Belgicisme

Belgicisme

Français de Belgique

Le français de Belgique est une variante régionale du français. Il est différent du wallon qui est une langue d'oïl, au même titre que le picard (également parlé en Belgique) ou le normand. Le français de Belgique se différencie peu de celui de France ou de Suisse (voir français de Suisse). Il se caractérise par des archaïsmes[1], des belgicismes, des wallonismes, des termes bruxellois ou brusseleir et se distingue avant tout par l'accent.

Ce qui passe en France pour être l'accent belge est en réalité l'accent bruxellois, qui habille le français de fortes influences flamandes, au niveau de l'intonation et des expressions utilisées. Il est en fait très différent des accents trouvés dans la partie francophone du pays. Il s'agit principalement des accents wallons (dans les régions de Liège, de Namur, de Charleroi, le Brabant wallon et le Luxembourg belge) et picard (dans l'ouest de la province de Hainaut : Mons, Tournai, Mouscron) . Il est vrai que dans leurs tentatives, souvent maladroites, d'imiter cet accent, les Français ponctuent fréquemment leurs phrases d'un "une fois" et d'un "sais-tu", expressions qui ne peuvent pas cohabiter : la première est bruxelloise, la seconde est wallonne.

Sommaire

Les belgicismes

Un belgicisme est un fait de langue propre au français de Belgique et commun à toutes les régions francophones du pays. Même si le français parlé en Belgique est plus proche du français parlé en France que de celui parlé au Québec, il existe un grand nombre de belgicismes issus de termes oubliés ou inusités dans les autres pays francophones.

Certains belgicismes se retrouvent dans d'autres régions francophones (Suisse…), où ils ne portent plus ce nom : septante (« soixante-dix »)[2], nonante (« quatre-vingt-dix »)[2], à tantôt (à tout à l'heure)[2]. On retrouve également des termes wallons qui se sont répandus aux autres régions, comme avoir facile (« n'avoir aucune difficulté »), ou des emprunts au néerlandais et à d'autres langues germaniques : une dringuelle (des étrennes, du néerlandais drinkgeld et de l'allemand Trinkgeld, pourboire)[2]. Certains belgicismes sont aussi des termes propres au système administratif belge (athénée[2], bourgmestre[2], accises[2]).

Certains belgicismes ne se rencontrent pas dans certaines parties de la Belgique francophone. Cependant, un grand nombre de belgicismes sont employés dans le Nord de la France à cause de la proximité culturelle et des échanges transfrontaliers.

Fréquence d'utilisation

La fréquence d'utilisation des belgicismes, comme l'intensité de l'accent, varie en fonction de la région et du milieu culturel. Certains sont toujours utilisés, à commencer, bien entendu, par les belgicismes administratifs (cf infra), ou utilisés la plupart du temps, comme septante, au point que l'usage de soixante-dix par un Belge fait généralement passer le locuteur pour quelqu'un de prétentieux qui veut "faire Parisien". D'autres, à l'inverse, sont d'un usage beaucoup plus rare, dans des milieux plus restreints.

En dehors de ces extrêmes, les belgicismes les plus fréquemment utilisés sont les mots pour lesquels il n'y a pas d'équivalent tout à fait exact en français, comme le wallonisme astruquer, qui s'utilise quand la nourriture se retrouve dans la trachée au lieu de l'œsophage, ou le terme bruxellois klouch (voir liste infra). C'est également le cas lorsque le belgicisme véhicule des connotations différentes. L'emploi conscient de belgicismes peut aussi résulter de la volonté du locuteur de "faire belge", d'afficher sa belgitude ou son appartenance wallonne ou bruxelloise dans des circonstances particulières.

Origines

La Belgique possède trois langues nationales, dont le français, influencé parfois par les langues des autres régions ou pays limitrophes, comme le néerlandais, l'allemand, l'anglais ou le luxembourgeois.

Le français est présent depuis très longtemps dans la partie romane de la Belgique. Selon le professeur Félix Rousseau :

« À part Tournai et le Tournaisis, fief français, la principauté de Liège, les comtés de Namur, de Hainaut, de Luxembourg se trouvaient en terre d’Empire, donc situés en dehors des frontières politiques de la France. Et cependant, dès le XIIIe siècle, c’est le français qui est adopté partout comme langue littéraire. Voilà le fait capital de l’histoire intellectuelle de la Wallonie. Sans aucune contrainte, de leur pleine volonté, les Wallons sont entrés dans l’orbite de Paris et, depuis sept siècles, avec une fidélité qui ne s’est jamais démentie, n’ont cessé de participer à la culture française. Certes le français employé dans nos régions au moyen âge sera un français provincial, un français émaillé de wallonismes ou de picardismes suivant les cas. Les réussites seront variables suivant le degré d’instruction. Le français de chez nous ne sera ni plus ni moins provincial que celui qui est en usage dans la plupart des provinces françaises à la même époque.[3] »

Le français parlé en Belgique s'inspire beaucoup des langues vernaculaires de l'aire romane francophone :

Les belgicismes issus du wallon sont spécifiquement appelés wallonismes.

Les habitants francophones de Belgique n'ont aucune difficulté à comprendre le français standard. Les médias français, ou encore les films français, sont en effet couramment diffusés en Belgique, ce qui permet aux Belges francophones d'être perméables aux francismes. Les Belges francophones auront dès lors du mal à percevoir leurs propres régionalismes et ne connaissent pas les autres régionalismes français.

Exemple : un belge francophone considèrera bouteille (de gaz) et bonbonne comme des synonymes, mais n'aura pas la même définition du cornet qu'un Lorrain (=sachet).

