Chateau de Luneville

Chateau de Luneville

Château de Lunéville

Château de Lunéville

Vue du château depuis le parc des Bosquets
Vue du château depuis le parc des Bosquets

Présentation
Période ou style Classique
Type Palais
Architecte Pierre Bourdict, Nicolas Dorbay et Germain Boffrand
Début construction 1703
Fin construction 1720
Propriétaire initial Léopold Ier de Lorraine
Destination initiale Palais d'habitation
Propriétaire actuel Conseil général de Meurthe-et-Moselle
Destination actuelle Musées
Classement Monument historique (1901)
Géographie
Latitude
Longitude
48° 35′ 41″ Nord
       6° 29′ 30″ Est
/ 48.594722, 6.491667
 
Pays France France
Région Blason Lorraine.svg Lorraine
Département Meurthe-et-Moselle
Commune Lunéville
  Géolocalisation sur la carte : France
France location map-Regions and departements.svg
Château de Lunéville

Les ducs de Lorraine possédaient un château à Lunéville depuis le XIIIe siècle. Le château actuel a été construit pour le compte du duc Léopold entre 1703 et 1720 sur des plans de Pierre Bourdict, Nicolas Dorbay puis de Germain Boffrand.

Le duc Léopold, insatisfait de son Palais Ducal de Nancy qu'il tentait de transformer, fit entièrement reconstruire le château de Lunéville XVIIe ‑ XVIIIe siècle d'après un plan du château de Versailles. Il a été embelli et agrandi par Stanislas Leszczyński, qui en avait fait sa résidence principale.

Chef-d'œuvre de l'architecture du XVIIIe siècle, il est surnommé le « Versailles Lorrain » et a été classé monument historique en 1901.

Le dernier duc de Lorraine, Stanislas Leszczyński, y mourut accidentellement en 1766, devant la cheminée de sa chambre. Cette date marque l'annexion du Duché de Lorraine et du Duché de Bar par la France.

Les appartements princiers appartiennent au ministère de la Défense, et le reste du bâtiment au Conseil Général de Meurthe-et-Moselle.

Sommaire

Le castrum et le premier château fort médiéval

Le château actuel occupe l’emplacement d’une ancienne fortification dont l’origine se situe vers l’an mil. Aucun document ne révèle l’existence d’un établissement humain à cet endroit avant la fin du Xe siècle.

Le site de Lunéville est alors la propriété des puissants comtes épiscopaux de Metz. Le comte Folmar y fait édifier un castrum afin de contrôler le franchissement de la Vezouze sur la précieuse route du sel, allant de Vic-sur-Seille vers Deneuvre et Raon-l'Étape, pour gagner Sélestat et l’Alsace. On ignore tout de l’architecture de ce castrum, qui pouvait n’être qu’une enceinte légère permettant la perception de péages.

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la terre de Lunéville passe à une branche cadette des Folmar avec Hugues de Bliescastel, qui prend le titre de Hugues Ier de Lunéville. Un véritable château fort succède alors au castrum. Cette construction entreprise par ou par son fils Hugues II matérialise le pouvoir de cette nouvelle lignée seigneuriale. Ce pouvoir sera de courte durée, puisque dès 1243, la seigneurie de Lunéville entre dans le domaine du duc de Lorraine Mathieu II, qui devient propriétaire du château.

On connaît le parti d’ensemble de l’édifice, qui se trouvait sur la rive gauche de la Vezouze, à proximité d’un pont, à l’emplacement du château actuel. C’était un bâtiment quadrangulaire cantonné de tours, entouré sur trois côtés par un fossé en eau alimenté par la rivière qui coule le long du flanc nord.

C’est dans ce château fort que les Ducs de Lorraine séjournent volontiers pendant tout le Moyen Âge. Certains s’y intéressent plus particulièrement et y font d’importants travaux, comme le duc Raoul qui fonde en 1343 une chapelle castrale dédiée à Sainte Marie et à Saint Antoine. Au XVe siècle, époque troublée avec les Bourguignons qui occupent Lunéville en 1476, les ducs, souvent absents du pays, délaissent le château qui se dégrade. Seul René II tente à l’extrême fin du siècle de sauver l’édifice de la ruine. Il y fait quelques réparations et agrandissements dans l’esprit nouveau de la Renaissance.

