Chateau de Caen

Chateau de Caen

Château de Caen

49° 11′ 11″ N 0° 21′ 46″ W / 49.1863, -0.3628

Château de Caen

Murailles depuis la rue de Geôle
Murailles depuis la rue de Geôle

Présentation
Période ou style Forteresse médiévale
Début construction XIe siècle
Fin construction XIXe siècle
Propriétaire initial Ducs de Normandie
Propriétaire actuel Ville de Caen
Classement CLMH
Site internet [http://www.chateau.caen.fr Consulter]
Géographie
Latitude
Longitude
49° 11′ 11″ Nord
       0° 21′ 46″ Ouest
/ 49.186451, -0.3626883
 
Pays France
Région historique Basse-Normandie
Commune Caen

Le château de Caen se trouve au cœur de la ville de Caen. Il fut créé au Moyen Âge par Guillaume le Conquérant vers 1060, puis il connut de nombreux aménagements. Avec 5,5 hectares, c’est l’un des plus grands châteaux d’Europe.

Son enceinte contient aujourd’hui :

Du haut des remparts, la vue panoramique sur la ville de Caen est magnifique. L’enceinte est renforcée par deux barbacanes.

Sommaire

Histoire

Le château ducal (vers 1060 - 1204)

Les origines du château

À partir du Xe siècle, la croissance agricole caractéristique de cette période entraîne la création de nombreux marchés locaux. Le seigneurs, désireux de contrôler le développement des villes et villages, érigent des châteaux et souvent accompagnent ces établissements par la fondation d'un établissement religieux. Caen est un bon exemple de ce qu'on peut appeler un « bourg castral ». Situé dans une riche plaine agricole, Caen n'échappe en effet pas à la règle et connait un rapide développement le long de la rive gauche de l'Odon[1]. Il est donc possible qu'un premier élément fortifié ait existé vers 1025, date à laquelle Caen est qualifié de burgus (bourg) dans une charte de Richard II[2] ; aucun élément archéologique vient toutefois accréditer cette théorie. Quoi qu'il en soit, c'est Guillaume le Conquérant qui met en place une véritable citadelle à partir de 1060 sur un éperon rocheux dominant la basse vallée de l'Orne. Il s'agit sûrement d'un moyen de contrôler cette agglomération qui prend de l'ampleur ; l'absence de lien entre le château et la ville à cette époque - la seule porte étant alors au nord - semble confirmer cette thèse. Mais le duc mûrit un plus grand dessein. Marqué par la rébellion des barons du Cotentin pendant sa jeunesse, il souhaite disposer d'un point d'appui sûr en Basse-Normandie[2]. Le site de Caen, à proximité de la mer et à équidistance de Rouen et du Cotentin, est donc choisi par Guillaume le Conquérant afin d'y construire sa forteresse. La construction du château, au même titre que la fondation des deux abbayes, montre la volonté du souverain d'établir une deuxième capitale dans la partie occidentale du duché.

Ruines du palais de Guillaume le Conquérant et salle construite par Henri Ier Beauclerc
Une résidence princière

Toutefois, dès ses origines, le château de Caen semble être davantage une résidence princière où le duc-roi exprime sa puissance et son prestige qu'une forteresse au rôle militaire affirmé. L'élément le plus important du château est en effet le palais constitué d'appartements privés destinés à la famille princière (les camerae), d'une chapelle (la capella) et surtout d'une salle d'apparat (l'aula). Certes, le château est protégé par les fossés et par la falaise, retaillée pour être plus abrupte, et dès la fin du règne de Guillaume le Conquérant la simple palissade qui devait ceinturer le plateau a été remplacée par une muraille de pierre. Mais le château souffre déjà de son archaïsme d'un point de vue militaire. La présence des civils, un village regroupé autour de l'église Saint-Georges étant incorporé à l'enceinte, peut constituer une gêne ; toutefois le château assurera un rôle de refuge tout au long du moyen-âge. Plus grave, sa localisation à mi-pente le rend très vulnérable : il surplombe la ville qui se développe à ses pieds au sud, mais il est lui même dominé au nord par les coteaux où s'élèvent aujourd'hui le campus 1 de Caen. De plus, son emprise est beaucoup trop vaste (5 hectares) et il n'est protégé que par une simple tour-porte située au nord de l'enceinte.[2]