Taxonomie des belgicismes

On peut citer :

  • les belgicismes phonétiques qui ne diffèrent pas par l'orthographe mais par la prononciation.
    • Ainsi, dans de nombreux mots, le son /ɥi/ (ui) se prononce comme le son /wi/ (oui) en France métropolitaine (une fouite dans un des houit pouits en rouine [yn.fwɪt.dɑ̃.zœ̃.de.wɪ.pwɪ]). Si un Français signale cette différence [ɥɪ] et [wɪ] (ui/oui), un Belge ne perçoit pas (ou difficilement) la différence. Cela est sans doute dû au fait qu'il a l'oreille habituée au son bilingue. Cela ressemble à la tendance en France à ne plus différencier les sons un [œ̃] et in [ɛ̃], ce qui les pousse à ne plus distinguer des mots comme brun et brin tous deux prononcés [bʁɛ̃]. En Belgique, au contraire, ces deux sons sont parfaitement distincts. Le W se distingue clairement du V comme Wagon qui en France se prononce généralement Vagon et non Ouagon.
    • Autre particularité belge, la nette différence entre les sons finaux -ai et -ais, le premier se prononçant [e] (é) et le second [ɛ] (è). Il en résulte pour avantage que le Belge confond rarement le futur simple et le conditionnel en écrivant.
    • La prononciation de ê ou ai devant un m ou n s'apparente souvent à hein nasalisé, par exemple même se prononce main-me, fontaine se prononce fontain-ne. (Ceci est limité à une partie de la Wallonie seulement, et n'est pas valable, par exemple, pour la région liégeoise). Cette prononciation est toutefois perçue comme fautive par les intellectuels.
    • Le ch se prononce parfois g, si le mot suivant commence par une voyelle : "Il a gagné par trois mang' à zéro". Mais l'inverse est plus fréquent, à savoir l'assourdissement des consonnes finales : fromage prononcé fromaach, moutarde prononcée moutart; Madrit au lieu de Madrid, Bakdat au lieu de Bagdad'…
    • L'accentuation traînante de certaines voyelles, par exemple Lyon qui se prononce Li-yon, Léon qui se prononce Leyon ou encore seul qui se prononce parfois comme son féminin seule.
    • Certains mots avec un t final maintiennent souvent la prononciation de celui-ci, par exemple des mots tels que huit [wɪt] et vingt [vɛ̃t].
    • Les sons longs et courts sont généralement mieux distingués qu'en France métropolitaine, tant à la prononciation qu'à la compréhension, la distinction étant généralement signifiante dans les langues germaniques voisines, et ainsi dans les noms propres de lieux et de personnes qui font le quotidien des habitants. Plus généralement, la prononciation des noms d'origine néerlandaise est respectée (Vanne deik et non Vent dik pour Van Dyck). La prononciation de certains noms de coureurs cyclistes sur les antennes françaises fait beaucoup rire les Belges.
    • La syllable "ay" est toujours prononcée "é". On dit "cobé pour cobaye, et même Nathalie Bé pour Nathalie Baye, ce qui ferait beaucoup rire les Français s'ils avaient l'occasion d'écouter les antennes belges.
  • les belgicismes archaïques. On remarque à la première écoute les mots « septante » et « nonante », dont les correspondants dans la majorité de la francophonie sont respectivement « soixante-dix » et « quatre-vingt-dix ». Ces nombres ne sont pas vraiment des belgicismes puisqu'ils sont aussi utilisés en Suisse, en République démocratique du Congo, au Burundi (très couramment) et dans certaines parties de l'est de la France (Lorraine, Savoie…). Ils étaient encore couramment utilisés dans l'ensemble de la France jusqu'à la fin de la Renaissance. Septante et nonante sont de stricts héritages du latin, alors que quatre-vingt et quatre-vingt-dix sont des traces de l'héritage celte (ils comptaient en base 20).

L'influence du néerlandais a donné également des bizarreries comme "cent et un", "cent-et-deux"…

  • les belgicismes administratifs qui sont les purs produits de l'administration belge. Ils rejoignent en cela le mécanisme d'invention de termes par l'administration québécoise ou française. On peut ainsi citer toute la série de noms de métiers féminisés en mars 1989 qui n'ont pas encore d'équivalents officiels en français de France. Les fonctions spécifiques au royaume (échevin, adjoint du bourgmestre) ont pour certains une origine archaïque. De même pour les professions éducatives, dans le primaire on dit instituteur et non maître (qui a en Belgique une connotation de pouvoir comme le maître face à l'esclave ou la carte maîtresse dans un jeu de carte).
  • les belgicismes d'origine germanique comme bourgmestre qui vient du néerlandais Burgemeester pour désigner le premier magistrat d'une commune. Ou encore ring pour route périphérique, qui est également un belgicisme germanique, et qui permet l'utilisation d'un même mot dans les trois langues nationales. Ou enfin le besoin de retrouver deux verbes "pouvoir" (mogen et kunnen en néerlandais, équivalents à may et can en anglais, ) et ainsi d'utiliser pouvoir pour "may" et savoir pour "can". Dès lors, contrairement aux Français, les Belges n'utilisent l'expression "avoir le droit de" que dans des contextes juridiques ou moraux.
  • les belgicismes de sens. Certains mots n'ont pas le même sens en Belgique que dans les autres pays francophones.
    • La cassonade en Belgique est un sucre roux obtenu d'un mélange de sirop cristallisé principalement de betterave. Au Canada, il s'agit de sucre de canne brun.
    • « outre-Quiévrain » désigne la France pour les Belges et « outre-Quiévrechain » la Belgique pour les Français.
    • Déjeuner, diner, souper qui sont aussi des faux belgicismes (cf infra). Torchon, chocolats, gâteaux et bien d'autres n'ont pas le même sens qu'en France.
  • Un belgicisme (bruxellois) d'origine hébraïque. "Tof" (épatant) de l'hébreu "Tov" (Hébreu:"טוב"; bon, bien, épatant). Mais ce mot a probablement transité par le néerlandais, où il est d'utilisation courante.

