- Démocratie chrétienne
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La démocratie chrétienne est un courant de pensée politique et religieuse qui s'exprime en Europe à partir de la fin du XIXe siècle. La démocratie chrétienne cherche à promouvoir, au sein d’une société démocratique et pluraliste, une politique conforme au message qu’expriment l’Évangile, la doctrine sociale de l'Église et les travaux de penseurs chrétiens[1].
Sommaire
Historique
Il semble que l'expression « démocratie chrétienne » ait été employée pour la première fois le 21 novembre 1791, devant l'Assemblée législative, par Antoine-Adrien Lamourette, évêque constitutionnel de Lyon. La formule n'a alors guère de sens politique. Elle évoque l'Église des humbles, la fraternité chrétienne.
Ce n'est que plus tard, à partir de 1848, que la formule sera popularisée par Frédéric Ozanam et les rédacteurs de L'Ère nouvelle et prendra son sens actuel, c'est-à-dire celui d'un gouvernement démocratique cherchant à mettre en œuvre la doctrine sociale de l'Église.
Frédéric Ozanam et ses amis se veulent proches des idées développées par Lamennais et que l'on désigne généralement par catholicisme libéral. Au XXe siècle l'historien Jean-Baptiste Duroselle a parlé à leur propos d'une « première démocratie chrétienne » qui sera éliminée par la réaction contre-révolutionnaire.
En effet, à cette époque, l'idée d'un gouvernement cherchant à mettre en œuvre, dans un cadre démocratique, la doctrine de l'Église, n'est absolument pas évidente. L'Église catholique reste alors attachée à l'idée d'un pouvoir politique d'origine divine, et rejette donc toute forme de pouvoir politique démocratique. Accepter que des mouvements politiques cherchent, dans un cadre démocratique, à mettre en œuvre la doctrine de l'Église reviendrait à accepter tacitement l'idée de démocratie, et donc à renoncer à cet idéal de légitimation religieuse du pouvoir politique. Jusqu'au début du XXe siècle, l'Église sera partagée entre, d'une part, réaffirmer la légitimation religieuse du pouvoir politique, et de l'autre, admettre que les catholiques puissent participer à la vie de la cité pour y imposer leur doctrine.
Ce débat demeurera très vif tout au long du XIXe siècle, notamment en France, à partir de 1870 : beaucoup de religieux rejettent alors l'idée républicaine et font du rétablissement de la monarchie une question de principe.
Une « deuxième démocratie chrétienne » voit le jour à la fin du XIXe siècle, l'initiative du pape Léon XIII. Dans l'encyclique Rerum Novarum du 15 mai 1891, il reconnaît la misère ouvrière, tout en rejetant les mouvements nationalistes et socialistes, et invite les catholiques à investir l'action sociale. Cette encyclique est habituellement considérée comme l'un des fondements de la doctrine sociale de l'Église.
Le 20 février 1892, Léon XIII fait publier l'encyclique « Au milieu des sollicitudes », dans laquelle il appelle les catholiques français à se rallier à la République.
Un clivage s'établit alors entre les catholiques :
- ceux qui demeurent crispés sur la question du régime, et que l'on retrouvera plus tard au sein de l'Action française ;
- ceux qui veulent s'investir prioritairement dans le domaine social, poursuivant en cela une action initiée en 1871 par Albert de Mun et René de la Tour du Pin avec la création des cercles catholiques ouvriers ;
- et ceux qui veulent en plus s'investir dans le domaine politique.
Ces interventions pontificales sont le signe que beaucoup de catholiques français attendaient. Associations, journaux, mouvements ouvriers voient alors le jour.
Des partis politiques d'inspiration démocrate-chrétienne voient également le jour. Ainsi, une « Union Démocratique Chrétienne » apparaît en Belgique dans le canton de Liège en 1892. En 1894, l'abbé Adolf Daens, représentant le « Christene Volkspartij », est élu au parlement belge. En France, un « Parti démocratique chrétien » se crée en 1896, mais disparaît rapidement, victime de la division entre partisans de l'action politique et ceux du combat social. Le 18 janvier 1901, Léon XIII fait paraître l'encyclique Graves de communi re qui, pour la première fois dans un document pontifical, explique le terme de démocratie chrétienne qu' il oppose à celui de démocratie sociale. Ce document eut un grand retentissement en Italie et en Allemagne.
À l'approche de la guerre, la démocratie chrétienne n'existe alors en France qu'à l'état de courant de pensée, ou de groupements dont l'action est limitée, soit dans l'espace (groupements locaux), soit dans le domaine d'intervention (la méfiance à l'égard du politique restant forte).