À leur tour, les ducs Antoine et Charles III demeurent fréquemment à Lunéville et entretiennent régulièrement le château. Les transformations les plus importantes ont lieu sous le règne de Charles III, qui remet en état ou crée de nombreuses places fortes en Lorraine. C’est ainsi qu’il fait édifier à Lunéville une nouvelle enceinte au tracé bastionné. Les travaux durent de 1587 à 1591 environ et doublent sur trois côtés le mur médiéval, englobant à l’est le faubourg d’Allemagne. Il en résulte une modification importante dans la topographie de la ville. L’enceinte médiévale dessine un quadrilatère dominé au nord-est par le château fort, qui occupe une place stratégique dans la défense de la cité. La seconde enceinte est entourée de fossés remplis par les eaux de la Vezouze ; à l’intérieur, le château est isolé de la ville par une ligne de défense supplémentaire.

Il semble que le duc Charles III se soit d’avantage intéressé au système défensif qu’au château médiéval, qui apparaît très endommagé à la fin de son règne, une des tours menaçant même ruine.

La reconstruction par le duc Henri II

Le successeur de Charles III, Henri II décide de reconstruire entièrement le château pour faire de Lunéville l’une de ses résidences principales. En 1609, l’architecte Nicolas Marchal et le mathématicien Jean-Baptiste Stabili dressent des plans pour un pavillon. Deux ans plus tard, l’architecte Jean Lyot élabore de nouveaux projets ; les travaux sont confiés à Jean La Hiere, architecte des bâtiments ducaux, qui réalise de nombreux édifices à Nancy et ailleurs en Lorraine ducale. Le chantier se termine vers 1620 avec la création par Hector Parent du jardin « au derrière du château ». La construction entraîne la disparition progressive de l’ancien édifice médiéval, dont il ne reste en 1630 qu’ « un vieux corps de logis » et une tour en très mauvais état.

La demeure de Henri II est connue par un relevé de 1690 conservé aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. De plan en U, elle se compose d’un corps central flanqué de deux importants pavillons et de deux corps de portique en retour d’équerre se terminant chacun par un petit pavillon rectangulaire. Un mur percé d’un portail ferme la cour. Un escalier en fer à cheval donne accès au jardin. Ce plan reste lisible dans le château actuel, dont le corps central s’élève aujourd’hui sur les fondations de l’ancien, qui occupait, comme aujourd’hui, le point le plus élevé du site.

Ce deuxième château n’est habité que très peu de temps par le duc de Lorraine. Moins de vingt ans après sa construction, il est incendié lors du conflit avec la France, qui entraine en 1638 le siège de Lunéville puis la démolition de ses fortifications. D’ailleurs, la Guerre de Trente Ans prive la Lorraine de ses souverains légitimes jusqu’en 1697, date du Traité de Ryswick qui restitue enfin au duc Léopold la souveraineté de ses états.

L’œuvre de Germain Boffrand pour le Versailles lorrain

Vue de face

Après un siècle de désastres, le règne de Léopold (1697-1729) est une période de prospérité dont bénéficie tout particulièrement Lunéville.

À son arrivée en Lorraine, Léopold, qui s’installe à Nancy, s’intéresse très vite à Lunéville, où il prévoit probablement de séjourner. Ainsi, dès 1698, il fait entreprendre des réparations importantes dans le château construit par Henri II. La plupart des pièces sont refaites et on construit un petit bâtiment pour loger les gardes. Parallèlement, Léopold ordonne la reconstruction partielle du Palais Ducal de Nancy.

Tout cela n’est que le prélude à ce qui va être entrepris à partir de 1702.

À cette date, début de la guerre de succession d'Espagne, les troupes de Louis XIV occupent les possessions ducales pourtant neutres y compris Nancy et y demeurent jusqu’à la fin du conflit en 1714. Léopold, refusant cette occupation de fait, décide de quitter sa capitale. Son choix se porte naturellement sur sa propriété de Lunéville, dans laquelle il a déjà beaucoup investi.

Toutefois, malgré les travaux récents, l’ancien château n’est pas assez vaste pour recevoir la cour nombreuse de Léopold. Sa démolition, alors décidée, va laisser la place à un immense chantier de reconstruction. À travers cette décision se manifestent le désir et la volonté affirmées par Léopold d’affirmer sa légitimité et sa souveraineté comme l'a fait l'occupant avec son château de Versailles.

