Espace topologique

Espace topologique

La topologie générale est une branche des mathématiques qui fournit un vocabulaire et un cadre général pour traiter des notions de limite, de continuité, et de voisinage. Les espaces topologiques forment le socle conceptuel permettant de définir ces notions. Elles sont suffisamment générales pour s'appliquer à un grand nombre de situations différentes : ensembles finis, ensembles discrets, espaces de la géométrie euclidienne, espaces numériques à n dimensions, espaces fonctionnels plus complexes, mais aussi, par exemple, géométrie algébrique. Ces concepts apparaissent dans presque toutes les branches des mathématiques ; ils sont donc centraux dans la vision moderne des mathématiques.

La topologie générale ne tente pas d'élucider la question très complexe de la « composition du continu »  : elle part d'une approche axiomatique, en utilisant le vocabulaire de la théorie des ensembles ; autrement dit, elle suit une approche fondée sur la notion de structure (en l'occurrence, ici, une structure topologique), en faisant usage d'une axiomatique ensembliste. Les axiomes sont minimaux, et en ce sens c'est la structure la plus générale pour étudier les concepts cités. Ils ont été formalisés par Kolmogorov au début du XXe siècle.

La topologie générale définit le vocabulaire fondamental, mais permet aussi la démonstration de résultats non triviaux et puissants, tels que le théorème de Baire. Elle possède deux prolongements importants, permettant une analyse plus approfondie encore de la notion générale de « forme » : la topologie différentielle, généralisant les outils de l'analyse classique (dérivée, champs de vecteurs, etc.), et la topologie algébrique, introduisant des invariants calculables tels que les groupes d'homologie.

Cet article est technique ; une vision générale et historique est donnée dans l'article Topologie.

Sommaire

Concepts

Définitions

Deux définitions équivalentes sont souvent données : la définition par les ouverts, et la définition par les voisinages d'un point. La première est plus ramassée, la seconde souvent plus intuitive. Le passage d'une définition à l'autre est direct.

Définition par les ouverts

Un espace topologique est un couple (E,Τ), où E est un ensemble et Τ un ensemble de parties de E que l'on définit comme les ouverts de (E,Τ), vérifiant les propriétés suivantes :

  1. L'ensemble vide et E appartiennent à Τ.
  2. Toute réunion quelconque d'ouverts est un ouvert, c'est-à-dire si \scriptstyle(O_i)_{i\in I} est une famille d'éléments de Τ, indexée par un ensemble I quelconque (pas nécessairement fini ni même dénombrable) alors
    \bigcup_{i \in I}O_i  \in \Tau.
  3. Toute intersection finie d'ouverts est un ouvert, c'est-à-dire si O1,…,On sont des éléments de Τ (avec n > 0), alors
     O_1\cap \ldots \cap O_n  \in \Tau.

L'ensemble Τ, qui est un ensemble de parties de E, est alors appelé une topologie sur E.

Il est d'usage de rappeler la présence de la partie vide à la propriété 1 ; c'est toutefois en toute rigueur superflu, puisqu'on peut l'obtenir en appliquant la propriété 2 à la réunion indexée par l'ensemble vide.

Un fermé d'une topologie est défini comme le complémentaire d'un ouvert.

L'adhérence \overline X d'une partie X de E est le plus petit fermé qui contient X.

Pour un point a de E, on appelle alors voisinage de a pour cette topologie n'importe quelle partie de E qui inclut un ouvert qui contient a.

Définition par les fermés

Il résulte de la théorie élémentaire des ensembles qu'une topologie sur E peut aussi être définie par l'ensemble de ses fermés, cet ensemble de parties de E devant vérifier :

  1. E et l'ensemble vide sont fermés.
  2. Toute intersection quelconque de fermés est un fermé.
  3. Toute réunion finie de fermés est un fermé.

Définition par les adhérences

Dans un espace topologique, les adhérences vérifient les propriétés :

X\subset\overline X,\quad\overline{\overline X}=\overline X,\quad\overline{X\cup Y}=\overline X\cup\overline Y\quad{\rm et}\quad\overline\emptyset=\emptyset.

Inversement, étant donné un ensemble E, toute application \overline{\quad }:\mathcal P(E)\to\mathcal P(E) qui vérifie ces quatre propriétés (appelées axiomes de fermeture de Kuratowski (en)) permet de définir sur E une topologie, en décrétant que les fermés de cette topologie sont les X~ tels que X=\overline X (et que les ouverts sont les complémentaires des fermés).