La dernière tentative de créer, avant-guerre, un mouvement dynamique entraînant les catholiques sur le terrain politique est le Sillon de Marc Sangnier. Ce mouvement connaît alors une belle expansion, avant d'être condamné par le pape Pie X dans une lettre adressée à l'épiscopat français le 25 août 1910. Cette condamnation semble marquer un retour en arrière dans la volonté papale de favoriser l'intervention des catholiques dans le champ politique. Elle témoigne surtout de la difficulté à concilier les deux aspirations contradictoires évoquées plus haut.
Le Sillon renaîtra quelques années plus tard sous la forme d'une ligue, Jeune République abandonnant toute référence confessionnelle.
Après la guerre, le pape Benoît XV multiplie les initiatives pour rapprocher les chrétiens des différents pays divisés par la guerre. En France, Marc Sangnier œuvre notamment à un rapprochement avec l'Allemagne.
À cette époque, des partis démocrates-chrétiens voient le jour dans différents pays d'Europe. En France, le Parti démocrate populaire est ainsi créé en 1924.
Dans un souci de peser plus lourd pour imposer leur idéologie, ces partis se rassemblent dans un Secrétariat international des partis démocratiques d'inspiration chrétienne, créé à Paris en 1925. C'est à cette occasion que se créent des contacts entre des hommes tels que Robert Schuman, Konrad Adenauer ou Alcide De Gasperi. C'est sans doute dans ce combat pour l'unité mené dans les années 1920 que l'idéologie européenne des démocrates-chrétiens trouve son origine.
En France, le mouvement démocrate-chrétien s'exprimera cependant assez peu par le biais du Parti démocrate populaire, qui demeurera un parti de cadre plus qu'un parti de masse, mais davantage par le biais d'autres structures telles que les organes de presse (par exemple Ouest-Eclair - qui deviendra Ouest-France après la guerre 39-45), les syndicats de travailleurs (la Confédération française des travailleurs chrétiens) ou les syndicats agricoles (les Jeunesses agricoles chrétiennes).
À l'approche de la Seconde Guerre mondiale, les militants démocrates-chrétiens des différents pays européens se retrouveront dans leur refus des totalitarismes menaçants à cette époque.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la conception démocratique du pouvoir politique n'est plus guère contestée au sein de l'Église catholique.
En France, la droite conservatrice et une partie de l'épiscopat sont discrédités. On assiste à la création d'un parti d'inspiration démocrate-chrétienne : ce sera le Mouvement républicain populaire. Marc Sangnier est son président d'honneur. Dès 1946, ce parti devient le premier de France. Il connaîtra d'importants succès électoraux tout au long de la IVe République avant de décliner rapidement, après le retour au pouvoir du général de Gaulle.
Tendances politiques de la démocratie chrétienne
Même si le mouvement démocrate-chrétien est très hétérogène, il s'accorde tout de même sur certains thèmes.
- la préoccupation de la dimension spirituelle de toute personne, telle qu'elle avait été exprimée dans l'encyclique Rerum Novarum ;
- l'idée selon laquelle la source du droit provient, non de l'État, mais des individus, images de la personnalité divine, et qu'il faut donc reconnaître à toute personne un droit fondamental;
- le principe de subsidiarité dans tous les corps sociaux : famille, profession, commune, province, État, etc. ;
- la primauté de la famille comme cellule de base de la société, premier lieu d'éducation, de responsabilité et de solidarité;
- l'autorisation de l'enseignement confessionnel;
- une décentralisation administrative assez poussée ;
D'une manière générale, la conception de l'État est différente de celle des libéraux : il doit être décentralisé, constitué de différents organes, mais reconnaître un pouvoir certain aux corps intermédiaires, expression de la liberté des individus. Cela inclut les institutions religieuses.Les démocrates-chrétiens voient l'économie comme étant au service des hommes et ne remettent pas en cause le capitalisme.
Partis démocrates chrétiens dans le monde
Europe de l'Ouest
Jusque dans les années 1960, les démocrates-chrétiens se présentaient comme une alternative à la fois aux conservateurs, aux libéraux et aux socialistes. La disparition ou l'affaiblissement de la droite traditionnelle au sortir de la guerre (France, Allemagne...), l'influence de la guerre froide et la force grandissante du communisme dans plusieurs pays occidentaux les a cependant conduits dans ces régions à se positionner plus à droite sur la scène politique, avec des fortunes diverses selon les configurations nationales. À l'inverse, la fin de la guerre froide et les excès du capitalisme mondialisé ont pu favoriser un rapprochement avec les mouvements de la gauche réformiste à partir des années 2000, notamment dans les régions où resurgissent des droites décomplexées (France, Italie...). Ces évolutions, d'un côté comme de l'autre, s'accompagnent généralement de divisions ou de défections.
- En Allemagne, la puissante CDU est l'un des deux grands partis allemands. Elle est relayée en Bavière par la CSU.