Raison supplémentaire pour choisir Lunéville : la distance entre cette ville et Nancy coïncide avec les normes de l’époque, soit environ une journée à cheval.

La chronologie des travaux reste difficile à établir. Elle s’échelonne de 1703 à 1723, date d’installation définitive de la cour à Lunéville. Le chantier avance, connaît une grande lenteur avec des périodes d’activité plus ou moins intenses, liées aux ressources financières du duc.

La première période des travaux consiste dans la création d’une avant-cour bordée par deux nouveaux bâtiments, dans le prolongement de l’ancienne construction. Elle est menée de 1703 à 1705 par Pierre Bourdict nommé en 1700 « premier architecte et directeur des ouvrages de sculpture » du duc. En 1708, l’architecte Nicolas Dorbay, qui travaille également au château de Commercy, prend la direction du chantier. S’ouvre alors une seconde campagne qui sera très active jusqu’en 1718. Enfin, une troisième campagne, qui comprend les travaux les plus importants, commence après un incendie en janvier 1719. C’est alors le plus grand chantier de Lorraine, dans lequel de nombreux artisans et artistes sont engagés.

Le nom de l'architecte français Germain Boffrand, qui est associé à la construction du château de Lunéville, n’apparaît en réalité qu’à partir de 1709, année où il présente à l’Académie les « plans et élévations qu’il a faits pour le chasteau de Lunéville, que Monsieur le Duc de Lorraine commence à faire rebastir selon ses desseins ». Boffrand, disciple et collaborateur de Jules Hardouin-Mansart, entre au service du duc et devient en 1711 son « premier architecte ». Les plans préparés par lui sont soumis au duc Léopold Ier qui choisit le projet définitif. Six projets différents sont aujourd’hui connus ; aucun n’étant daté, il est difficile de les classer chronologiquement de façon certaine. Nous savons cependant que plusieurs d’entre eux furent proposés pour la troisième et dernière campagne de travaux, qui commence en 1719, suite à un accident qui vient interrompre brutalement l’achèvement du chantier : un incendie se déclare dans la nuit du 3 janvier et détruit en quelques heures toute la partie sud-est comprenant les appartements ducaux et une partie du corps central. À la faveur de cet accident, Germain Boffrand prépare de nouveaux plans qu’il doit modifier plusieurs fois avant d’obtenir l’accord du duc. Il faut préciser que Léopold Ier, n’ayant pu obtenir les soutiens financiers qu’il espérait, vise à l’économie et souhaite rétablir « l’aile brûlée » telle qu’elle était avant l’incendie, en utilisant les matériaux récupérables.

Le projet définitif de plan en H est, dans son ensemble, celui que présente Germain Boffrand en 1745 dans son Livre d’architecture. Il restera toutefois inachevé puisque l’aile qui devait longer la Vezouze au nord n’a jamais été construite. Faut-il évoquer les difficultés financières du duc Léopold dans cette interruption prématurée de la construction ? Il est évident que Germain Boffrand ait souhaité voir son projet achevé : c’est en effet dans sa totalité qu’il le présente une vingtaine d’années après la fin des travaux dans son Livre d’architecture où il explique du reste que « l’aile gauche du côté de la rivière n’est pas faite et étoit destinnée aux logements des Princes Étrangers ».

Outre la contrainte financière, l’architecte doit vaincre les obstacles naturels. Le terrain offre une dénivellation importante d’est en ouest, tout en dominant la rivière du côté nord, où le sol est très marécageux. De plus, l’emplacement de l’ancien château était trop limité pour une construction d’une telle ampleur, d’où l’obligation d’acheter et de démolir des maisons, notamment pour la réalisation du parc.

Celui-ci et les jardins prolongeant à l’est une terrasse sont appelés les « Bosquets » dès le début des travaux. À partir de 1710, ils prennent une extension considérable et sont aménagés par Yves des Hours, un disciple de Le Nôtre. À partir de 1724, Louis de Nesle complète l’œuvre d’Yves des Hours. Pour aménager tout cet espace, il a fallu combler les anciens fossés, canaliser la rivière et raser plusieurs constructions. On fait appel à l’ingénieur Didier Lalance pour les « jets d’eau et cascades », et à Philippe Vayringe qui réalise en 1732 une « machine à élever les eaux de la Vezouze et les conduire dans les jardins ». De nombreux artistes tels que Barthélemy Guibal (entre autres) agrémentent les parterres de sculptures.