Exemples

Outre les exemples cités plus haut :

  • s'abaisser : se pencher « Fais un peu attention, quand tu t'abaisses, on voit ton derrière. »
  • affonner : boire d'un coup un verre (faire un à-fond) = cul-sec. « Affonne ta bière ! »
  • aller à la toilette : aller aux toilettes (fait l'objet d'une blague (cf infra) traditionnelle, désobligeante pour les Français)
  • aller à la cour : aller aux toilettes
  • aller au cours : aller en cours
  • assez bien pour apprécier une quantité[4] : Il y avait assez bien de monde. pour Il y avait pas mal de monde.
  • à tantôt : à tout à l'heure.
  • une aubette: un abribus ou un kiosque à journaux
  • au plus[4] : Au plus on boit, au plus on a soif ! pour Plus on boit, plus on a soif !
  • auditoire : grande salle de cours, amphithéâtre[2]
  • auto scooter : auto tamponneuse
  • avoir bon : peut être compris dans le sens « avoir une réponse correcte » → « j'ai eu bon à la question » mais également un endroit ou une situation dans lesquels on se plaît → « j'avais bon dans mon lit », ou encore "il s'est fait réprimander, moi j'avais bon", ça me faisait plaisir
  • avoir quelque chose de bon : avoir en réserve, en droit « J'en ai encore cinq de bon » (calque du néerlandais tegoed hebben).
  • balatum : Linoléum (à l'origine une marque déposée)
  • bardaf : interjection, quelque chose entre "vlan !" et "boum !".
  • baxter : goutte-à-goutte (ce mot vient de la marque qui commercialise ces goutte-à-goutte)
  • beamer : vidéoprojecteur
  • blague : histoire drôle
  • blouch : petit dégât de carrosserie. Le blouch est creux, c'est l'inverse d'une bosse.
  • boiler : (prononcer "boilère" à la française) chauffe-eau
  • Bob : capitaine de soirée (celui qui ne boit pas et ramène ses amis après la fête). Être Bob[5]
  • bonbonne : bouteille de gaz
  • bottines : grosses chaussures de marches
  • boule[4] : bonbon
  • brol : désordre (range ton brol, fieke !) ou objet de mauvaise qualité (ce bric à brac, c'est du brol. ou Quel bric à brac dans ce brol ! [2]; ou encore cet outil, c'est du brol, un jouet de Saint Nicolas".
  • brosser les cours[4]: sécher les cours, faire l'école buissonnière
  • être busé[4] : être recalé à un examen
  • cailler : avoir très froid. Faire caillant, faire un froid de canard.
  • ça va : généralement à la fin d'une phrase ou explication afin de dire "avez vous compris?"
  • canule : frappe puissante au football ou idiot, peu instruit.
  • carabistouille[6] : baliverne.
  • carrousel (ou sa forme fautive carroussel) : manège forain qui tourne simplement en rond, notamment de chevaux de bois[7].
  • cervelas : agglomérat de viandes, appelé aussi « chasseur » et mangé dans les friteries.
  • chicon : endive (chicorée ou endive, butée en terre ou cultivée à l'obscurité pour rester blanche)
  • chipoter : bouger des choses sans but précis ou sans réel travail de fond. « Elle chipote (dans ; à ; avec) ses cheveux quand elle s'ennuie. » ; « Elle chipote encore dans sa maison mais ne fait plus de gros travaux. »
  • clenche (la variante clinche est considérée comme incorrecte) (néerlandais: klink) : poignée de porte[4]. Se dit aussi en Lorraine.
  • clignoteur : clignotant (d'un véhicule)[2]
  • cloche : une ampoule (aux pieds ou aux mains)
  • copion : antisèche
  • couque[4] : mot féminin désignant une viennoiserie (par exemple couque au chocolat pour pain au chocolat). La couque suisse est une brioche aux raisins[2]
  • coussin : oreiller
  • craboudja ou caraboudja : gribouillis souvent réalisés par des enfants en bas âge (mot surtout fréquent en Wallonie), « dessine un peu correctement, tu n'arrêtes pas de faire de craboudjas »
  • crème : crème glacée. Une crème a également à un autre sens figuré pour parler d'un personne ou d'un animal qui est doux, affectueux ou gentil, on dit alors par exemple : « Ce labrador, c'est une crème de chien. »
  • crève-misère : expression péjorative désignant une personne vivant dans la précarité (crève-la-faim)
  • cuistax : sorte de karting mû à la force des jambes par un pédalier.
  • cumulet[6] : en gymnastique, culbute.
  • dame de cour : préposée aux toilettes (la célèbre madame pipi)
  • dire quoi : dire ce qu'il en est (par exemple : « Je vous téléphone et je vous dis quoi. »)
  • divan : sofa.
  • donner une baise[4] : pour donner une bise
  • doubler (une année scolaire) : redoubler. Si on y réfléchit, redoubler une année, c'est la faire quatre fois !
  • ducasse : la fête foraine. Se dit aussi dans le Nord de la France et dans le Pas-de-Calais[2].
  • écolage : apprentissage.
  • encoder : saisir, entrer, composer quelque chose dans la machine. Encoder le nom et le mot de passe.
  • endéans : dans une période de temps déterminée Je vous réponds endéans la semaine. (équivalent de l'anglais within)[7]
  • entièreté : totalité, intégralité
  • exemplatif : à titre exemplatif, à titre d'exemple
  • essuie de bain : serviette de bain[2]
  • essuie de vaisselle : serviette de cuisine, torchon[2] (voir ce mot)
  • faire de son nez ou Faire de son Jan (pron. Yanne), ou encore, recomposition humoristique, faire de son Jean Gabin) : être arrogant, hautain[2],[7]
