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L'Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie (yiddish : Algemeyner Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland ou אַלגמײַנער ײדישער אַרבײטערסבונד אין ליטאַ, פוילין און רוסלאַנד ; russe Всеобщий еврейский рабочий союз в Литве, Польше и России), le plus souvent connu sous l'abréviation Bund (בונד, Бунд)), est un mouvement socialiste juif créé à la fin du XIXe siècle dans l'Empire de Russie. Le Bund a toujours été opposé au sionisme et s'est battu pour l'émancipation des travailleurs juifs dans le cadre d'un combat plus général pour le socialisme. Le Bund s'est également opposé aux tendances centralistes des bolcheviks russes.

Sommaire

Les débuts en Russie

Membres du Bund veillant le corps de trois de leurs camarades, tués à Odessa durant la révolution de 1905.

Le Bund a été fondé à Wilno (Vilnius aujourd'hui, capitale de la Lituanie) le 7 octobre 1897. Il cherchait à unifier tous les travailleurs juifs de l'Empire russe dans le cadre d'un parti socialiste unifié. L'empire russe comprenait à l'époque la Lituanie, la Lettonie, la Biélorussie, l'Ukraine et la plus grande partie de la Pologne. Dans ces pays, vivaient la majorité de la population juive du monde. Le Bund chercha, dès les premières minutes de son existence, de s'allier avec le large mouvement social-démocrate russe afin de construire une Russie démocratique et socialiste. Dans une telle Russie, le Bund espérait voir les Juifs se faire reconnaitre comme un groupe ethnique ayant un statut légal de minorité nationale.

Le Bund était un parti socialiste laïque, s'opposant à ce qui lui paraissait réactionnaire dans la vie traditionaliste juive en Russie. Créé avant le Parti des ouvriers social-démocrate russe (POSDR), le Bund fut reconnu comme étant une faction constituante de ce parti au Congrès de Minsk tenu en mars 1898. Dans les cinq années suivantes, le Bund fut reconnu comme étant le seul représentant des travailleurs juifs au sein du POSDR, bien que beaucoup de socialistes russes d'origine juive, spécialement ceux vivant en dehors de la zone de peuplement juif, rejoignaient le Parti directement.

Au second congrès du POSDR tenu à Bruxelles et à Londres en août 1903, le statut de l'autonomie du Bund à l'intérieur du parti fut rejeté à la majorité et les délégués du Bund quittèrent alors le Congrès, la première scission d'une longue série qui devait frapper ce parti dans les années suivantes.

Le Bund rejoignit formellement les rangs du POSDR lorsque toutes ses factions se réunifièrent au 4e congrès (de l'Unité) tenu à Stockholm en avril 1906, néanmoins le parti resta fracturé autour de dissensions ethniques et idéologiques. En général, le Bund tendait à soutenir la faction des Mencheviks conduite par Julius Martov et s'opposait à la faction bolchévique conduite par Vladimir Lénine, et ce durant toutes les luttes factionnelles qui agitèrent le Parti social-démocrate jusqu'à la Révolution d'Octobre 1917.

Le Bund s'opposa fermement au sionisme, arguant que l'émigration en Palestine n'était qu'une forme de fuite en avant. Il est à noter que Lénine qualifia les bundistes de « sionistes ayant le mal de mer ». Le Bund ne défendait pas le séparatisme, fondé sur la culture, ou sur un État ou un endroit comme devant être la colle qui rassemblerait un nationalisme juif. En cela, il suivait les thèses de l'école marxiste autrichienne, ce qui tendit encore plus à éloigner le Bund des Bolcheviks et de Lénine.

Le Bund mit en avant l'utilisation du yiddish comme langue nationale juive et s'opposa aux efforts des sionistes de faire revivre l'hébreu. Cela n'empêcha pas beaucoup de bundistes d'avoir des sentiments sionistes, et le Bund souffrit toujours d'une hémorragie continuelle de militants qui prenaient le chemin de l'émigration. Beaucoup de bundistes devinrent des militants des partis socialistes en Palestine, puis en Israël.

Le Bund se répandit principalement parmi les artisans et les ouvriers juifs mais aussi parmi l'intelligentsia juive qui se développait. Il agit aussi bien en tant que Parti (dans les limites que les conditions politiques du moment permettaient) que comme syndicat.

