Art olmèque

Art olmèque
Un des « jumeaux » dEl Azuzul au musée d'anthropologie de Xalapa, (Veracruz)

Lart olmèque se manifeste par une grande maîtrise de la sculpture et de la ciselure. Il ne sera dépassé par aucune autre civilisation précolombienne[1],[2]. Cette maîtrise est visible aussi bien dans lart colossal que dans lart miniature.

Les artistes olmèques élaboraient leur art dans largile, la pierre et le bois ainsi que sur quelques peintures rupestres. La création artistique de cette civilisation nous conduit à distinguer lart monumental ou art colossal et lart mineur ou art mobilier. Les matériaux utilisés sont le basalte et landésite puis la serpentine, le jade-jadéite et lobsidienne.

La culture olmèque, entre 1200 av. J.-C. et 500 av. J.-C., première des grandes civilisations de la Mésoamérique, invente lécriture, en utilisant les pictogrammes-idéogrammes et le calendrier. Mais cest sans nul doute son art exceptionnel, tant par sa richesse iconographique que par ses qualités techniques, qui est une référence et un héritage pour toutes les cultures postérieures. Ainsi lécriture maya va puiser ses racines dans le premier système glyphique élaboré par lart olmèque. Les Toltèques, les Zapotèques jusquaux Aztèques et toutes les autres civilisations de lAmérique moyenne vont se référer aux Olmèques dans de nombreux autres domaines quils soient artistiques, techniques, religieux ou intellectuels.

Sommaire

Historiographie

Carte des principaux sites olmèques.
Article détaillé : Olmèque.

Lart olmèque est inconnu jusquen 1862, année de la découverte fortuite de la première tête colossale à Hueyapan (Veracruz) par José María Melgar y Serrano. Il faut attendre 1925 pour découvrir dautres mégalithes olmèques. Les spécialistes Frans Blom, archéologue, et Olivier La Farge, ethnographe, explorent la Côte du Golfe ainsi que le Sud-Est du Mexique. Leurs premières découvertes dœuvres olmèques sont malencontreusement confondues avec des œuvres mayas. Larchéologue Hermann Beyer, dans les années trente, donne le terme « olmèque » à ce nouvel art. La culture et lart olmèque sont ainsi définis et le terme est officialisé en 1942 par les olmécologues pour désigner la civilisation Mère de la Mésoamérique dont les centres les plus importants connus sont La Venta, San Lorenzo Tenochtitlán, Laguna de los Cerros, Tres Zapotes et Cerro de las Mesas, dans les États actuels de Tabasco et de Veracruz, ainsi que Tlacozotitlan et Abaj Takalik situés au Guerrero et au Guatemala. Alfonso Caso et Miguel Covarrubias vont par la suite définir les traits culturels de la Mésoamérique et larchéologue nord-américain Matthew Stirling, va mettre en évidence les sites clés de la Côte du Golfe qui feront lobjet de fouilles et de découvertes artistiques olmèques importantes.

Afin de bien comprendre lémergence de lart olmèque il faut spécifier que cette civilisation est à la source dun style artistique et dune iconographie qui sintègre au préclassique mésoaméricain, dans la chronologie générale, entre 1200 et 500 avant J.C.

Les premières fouilles archéologiques sur la civilisation olmèque ont révélé des pratiques rituelles sur des ossements humains. On a pu constater des mutilations dentaires et des déformations crâniennes. Ces pratiques bien que terrifiantes de nos jours avaient une symbolique forte et lon peut admirer sur certaines sculptures, en jade notamment, la représentation par lartiste de ces us et coutumes. Concernant lécriture et bien quelle suscite des controverses chez les spécialistes on peut affirmer aujourdhui, avec la découverte de la Stèle de Cascajal, que lexistence dune écriture était en vigueur chez les olmèques dès 1200 av. J.-C. Cette stèle révèle toute son importance car il sagit de la plus ancienne écriture découverte en Amérique. Lapparition dune écriture olmèque (pictogrammes-idéogrammes) évoque par conséquent plus un langage quune simple ornementation. Il sagit certainement dun « langage des signes »[3] relevant en priorité du domaine religieux et du champ sociopolitique. Lidée dune écriture basée uniquement sous la forme didéogrammes est donc à exclure.