  • faire la file : faire la queue[2]. La même divergence existe entre l'anglais britannique (stand in a queue) et l'anglais américain (stand in a line).
  • farde[6] : un classeur, une chemise pour documents ou une cartouche (de cigarettes).
  • feu ouvert : âtre
  • filet américain ou américain : steak tartare.
  • fréquenter (avec) quelqu'un : être « fiancé » avec quelqu'un. Fréquenter (tout court) avoir un(e) ami(e)
  • frigolite : polystyrène (à l'origine une marque déposée : Frigolith).
  • friture : friterie[4]
  • frotteur : petit instrument servant à effacer un tableau, qui en Belgique n'est pas un "tableau noir". D'ailleurs, il est le plus souvent vert.
  • gâteau : sens beaucoup plus restreint qu'en France. Les gâteaux français sont souvent des couques ou des biscuits en Belgique.
  • gletter : laisser tomber des gouttes et, plus particulièrement, baver en buvant un liquide « Tu glettes toujours en buvant ta soupe ? »
  • gosette : chausson aux fruits[2]
  • goulaffe : gourmand
  • goûter (verbe intransitif) : plaire par le goût (comme dans « ça te goûte ? » qui veut dire « ça te plaît ? ».)[2]
  • griffe : dans le sens de griffure, rayure[2]
  • GSM (ou simplement G) : téléphone portable. Un portable désigne plutôt un ordinateur.
  • guindaille Origine : texte satirique entre amis d'un ordre d'étudiants, déclamé lors d'une soirée. Sens actuel : fête, beuverie (surtout pour les étudiants) (verbe : guindailler)[7]
  • Gyproc : désigne les plaques de gypse, "placoplatre" (Gyproc est une marque déposée)
  • haché[4] (substantif) : viande hachée, hachis
  • heure de fourche : heure libre entre deux périodes de cours[2],[4]
  • il n'en peut rien[4] : il n'y peut rien
  • il (ne) peut mal de… : cela ne risque pas de… (« Il (ne) peut mal de se casser, ce vase. » pour Il ne risque pas de se casser, ce vase.)[4]; ça ne peut mal de s'enflammer. Variante : Tu ne peux mal (Tu ne risques rien).
  • journal de classe : agenda scolaire individuel, carnet de communication.
  • kicker : baby-foot.
  • latte : double ou triple décimètre plat, par opposition à la règle, qui est de section carrée.
  • logopède : orthophoniste
  • loque à reloqueter[4] : serpillière
  • manne (ou manne à linge) : panière, pot à linge
  • mandaï (ou mandaille) : personne occupée à des travaux physiques ingrats.
  • mitraille : petite monnaie, « Vous pouvez m'échanger la mitraille ? »
  • moi bien[4] : dans Tu ne crois pas à la dévaluation du dollar. Moi bien ! pour Moi, si !
  • narreux : facilement dégoûté, exigeant sur la propreté, qui a peur d'attraper des microbes… (exemple : « tu refuses de boire au même verre que moi, quel narreux ! »)
  • nous autres (deux) : Nous (deux).
  • oui, sans doute ? : Certainement pas (Bruxelles).
  • (assurance) omnium : assurance tous risques.
  • paf être ou rester (tout) paf : être a quia, être ébahi.
  • pain français : baguette
  • pet [pɛt] : le derrière, les fesses.
  • pistolet : petit pain rond[2].
  • place : avoir une bonne place = avoir un bon job. Voir la place : voir la différence, après un nettoyage par ex.
  • plaquer : coller de sueur et de saleté. « Les doigts des enfants plaquent». Variante bruxelloise : plekker
  • plumier[6] : trousse d'écolier pour les stylos, les crayons, les bics et feutres.
  • postposer : reporter dans le temps. « Je voudrais postposer ce rendez-vous. »[2]
  • pralines : chocolats. En France, ce mot a un sens plus spécifique
  • que pour[4] : pour, « Il est trop poli que pour être honnête »
  • rajouter une bûche : humoristique pour "augmenter le chauffage" (que ce soit chez soi ou à bord d'un véhicule)
  • ramassette : pelle à poussière, pelle à balai[2],[4]
  • renon : résiliation d'un contrat de bail ou d'assurance. Donner son renon : résilier
  • rétroacte[4] : antécédent, événement antérieur
  • sacoche[4] : sac à main, réticule
  • savonnée : mélange d’eau et de savon pour nettoyer le sol
  • s'encourir : s'enfuir. « Je me suis encouru de là. »
  • s'il vous plaît[4] : pour demander de répéter (pour plaît-il ?, pardon ?) ou en tendant un objet (pour voici, je vous en prie)[2], équivalent au néerlandais (littéralement alstublieft = s'il vous plaît)
  • SMS : texto (import de l'anglais)
  • spéce : bizarre (abréviation de « spécial », mais avec une signification un peu différente). « Ils sont spéces, ces gens ! »
  • spitant : débordant d'énergie (en parlant d'une personne)[2],[7]
  • spiter : éclabousser (par exemple : « Quand j'ai ouvert le robinet, l'eau m'a spité à la figure. »), le sp se prononce chp dans l'est de la Wallonie (influence allemande)
  • tchouler : pleurer, sangloter, de manière forte et sonore.
  • tapis-plain : moquette.
  • tirer son plan : se débrouiller (calque du néerlandais : zijn plan trekken)[2],[4]
  • tirette : fermeture éclair
  • toquer (à la porte) : frapper à la porte.
  • torchon : serpillère
  • trémie : accès routier ou ferroviaire vers une voie souterraine
  • valves : tableau d'affichage sous des avis dans une école ou une administration[7].
  • vidanges[4] : bouteilles consignées