Le château au XIIe siècle

Le fils de Guillaume le Conquérant, Henri Ier Beauclerc, tente de régler ce dernier problème au XIIe siècle par la construction du donjon à proximité de la tour-porte. Cette tour carrée, peut-être entourée d'un mur, est un véritable château à l'intérieur du château. Construit vers 1120, il fait partie des nombreuses tours construites par le roi d'Angleterre après sa reprise en main du duché de Normandie[3]. Mais le rôle administratif et politique du château reste prégnant. Plus ou moins à la même époque, le roi d'Angleterre fait également construire nue nouvelle aula, aujourd'hui connue sous le nom de salle de l'Échiquier. Deux fois plus grandes que la précédente, elle permet de répondre au faste de la cour royale. Cet usage survivra à Henri Ier Beauclerc, puisque son successeur Henri II d'Angleterre et ses fils (Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre) y organisent en 1182 une fastueuse cérémonie pour les fêtes de Noël afin de démontrer la supériorité de sa cour et donc son prestige à ses adversaires, notamment le roi de France Philippe II. L'étude des Grands rôles de l'Échiquier montre également que la résidence princière caennaise est l'une des plus visités par les ducs-rois. Et surtout son rôle politique et administratif y est clairement identifié, surtout à partir de 1170 quand l'administration fiscale et judiciaire est partiellement sédentarisée à Caen[3].Dans la deuxième partie du XIIe siècle, l'intérêt militaire que portent les souverains anglais au château de Caen s'amoindrit. Le duché de Normandie n'est pas tiraillé par des troubles internes importants ; la menace provenant davantage de la frontière avec la France à l'est, Richard Cœur de Lion concentre ses efforts dans la vallée de la Seine[2].

Le château royal (1204-1789)

Plan du château sous l'ancien régime
Les remaniements de Philippe Auguste

Le château de Caen est pris sans combat par Philippe Auguste en 1204. Comme ailleurs dans le duché, le roi de France entreprend d'importants travaux afin de moderniser la forteresse. Afin d'améliorer les défenses au nord, le donjon est entouré par une courtine protégée à chaque angle par une tour circulaire et isolée par un profond fossé ; l'ensemble est doublé au nord par une autre tranchée tout aussi abrupte en fer à cheval qui forme ainsi une zone tampon appelée Roquette ou Garenne. L'accès au nord étant bouché par ces aménagements, l'accès se fait désormais à l'est par une porte fortifiée, la porte des Champs. Enfin deux tours circulaires sont érigées à l'est et à l'ouest à la jonction avec les fortifications de Caen. Grâce à ses réalisations, le monarque dispose d'une citadelle plus sûre, mais il démontre également sa puissance dans l'une des principales villes de ce territoire nouvellement conquis.

De la résidence princière au pôle administratif

Le château de Caen n'est plus une résidence princière et les visites royales se font rares ; Henri IV serait le dernier à y séjourner le 12 septembre 1603, ses successeurs préférant loger en ville lors de leur passage à Caen. Le château accueille aussi parfois des hôtes de marque, comme Richard d'York, lieutenant général de Normandie et gouverneur de France et de Normandie, pendant l'occupation anglaise. Mais le château conserve surtout un rôle administratif important. L'Échiquier de Normandie s'y réunit une fois par an jusqu'à sa sédentarisation de fait en 1302 à Rouen. Le bailli de Caen, représentant du roi dans cette partie de la province, réside au sein l'enceinte du château dans le Logis du Roi, mentionné pour la première fois en 1338. Le Logis du Roi, aujourd'hui connu sous le nom de Logis du Gouverneur, abritait les appartements personnels du bailli, une chapelle privée, les bureaux du bailliage et une salle d'audience[4]. En 1450, le bailliage s'installe rue Cattehoule (actuelle rue de Geôle). Le pouvoir royal est alors incarné par le gouverneur des villes et château de Caen qui réside dans l'ancienne demeure du bailli. D'ailleurs la charge est souvent réunie à celle du bailli, quand elle n'est pas déléguée à un lieutenant général[5].