- En Autriche, elle est représentée par le Parti populaire (ÖVP).
- En Belgique, deux partis se réclament explicitement de ce courant : les Chrétiens démocrates fédéraux (scission du PSC) pour les francophones et le Christen-Democratisch en Vlaams pour les flamands. Le Centre démocrate humaniste, issu du Parti social-chrétien a, comme son nom l'indique, effacé la référence démocrate-chrétienne, tout en en conservant les principes fondamentaux. A noter cependant qu'en Wallonie, dans le sud du pays, l'expression "démocrate-chrétien" désigne plus spécifiquement l'aile gauche de ce courant de pensée[2], coalisée dans le Mouvement ouvrier chrétien, mouvement social qui s'est ouvert au pluralisme politique dans les années 70. Après l'an 2000, certains de ses membres se retrouvent parmi les écologistes ou parmi les socialistes, dans le cadre d'un rassemblement des progressistes.
- En Finlande le Kristillisdemokraatit représente la démocratie chrétienne.
- En France, la démocratie chrétienne est apparue avec Le Sillon de Marc Sangnier en 1899, dissous par le pape Pie X en 1910. Georges Bidault qui a fait partie du Parti démocrate populaire avant la Seconde Guerre mondiale sera l'un des fondateurs en 1945 du MRP qui recueillit presque un tiers des suffrages aux élections de juin 1946, et fut l'un des principaux partis politiques sous la IVe république. Entre les années 1980 et les années 2000, l'UDF a rassemblé les démocrates-chrétiens, les libéraux et les radicaux au sein d'une confédération unique. Aujourd'hui, même si le Mouvement démocrate, le Nouveau Centre et une partie de l'UMP sont des héritiers de ces valeurs, seul le Parti Chrétien-Démocrate les revendique. Sa présidente, Christine Boutin, ne peut toutefois pas revendiquer beaucoup d'adhérents : la plupart de ses sympathisants étant plus favorables au Front National qui reprend les mêmes idées en les exposant au grand jour.
- En Irlande, les partis rivaux Fianna Fáil et Fine Gael défendent une idéologie très proche de ce courant, mais pour des raisons historiques, c'est le Fine Gael qui a adhéré au groupe des démocrates-chrétiens (et ensuite au Parti populaire européen).
- En Italie, l'Union des démocrates chrétiens (UDC) représente cette tendance, dans sa version conservatrice. D'autres mouvements plus petits se réclament également de l'ancienne DC, notamment Popolari-UDEUR et la Démocratie chrétienne pour les autonomies.
- Au Luxembourg, le Chrëschtlech Sozial Vollekspartei (CSV : Parti populaire chrétien social), domine la vie politique locale depuis sa création, en 1914.
- En Norvège, le Kristelig Folkeparti (Parti Populaire Chrétien).
- Aux Pays-Bas, le Katholieke Volkspartij, bien implanté dans les provinces catholiques du pays, représentait cette tendance, avant de fusionner avec des partis protestants pour former le Christen Democratisch Appèl (CDA).
- En Suède, les Chrétiens-démocrates (Kristdemokraterna) sont un parti de droite, minoritaire.
- La Suisse compte parmi ses quatre grands partis le Parti démocrate-chrétien (PDC). Placé au centre de l'échiquier politique, le parti est très fort dans les cantons à majorité catholique comme le Valais ou Fribourg. Au niveau fédéral, le parti doit faire face à la menace constante des extrêmes et est ainsi la 3e force politique du pays. Autres mouvement plus petit se Parti chrétien-social.
Europe centrale et de l'Est
- En Croatie, l'Union démocratique croate est un des plus importants partis. Le parti a remporté les élections législatives de 2003. Autre parti est classé comme agrarien Parti paysan croate.
- En Géorgie, l'Union démocrate-chrétienne de Géorgie.
- En Hongrie, la démocratie chrétienne a longtemps symbolisé la force anticommuniste non libérale, plutôt orientée vers le projet européen tandis que les jeunes libéraux lorgnaient vers les États-Unis. Elle a fourni à la Hongrie son premier premier ministre post-communiste en la personne de l'écrivain József Antall, issu du Forum démocratique hongrois (MDF, Magyar Demokráta Forum).
- Au Kosovo, le Parti démocrate-chrétien albanais du Kosovo
- En Lituanie, les démocrates-chrétiens se sont regroupés au sein du Lietuvos krikščionys demokratai (Chrétien-démocrates lituaniens), membre de l'Union démocrate-chrétienne et du Parti populaire européen.
- En Moldavie, le Parti populaire chrétien-démocrate (PPCD, Partidul Popular Creştin Democrat).