Mots ou expressions venant du wallon (les mots accompagnés de (W) sont encore ressentis comme typiquement wallons, bien que largement compris et utilisés) :

  • Astruquer (W): boire quelque chose de travers, et s'étouffer
  • Au matin (W) : ce matin.
  • baraki (W): personne dont l'attitude vestimentaire, le langage et le comportement sont peu raffinés, voire vulgaires
  • avoir difficile : avoir des difficultés
  • baraque à frites : roulotte convertie en friterie
  • bauyau : quelqu'un d'assez lent d'esprit, peu énergique et peu débrouillard.
  • boutroule : nombril. Par extension : ventre.
  • kukuche ou kikiche : qui mange salement, surtout pour les enfants, comme dans « Tu as encore fait le kikiche, petit garnement ! »
  • jatte : tasse ( du Wallon "jate" qui veut dire tasse). À défaut d'indication contraire (une jatte de lait), il s'agit de café. On dira: "Vous voulez une jatte ?". Ajouter "de café" est presque un pléonasme.
  • lumer (W): être allumé (la lampe fonctionne, elle lume !), éclairer (ça lume très fort / lume-moi !)
  • michepape ou michepopotte: gadoue, bouillie, comme aiment confectionner les enfants en mélangeant des tas de choses.
  • nenni hein ! (W): Mais non ! (cette expression qui, en France, est un archaïsme, est encore largement usitée dans la région de Liège)
  • oufti ! (W) : ça alors ! (exclamation vive) (origine : wallon liégeois)
  • pesteller (W): piétiner, trépigner, faire les cent pas (exemple : Arrête de pesteller comme un veau, tu m’énerves !). Comparer avec l'anglais to pester (harceler).
  • poigner dans un sac, par exemple : y plonger la main, en vue de prendre une poignée de ce qu'il contient.
  • un lourd pot : désigne une personne maladroite. Expression apparentée : avoir deux mains gauches.
  • rawette (W): petite quantité, souvent excédentaire.
  • sais-tu ? (W): même sens qu'en français de France mais beaucoup plus fréquent en Wallonie qu'en France, où on dira plutôt "tu sais" ou "vois-tu ?". Cette bouteille, on ne saurait pas l'ouvrir, sais-tu ? pour « Cette bouteille, on n'arrive pas à l'ouvrir. ».
  • sketter (W): casser[8]
  • spotché (W), francisation du wallon spotchi : écrasé, écrabouillé
  • taper à gaille (W): choisir au hasard (gaye signifie noix en wallon)
  • tchinisse (W): petit objet, généralement sans grande valeur ; désordre. « Range un peu tes tchinisses sur la table. » ou " Quel tchinisse ! "
  • todi ou toudi (W): toujours
  • wachoter : se dit d'un liquide secoué dans un récipient. "Marche doucement avec ton seau, ça wachote !"
  • Dicton : C'est toudi les p'tits qu'on spotche : ce sont toujours les petits qu'on écrase. Equivalent français : la raison du plus fort est toujours la meilleure.

Mots ou expressions venant du flamand (pas nécessairement du néerlandais) ou termes bruxellois (les mots accompagnés de (FL) sont encore ressentis comme typiquement flamands ou bruxellois, bien que largement compris et utilisés dans le reste du pays) :

  • au vogelpik (FL): (prononcer vaugueulepic)au hasard (le vogelpik est un jeu de fléchettes).
  • (faire) blinquer[4] (FL): (faire) briller (du néerlandais blinken)
  • bourrin : paysan (du néerlandais boer)
  • cent et un[4] : cent un (calque sur le néerlandais honderd en een)
  • crollé[4] : bouclé (cheveux). Comparez au néerlandais krullend ou à l'anglais curly. Un crollé désigne également une personne d'origine étrangère de type méditerranéenne ou africaine (sens péjoratif). Une crolle est une boucle de cheveu, ou un tracé circulaire (Son écriture comporte beaucoup de crolles).
  • dikkenek (FL) (littéralement « gros cou ») ou stoeffer (FL): (prononcer stouffeur) vantard.
  • douf (FL) : chaleur étouffante. « Il fait douf ici. » Avoir une douf : être ivre.
  • drache (nationale)[4] : forte pluie. Par extension, s'applique également aux abondantes libations (de bière).
  • drève : une allée (néerlandais dreef)
  • en rue[4] : dans la rue.
  • en stoemelings (FL): (prononcer stoumelings) à la dérobée.
  • klet ! : paf !
  • klette : nullité (d'une personne). Ex : "Quel klette, ce pei !"
  • klouch (FL): « juste un klouch de sauce », une cuillère de sauce (Bruxelles). Le terme s'utilise surtout pour des sauces consistantes, lorsqu'il faut faire un mouvement brusque avec la cuillère pour l'en décoller.
  • kocheler (FL): la nettoyeuse, la technicienne de surface (terme assez péjoratif)
  • kot : petit réduit, cagibi (un kot à balais). Chambre d'étudiant. Verbe : koter disposer d'un kot (cokoteur : colocataire). Un kot désigne également un cachot dans un commissariat : « Une personne en garde à vue est mise au kot (FL) ("placée en cellule") ». Autre signification : un frietkot (FL) (ou baraque à frites) un commerce ambulant où l'on peut acheter des frites (en paquet ou cornet) et autres snacks (boulettes, frica(n)delles , cervelas, avec ou sans picallily…).
  • lamzak (FL): un sac à merde (insulte). « Dikke lamzak ! » se traduit par « Gros sac à merde ».
  • ne pas savoir de chemin avec quelqu'un (FL): ne pas savoir comment s'y prendre avec quelqu'un (pour se faire obéir), être irrité par quelqu'un. « Cette mère ne sait pas de chemin avec son gamin. »[7]
  • non, peut-être ? : « oui, évidemment » (Bruxelles)
  • oui, sans doute ! : certainement pas !
  • où ce qu'il est ? : « où est-il ? »
  • pei, mei (FL): homme, femme (souvent légèrement péjoratif)
  • salutkjes (FL): au revoir, à la prochaine (salut suivi du diminutif flamand -kjes).
  • schief (FL): (prononcer skhîf) de travers (néerlandais: scheef)
  • scherp (FL): étroit
  • slache : sandale ou pantoufle
  • snot (FL): morve
  • snul (FL): idiot, incapable
  • stuut (FL): un imprévu, une contrariété
  • Volle gaz, ou Volle petrol (FL) : rapidement (littéralement : plein gaz).
  • zat (FL): ivre.
  • zinneke (FL): (chien) bâtard.
  • ziverer (pron. zîverèr) (FL): une personne qui répète toujours la même chose, qui dit sans cesse des bêtises. Verbe : ziverer (pron. zîveré) (FL)

Certains alcools, inconnus ailleurs qu'en Belgique, y font partie du langage courant. On peut citer la kriek qui est une bière lambic dans laquelle on a mis des cerises, le Peket, qui est un genièvre, aujourd'hui souvent aromatisé avec des goûts variés (citron, fraise, melon, …), toute une série de Bières belges tels que la Jupiler, la Chimay, la Leffe et des centaines d'autres.