Lart olmèque est porteur de tous ces signes que lon peut trouver inscrits en premier lieu sur les terres cuites puis sur dautres supports, tels que la pierre. Selon lécole française promue par Christine Niederberger et reprise notamment par Caterina Magni, la culture olmèque est un ensemble multiethnique et plurilinguistique cest-à-dire que leur présence est attestée à des niveaux doccupation anciens sur la Côte du Golfe, dans le Bassin de Mexico et le long de la côte Pacifique dans les États du Guerrero, Oaxaca et Chiapas, mais surtout au-delà des frontières mexicaines, jusquau sud du Costa Rica. Les Olmèques sont pour dautres spécialistes rattachés à la famille linguistique Maya pour Michael D. Coe et mixe-zoque pour Gareth Lowe qui fait référence à la langue Popoluca, du groupe macromaya mixe-zoque, parlée par les habitants vivant sur la côte du golfe.

Architecture

Pyramide de La Venta

Larchitecture olmèque est monumentale et va sintégrer à lenvironnement[4].
La pyramide avec sa base quadrangulaire ou arrondie, construite en terre battue, représentait le centre cérémoniel. L'architecture des plus grands sites olmèques, à La Venta ou à San Lorenzo, est considéré comme l'exemple architectonique le plus achevé de lÉpoque I. Ainsi la pyramide conique sur le site de La Venta (30 mètres de haut) ou celle de San Lorenzo (2 km de long sur 1 km de large), le terrain de jeu de balle, la présence dun système de drainage, combinés à l'art monumental sont les précurseurs des sites mésoaméricains postérieurs.

Sculpture

Typologie des représentations

Dans l'art olmèque la figure y est très abondante. Les spécialistes analysent chaque partie de lœuvre afin de comprendre son sens général. On peut sapercevoir, considérant la multitude de pièces archéologiques retrouvées à ce jour, que la figure humaine est le thème principal de lart olmèque. La deuxième place est donnée aux figures hybrides parmi lesquelles lhomme-jaguar est prédominant, alors que les œuvres animalières sont troisièmes dans ce classement.
La figure olmèque se présente sous trois formes bien distinctes : la figure hybride, la figure zoomorphe et la figure anthropomorphe. Cette distinction[5] nest pas seulement qu'esthétique. Avant toute chose, il sagit de comprendre que cest un art religieux dans lequel limagerie olmèque évolue dans un ensemble hiérarchisé au sein de la relation homme-animal. La figure du jaguar est donc omniprésente, mais la figure animale est représentée sous bien d'autres formes (serpent, aigle, cerf, singe, poisson photo, etc.).

Figure hybride

Exemple de figure hybride : « Were-jaguar », hache olmèque en jade.

Caterina Magni a élaboré un tableau[6] qui permet de comprendre les différentes situations ou évolutions de lhomme à lanimal et inversement de lanimal à lhomme. Ces manifestations artistiques suggèrent une reconnaissance méthodique de la relation homme-jaguar et de sa réciproque jaguar-homme. Le meilleur exemple est celui de limage du "Were-jaguar", l'apparence humaine et la figure de l'animal simbriquent intelligemment (photo).