Le 27 mars 1729, la mort de Léopold a pour conséquence l’arrêt de tous les travaux. L’héritier de la couronne ducale, François-Étienne, que son père avait envoyé terminer son éducation en Autriche, laisse la régence de ses États à sa mère, Élisabeth Charlotte d’Orléans.

La duchesse vit au château, entourée de ses deux filles et de son troisième fils, le prince Charles-Alexandre. C’est elle qui fait construire en 1733 la « salle de comédie », dans le prolongement des appartements ducaux, au sud-est du château. Elle y fait transporter à partir de 1735 une partie des décors de l’Opéra de Nancy réalisés par l’architecte italien Antonio Bibiena. Avant la construction de ce premier théâtre, les représentations théâtrales, qui étaient l’une des distractions favorites de la cour, avaient lieu sur une scène démontable installée dans les jardins.

La fin de la guerre de succession de Pologne oblige la duchesse régente Élisabeth-Charlotte d’Orléans à quitter à son tour Lunéville pour se retirer à Commercy(6 mars 1737). Son départ, qui symbolise la future cession de la Lorraine à la France et la disparition de l’ancienne dynastie, donne lieu à de véritables scènes d’hystérie de la part d'une foule désespérée et désireuse de montrer son attachement à la famille ducale.

Le 3 avril suivant, Stanislas Leszczyński arrive à Lunéville. Beau-père du roi de France Louis XV, ce roi de Pologne en exil, détrôné deux fois, reçoit, suite au Traité de Vienne (1738), le duché de Lorraine et le duché de Bar qui doivent à sa mort entrer dans le domaine royal français. Il ne sera en réalité qu’un duc nominal, pour ne pas dire un souverain fantoche, ayant renoncé à tout pouvoir effectif au profit du chancelier Antoine-Martin Chaumont de La Galaizière qui prépare sans ménagement les duchés à la perte totale de leur indépendance. À défaut de pouvoir politique, Stanislas se contente de mener une vie princière au milieu d’une cour importante. Il ne garde en effet une grande liberté que dans le domaine intellectuel et artistique, et place ainsi la Lunéville parmi les plus brillantes cours européennes du XVIIIe siècle.

Architecture de fête d’un roi bâtisseur

Stanislas Ier Leszczyński

En arrivant à Lunéville, Stanislas trouve un château en parfait état, tout à fait adapté à une vie princière. Il ne lui reste qu’à mettre à son goût l’aménagement et la décoration intérieurs qui ont été démontés sur l’ordre de François III. L’architecture du château ne subit donc aucune modification. Cependant, la distribution des appartements ducaux ne correspondant pas aux impératifs du cérémonial de l'ex-roi polonais, le nouveau "souverain" fait modifier l’agencement des pièces, qu’il remeuble et décore avec de nombreux objets, tapisseries et tableaux.

Les travaux les plus importants ont lieu dans le parc. Si Stanislas conserve le plan général des « Bosquets », il augmente leur superficie. Au sud, il crée de nouveaux parterres le long des maisons de la rue d’Allemagne, dans le prolongement de ses appartements et de ceux de son épouse. Au nord, il achète en 1738 et 1739 les terrains marécageux du bord de la Vezouze qu’il fait assainir et aménager en « Nouveaux Bosquets ». Puis il y fait élever des constructions tout à fait originales, dans la tradition des jardins orientaux agrémentés de nombreux pavillons et fabriques.