Le château dans la guerre de Cent ans

Au XIVe siècle, l'intérêt stratégique du château se trouve réaffirmé lors de la guerre de Cent ans. La forteresse devient un élément clé du dispositifs de défense de la Normandie. des travaux de défense sont effectués après la prise de Caen en 1346 ; la transformation de la poterne sud ouvrant vers la ville en véritable accès fortifié, la Porte Saint-Pierre, et la construction de la barbacane de la Porte des Champs datent probablement de cette époque. Les tractations entre la France et l'Angleterre réduisent la menace extérieur et l'activité ralentit. Le réaménagement cesse totalement au début de l'occupation anglaise qui commence en 1417 après la prise de la ville et du château par Henri V d'Angleterre. Des travaux d'envergure reprennent toutefois à partir de 1435 quand les Français entreprennent de reconquérir la Normandie ; les Anglais construisent la barbacane de la porte Saint-Pierre afin de se protéger d'une attaque venue de la ville. Après la reconquête française en 1450, le château perd définitivement tout intérêt stratégique au plan national.

Le château face aux troubles intérieurs

En tant que symbole du pouvoir, le château de Caen reste néanmoins la cible de ceux qui contestent l'autorité royale. De ce fait, on continue de moderniser le château afin de l'adapter au progrès de la poliorcétique. De 1467 à 1468, le capitaine du château et sa garnison, prennent le parti de Charles de France contre son frère, le roi Louis XI. Francois de Silly, bailli de Caen à partir de 1503, fait renforcer les murailles du château en accumulant d'épaisses masses de terre le long des remparts afin d'augmenter leur résistance à l'impact des boulets. Mais quand le château est bombardé à partir du 1er mars 1563 depuis le cimetière Saint-Julien par les troupes protestantes de l'amiral de Coligny, une brèche est ouverte dans les murailles au bout du troisième jour et les catholiques encerclés se rendent ; une troupe de 2000 hommes, commandée par François du Plessis de Richelieu, reprend finalement le château le 14 avril 1563. Dans le conflit qui oppose Louis XIII à Marie de Médicis, le gouverneur de Normandie, Henri II d'Orléans-Longueville, prend le parti de la reine-mère. Le capitaine Prudent, fidèle au gouverneur qui lui a confié le commandant du château, braque les canons sur la ville qui demande au roi d'intervenir. Du 14 ou 17 juillet 1620, le roi, assisté par César de Choiseul du Plessis-Praslin, assiège le château qui finit par se rendre. Certains proposent alors de faire raser le château, mais le roi préfère garder la forteresse malgré son failbe intérêt militaire[6]. C'est le dernier fait d'armes important dans lequel le château joue un rôle direct. Le château est pris d'assaut par les révolutionnaires en 1789, puis par les royalistes en 1815 ; mais dans les deux cas, les autorités du château laissent rentrer la population sans intervenir.

Porte Saint-Pierre et sa barbacane
Le déclin de la paroisse Saint-Georges

À partir du XVIe siècle, l'usage purement militaire du château tend à se confirmer. La population civile déserte peu à peu l'enceinte castrale. L'église Saint-Georges a été construite pour accueillir une centaine de paroissiens, mais à la fin du XVIIIe siècle, les registres paroissiaux n'enregistrent plus qu'un enterrement par an dans le cimetière de 32 m² qui entoure l'église, ce qui permet d'évaluer la population à environ 25 personnes. En outre, la part relative des familles de militaires tend à s'accroître et à devenir prédominante. Le nombre de militaires fluctue avec le temps. Après 1450, la garnison e compose de 50 hommes en armes et de 100 archers. Pendant la période d'agitation liée aux guerres de Religion, très violentes en Normandie, l'effectif remonte jusqu'à 250 têtes, avant de retomber à 50 le siècle suivant. À la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, est construit un hôtel des Invalides ; à la veille de la Révolution, cette compagnie des invalides est constituée de 70 hommes et cinq lieutenants. À cette époque, sont également cantonnés dans l'enceinte du château 4 canonniers et un commandant d'artillerie, un arsenal et des magasins à poudre y ayant été installés.