Des belgicismes peuvent également se retrouver dans la grammaire :

  • jouer football : jouer au football (de construction syntaxique germanique : voetbal spelen en néerlandais, Fußball spielen en allemand).
  • savoir : pouvoir (« Je ne saurai pas venir chez vous ce soir. » pour je ne pourrai pas.)
  • Le français de Belgique remplace parfois le subjonctif présent par l'infinitif du verbe. Exemple : « Voilà un essuie, pour t'essuyer. » pour Voilà une serviette de bain pour que tu t'essuies.[réf. nécessaire] ou encore "Voici des tartines pour toi manger"

Précisons encore que l'emploi des belgicismes n'est pas toujours généralisé, bien qu'ils soient compris. Par exemple, le terme oufti est spécifiquement liégeois. Lorsqu'un Bruxellois, par exemple, utilise une telle expression, il le fait avec un "clin d'oeil", il sous-entend "comme dirait un Liégeois". Exactement comme un Parisien qui dirait "peuchère !" ferait allusion à Marseille. Jouer football est surtout utilisé dans les régions influencées par les parlers germaniques (comme les cantons de l'Est).

Des faux belgicismes

L'usage actuel en France de certains termes est parfois le fait d'innovations parisiennes qui se sont répandues assez largement en France, mais pas dans les zones périphériques (Belgique, mais aussi Suisse et Québec).

  • déjeuner : le repas du matin (déjeuner signifie étymologiquement « sortir du jeûne », donc plus logique pour le premier repas de la journée)
  • dîner : le repas de midi, qui vient du latin vulgaire disjunare, « rompre le jeûne » et qui signifiait au XIe siècle « prendre le repas du matin ».
  • souper : le repas du soir
  • septante, nonante, Ces formes existaient aussi en France. L'Académie française a adopté définitivement le système vicésimal pour 70, 80, 90 au XVIIe siècle. Ils étaient encore utilisés dans toute la France dans les années 1920.

Commentaires sur les wallonismes

Ce sont des faits de langues propres au français de Wallonie. Ce sont soit des mots en wallon passés tels quels ou transformés, dans la langue française régionale (chien de corotte, de tchin d'corote, littéralement un chien de gouttière, c'est-à-dire un chien bâtard), ou des expressions wallonnes traduites littéralement (avoir facile de aveûr åjhey, ne pas avoir de difficultés).

Certains wallonismes comme spitant sont entrés dans le dictionnaire. D'autres comme maquée (fromage blanc), sont encore régulièrement utilisés, parfois sans que les locuteurs se doutent qu'il s'agisse en fait d'un mot wallon ou picard. Il en va de même pour de très nombreux mots originaires du wallon et passés depuis longtemps dans le français, du très célèbre houille à d'autres, depuis si longtemps francisés qu'on en oublie l'origine (estaminet ou encore, dans un autre registre, Spirou, le mot wallon pour un écureuil). Le picard a également donné de nombreux mots au français (rescapé).

Des toiles célèbres de l'art wallon s'intitulent sans problème La Belle Hiercheuse alors que hiercheuse (« ouvrière qui tire les wagonnets de charbon ») est un mot wallon. On utilise en wallon le mot maïeur pour désigner familièrement (quoique presque officiellement), le bourgmestre (maire) en Wallonie.

Parfois les mots wallons sont utilisés dans une conversation française, mais avec leur sens originel, comme faire enrager (taquiner, mais en plus fort) ou des mots comme toudi (en wallo-picard) ou todi (en wallon liégeois) pour toujours. L'expression amon nos ôtes (chez nous), est utilisée par les adversaires des manifestes wallons, pour assimiler la culture wallonne à une réalisation étriquée et localiste de la culture ou même la revendication autonomiste.

D'autres termes, encore utilisés, même en dehors des locuteurs habituels du wallon peuvent encore se dire comme grandiveux (personne hautaine ou arrogante), ou spèpieux pour désigner quelqu'un d'exagérément méticuleux.

Le cougnou est un pain brioché fabriqué à la Noël qui a une forme allongée. La rabosse est un chausson aux pommes (rabote en d'autres régions). La flamiche (fabriquée à Dinant lors des fêtes d'automne) est une tarte au fromage. La tarte al'djote est aussi une tarte au fromage, mais fabriquée à Nivelles.

Curieusement le wallon, qui tend à s'affaiblir, a été durant toute l'expansion industrielle de la Wallonie la langue des entreprises de pointe, en particulier les charbonnages, dont les chevalements ont des noms wallons, comme châssis à molettes par exemple.

Ainsi, les mots wallons ne sont pas uniquement utilisés pour le folklore (comme les blancs moussis de Stavelot, par exemple). Beaucoup de Wallons émaillent leur français de mots wallons, dont on a parfois pu dire que, sans être un argot, il en a un peu la fonction. Ainsi vont les ké novèle ? (« et alors, comment va ? »), les liards (« l'argent »), bramin (« beaucoup ») et autre dji vou bin (« je veux bien », mais exprimant une réserve).

Il existe enfin de nombreux noms de lieu qui n'ont que leur forme wallonne, comme Houte-Si-Plout (du wallon liégeois : « écoute s'il pleut »). Liège est parfois appelée familièrement de son nom wallon Lîdje. Il en va de même pour la dénomination des habitants de certaines localités (ex : les Borkins, habitants de Saint-Hubert), les noms de rue, et jusqu'à certains slogans politiques contemporains comme nucléaire, rastreins valè (« nucléaire, non merci »).