Pour réaliser ses projets, Stanislas fait appel à l’architecte Emmanuel Héré. Né en 1705, formé très jeune sur le chantier de Lunéville où son père travaille en qualité de « commis des travaux », il entre à l’agence de Germain Boffrand et devient à l’âge de 32 ans « premier architecte » de Stanislas. Homme de cour, Emmanuel Héré sait répondre aux exigences (voire s’accommoder des caprices) de Stanislas. Connu aujourd’hui dans le monde entier pour avoir créé la célèbre Place Royale de Nancy, c’est à Lunéville qu’il développe le mieux son génie d’invention architecturale en élevant dans le parc un ensemble remarquable de fabriques, notamment « la Pêcherie » (à l’extrémité du « Grand Canal ») ou encore « le Pavillon de la Cascade », élevé en 1743 au-dessus de chutes d’eau disposées de façon savante sur trois niveaux. Toutefois, la réalisation la plus extraordinaire est celle du « Rocher » qui transforme en 1742 le soubassement de la terrasse du château du côté nord. Sur 250 mètres environ, le long du « Grand Canal », pierres et blocs de grès sont disposés au pied de la terrasse et forment un ensemble artificiel de collines et de grottes traversées de sentiers et de ruisseaux. Sur ce fond rocheux, l’horloger François Richard installe quatre-vingt-huit automates, grandeur nature, qui s’animent grâce à des systèmes hydrauliques ingénieux. Le thème général est une pastorale, où sont représentés de nombreuses scènes paysannes et bucoliques. Symbole des fantaisies du roi Stanislas, ce théâtre d’automates, qui émerveille les visiteurs prestigieux tels Voltaire, Montesquieu ou Helvétius, met en scène un monde utopique, tel que l’imaginent certains philosophes du Siècle des Lumières auxquels Stanislas peut être rattaché.

Entre le « Grand canal » et la « Pagode », bassin parallèle à la rivière, Emmanuel Héré construit, à la demande de Stanislas, un ensemble de huit petites maisonnettes identiques nommées les « Chartreuses ». Le roi les distribue à ses favoris, qui y cultivent leur jardin durant une saison. Intimement liées à la vie de la cour, ces constructions reflètent la vie du souverain. Quant au jardinage, c’est une manifestation précoce de l’esprit romantique du « retour à la nature », bien que cette composition ne soit pas nouvelle : on le trouve déjà vers 1680 à Marly, où Jules Hardouin-Mansart avait construit douze petits pavillons que Louis XIV destinait à ses invités.

Les fabriques de Lunéville les plus remarquables sont le « Kiosque » et le « Trèfle ». Bâtis entre 1738 et 1740, leur forme exotique, faisant appel à des éléments chinois et turcs, est une nouveauté dans l’architecture française du milieu du XVIIIe siècle. Ici Emmanuel Héré est un des premiers maitres-d’œuvre de ces formes originales, après l’exemple précoce donné en 1670 par Louis Le Vau à Versailles, au Trianon de porcelaine. De façon plus générale, les créations d’Emmanuel Héré intégrées dans le parc du château marquent une étape dans l’art des jardins, qui voit apparaitre et se multiplier les fabriques dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Fréquents en Angleterre comme dans la plupart des pays d’outre-Rhin, ces bâtiments sont pour la plupart proches de ce type de et « fantaisies architecturales » nées à Lunéville vers 1740. (Pour preuve, Stanislas Leszczyński à introduit le mot « kiosque » dans la langue française).

Le château de Lunéville connait ses heures les plus fastes. Les plus grands philosophes du Siècle des Lumières se pressent à la cour du roi Stanislas. Lunéville devint un des principaux centres intellectuels d'Europe, au même titre que le Palais de Sanssouci, ou l'on trouve, d'ailleurs, une réplique (à échelle réduite) du fameux « Trèfle » de Lunéville.

Le 23 février 1766, Stanislas meurt. Louis XV ne voulant pas assumer les frais coûteux de l'héritage d'un beau-père qu'il méprisait, Lunéville perd son statut et son prestige.

La cour n’a plus de raison d’être, l’important personnel constituant la « Maison civile » et la « Maison militaire » du souverain est simplement tout remercié. La vie du château s’arrête.

Il ne reste plus que les murs. Le somptueux mobilier est dispersé et vendu. Le parc est mutilé par manque d’entretien et par disparition du décor. La plupart des statues sont vendues à l'encan. Certains groupes de plomb sont achetés pour le compte de l’électeur palatin Charles Théodore de Bavière pour son château de Schwetzingen, où ils sont toujours visibles. Les fabriques sont cédées à des particuliers, puis tombent en ruine. Nonobstant, à la différence des autres demeures de Stanislas, Lunéville n'est pas détruit.