Les prisons du château

Le château est également utilisé régulièrement comme prison. Des geôles sont mentionnées dès 1184-1185 à l'angle sud-est de l'enceinte et vers la Porte des Champs ; cette prison est transférée au XVe siècle lors de l'occupation anglaise dans la rue Cattehoule et devient la geôle du bailliage qui donne son nom à la rue. À partir de cette période, la différentiation entre prisonniers militaires et civils est de plus en plus nette. On ne dispose pas de sources permettant de connaître la place des prisonniers dans le château au XVIe siècle, mais il existe de nombreux documents concernant la période courant du XVIIe au XIXe siècles. Le château de Caen n'est pas utilisé pour les prisonniers de droit commun qui sont envoyés dans la prison du bailliage ou le dépôt de mendicité de Beaulieu (La Maladrerie). Les prisonniers du château sont de deux types : les civils envoyés par lettre de cachet et les captifs pour cause de guerre. Les civils envoyés par lettre de cachet sont peu nombreux ; on en dénombre seulement 5 entre 1753 et 1787. Les témoignages des prisonniers eux-mêmes, comme celui de Charles François Dumouriez envoyé à Caen en 1774, permet de comprendre que les conditions de détention sont loin d'être difficiles. L'emprisonnement au château de Caen reste en effet une faveur du roi ; cela permet au roi ou à une famille influente d'écarter provisoirement de la société un élément gênant sans lui faire subir de condition de détention dégradante. La deuxième catégorie de prisonniers, les captifs pour fait d'armes, est plus importante numériquement, mais reste assez limitée. Le château est mis sporadiquement à disposition pour interner des prisonniers capturés lors de sédition paysanne (Nus-Pieds en 1639) ou lors de guerre avec des ennemis extérieurs (les officiers espagnols venus de Flandres entre 1643 et 1648 ou les captifs de la bataille de Denain en août 1712). Il est possible que quelques protestants aient également été emprisonnés après la révocation de l'Édit de Nantes en 1685. Les prisonniers étaient sous la surveillance de la garnison du château, mais tous les frais (habillement, nourriture, ameublements) étaient supportés par la ville. Il n'existait pas de prison à proprement parler dans le château. On utilisait telle ou telle pièce en fonction des besoins. Ainsi en 1771, il est fait mention de 3 cachots dans le donjon, 2 dans la Porte Saint-Pierre et d'une prison à bonnet de prêtre à proximité de cette dernière porte ; six ans plus tard, il semble qu'il n'y ait plus qu'une cellule située dans une des tours de la Porte Saint-Pierre. Un projet de véritable prison militaire constituée de chambres de disciplines fut proposé à la fin du XVIIIe siècle, mais jamais réalisé.

La caserne (1789-1944)

Vue du donjon en 1702
La prison révolutionnaire et la destruction du donjon

Le 18 juillet 1789, le peuple s'empare du château et confisque les armes qui y sont entreposées. Dumouriez, nommé gouverneur depuis peu de temps, accepte d'arborer la cocarde tricolore et la situation revient rapidement au calme. Pendant le reste de la Révolution française, le château est régulièrement utilisé comme prison par la ville qui peut ainsi isoler ceux qui sont identifié comme étant des ennemis de la Révolution : le nouveau gouverneur du château, le vicomte Henri de Belzunce, en août 1789 ; 84 suspects royalistes en novembre 1791 ; l'ancien secrétaire de Jacques Necker, Georges Bayeux, en août 1792 ; 230 manifestants refusant la conscription militaire en mars 1793. Les prisonniers les plus importants sont Claude-Antoine Prieur-Duvernois et Charles-Gilbert Romme, représentants en mission envoyés par la Convention nationale. Arrivés en pleine insurrections fédéralistes, ils sont assignés à résidence dans le presbytère de l'église Sainte-Georges à partir du 12 juin 1793. Ils sont libérés un mois plus tard après la défaite des troupes fédéralistes lors de la bataille de Brécourt. Afin de punir cet affront, la Convention décrète le 6 août 1793 que « le donjon et château de Caen dans lesquels la liberté et la représentation nationale ont été outragées, seront démolis. Sur les ruines du donjon il sera planté un poteau, sur lequel seront inscrits les noms des députés déclarés traitres à la patrie »[7]. Les travaux de démolition commencent dès le 18 août. Le presbytère est démoli, le donjon en grande partie arasé et la Porte Saint-Pierre endommagée.