Cependant, beaucoup de ces wallonismes ne sont effectivement employés que dans une partie de la Belgique francophone, voire de la Wallonie. Seule une partie d'entre eux se sont réellement répandus partout. Mais il y a en cela une constante évolution : si les Wallons aiment émailler leur français d'expressions wallonnes, ils le font en pleine connaissance de cause. En d'autres termes, ils sont parfaitement conscients que ces mots sont wallons et non français. Mais à la longue, certains mots finissent par être compris de tous, même des Bruxellois, et passent dans la langue française de Belgique. Au stade ultime, on finit parfois par oublier l'origine wallonne du mot.

Dans de nombreux cas, il est difficile de discerner à quel stade précis on en est de cette évolution. Le mot est-il encore un wallonisme ou est-il devenu un belgicisme ? La frontière est souvent floue.

Faits de langue propres au français de Bruxelles

Le français de Bruxelles-Capitale est parfois appelé le bruxellois, mais le terme est ambigu : il existe un bruxellois à prédominance flamande et un bruxellois à prédominance française, les deux mélangeant les deux langues à des degrés différents.

S'agissant du "bruxellois francophone", ses expressions et tournures viennent de l'histoire même de Bruxelles. Avant le milieu du XIXe siècle, la ville était d'expression néerlandaise (de dialecte brabançon, voir Francisation de Bruxelles). Il en reste l'utilisation du diminutif flamand -ke (Marieke pour Marie, le manneken-pis (littéralement « le petit homme qui pisse ») ou néerlandais -je (ketje, « p'tit gars »), l'utilisation d'un vocabulaire flamand (un ket, un gars, une pintje, un verre de bière), ou la traduction littérale d'expressions flamandes (le célèbre une fois, traduction littérale du mot néerlandais eens (kom eens hier! « viens un peu ici ! »).

L'on reconnaîtra toujours l'imitateur du français de Belgique à cette manie de placer le célèbre une fois en fin de phrase : l'authentique Bruxellois l'utilisera lui à bon escient dans le corps de la proposition comme facteur diminutif, une sorte d'expression proche de la politesse en cherchant à réduire l'impact de la demande formulée.

Le tutoiement est encore très courant à Bruxelles. L'explication est probablement à aller chercher dans le néerlandais (en contact permanent avec les francophones de Belgique). La deuxième personne de politesse U n'y est effectivement utilisée que dans des circonstances très formalisées et c'est plutôt la forme commune je (volontiers rapprochée du tu français) qui l'emporte.

Autre expression bruxelloise célèbre et populaire : Non peut-être ?!, signifiant « Oui sûrement », ou, inversement "Oui sans doute", qui, prononcé d'une certaine manière, signifie "Sûrement pas".

Expression témoignant d'un ras le bol généralisé et bilingue (alternance de code linguistique) : Trop is te veel. (« Trop c'est trop. »), à mettre en rapport avec l'expression "En français comme en flamand", qui signifie "c'est un fait incontestable".

Il existe d'autre part en Belgique et spécialement à Bruxelles une habitude (étonnante pour les étrangers) de mêler les deux langues dans les inscriptions bilingues sur les affiches, les devantures de magasins ou même dans la signalisation officielle, sans clairement les différencier. Les mots ou chiffres qui s’écrivent de la même manière en français et en néerlandais ne sont pas répétés. Sur les plaques des rues, par exemple, lorsque le nom de celles-ci est un nom propre il n'est écrit qu'une seule fois. On peut donc lire : Avenue de Broquevillelaan (laan = avenue). Certains mots hybrides sont parfois créés de cette manière, comme le nom du KunstenFESTIVALdesArts (kunsten étant en néerlandais la traduction du mot arts).

Les Bruxellois ont également une manière toute particulière d'exprimer les liens familiaux ou d'amitié. Ainsi, ils diront « ma femme, sa sœur » pour parler de la sœur de leur épouse. Dans Le Mariage de Mademoiselle Beulemans, célèbre pièce du théâtre bruxellois, monsieur Beulemans rencontrant le père de son employé Albert s'exclame « Albert, son père ». Il s'agit d'un calque d'une tournure courante du génitif en néerlandais : Piet zijn vriend pour l'ami de Piet.

La prononciation et les accents

Les accents des francophones de Belgique ne sont pas uniformes : on retrouve principalement trois grandes familles d'accents, l'accent bruxellois, l'accent picard et l'accent wallon.

L'accent bruxellois est le plus célèbre, c'est le fameux accent belge généralement imité par les humoristes français. C'est en fait du français prononcé avec un accent flamand brabançon plus ou moins intense. Bien que tombant en désuétude, il s'entend encore. Cet accent authentique peut encore s'entendre dans l'un ou l'autre quartier spécifique ou une couche sociale particulière : les Marolles, le béguinage, le quartier du Meyboom (ou plutôt ce qu'il en reste), les corps professionnels bilingues (pompiers, policiers…).

L'accent picard est le même que celui que l'on retrouve dans le nord de la France. En Belgique, on le retrouve dans la partie occidentale du Hainaut (Mouscron, Ath, Tournai, Mons).

On peut distinguer différents accents wallons : l'accent carolorégien (Charleroi), l'accent namurois, l'accent ardennais et l'accent liégeois. Ce dernier est de loin le plus prononcé (la palme d'or revenant probablement à la commune de Dison près de Verviers, à l'est de Liège, ou aucune voyelle nasale n'existe).