Des spécialistes vont affirmer que les caractéristiques communes sur les figures et les masques olmèques sont en fait les traits dun félin, notamment celui du jaguar. Ces représentations artistiques montrent par conséquent à quel niveau les relations homme-jaguar et jaguar-homme sont essentielles dans la culture olmèque. Limage du "Were-jaguar" est une figure mythique et majeure de lart olmèque dont les traits anthropomorphes et zoomorphes sunissent pour former une créature hybride.
Le "Were-jaguar" est un motif récurrent de lart olmèque. Il sagit dune transformation humaine en jaguar. Maintes fois sculptées sur de nombreux supports et aussi incisées sur des haches en jade, les représentations du "Were-jaguar" montrent une variété de modèles et de sujets bien plus vastes que ceux représentant la figure dite du "Baby-face" ou les figures masculines en jade à la déformation crânienne. Ainsi la figure du "Were-jaguar" peut aussi bien montrer une transformation humaine en jaguar que le contraire (Photo). De même, il y a plusieurs figures du "Were-jaguar", le sujet semble être dans une étape de la transformation (Photo, Photo). Pour le "Were-jaguar", ou de façon plus générale les transformations de la figure animale et humaine, il convient de dire que ces figures qui décrivent cette transformation sont pour certains spécialistes la représentation dhommes avec des masques danimaux ou des costumes danimaux comme laigle, le crocodile et le serpent. Peter David Joralemon[7], par exemple, va identifier sur la statue du « Seigneur de Las Limas » huit éléments spécifiques au "Were-jaguar". Le thème de la figure hybride est donc vaste et complexe pour être décrit de façon générale. Il conviendrait de faire une analyse précise de chaque œuvre pour décrire la transformation.

Figure zoomorphe

Exemple de figure zoomorphe : sculpture d'aigle.

Le félin est le premier grand prédateur de l'imagerie mésoaméricaine à partir de l'art olmèque, puis viennent dautres grands prédateurs comme le serpent et laigle. Les proies (cerfs, singes et autres petits mammifères) sont minoritaires par rapport aux carnassiers. Au-delà des représentations zoomorphes naturalistes, il y a une prédilection pour lhybridation des formes[8]. D'après Magni[9], la créature composite ou "fantastique" montre « l'inclination à lartifice et au syncrétisme » ; la créature composite est « une image de synthèse créée par la combinaison de formes et/ou dattributs-clés, en nombre variable, empruntés à différentes espèces animales ».

Lart olmèque obéit à des règles précises qui permettent, toujours selon Magni[10] de classer les figures animales selon trois caractéristiques : les animaux à caractère félin (photo), les animaux à caractère reptilien (photo) et les animaux à caractère félino-reptilien (photo). Cette classification sopère de la même façon pour la figure anthropomorphe avec les figures féminines, les figures masculines qui sont plus rares et les figures asexuées qui sont les plus nombreuses.

Figure anthropomorphe

Statue en jadéite du « Seigneur de Las Limas »

On distingue des figures féminines, des figures masculines exceptionnellement, des personnages asexués et des figures qui semblent représenter des fœtus humains.

  • Les figures féminines décroissent dans lart lapidaire tardif. Elles apparaissent avec une poitrine généralement sans sexe. Cependant, pour Magni[11], « lapparente lacune des effigies féminines est fortement compensée par un transfert de l'image qui s'opère au niveau symbolique entre la femme et lhomme. »[12]. Limage de la femme continue par conséquent dêtre présente, mais sous une forme métaphorique s'exprimant par limage de la grotte et de la faille chthonienne[13].
  • Les figures masculines, bien que peu fréquente, apparaissent souvent dans lart olmèque, daté entre 1000 et 800 av. J.-C., dans des postures maternelles comme par exemple dans le thème de la « présentation de lenfant »[14], visible sur la statue en jadéite du « Seigneur de Las Limas », au Musée d'anthropologie de Xalapa, la figure masculine porte sur ses genoux un bébé-jaguar.
  • Les fœtus humains sont très nombreux. Leurs aspects et leurs positions peuvent représenter tout simplement des nourrissons[15] ou être liées à linfanticide et au sacrifice denfant en bas âge[16].
  • Les figures asexuées, également très nombreuses, ont une absence significative de seins, une corpulence et des traits de visage apparemment masculins. Elles peuvent faire penser à des hommes.