La prison militaire

Mais la destruction s'arrête là et dans les derniers mois du Directoire, on décide de restaurer les défenses du château. En 1805, la Porte Saint-Pierre est effectivement restaurée. Le château retrouve en effet son usage militaire. Dès 1791, les derniers civils - en fait les reliquats de l'ancienne compagnie des Invalides - sont chassés du château. En 1799, un magasin à poudre est installé dans l'ancienne église ; deux autres sont construits dans l'enceinte en 1815-1818. Comme sous l'ancien régime et pendant la Révolution, il sert encore dans les deux premières décennies du XIXe siècle à emprisonner pendant un court séjour des contestataires (conscrits réfractaires, manifestants contre la cherté du blé). Ensuite la prison devient exclusivement réservée aux militaires, les prisonniers de droit commun étant envoyés à Beaulieu ou dans la prison du palais de justice. La garnison stationnée dans le château après la paix de 1814 dispose de salles de police : deux cellules - l'une destinée aux soldats, l'autre aux sous-officiers - près de la Porte Saint-Pierre et deux cachots dans la porte elle-même. Les graffitis gravés dans la pierre est une témoignage de cet usage. La véritable prison militaire se trouvait toutefois dans des locaux vétustes situés rue des Carmes. Les projets de construction d'une prison militaire dans l'enceinte du château se multiplient : 1819, 1824, 1827-1832, 1834. C'est en 1848 qu'une prison militaire est aménagée dans les bâtiments existants au sud-est de l'enceinte. Le conseil de guerre est installé au premier étage. Deux chambres, destinées aux officiers, sont rajoutés en 1854 et en 1856 un préau clos par un mur est érigé afin de permettre la promenade des officiers captifs. La prison militaire devient un espace enclos à l'intérieur de l'enceinte castrale. Pouvant accueillir 2 officiers, 37 soldats et sous-officiers, elle est jugée trop petite et est finalement fermée en 1881 quand le château est transformé en caserne.

Un rôle mineur jusque dans les années 1870

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le château occupe une place subalterne dans l'appareil militaire national et régional. Outre le conseil de guerre et sa prison, on y trouve les bureaux de recrutement, le chef de bataillon du Génie et le chef d'escadron d'artillerie. Mais le château est condamné par son archaïsme. En 1811, alors même que le blocus des ports normands par les Anglais se resserre, Napoléon Ier fustige dans une lettre adressée à son ministre de la Guerre les travaux de restauration de la Porte Saint-Pierre et précise qu'« il faudrait démolir cette citadelle et la vendre à la ville dont les promenades y gagneraient ». Inadapté au nouveau type de conflits, le château est sauvé par son importance pour le maintien de l'ordre dans une ville jugée trop frondeuse. Le 5 juin 1867, le château est définitivement rayé du tableau des places fortes, mais reste dans le domaine d'État affecté au département de la Guerre.

La caserne Lefebvre

La situation change sous la Troisième République. La défaite de 1870 amène les autorités à réorganiser totalement l'appareil militaire national et notamment son implantation territorial. Tout au long du XIXe siècle, la ville de Caen, qui - outre la caserne de Remonte - ne dispose que d'une caserne adaptée aux besoins de l'époque (la caserne Hamelin), demande l'implantation d'un régiment de cavalerie. C'est finalement une prestigieuse unité de fantassins qui s'installe au château. Le 36e RI y est cantonné par étape à partir de 1876. Vers 1877, un premier bâtiment est construit au nord de l'enceinte ; les derniers restes du donjon sont abattus, les fossés comblés et le terrain aplani afin d'aménager une vaste place d'armes. Jusqu'en 1901, le régiment est cantonné par alternance à Paris, Falaise et Caen avec le 5e RI. Après cette date, il est définitivement fixé à Caen et un nouveau bâtiment est construit perpendiculairement au premier, entre celui-ci et la Porte des Champs. D'autres unités se joignent au 36e RI dans la première décennie du XXe siècle : un bataillon du 5e RI en 1905 et les compagnies du 129e RI après 1908. Le château est donc profondément remanié afin de devenir la caserne Lefèvre. Les bâtiments de cantonnement érigés à l'emplacement du donjon sont conçus selon les stéréotypes de l'architecture militaire de l'époque :

  • un rez-de-chaussé avec les lavabos, les cantines et les bureaux des sous-officiers ;
  • deux étages où logent les troupes dans des chambrées de 25-28 hommes ;
  • des combles dans lesquels on installe les réservistes pendant leur période d'instruction ;
  • les niveaux supérieurs étant desservis par quatre escaliers, un par compagnie.