Définition par les voisinages

Un espace topologique est un couple \scriptstyle(E,\mathcal V), où E est un ensemble et \scriptstyle\mathcal V une application de E vers l'ensemble \scriptstyle\mathcal P(\mathcal P(E)) obéissant aux cinq conditions ci-après[1], dans lesquelles les éléments de \scriptstyle\mathcal V(a), pour \scriptstyle a\in E, sont appelés voisinages de a.

  1. Tout point a au moins un voisinage :
    \forall a\in E,\mathcal V(a)\ne\varnothing.
  2. Tout voisinage d'un point contient ce point :
    \forall a\in E,\forall V\in \mathcal V(a),a \in V.
  3. Tout sur-ensemble d'un voisinage d'un point a de E est lui-même voisinage de a :
    \forall a\in E,\forall V\in\mathcal V(a),\forall V'\subset E, V\subset V'\implies V'\in\mathcal V(a).
  4. L'intersection de deux voisinages d'un point a de E est lui-même voisinage de a :
    \forall a \in E, \forall V, V' \in \mathcal V(a), V \cap V' \in \mathcal V(a).
  5. Pour tout voisinage V d'un point a de E, il existe un voisinage W de a tel que V soit voisinage de chacun des points de W :
    \forall a\in E,\forall V\in \mathcal V(a),\exists W\in\mathcal V(a),\forall x\in W, V\in\mathcal V(x).

Les ouverts de la topologie sont alors les sous-ensembles de E voisinages de chacun de leurs points.

À l'inverse, les voisinages d'un point sont les sous-ensembles de E incluant un ouvert contenant ce point.

La plupart des notions de topologie, comme la continuité ou la limite d'une suite, peuvent se définir de manière équivalente et aussi élégante par les ouverts, par les fermés ou par les voisinages.

Exemples

Applications continues

Article détaillé : Continuité.

Définitions

Un des premiers intérêts de la notion d'espace topologique est de pouvoir définir la continuité des applications. Il existe deux approches, l'approche locale donnée dans l'article voisinage et qui définit la continuité en un point, et l'approche globale qui définit la continuité en tout point.

  • Définition globale. Une application \scriptstyle f:E\to F entre deux espaces topologiques est dite continue si l'image réciproque f − 1(U) de tout ouvert U de F est un ouvert de E.
  • Définition locale. Soit \scriptstyle f:E\to F une application entre deux espaces topologiques et soit a un élément de E. L'application f est dite continue au point a si l'image réciproque de tout ouvert contenant f(a) contient un ouvert contenant a. Cet énoncé est équivalent à celui donné dans l'article voisinage.
  • Équivalence de la continuité locale en tout point et de la continuité globale. Si f est globalement continue, l'image réciproque d'un ouvert contenant f(a) est un ouvert contenant a, donc contient un tel ouvert : lui-même. L'application est donc continue en tout point. Réciproquement, si f est continue en chaque point et si U est un ouvert de F alors f − 1(U) est ouvert car voisinage de chacun de ses points. En effet, pour tout point a de f − 1(U), l'ensemble f − 1(U) contient un ouvert contenant a.

En termes d'adhérences, une application d'un espace topologique dans un autre est continue si et seulement si l'image d'un point adhérent à une partie est nécessairement adhérente à l'image de cette partie.

Une application bijective continue et dont la réciproque est continue est appelée un homéomorphisme.

Exemples

  • L'application identité d'un espace topologique dans lui-même est continue. En effet l'image réciproque de tout ouvert est lui-même donc est ouvert.
  • Une application constante d'un espace topologique dans un autre est continue. En effet l'image réciproque est soit l'ensemble vide soit l'ensemble de départ tout entier.
  • L'application \left\{\begin{matrix}\R & \rightarrow & \R\\x & \mapsto & x^2 \end{matrix}\right. est continue. La preuve en est donnée dans l'article continuité.
  • Soit un espace X munie d'une topologie, \mathcal T, quelconque, on le notera X _ \mathcal T. On appelle X _ \mathcal D X muni de la topologie discrète, \mathcal D, et X _ \mathcal G de la topologie grossière, \mathcal G. Alors il existe les bijections continues (dont l'inverse n'est pas continue, sauf exceptions) X _ \mathcal D \to X _ \mathcal T \to X _ \mathcal G. La première étant d'inverse continu quand X _ \mathcal D = X _ \mathcal T (\mathcal D = \mathcal T) et la seconde quand X _ \mathcal T = X _ \mathcal G (\mathcal T = \mathcal G).
  • Soit l'espace de Sierpinski Ω (le couple {0,1} muni de la topologie \{\empty, \{1\}, \{0,1\}\}). Soit X un espace topologique, alors pour chaque fonction continue de X dans Ω on a un ouvert de X donné par l'image réciproque de {1} et pour chaque ouvert de X une fonction continue de X dans Ω qui vaut 0 sur le complémentaire de l'ouvert et 1 sur l'ouvert. On obtient ainsi une bijection entre les fonctions continues de X dans Ω et les ouverts de X.
  • Même exemple que juste au-dessus, mais on munit le couple \left\{ 0 , 1 \right\} et X de leurs topologies discrètes. Ainsi on a une bijection entre les parties de X et les fonctions continues de X dans \left\{ 0 , 1 \right\}.

