de quelques jours de détention.
En province, l'efficacité de la garde nationale restait relative. Ainsi, lors de la révolte des canuts à Lyon, en novembre 1831, sur 15 000 gardes nationaux d'appelés, 500 se présentèrent. Certains étaient même dans le camp de l'insurrection. Beaucoup de républicains furent élus officiers. La Garde nationale devenait un foyer d'opposition.
La Garde nationale était aussi un signe d'ascension sociale. Ainsi en 1837, Balzac publia son roman César Birotteau dans lequel le personnage principal Birotteau était un riche parfumeur qui s'était enrichi et dont les promotions dans la Garde nationale constituaient un signe d'ascension sociale.
La Garde nationale et la révolution de 1848
En décembre 1847, des gardes nationaux de Paris, inscrits dans la douzième légion, voulurent organiser un banquet réformiste avec comme revendication d'élargir le suffrage censitaire. Il fut interdit par le ministre de l'intérieur. Le journal Le National répliqua en convoquant le 22 février 1848, place Madeleine, toute la Garde nationale, sans armes mais en uniforme, pour former une haie d'honneur aux convives. La Garde nationale n'y répondit pas.
En février 1848, la Garde nationale fut généralement passive aux combats. Après le départ de Louis-Philippe Ier, c'est principalement à la Garde nationale que revint la tâche de rétablir l'ordre. Le 8 mars, un décret affirmait que « tout citoyen de 21 à 55 ans, ni privé ni suspendu de ses droits civique est garde national et y exerce le droit de suffrage pour tous les grades d'officiers ». C'était la confirmation du suffrage universel. Le 25 février, le gouvernement provisoire rétablissait dans tous leur droits les gardes nationales que la monarchie de juillet avait dissoutes. Le 26 mars, un décret confirmait que les officiers des gardes nationaux en province seraient élus dans les mêmes conditions qu'à Paris. Les colonels ne seraient plus nommés par le gouvernement.
L'insurrection du 15 mai 1848 vit une rupture entre garde nationaux bourgeois et des parties de gauches. Les insurrections ouvrières de juin 1848 furent surtout réprimées par l'armée et les gardes nationaux parisiens avaient participé à l'insurrection.
La Garde nationale sous la deuxième République et sous le second Empire
En janvier 1849, un décret du président de la République supprima la moitié des bataillons de gardes nationaux et réorganisa les autres. On se méfiait de la Garde nationale. Les gardes nationaux mobiles furent finalement et définitivement licenciés le 31 janvier 1850. Il leur était reproché leur indiscipline et d'engendrer plus de discorde que d'en résoudre.
Lors du coup d'État du 2 décembre 1851, la Garde nationale parisienne, avec à sa tête le général Lawoestine, n'intervint pas.
Le décret du 11 janvier 1852 prévoyait cette fois la sélection des gardes nationaux par un conseil du recensement. Le président, lui, nommait les officiers. En 1853, les officiers prêtèrent serment de fidélité à la Constitution et d'obéissance à l'empereur. Napoléon III la cantonne pendant le second Empire dans des tâches subalternes afin de réduire son influence libérale et républicaine.
Le 14 janvier 1868 fut votée la loi Niel qui permettait le création d'une garde mobile, auxiliaire de l'armée active, pour la défense des frontières et des places fortes ainsi que pour le maintien de l'ordre intérieur. Elle ouvrait la voie au service universel avec un engagement massif. Cela était fait en réaction aux crises extérieures, en particulier celle de la Prusse.
La Garde nationale dans la guerre contre la Prusse
Lors de l'éclatement de la guerre entre la France et la Prusse en juillet 1870, la Garde nationale fut d'abord faiblement mobilisée. Le décret du 16 juillet ne concernait que les gardes nationaux habitant les régions militaires du Nord, de l'Est et de la région parisienne. Il y avait une absence de préparation. Le 10 août, le parlement votait une loi visant à compléter les forces des gardes sédentaires et mobiles. Le 18 août 1870, une autre loi y incorporait 40 000 jeunes supplémentaires. Le décret du 23 août les formait en régiments provisoires d'infanterie et la loi du 29 août les plaça dans l'armée active. Cela démontrait que la Garde nationale était utilisée comme un ultime moyen de défense.
La Garde nationale dans la commune
Le 4 septembre 1870, après la défaite de Sedan et la capture de l'empereur du 2 septembre, le gouvernement de la défense nationale est mis en place. Le 6 septembre, tous les électeurs inscrits de la ville de Paris sont convoqués. Les gardes nationaux, au nombre de 590 000, furent mobilisés pour le reste de la guerre et envoyés massivement au front. Ils participèrent à la défense de Paris assiégé.
Dès octobre, des gardes nationaux anarchistes firent des actions anti-gouvernementales. Durant toute la durée du siège, la garde sédentaire n'apporta aucune aide sérieuse. Des bataillons de gardes nationaux étaient soumis à la propagande révolutionnaire. Entre le 1er février et le 3 mars 1871, 2 000 délégués réunis élaborèrent, puis adoptèrent, les statuts d'une Fédération républicaine de la Garde nationale. Un comité central protesta contre toute éventuelle tentative de désarmement de la Garde nationale. Elle ne voulait reconnaître d'autres chefs que ceux qu'elle se donnerait. Le 18 mars, le gouvernement tenta de faire reprendre par l'armée les canons appartenant à la Garde nationale parisienne. Les gardes participent alors à la Commune, qui dure du 18 mars au 28 mai 1871, et se termine dans le sang, avec une grande répression menée par les troupes gouvernementales.
La fin de la Garde nationale
Le 25 août 1871, suite aux évènements de la Commune, fut votée la dissolution des gardes nationales dans toutes les communes de France. La loi du 27 juillet 1872 prévoit que « tout corps organisé en armes et soumis aux lois militaires, fait partie de l'armée et relève du ministère de la guerre » (Art. 6). La Garde nationale était ainsi définitivement supprimée.
Bibliographie
- Serge Bianchi et Roger Dupuy (dir.), La Garde nationale entre nation et peuple en armes. Mythes et réalités. 1789-1871, Presses Universitaires de Rennes, 2006
- Georges Carrot, La Garde nationale (1789-1871). Une force publique ambiguë, avant-propos de J.L Loubet del Bayle, L'Harmattan, coll. « Sécurité et société », 2001
- Claire Després, Approche de la garde nationale dans le district de Laval (1791-1795), Université du Maine, Le Mans, 1996
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