Figurines

Figurine olmèque en jade

Description

"Baby-face" sculpture en terre cuite

Les figurines olmèques sont pour un certain nombre des archétypes. Plusieurs de ces œuvres peuvent ne pas avoir été produites directement par les Olmèques. Il y a encore beaucoup de faux qui circulent et trompent la vigilance des collectionneurs car les motifs de la figure olmèque sont facilement identifiables de cette culture et reproductibles. Ces œuvres regroupent non seulement les figurines en terre cuite, les plus nombreuses, mais aussi en jade, en serpentine, en basalte, en pierre et en dautres minerais.

  • Pour entrer dans le vif du sujet de la description des figures olmèques, une des représentations les plus connues dans lart olmèque est la figurine dite du "Baby-face" (Photo). Ces petites figurines en céramique creuse sont facilement reconnaissables par leurs corps potelés avec un visage de bébé, des yeux inclinés et des lèvres aux commissures tournées vers le bas. La moue de ces "Baby-face" est toujours très particulière et caractéristique.
  • Un autre de type de figurine apparaît dans les représentations en jade. Il sagit dhommes en loccurrence qui se tiennent debout. Ils ont des membres minces et allongés avec une tête ovale et chauve ayant subi une déformation crânienne (Photo). La bouche comme pour les "Baby-face" est inclinée vers le bas. Cest un motif récurrent dans lart olmèque. On peut aussi observer sur quelques figurines la combinaison du corps potelé du "Baby-face" et de la tête allongée. Un des exemples les plus connus concernant ces personnages en jade est lOffrande 4 de La Venta(Photo). Ces figurines ont été enterrées rituellement dans une cavité profonde et étroite, et recouvertes de trois couches dargile. Elles ont été retrouvées exactement dans la position dans laquelle nous pouvons les voir aujourdhui (Photo). LOffrande 4 se compose de seize figurines masculines placées en demi-cercle devant six haches en jade. Deux de ces figurines sont en jade, treize en serpentine, et la dernière en granite rougeâtre. Cette dernière est placée avec les haches, faisant face aux autres personnages. On peut aussi remarquer quà la droite de la figurine rouge, plusieurs personnages en jade semblent être daccord avec lui par leurs attitudes latérales. Toutes ces figurines ont les caractéristiques classiques des figures olmèques. Cest-à-dire les têtes ovales et chauves, les membres fins et longs et labsence dorganes génitaux. Il faut préciser que lapparence masculine se distingue par un pagne. Elles ont également des petits trous auxoreilles à lemplacement des boucles doreille. Leurs jambes sont légèrement pliées. Nous sommes donc dans la sphère religieuse.

Histoire

Les "Baby-face" ont été trouvés sur tous les sites qui ont subi une influence olmèque [17]. Les figurines en jadereprésentant des hommes ont été trouvées dans des sépultures à Tlatilco. Concernant lOffrande 4, elle a été trouvée sur le site de La Venta. Ce sont les archéologues qui ont décidé plus tard de lappeler ainsi.

Hypothèses

  • Étant donné le nombre de "Baby-face" retrouvé en des endroits précis, on peut dire que ces figurines avaient un rôle spécial au sein de la culture olmèque. Mais ce quelles représentent est sujet à des controverses de la part des spécialistes.
  • Pour lOffrande 4, les interprétations abondent. Cette formation si particulière en arc de cercle est très certainement un conseil. Il semble admis que les quinze figurines en jade écoutent la figurine en granite rouge. Les haches forment le contexte. Le personnage central pourrait être un initié ou un Dieu.