Topologie engendrée par une famille de fonctions

Articles détaillés : Topologie initiale et Topologie finale (en)

Soient X, Y des ensembles quelconques et f une application de X dans Y.

  • Si Y est muni d'une topologie, on peut définir sur X une topologie particulière liée à f. C'est la plus petite topologie (ou la plus grossière) sur X rendant f continue.
  • De même, si X est muni d'une topologie, on définit sur Y la topologie la plus grande (ou la plus fine) telle que f soit continue.

On peut généraliser ces deux définitions en remplaçant l'espace Y par une famille d'espaces (Yi)i∈I, et l'application f par une famille d'applications (fi)i∈I.

Limites

La notion de limite en un point, si elle existe, décrit le comportement qu’une fonction « devrait avoir » si elle était définie en ce point. L’exemple le plus simple est le cas d’une fonction définie sur un intervalle ouvert de \R ; la limite est le concept qui permet de déterminer le comportement de la fonction aux bornes de cet intervalle.

Soit (E,\; \Tau)\; et (F,\; \Upsilon)\; deux espaces topologiques. Soit (E',\; \Tau')\; un sous-espace de E\; muni de sa topologie induite et f\; une fonction de E'\; dans F\;. Soit enfin un point a\; de \overline{E'}\; et l\; un point de F\;. Alors l\; est la limite de la fonction f\; au point a\; si et seulement si l’image réciproque d’un ouvert contenant l\; contient un ouvert de {E'}\; contenant a\;. Cet énoncé est équivalent à celui qui est donné dans l’article voisinage. L’énoncé étant plus simple avec le formalisme des voisinages, c’est en général celui-là qui est utilisé.

Remarque 
Si le point a est élément de l’ensemble E', alors la limite[2], si elle existe, est égale à f(a) et la fonction f est continue en a.

Des généralisations de cette notion, permettant par exemple de parler de limites « à l'infini » ou de dire qu'une intégrale est une limite de sommes de Riemann ont été définies ; les plus puissantes utilisent la notion de filtre.

Propriétés

  • On dit qu’un espace topologique est séparé ou de Hausdorff ou T2 lorsque deux points distincts quelconques admettent des voisinages disjoints.
  • On dit qu’un espace vérifie la propriété de Borel-Lebesgue lorsqu’on peut extraire un sous-recouvrement fini de tout recouvrement ouvert. On parle aussi d’espace quasi-compact.
  • Un espace quasi-compact et séparé est dit compact.

Notes et références

  1. N. Bourbaki, Éléments de mathématique, TGI.3, N°2, proposition 2
  2. C'est cette définition de limite d'une fonction qui est désormais en vigueur en France (programmes - plus ou moins précis - régulièrement publiés au Bulletin officiel) dans l'enseignement secondaire et les classes préparatoires, supplantant la définition historique de Weierstrass qui correspond à celle appelée dès lors « limite épointée » ou « limite par valeurs différentes » ([1]). Mais dans les universités françaises (et dans les autres pays [2]), la définition « historique » reste parfois celle enseignée : cf par exemple Mathématiques L1, Cours complet avec 1000 tests et exercices corrigés sous la direction de J.-P. Marco et L. Lazzarini (2007) Pearson, ISBN 9782744072581, p. 691-692, ou encore Mathématiques. Tout-en-un pour la Licence. Niveau L1 sous la direction de J.-P. Ramis et A. Warusfel (2006) Dunod, ISBN 210049614X, p. 588.

Voir aussi

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