Martin Buber

Martin Buber
Martin Buber.

Martin Buber (8 février 1878 - 13 juin 1965), (hébreu : מרטין בובר), était un philosophe, conteur et pédagogue israélien et autrichien.

Sommaire

Biographie

Martin Mordekhaï Buber naît dans une famille juive viennoise plutôt assimilée. Son grand-père Salomon, chez qui il logea souvent après la séparation de ses parents, dans sa maison de Lemberg (à lépoque en Pologne, Galicie, aujourdhui en Ukraine), était un érudit de grande renommée en matière de tradition et de littérature juives.

Il reçut une éducation complète, et pour le moins polyglotte : on parlait à la maison yiddish et allemand, il apprit lhébreu et le français dans son enfance, ainsi que le polonais au cours de ses études secondaires.

En 1892, il retourna dans la maison paternelle, en proie à une crise religieuse qui lamena temporairement à se détacher du judaïsme. Au cours de cette période, il sinitia à Kant et Nietzsche.

En 1896, il part étudier la philosophie, la philologie germanique et lhistoire de lart à Vienne. En 1898, il adhère au mouvement sioniste moins pour des raisons politiques ou religieuses que culturelles, et en sera un membre actif et engagé. Un différend loppose à Theodor Herzl quant à la voie, tant politique que culturelle, que devrait prendre le sionisme. En 1899, étudiant à Zurich, il rencontre Paula Winkler, sa future épouse.

En 1902, Martin Buber édite le magazine sioniste Die Welt qui devient le plus renommé du mouvement.

En 1903, il (re)découvre le judaïsme hassidique, et se retire quelque peu de lorganisation du mouvement sioniste, pour se consacrer à lécriture en 1904. Cette année-, il publie sa thèse, Beiträge zur Geschichte des Individuationsproblems (« Contributions à lhistoire du problème de lindividuation »).

En 1906, il publie Die Geschichten des Rabbi Nachman, recueil sur Rabbi Nahman de Bratslav, figure du mouvement hassidique, dont Martin Buber tente de renouveler le message et la portée. En 1908, il publie Die Legende des Baalschem (La Légende du Baal Shem Tov), fondateur du hassidisme.

De 1910 à 1914, il étudie les mythes et réédite des textes mythiques. En 1916, il quitte Berlin pour Heppenheim.
Au cours de la Première Guerre mondiale, il participe à la création de la Commission Nationale Juive afin daméliorer les conditions dexistence des Juifs dEurope de lEst. Il devient également rédacteur du mensuel juif 1921, il fait la connaissance de Franz Rosenzweig. Ils entament bientôt leur première collaboration avec Franz Rosenzweig pour le Freies Jüdisches Lehrhaus.

En 1923, il rédige son plus grand chef-dœuvre, Je et Tu (Ich Und Du). En 1924, il cesse lédition du Der Jude. En 1925, il entame, avec Rosenzweig, la traduction de la Bible en allemand. Il sagit moins dune traduction que dune transposition de lhébreu à lallemand, un procédé quils nomment Verdeutschung (« germanification »), ils nhésitent pas à réinventer les règles de grammaire et linguistique allemande pour coller à lesprit du texte original.

De 1924 à 1933, il enseigne la philosophie religieuse juive à lUniversité Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main.
La raison de sa démission est naturellement laccession de Hitler au pouvoir. Les autorités nazies lui interdisent toute conférence le 4 octobre 1933.
Il fonde alors lorganisme central déducation adulte juive, qui gagne en importance à mesure que les Nazis interdisent aux Juifs dassister à toute institution publique. Bien sûr, ladministration nazie ne tarde pas à empiéter sur le fonctionnement de cet organisme.

Finalement, il quitte lAllemagne en 1938, pour sinstaller à Jérusalem. On lui offre une chaire à lUniversité hébraïque de Jérusalem, il donne cours danthropologie et de sociologie.

Il prend rapidement une part active aux problèmes rencontrés par les Juifs en Palestine ainsi quavec leurs voisins arabes, tout en œuvrant sur ses écrits et traduction de la Bible, et ses contes hassidiques. Il devient membre du parti Yi'houd, travaillant à une meilleure entente entre Israéliens et Arabes, se faisant lapôtre dun État bi-national et démocratique en Palestine. En 1946, il publie les Voies de lUtopie.

Après la Seconde Guerre mondiale, Martin Buber entame une tournée de conférences en Europe et aux États-Unis et esquisse un rapprochement avec les intellectuels allemands. Il reçoit le prix Goethe à lUniversité de Hambourg en 1951.

En 1958, son épouse Paula meurt, peu avant quil ne reçoive le Prix Israël.
En 1963, il reçoit le prix Érasme à Amsterdam.

Le 13 juin 1965, Martin Buber décède dans sa maison dans le quartier de Talbiyeh (en), à Jérusalem.

Sa philosophie

Timbre allemand (1978) pour le centenaire de la naissance de Buber.

« Toute vie réelle est rencontre »

Lêtre humain « bubérien » est par essence homo dialogus, et ne peut saccomplir sans communier avec lhumanité, la création et le Créateur. Il est aussi homo religiosus, car lamour de lhumanité conduit à lamour de Dieu et réciproquement. Il est donc impensable de parler aux hommes sans parler à Dieu, et réciproquement. La divine Présence participe donc à toute rencontre authentique entre les êtres humains et habite ceux qui instaurent le véritable dialogue.