1600 hommes étaient cantonnés dans le château et ce chiffre pouvait monter jusqu'à 2400 pendant la période de service des réservistes. Jusqu'en 1914, le 36e ne prend part à aucun combat. La vie de la garnison tourne autour de la formation des conscrits et des manœuvres. Le régiment occupe alors une place importante dans la vie locale tant d'un point de vue économique que culturel. Le 36e est mobilisé le 5 août 1914 et revient triomphalement en 1919. Mais les effectifs baissent et l'unité est finalement dissoute en 1923 au grand dam de la ville. En 1938, un monument aux morts en mémoire des 8838 membres du 36e tués pendant le conflit est érigé à proximité de l'ancienne chapelle palatine. L'année suivante, le régiment est reformé et quitte Caen le 10 septembre 1940.

Allemands sur la terrasse d'artillerie (1940)
Le château après le Débarquement

Après la reddition de la France, les troupes du Troisième Reich occupent le château. Pendant le Débarquement de Normandie, des Anglais et des Canadiens y sont emprisonnés. Pendant la bataille de Caen, le secteur du château est la cible des bombardements aériens et des tirs d'artillerie. Le château et ses abords sont sérieusement endommagés :

  • l'enceinte est touchée à plusieurs endroits,
  • les bâtiments au sud de l'enceinte sont en ruine,
  • les vestiges du Vieux palais et le bâtiment nord de la caserne sont détruits,
  • les autres monuments de l'enceinte (Échiquier, salle des Gouverneurs, église Saint-Georges) sont endommagés.

À la fin du déblaiement des ruines de Caen en 1946, le château, qui n'était plus visible des Caennais depuis plus d'un siècle et demi du fait de la destruction du donjon et de l'envahissement des fossés par les habitations, réapparait. Surplombant à nouveau la ville, le château perd définitivement son usage militaire et il décidait de le restaurer et de le mettre en valeur.

Vue panoramique de l’entrée du château de Caen

L'enceinte des musées

Le rempart nord restauré

En 1946, l’archéologue caennais Michel de Boüard, décide d’entreprendre des fouilles dans l’enceinte du château de Caen pour faire réapparaître les traces médiévales. En 1967 est installé le musée des Beaux-Arts qui ouvrira ses portes en 1971.

Travaux récents

À compter de mars 2004, la municipalité de Caen, aidée par les subventions du FEDER, a entrepris la restauration des remparts. (consolidation, dégagement des meurtrières fermées au XIXe siècle). 6 000 m3 de remblai sont en cours d’évacuation, afin de mieux voir le mur d’enceinte nord-ouest, du XIIe siècle. Cette opération a mis au jour la cave d’une maison privée du XVe siècle ayant conservé une belle cheminée, une poudrière et deux murs d’une forge du XIVe siècle. Des dessins de mors (pour attacher les chevaux) y ont également été découverts, preuve de l’existence d’écuries au château à une certaine époque.

Il a été constaté une augmentation constante du volume de pierres éboulées côté rue de Geôle. Remplacement de pierres et consolidation sont engagés et seront achevés en 2008. Coût : 1,15 million d’euros.

Architecture

Vieux Palais et chapelle Palatine Saint-Georges

Guillaume le Conquérant se fait construire un palais au nord de l'enceinte dans la deuxième partie du XIe siècle. Ce palais reprend l'organisation classique des demeures seigneuriales de cette époque. Il est constitué d'un ensemble de trois bâtiments principaux, peut-être entouré par un mur le séparant du reste de l'enceinte castrale : l' aula (espace de réception officielle), la capella (chapelle palatine réservée au duc-roi et à ses proches) et les camerae (appartement de la famille ducale, puis royale). cette résidence princière conserve son rôle central jusqu'au XIIIe siècle. La construction du donjon par Henri Ier Beauclerc ne change pas la destination du palais qui reste la résidence privilégiée des rois, la camera regis. L'aula de Guillaume le Conquérant en revanche est probablement transformé en appartement privé après la construction, toujours par par Henri Ier Beauclerc, de la nouvelle aula, connue aujourd'hui sous le nom de salle de l'Échiquier. Quand le château perd son statut de résidence royale après l'incorporation de la Normandie au domaine royal français en 1204, le Vieux palais se trouve marginalisé. Il fait encore régulièrement l'objet de travaux, mais n'est plus utilisé épisodiquement pour accueillir les hôtes de marque, les représentants du roi résidant dans le Logis du Roi. Ainsi quand le duc d'York s'installe au château en 1444, le Vieux palais, très vétuste, doit être rénové. Au fil des siècles, le Vieux palais de Guillaume le Conquérant est profondément modifié au fil des siècles, la chapelle étant le bâtiment le mieux conservé. L'ensemble est finalement détruit en 1944 pendant la bataille de Caen. Les fouilles de Michel Boüard dans les années 1960 ont permis cependant d'en dégager les structures rendus lisibles au sol par des graviers sombres.