Le Bund n'hésita pas à s'allier avec les sionistes socialistes et d'autres groupes pour former des milices d'auto-défense qui se chargeaient de protéger les communautés juives des pogroms ou des actions gouvernementales. Durant la Révolution de 1905, le Bund fut à la pointe du combat, en Biélorussie tout particulièrement.

Comme les autres partis socialistes en Russie, le Bund accueillit la Révolution de février 1917, mais ne défendit pas la Révolution d'octobre menée par les Bolcheviks. Comme les mencheviks et les autres partis non-bolcheviks, le Bund appela à l'assemblée d'une Constituante russe. Le leader du Bund à Petrograd, Mikhail Liber, fut ainsi violemment pris à partie par Lénine. Avec la guerre civile russe et l'augmentation inquiétante des pogroms antisémites des nationalistes et des Blancs, le Bund reconnut le gouvernement soviétique et ses membres combattirent dans l'Armée rouge en grand nombre. Étant donné la situation, le Bund se scinda, perdant son aile gauche emmenée par Heifetz au profit des bolcheviks. Ceux-ci furent vite suivis par la faction centrale conduite par Moyche Rafes. La tendance était de s'unifier avec le Parti socialiste juif unifié pour former le Bund juif communiste, ou Kombund, qui, à son tour, rejoignit le parti bolchévique en 1921. En 1922, le Bund avait cesse d'exister comme parti indépendant dans la nouvelle Union soviétique. Beaucoup d'anciens militants du Bund furent des victimes des purges staliniennes des années 1930.

Le Bund sous la Deuxième république polonaise (1918-1939)

La coopération avec le Parti socialiste polonais (PPS, gauche nationaliste) était difficile en raison de l'antisémitisme très ancré chez de nombreux électeurs polonais. Le PPS craignait d'être étiqueté comme un « parti judéophile » par la propagande des endeks (Parti national démocratique, droite antisémite) et reporta donc pendant longtemps la coopération organisationnelle avec le Bund.

De son côté, Józef Piłsudski (1867-1935), un des fondateurs du PPS qui devint le premier président (1920-1922) de la Pologne redevenue indépendante, puis son dictateur de 1926 à 1935, a eu une attitude clairement hostile à tout antisémitisme et favorable à un nationalisme polonais inclusif, non raciste. C'est sous son impulsion, afin d'assimiler politiquement les Juifs et de concurrencer le Bund, qu'une section juive du PPS fut mise en place en 1901.

Lors des dernières élections municipales avant l'occupation de la Pologne par l'Allemagne et l'Union soviétique en 1939, le Bund devint le plus important des partis juifs. En janvier 1939, 17 des 20 élus juifs au conseil municipal de Varsovie étaient des bundistes (dus en grande partie aux dissensions à l'intérieur du mouvement juif ultra-orthodoxe Agoudath Israel), 11 sur 17 à Łódź. Un début de coopération entre le Bund et le PPS s'était par ailleurs pour la première fois mis en place, sans listes communes mais avec des appels réciproques de vote pour l'autre liste là où seul l'un des deux partis de gauche se présentait. Cette alliance rendit possible une victoire de la gauche dans la plupart des grandes villes : Varsovie, Łódź, Lwów (à l'époque polonaise), Piotrkow, Cracovie, Białystok, Grodno, Vilnius (Wilno à l'époque polonaise), etc.

Le Bund ne fut toutefois jamais représenté au parlement polonais (Sejm) où les autres partis juifs (sionistes, orthodoxes d'Agoudat Israel ou libéraux laïcs du Folkspartei), obtinrent pourtant des sièges soit en coopérant avec des partis d'autres minorités (Ukrainiens, Biélorusses, Lituaniens, Allemands) ou en formant des cartels juifs. Après ses succès municipaux en décembre 1938 et janvier 1939, le Bund espéra transformer l'essai aux législatives prévues pour septembre, mais la Pologne fut occupée le 1er septembre 1939 conformément au Pacte germano-soviétique.