Le dialogue repose sur la réciprocité et la responsabilité, laquelle existe uniquement il y a réponse réelle à la voix humaine. Dialoguer avec lautre, cest affronter sa réalité et lassumer dans la vie vécue. Le dialogue avec Dieu nest pas différent : Sa « parole » est une présence réelle, à laquelle il faut répondre. Pour Buber, la Bible témoigne de ce dialogue entre le Créateur et ses créatures, et Dieu écoute lhomme, quil intercède en faveur de ceux sur lesquels la colère divine doit sabattre ou supplie son Créateur de manifester Sa providence.

Je et Tu (Ich und Du)

Dans son ouvrage le plus célèbre, Je et Tu (1935), Martin Buber souligne lattitude duelle à légard du monde : la relation Je-Tu et la relation Je-cela.

  • Ni le Je ni le Tu ne vivent séparément, ils nexistent que dans le contexte Je-Tu, qui précède la sphère du Je et la sphère du Tu.
  • De même, ni le Je ni le cela nexistent séparément, ils existent uniquement dans la sphère du Je-cela.
  • La relation Je-Tu nest absolue quà légard de Dieu - le Tu éternel - et ne peut être pleinement réalisée dans les autres domaines de lexistence, y compris dans les relations humaines, ou Je-Tu fait souvent place à Je-cela (Je-Tu ou Je-cela dépend non pas de la nature de lobjet, mais du rapport que le sujet établit avec cet objet). Lêtre humain ne peut être transfiguré et accéder à la vie authentique que sil entre dans la relation Je-Tu, confirmant ainsi « laltérité de lautre », ce qui suppose un engagement total : « La parole première Je-Tu ne peut être dite quavec lêtre tout entier, alors que la parole première Je-cela ne peut jamais être dite avec lêtre tout entier ». Je et Tu sont deux êtres souverains dont aucun ne cherche à impressionner lautre ni à lutiliser.
  • Selon Buber, lhomme peut vivre sans dialogue mais qui na jamais rencontré un Tu nest pas véritablement un être humain. Cependant, celui qui pénètre dans lunivers du dialogue prend un risque considérable puisque la relation Je-Tu exige une ouverture totale du Je, qui sexpose ainsi à un refus et à un rejet total.
  • La réalité subjective Je-Tu senracine dans le dialogue, tandis que le rapport instrumental Je-cela sancre dans le monologue, qui transforme le monde et lêtre humain en objet. Dans lordre du monologue, lautre est réifié - il est perçu et utilisé - alors que dans lordre du dialogue, il est rencontré, reconnu et nommé comme être singulier. Pour qualifier le monologue, Buber parle dErfahrung (une expérience « superficielle » des attributs extérieurs de lautre) ou dErlebnis (une expérience intérieure insignifiante), quil oppose à Beziehungla relation authentique qui intervient entre deux êtres humains.

Ces conceptions sopposent tant à lindividualisme, lautre nest perçu que par rapport à soi-même, quà la perspective collective, lindividu est occulté au profit de la société (certains ont utilisé cette idée pour expliquer le passage biblique de « la dispersion des langues » : aucun individu ny est mentionné, la langue unique est celle dune voix unique. Babel vit tout entière sous la botte dun dirigeant qui na quune idée : égaler Dieu. Celui-ci intervient donc en faisant naître le sentiment dêtre entier, et non réifié).
Pour Buber, une personne ne peut vivre au sens plein du terme que dans la sphère interhumaine : « Sur la crête étroite le Je et le Tu se rencontrent, dans la zone intermédiaire », laquelle est une réalité existentielle - un événement ontique qui se produit réellement entre deux êtres humains.

Œuvres

  • Je et Tu (1935), trad., Aubier-Montaigne, 1992, (ISBN 2-7007-3088-7)
  • Les Contes de Rabbi Nachman, Stock, 1981
  • Les Récits hassidiques, trad., Éditions du Rocher, 1985, coll. « Gnose », (ISBN 2-268-00018-4)
  • La Légende du Baal-Shem (Baal Shem Tov) , trad., Éditions du Rocher, 1993, coll. « Les grands textes spirituels », (ISBN 2268016218)
  • Un pays, Deux peuples.
  • Lettres choisies de Martin Buber : 1899-1965 (introduction, traduction et notes, Dominique Bourel et Florence Heymann),  éd. du CNRS, coll. « Les cahiers du CRFJ. Hommes et sociétés », 2004. - 317 p., 24 cm. (ISBN 2-271-06258-6).
  • Le chemin de lhomme, Éditions du Rocher, coll. « Les grands textes spirituels ».
  • Deux types de foi (1950), trad., Cerf, 1991, coll. « Patrimoines », (ISBN 978-2-204-04081-5)

Bibliographie

  • Amedeo Bertolo, Juifs et Anarchistes : Histoire dune rencontre, Éditions de lÉclat, coll. « Bibliothèque des Fondations », 2008 (ISBN 2-84162-161-8).
  • Robert Misrahi, Martin Buber : philosophe de la relation, Éditions Seghers, coll. « philosophes de tous les temps », 1968.
  • Léon Chestov, Martin Buber. Un mystique de langue allemand, in Spéculation et révélation (Oumozrenie i Otkrovenie),  éd. : LÂge dHomme, 1990 (ISBN 2-8251-2233-5).
  • Théodore Dreyfus Martin Buber : synthèse sur M. Buber lui-même, son message, sa philosophie, Éditions du Cerf, coll. « témoins spirituels daujourdhui », 1981.
  • Ouriel Zohar, « Le ModèleJe-TuetJe-Vousdans une société utopiste selon Martin Buber, comme principe de théâtre collectif » in « UtopiesMémoire et Imaginaire », éditeurs Pr Zinguer et Dr Amar (université de Haïfa), in Die Blaue Eule, Essen p. 99-107, 2008.

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Martin Buber de Wikipédia en français (auteurs)

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