L’occupation par l’armée durant le XIXe siècle

Quelques mois après la mort de Stanislas, le château est transformé en caserne. Louis XV y envoie une garnison de la Gendarmerie de France. Celle-ci forme un corps d’élite composé de dix compagnies, totalisant près d’un millier d’hommes. Reconnaissables à leur vêtement de drap écarlate, ils sont surnommés les « Gendarmes Rouges ». Un premier détachement arrive à Lunéville dès le 13 novembre 1766 et s’installe au château. Vingt ans plus tard, la Gendarmerie de France est dissoute. Elle est remplacée à Lunéville par deux régiments de « carabiniers de Monsieur », qui disparaissent à leur tour à la Révolution.

Le château est alors totalement désaffecté. La chapelle est transformée en magasin à fourrages, avant de servir de salle de réunions aux révolutionnaires locaux. Ce qui reste du mobilier et des boiseries du château, des statues du parc et des automates du « Rocher » est vendu comme bien national.

Sous la Restauration, le château retrouve une fonction militaire, qu’il conservera de façon partielle jusqu’à nos jours. En reconnaissance de sa fidélité à la royauté, Louis XVIII donne en 1816 au prince de Hohenlohe la jouissance du château. Ce dernier y crée en 1824 un centre de cavalerie militaire qui sert d’école aux officiers. Il devient par ailleurs gouverneur du camp. Une large place y est réservée aux distractions, apportant une animation nouvelle dans la cité. Fêtes hippiques, bals et réception ressuscitent au château la vie brillante du XVIIIe siècle. En 1852 s’installe toute une nouvelle division de cavalerie. Les officiers sont logés dans les anciens appartements ducaux donnant sur le jardin. Des écuries sont construites sur le côté nord, dans la cour dite « du Rocher ». Malgré les contraintes de la vie militaire, la présence de l’armée durant tout le XIXe siècle permet la sauvegarde et l’entretien de l’édifice. De grands travaux de restauration ont lieu suite à deux incendies : le premier en 1814 détruit une partie de l’aile nord, le second en 1849 provoque d’importants dégâts côté sud.

Les restaurations de « l’après-Mérimée »

En 1861, le ministre de la guerre de l’époque (Jacques Louis Randon) sollicite auprès de la Commission des Monuments Historiques le classement de l’édifice. C’est un refus catégorique, l’intérêt du service se limitant alors à l’architecture médiévale. Prosper Mérimée dresse un rapport sévère et méprisant : il estime que le château « ne mérite pas d’être classé parmi les Monuments Historiques ; c’est […] un grand bâtiment d’un style assez barbare, même pour l’époque de décadence à laquelle il a été construit ».

Une cinquantaine d’années plus tard, les jugements ont évolué. En 1901, on commence par classer la chapelle. Le reste du château le sera de façon partielle en 1929. Dès lors, les travaux de restauration se poursuivent, ne connaissant d’interruption que durant la Seconde Guerre mondiale. La chapelle est restaurée de 1902 à 1904. Les années 1938 et 1939 voient la réfection des couvertures et balustrades du corps principal et de la partie nord.

À partir de 1945 environ, services administratifs, musée municipal, mess, appartements et bureaux militaires occupent l’édifice. Le parc, remis en état à partir de 1945, reste aujourd’hui un lieu de promenade et de détente apprécié de tous.

En 1995 le maire de Lunéville Michel Closse impulse un processus de restauration du Château qui conduit la ville de Lunéville à céder en 2000 le Château au Conseil Général de Meurthe-et-Moselle. Cette cession évitera ultérieurement à la commune de se retrouver seule face aux conséquences financières de l'incendie de janvier 2003.