L'aula de Guillaume le Conquérant est un rectangle de 16 m sur 8. Le sol étant en terre battue, il est possible que l'étage noble se soit trouvé au deuxième niveau, le départ d'un escalier à vis ayant été retrouvé au sud-ouest de la salle. À quelques mètres au sud, s'élevait la chapelle dédiée à saint Georges, comme l'église paroissiale avec qui elle a pu être confondue par le passé. Comme il était l'usage au XIe siècle, elle se trouvait dans un bâtiment perpendiculaire à la salle d'apparat, suivant un axe sud-est - nord-ouest. Le bâtiment a été monté directement sur l'argile de la terrasse post-glaciaire sur laquelle est érigée le château ; cette absence de fondation est caractéristique des modes de construction des XIe et XIIe siècles. La chapelle était relativement imposante (16 m sur 7) et servait pour les réunions ordinaires de l'Échiquier. Au XVe siècle, on perça des baies gothiques et les murs gouttereaux furent renforcés par des contreforts ; le chevet plat fut également détruit afin de permettre l'érection d'un mur clôturant vers le sud l'ensemble des bâtiments du Vieux Palais.

Salle de l'Échiquier

Église Saint-Georges

L'ancienne église Saint-Georges

À l'emplacement de l'église actuelle, se trouvait un bâtiment de facture plus élémentaire dont on ne sait si il s'agit d'un lieu de culte préexistant ou d'une simple habitation. Orientées nettement plus à l'est, les fondations de cet édifice furent exhumées en 1964 par les archéologues du CRAM. L'église paroissiale dédiée à Georges de Lydda est construite dans la deuxième moitié du XIe siècle à l'emplacement de ce bâtiment. Les fouilles de 1964 ont permis de mettre à jour le chœur de l'église romane dont l'abside était semi-circulaire. Il s'agissait d'une église de village qui pouvait accueillir une centaine de paroissiens.[2] L'église reste dans son état originel jusqu'au début du XVe siècle. Sévèrement touchée par les bombardements anglais lors du siège de 1417, elle est profondément remaniée dans la deuxième moitié de ce siècle. Les travaux commencent probablement pendant l'occupation anglaise ; la charpente recouverte de lambris couvrant la nef est sûrement due à un charpentier anglais. Les fenêtres romanes sont bouchées et on perce des grandes baies de style "modérément flamboyant". Le clocher que l'on observe sur les gravures du XVIIe siècle date sûrement de cette époque également. Fin XVe siècle - début XVIe siècle, le chœur est reconstruit dans le style gothique. Au sud de la nef, sont érigés une chapelle et le portail actuel.

À partir du XVIe siècle, les civils désertent le château. En 1779, les registres paroissiaux n'enregistrent plus qu'un enterrement par an dans le cimetière de 32 m² qui entoure l'église, ce qui permet d'évaluer la population à environ 25 personnes[8]. L'église paroissiale est désaffectée pendant la Révolution. Du 3 au 28 mars 1793, on y enferme 230 personnes ayant manifesté contre l'enrôlement militaire[9]. En 1799, l'église est transformée en magasin à poudre[8]. En 1827, le service du Génie propose de détruire l'église afin de permettre la construction d'une prison militaire ; le projet est abandonné en 1832[9]. Après que le château a été transformé en caserne, l'ancienne église sert un temps de salle d'armes[4].

Pendant la bataille de Caen en 1944, le château est à nouveau bombardé. Le presbytère et le pignon sud de la nef sont détruits. L'ancien lieu de culte est restaurée. Pour rappeler ce passé cultuel, des stalles provenant de l'église Saint-Jean de Caen y sont installées et une table de pierre est disposée dans le chœur afin d'évoquer le souvenir de l'autel disparu. Les vitraux sont confiés à Max Ingrand dans le chœur et à Maurice Rocher dans la nef. Dans le cadre du projet de réaffectation du château à l'université, il est programmé que l'ancienne église soit occupée par l'aumônerie des étudiants. Cette proposition est abandonnée et Saint-Georges est converti en mémorial en souvenir des pertes civiles de la bataille de Caen en 1964. La dépouille d'une victime anonyme est inhumée dans l'ancien lieu de culte. Moins de vingt ans plus tard, le mémorial change d'affectation. En 1979, le corps de la victime inconnue est exhumé pour être inhumé de nouveau au chevet de l'ancienne église qui est utilisée à partir de 1980 par le musée de Normandie qui y organise des expositions temporaires.[10]