Le parler des locuteurs belges a cependant de nombreux traits communs :[9]

  • absence d'opposition entre [ɑ] et [a] ;
  • maintien d'une opposition entre [ɛ̃] et [œ̃] (brin et brun se prononcent différemment) ;
  • maintien d'une opposition entre au [o] et o [ɔ] (peau et pot, fausse et fosse se prononcent différemment) ;
  • prononciation de [ɛ] au lieu de [e] dans les syllabes ouvertes atones (les est prononcé [] ;
  • prononciation des voyelles finales suivies d'un e muet comme des voyelles longues (amie [a.'miː], boue [buː]), parfois ajout d'une semi-voyelle (aimée [ɛ.'meːj], Lucie [ly.'siːj] ;
  • assourdissement des consonnes sonores finales (d se prononce [t], b se prononce [p], une grande digue devient [yn.grɑ̃t.'diːk]) ;
  • subsistance de [ʀ] au lieu de [ʁ] ;
  • prononciation, parfois, de [lj] au lieu de [j] dans certains mots où il y avait jadis [ʎ] (travailler, ailleurs) ;
  • absence de la semi-voyelle [ɥ], remplacée par [w] devant i (fuir [fwiʁ]) et par [y] ailleurs (tuer [ty.(w)'e]) ;
  • utilisation des voyelles à la place des semi-voyelles dans certains mots (lion [li.'ɔ̃], buée [by.(w)'e], louer [lu.(w)'e]) [10].
  • Un [j] en français standard précédé d'une consonne et suivi d'une voyelle se prononce [ʃ] ou [ʒ] : [tʃɛ.'ʁɪ] pour Thierry, [di.'dʒe] pour Didier, [ka.'tʃa] pour Katia, [go.'tʃe] pour Gauthier et [bʒɛʁ] pour bière.
  • [ɛn] et [ɛm] sont souvent prononcés [ɛ̃n] et [ɛ̃m] respectivement. Ainsi peine se prononce [pɛ̃n] et même se prononce [mɛ̃m].
  • Dans les mots où les Français prononcent le w [v], les Belges prononcent le plus souvent [w]. Ainsi entend-on [wa.'gɔ̃] pour wagon, [we.'se] pour W.-C., [ve.'we] pour VW, [be.ɛm.'we] pour BMW, etc. Il n'y a guère d'exception que pour quelques mots notoirement allemands, et encore ! Notons par ailleurs que les mots Wallonie et wallon se prononcent respectivement [wa.lɔ.'ni] et [wa.'lɔ̃], même en français de France[2].
  • Vingt se prononce parfois [vɛ̃t] quand le mot est isolé ou en fin de phrase. À Paris, il ne se prononce [vɛ̃t] que dans les nombres vingt-deux à vingt-neuf et en liaison devant une voyelle ou un h non aspiré [11].

D'autres traits plus typés se retrouvent en zone dialectale wallonne.

  • existence de [h] comme phonème dans la région liégeoise ;
  • Les voyelles sont souvent longues (Liège [lieːʃ], maigre [meːgʁ], poudre [puːdʁ]), voire [meːk] et [puːt] pour les personnes parlant avec un accent prononcé, et l'allongement a fréquemment une valeur phonologique (tigre [tiːk] avec la chute des consonnes finales opposé à tic [tik] ;
  • Certains [t] disparaissent en milieu de mot ([mɛ̃ .'nɑ̃] pour maintenant[réf. nécessaire] ;
  • Les i se prononcent parfois [ɪ] (ministre [mɪ.nɪstʁ], la ville).
  • "Le u" se prononce parfois [ʌ] quand il est bref: Le bus, le cactus…

Ces prononciations très typées sont très stigmatisées.

Code

  • code de langue IETF (en) : fr-be


Notes

  1. Selon Georges Lebouc : http://tf1.lci.fr/infos/sciences/recherche/0,,3913415,00-belgicisme-.html
  2. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z  et aa Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2007, Dictionnaires Le Robert, Paris.
  3. Félix Rousseau, Wallonie, terre Romane, Ed Jules Destrée, 1967, page 42.
  4. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z  et aa J. Hanse, A. Doppagne, H. Bourgeois-Gielen, Chasse aux belgicismes, Fondations Charles Plisnier, 1987 
  5. http://www.bob.be/
  6. a , b , c  et d Petit Larousse Illustré
  7. a , b , c , d , e , f  et g Joseph Hanse, Albert Doppagne, Hélène Bourgeois-Gielen, Nouvelle Chasse aux belgicismes, Office du bon langage (Fondation Plisnier), Bruxelles, 1974, 170 p. 
  8. Slogan classique dans les manifestations houleuses : "Et ric, et rac, on va sketter l'barraque, et rac, et ric, on va sketter l'boutique".
  9. Pour l'ensemble du paragraphe : Philippe Hambye, Michel Francard & Anne Catherine Simon, Phonologie du français en Belgique, bilan et perspectives, F.N.R.S. - Centre de recherche Valibel (Université catholique de Louvain, Belgique), disponible sur [1]
  10. Maurice Grevisse et André Goosse, Le Bon Usage, 14e édition, éditions De Boeck et Larcier, 2008, § 22-36.
  11. (fr) Définitions lexicographiques et étymologiques de vingt du CNRTL.

Bibliographie

  • Christian Delcourt
    • Dictionnaire du français de Belgique (A-F), Éditions Le Cri, Bruxelles, 1998 (ISBN 2-87106-203-X)
    • Dictionnaire du français de Belgique (G-Z), Éditions Le Cri, Bruxelles, 1999 (ISBN 2-87106-214-5)
  • J. Hanse, A. Doppagne, H. Bourgeois-Gielen, Chasse aux belgicismes, Fondations Charles Plisnier, 1987 
  • André Goosse, Les influences du flamand sur le français en Belgique [en ligne], Bruxelles, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2008. Disponible sur :

<http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/goosse090801.pdf>

  • Daniel Blampain (dir.), André Goose, Jean-Marie Klinkenberg et Marc Wilmet, Le français en Belgique: une langue, une communauté, Duculot, 1997, 530 p. (ISBN 2801111260) 
  • Georges Lebouc, Dictionnaire de belgicismes, Éditions Racine, Bruxelles, 2006 (ISBN 978-2-87386-477-4)
  • Cléante, Tours et expressions de Belgique, prononciation, grammaire, vocabulaire, Éditions DUCULOT

Liens internes

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Voir « liste de belgicismes » sur le Wiktionnaire.

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