L'invasion de la Pologne par l'Allemagne fut suivie par l'entrée des armées soviétiques en Pologne orientale conformément aux dispositions du pacte germano-soviétique. Un certain nombre de dirigeants et de structures du Bund se retrouvèrent dans les territoires annexés par l'Union soviétique. Après l'invasion nazie, les bundistes jouèrent un rôle important dans la résistance armée des populations juives contre l'occupation nazie dans ces régions. L'activité du Bund fut cependant freinée par la répression stalinienne. En pleine guerre, Staline ordonna l'exécution de deux des principaux dirigeants du Bund. Wiktor Alter et Henryk Erlich furent fusillés à Moscou en décembre 1941 sous l'accusation cynique et mensongère d'être des agents de l'Allemagne nazie.

Un représentant du Bund, Samuel Zygelbojm, siégea au sein du gouvernement polonais en exil à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale et les militants de ce parti, dont Marek Edelman, jouèrent un rôle important dans l'insurrection du ghetto de Varsovie.

Après la guerre, le Bund participa aux dernières élections législatives de 1947 sur une liste commune avec le PPS et obtint alors le seul siège de député de son histoire en Pologne, ainsi que des sièges dans des conseils municipaux, pour s'autodissoudre « volontairement » deux ans plus tard, sous la dictature communiste.

Aujourd'hui

Le Bund a participé au gouvernement polonais en exil à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide.

Le Bund existe encore formellement au XXIe siècle en tant que Bund travailliste juif, organisation associée à l'Internationale socialiste, mais la Shoah a anéanti les populations au sein desquelles il était enraciné et seules des sections subsistent en diaspora (États-Unis, Canada, Australie).

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie indicative

Le Bund

français
  • Daniel Blatman, Notre liberté et La Vôtre - Le Mouvement ouvrier juif Bund en Pologne, 1939-1949, 2002, ISBN 2-204-06981-7 (recension)
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  • Henri Minczeles, Histoire générale du Bund, Un mouvement révolutionnaire juif, Éditions Denoël, Paris, 1999, ISBN 2-207-24820-8
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  • Nathan Weinstock, Le Pain de misère, Histoire du mouvement ouvrier juif en Europe - L'empire russe jusqu'en 1914, Paris, La Découverte, 2002, (tome I) ISBN 2-7071-3810-X
  • Nathan Weinstock, Le Pain de misère, Histoire du mouvement ouvrier juif en Europe - L'Europe centrale et occidentale jusqu'en 1945, Paris, La Découverte, (tome II) ISBN 2-7071-3811-8
  • film: Nat Lilenstein (réal.), Les Révolutionnaires du Yiddishland, 1983, Kuiv productions & A2 (recension)
autres langues
  • J. Frankel, Jewish politics and the Russian Revolution of 1905, Tel-Aviv, Tel Aviv University, 1982
  • Jack Lester Jacobs (ed.), Jewish Politics in Eastern Europe : The Bund at 100, Zydowski Instytut Historyczny--Instytut Naukowo-Badawczy, New York, New York University Press, may 2001, ISBN 0-8147-4258-0
  • Bernard K. Johnpoll, The politics of futility. The General Jewish Workers Bund of Poland, 1917-1943, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1967
  • N. Levin, While Messiah tarried : Jewish socialist movements, 1871-1917, New York, Schocken Books, 1977
  • N. Levin, Jewish socialist movements, 1871-1917 : while Messiah tarried, London, Routledge & K. Paul (Distributed by Oxford University Press), 1978
  • Y. Peled, Class and ethnicity in the pale: the political economy of Jewish workers' nationalism in late Imperial Russia, New York, St. Martin's Press, 1989
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  • A.K. Wildman, Russian and Jewish social democracy, Bloomington, Indiana University Press, 1973

Les Juifs sous la Deuxième République polonaise

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  • Chimen Abramsky, Maciej Jachimczyk and Antony Polonsky, The Jews in Poland, Basil Blackwell, 1986, ISBN 0-631-16582-7
  • Yisrael Gutman, Ezra Mendelsohn, Jehuda Reinharz and Chone Shmeruk (eds), The Jews of Poland between two World wars, University Press of New England (published for Brandeis University Press), Hanover - London, 1989, ISBN 0-87451-446-0
  • Celia S. Heller, On the edge of destruction. Jews of Poland between the two World Wars, Columbia University Press, New York, 1977, ISBN 0-231-03819-4
  • Joseph Marcus, Social and political history of the Jews in Poland, 1919-1939, Mouton Publishers, Berlin- New York - Amsterdam, 1983, ISBN 90-279-3239-5
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