Logis des Gouverneurs

Façade principale

La première référence concernant ce bâtiment, alors appelé Logis du Roi, date de 1338[11]. Construit sans doute au début du XIVe siècle, c'était la résidence privée du bailli On y trouvait également une salle d'audience et les bureaux du bailliage. Ceux-ci furent transférés à proximité de la prison de la rue Cattehoule (actuelle rue de Geôle) après 1450. Le Logis du Roi devint donc la demeure du capitaine du château, enfin celle du gouverneur « des ville et château de Caen ».

Le bâtiment fut presque entièrement reconstruit au XVIIe siècle. Les contreforts des façades de l'aile sud et la tour d'escalier à l'intérieur de la cour sont des vestiges du bâtiment originel. En novembre 1680, Robert-Jean-Antoine de Franquetot, comte de Coigny, gouverneur du château et bailli de Caen, passa un accord avec Pierre Cottard, architecte du roi, pour remettre en état le Logis du Roi. Les travaux furent terminés en 1682. Les armoiries de la famille des Guillotte-Franquetot-Coigny, qui conservèrent les charges de gouverneur et de bailli jusqu'à la fin de l'ancien régime, étaient gravées sur le fronton.

Au XIXe siècle, le Logis des Gouverneurs est utilisé comme salle d'armes. En 1834, le Génie propose de le transformer en prison militaire, mais le projet ne fut pas réalisé. Quand le château fut transformé en caserne, l'ancienne demeure du bailli abrita le mess des officiers, une bibliothèque et une salle de conférences[12].

En 1944, sa toiture est soufflée, mais le gros œuvre a résisté. Dans les années 1950, on décide d'y installer le musée de Normandie. En 1958, le bâtiment est rénové ; c'est à cette époque que le grand escalier extérieur est supprimé. En 1960, les services du musée s'installent et le musée ouvre ses portes au public en décembre 1963. En 1978-1990, le musée est agrandi. Des réserves sont creusées sous la cour et une nouvelle aile est construite au nord, donnant ainsi au bâtiment la forme d'un U.

Donjon et remparts

Galerie

Notes et références

  1. Joseph Decaëns, « Le temps des châteaux », dans les Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, L'architecture normande au moyen-âge, Éditions Charles Corlet/Presses universitaires de Caen, Condé-sur-Noireau/Caen, 1997, tome 1, p. 177-180
  2. a , b , c , d  et e Joseph Decaëns, « Le premier Château, de Guillaume le Conquérant à Richard Cœur de Lion (XIe ‑ XIIe siècles) », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), Mémoires du Château de Caen, Milan, Skira ; Caen, Musée de Normandie, 2000, p. 15-21
  3. a  et b Annie Renoux, « Résidences et châteaux ducaux normands au XIIe siècle » dans les Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, op. cit., p. 197-217
  4. a  et b Jean-Yves Marin, « Estre espécial reffuge et retrait en cas de doubte et effroy », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), ibid., p. 23-33
  5. Pierre Gouhier, « Baillis et gouverneurs au Château de Caen », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), ibid., p. 169
  6. Guillaume-Stanislas Trébutien, Caen, son histoire, ses monuments, son commerce et ses environs, guide du touriste, Caen, F. Le Blanc-Hardel, 1870 ; Brionne, le Portulan, Manoir de Saint-Pierre-de-Salerne, 1970, p. 37-38
  7. Décrets n°1336 et 1338 de la Convention nationale placardé dans la ville de Caen (bibliothèque municipale de Caen)
  8. a  et b Pierre Gouhier, « De la forteresse à la caserne, 1450-1870 », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), ibid., p. 29-33
  9. a  et b Joëlle Allais, « Les prisons du Château de Caen du XVIIe au XVIIIe siècles », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), ibid., p. 99-103
  10. Jean-Jacques Bertaux, « L'enceinte des musées », dans Jean-Yves Marin et Jean-Marie Levesque (dir.), ibid., p. 41-47
  11. Dossier pédagogique sur la château de Caen par le Musée de Normandie
  12. Blog du 36e

Liens externes

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