- En Pologne, pays fort catholique, il n'est pas de partis démocrates-chrétiens à proprement parler : des deux partis membres du PPE, l'un est classé comme libéral et conservateur (Plate-forme civique), l'autre comme agrarien (Parti populaire polonais). Seul le petit Parti du Centre (Partia Centrum), non représenté au Sejm, peut être regardé comme le seul véritable représentant de la démocratie-chrétienne polonaise, à l'heure actuelle.
- En Slovénie, le parti Nouvelle Slovénie - Parti chrétien populaire (N.Si, Nova Slovenija Krščanska ljudska stranka).
- En Slovaquie, l'Union démocratique et chrétienne slovaque (SDKU, Slovenská Demokratická a Krestanská Únia) et le Mouvement chrétien-démocrate (KDH, Kresťanskodemokratické hnutie) sont deux mouvements démocrates-chrétiens.
- En Roumanie, le Parti national paysan chrétien démocrate (PNTCD, Partidul Naţional Ţărănesc Creştin Democrat) est membre du PPE.
- En Tchéquie, la démocratie chrétienne est représentée par l'Union chrétienne démocrate - Parti populaire tchécoslovaque (KDU-ČSL, Křesťanská a demokratická unie - Československá strana lidová).
- En Ukraine, l'Union démocratique et chrétienne (Партія Християнсько-Народний Союз).
Amérique du Nord
- Au Québec (Canada), on trouve le Parti démocratie chrétienne du Québec.
Amérique centrale et Caraïbes
- Au Costa Rica, le Partido Unidad Social Cristiana (Parti unité sociale-chrétienne).
- A Cuba, le Partido Demócrata Cristiano de Cuba (Parti démocrate chrétien de Cuba), en exil.
- Au Guatemala, la Democracia Cristiana Guatemalteca (Démocratie-chrétienne guatemaltèque), fondée en 1955.
- Au Honduras, le Partido Demócrata Cristiano de Honduras (Parti démocrate-chrétien du Honduras).
- Au Salvador, le Partido Demócrata Cristiano de El Salvador (Parti démocrate-chrétien du Salvador).
Amérique du Sud
- En Argentine, la tendance démocrate-chrétienne est représentée par le Parti démocrate-chrétien d'Argentine (Partido Demócrata Cristiano de Argentina).
- En Bolivie, elle l'est par le Parti démocrate-chrétien (Partido Democrata Cristiano), fondé en 1954.
- Au Brésil ??
- Au Chili, le Parti démocrate-chrétien (PDC) est un des principaux partis du pays. Il a gouverné entre 1965 et 1970 avec Eduardo Frei Montalva. À la fin de la dictature du général Augusto Pinochet, il a dirigé ce pays avec le président Patricio Aylwin jusqu'à 1994 dirigeant une coalition où participent socialistes et radicaux, la Concertation des partis pour la démocratie. Entre 1994 et 2000, un autre démocrate-chrétien a gouverné le pays : Eduardo Frei Ruiz-Tagle, fils de Frei Montalva. Au mois de mars 2000, un socialiste, Ricardo Lagos est à la tête du pays. Le PDC participe à ce gouvernement.
- En Équateur, l'Union démocrate chrétienne (Unión Demócrata Cristiana) est le représentant de la démocratie-chrétienne locale.
- Au Paraguay, le courant démocrate-chrétien est représenté par le Parti démocrate-chrétien (Partido Demócrata Cristiano), membre de l'Organisation démocrate-chrétienne d'Amérique (ODCA).
- Au Pérou, la mouvance démocrate-chrétienne est représentée par le Parti populaire chrétien (Partido Popular Cristiano), fondé en 1966, et par le Parti démocrate-chrétien du Pérou (Partido Demócrata Cristiano del Perú) ; tous deux sont membres de l'ODCA.
- Au Suriname, le Parti populaire progressiste du Suriname (Progressieve Surinaamse Volkspartij) est un parti démocrate-chrétien.
- En Uruguay, la tendance chrétienne et démocrate est représentée par le Parti démocrate chrétien (Partido Demócrata Cristiano), sensiblement plus progressiste que ses alliés continentaux (gauche chrétienne).
- Au Venezuela, le Comité d'organisation politique électorale indépendante (COPEI, Comité de Organización Política Electoral Independiente), fondé en 1946, est l'un des moteurs de l'opposition à Hugo Chavez.
Afrique
- En République démocratique du Congo, la Démocratie chrétienne est un parti politique ; le Parti démocrate et social chrétien, créé en 1990, est membre de l'IDC.
Notes et références
- C'est la définition que donne dans ses ouvrages Pierre Letamendia, par exemple La démocratie chrétienne, PUF, collection Que-sais-je, 1977.
- Vincent Goffart, "la démocratie chrétienne en Wallonie", in La Revue Nouvelle, 15 février 1966.
Voir aussi
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