L'incendie de janvier 2003

Escalier sud en cours de restauration (état 2008)

Dans la nuit du 2 au 3 janvier 2003, un grand incendie démarra dans la partie du château appartenant au Conseil général et ravagea le château (Pour deux tiers l'incendie ravagea des parties du Ministère de la Défense). Les deux tiers des appartements princiers, un tiers des bâtiments du Conseil Général, toute la toiture de l'aile sud-est et la chapelle royale. Les toits, en s'effondrant, provoquèrent l'éboulement d'éléments de maçonnerie importants.
Des mesures de première urgence ont été prises dès 2003 pour assurer la sécurité des visiteurs, pour un coût de 3 millions d'euros. Une étude de la restauration du château a débuté en 2004, sous le patronage de l'architecte en chef des monuments historiques. Les travaux sont financés par le Ministère de la Défense et le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle ( avec l'aide de subventions, des assurances et par des crédits européens). De précédents incendies avaient déjà causés des dégâts. Au total 6 incendies majeurs se sont déclarés avant celui de 2003 :

  • 1er incendie, le 3 janvier 1719, dans l'aile droite du château. Sept morts sont à déplorer.
  • 2e incendie, en 1744, qui s'est déclaré dans l’aile de l’avant-cour au 1er étage.
  • 3e incendie, en 1755, qui a commencé au même endroit qu'en 1744.
  • 4e incendie, le 1er janvier 1814. Il détruit la petite aile nord de la cour du château.
  • 5e incendie, le 23 novembre 1849. Le sinistre éclate à 6 heures du matin au même endroit qu’en 1719, au premier étage du pavillon regardant la terrasse. Le feu éclate dans l’appartement de l’aide de camp du général et se propage dans les combles, menaçant le donjon et la chapelle. Les pompiers arrivent à le neutraliser en faisant des pare-feux et en coupant les bâtiments et les charpentes au niveau du corps central et au niveau des petites ailes donnant sur la place du théâtre. Le feu a ainsi été circonscrit au pavillon qui est resté isolé. À l’époque les gens formaient une chaîne avec des seaux en bois depuis le canal. Il a fallu 24 heures pour le maîtriser ! Les chutes de poutres et de cheminées ont causé beaucoup d’accidents dont deux graves : deux militaires dont l’un a été amputé d’un pied et l’autre de deux doigts.
  • 6e incendie, le 19 mars 1961. Il ravage la toiture de l’aile gauche du château. Entre 300 et 500 m2 de toiture et de charpente partent en fumée.

La restauration du château

restauration de la charpente de la chapelle (2008)

Lancés le 2 avril 2005 par le conseil général de Meurthe-et-Moselle et par le ministère de la défense, copropriétaires de la partie incendiée, les travaux de reconstruction et de restauration du château progressent selon le calendrier établi. Le pilotage de l'opération est assuré par chaque maître d'ouvrage, Service d'Infrastructure de la Défense - Établissement du Génie de Nancy pour la défense et Direction du Développement pour le conseil général. La maîtrise d'œuvre est assurée par Pierre-Yves Caillault, architecte en chef des monuments historiques.

L'émotion suscitée par cet incendie s'est transformée en un vaste mouvement de mobilisation porté par une association : Lunéville, château des Lumières [1] dont le président est le maire de la ville Michel Closse, et le président d'honneur est Son Altesse Impériale et Royale l'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine, descendant direct et héritier du duc Léopold Ier de Lorraine qui fit construire le château en 1703. Plusieurs publications et éditions ainsi qu'un site Internet permettent de suivre l'évolution du chantier. Le coût total estimé de ces travaux (reconstruction et restauration) est de plus de 100 millions d'euros, réparti à 60% pour l'état propriétaire et 40% à charge du département. C'est actuellement le plus grand chantier patrimonial en Europe. La restauration du vestibule, passage majestueux entre cours et jardins, a été achevée le 21 octobre 2006 et celle de l'escalier d'honneur sud est en cours. Le département de Meurthe & Moselle et le ministère de la défense ont officialisé le 2 avril 2007 le lancement des travaux de restauration des toitures et façades. Ce chantier va durer 48 mois. Au total, le département, qui a reçu un chèque de plus de 26 millions d'euros de son assureur, investira sur la période 2007 - 2013, 36 millions d'euros. 14 millions supplémentaires sont prévus pour la période 2013-2016.

Début 2007, l'association Lunéville, château des Lumières comptabilise plus d'1M€ de dons, 3500 donateurs et près de 800 adhérents. Les fonds récoltés sont confiés à la Fondation du Patrimoine.

En septembre 2009, l'émission des racines et des ailes consacre un reportage sur le chantier de restauration du château ainsi que les différents corps de métiers impliqués dans cet impressionnant chantier.

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48°35′41″N 6°29′30″E / 48.59472, 6.49167

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