Masques

Masque olmèque en jade

Le masque olmèque est un autre type d'artefact que l'on peut trouver en deux dimensions : de grande envergure, généralement proportionnel à un visage ou de petites mesures, afin d'être accrochés sur des colliers ou des vêtements[18]. Ils sont sculptés par les artistes olmèque dans une pierre dure : le jade. Concernant leur interprétation, les chercheurs s'accordent à dire que certains dépeignent des visages humains ou représentent les traits de la figure hybride du "Were-jaguar". Cependant, même si leur apparence traduit bien un style olmèque aucun masque n'a été mise au jour dans une fouille archéologique en contexte olmèque. Ils sont retrouvés la plupart du temps sur des sites appartenant à d'autres cultures, comme par exemple dans le centre cérémoniel du Templo Mayor[19]. Certains scientifiques suggèrent que l'élite dirigeante détenait cet objet comme un insigne de pouvoir pour sa qualité esthétique, sa valeur, mais surtout sa rareté à l'instar d'une œuvre d'art antique.

Sculptures monumentales

Têtes colossales

Les têtes colossales sont emblématiques de la civilisation olmèque. Elles en sont à la fois lélément le plus spectaculaire et celui qui a suscité le plus de théories fantaisistes.

Il convient de distinguer les têtes colossales du golfe du Mexique de celles moins connues de la côte du Pacifique. Dans ce que lon appelle parfois la « zone métropolitaine olmèque », on a répertorié très exactement dix-sept têtes colossales, sculptées dans des blocs de basalte[20] :

La dernière tête colossale a été mise au jour à San Lorenzo, en 1994, par une équipe mexicaine dirigée par Ann Cyphers.

Description
Tête colossale no 8 de San Lorenzo

Ces sculptures monumentales ont reçu le nom de « tête colossale » pour deux raisons : dune part, en raison de leur taille (de 1,45 m jusquà 3,40 m) et de leur poids (jusquà cinquante tonnes) ; dautre part, en raison de leur ressemblance, bien que lon puisse placer à part celle de La Cobata, la plus grande, que les olmécologues interprètent comme étant leffigie dun mort et qui, selon Caterina Magni[22], serait simplement un monument inachevé.

Les dix-sept têtes colossales ont toutes un nez épaté et de grosses lèvres, ce qui fait parfois qualifier leur apparence de « négroïde ». Le visage carré aux yeux en amande possède des mâchoires puissantes. Elles suggèrent irrésistiblement que le corps absent doit être bien en chair. Toutes portent un casque. Chacune de ces coiffes est individualisée, même si elles ont toutes un air de ressemblance. Lexpression des visages est également individualisée : sévère, maussade, souriante..., bien quil sagisse dappréciations tout à fait subjectives. On peut voir aussi sur une des têtes de San Lorenzo des traces de stuc et de peinture rouge.

Histoire
Tête colossale no 1 de La Venta

Les découvertes sétalent sur près de 150 ans. Le monument A de Tres Zapotes est la première tête colossale à avoir été découverte en 1862 par J.M. Melgar y Serrano. Il ne pouvait naturellement pas savoir quil sagissait dune œuvre olmèque, étant donné que cette civilisation na été reconnue comme telle que dans les années 1930. Il lui trouve une apparence « éthiopienne », ce qui nest que la première occurrence de nombreuses tentatives pour attribuer aux têtes colossales une origine africaine. La dernière en date est la tête no 10 de San Lorenzo, découverte par Ann Cyphers en 1994. Les trois têtes de Tres Zapotes, par exemple, ont été déplacées pour servir dornement à des places publiques.

À côté dun petit nombre déléments avérés, comme souvent en olmécologie, une grande partie de la littérature sur les têtes colossales consiste en hypothèses, à propos desquelles le consensus est plus ou moins grand. Le basalte dans lequel elles sont taillées nest pas un matériau local. Celui des têtes de Tres zapotes et de la Cobata provient du Cerro El Vigia ; celui des têtes de San Lorenzo du Cerro de Cintepec et celui des têtes de La Venta du massif de Tuxtla. Le fait que la tête atypique de La Cobata ait été trouvée près du gisement du Cerro el Vigia plaide fortement en faveur de la thèse de C. Magni quil sagit dun monument inachevé[23]. Quant aux autres têtes, leur poids pose le problème de leur transport sur une grande distance. On peut penser, sans disposer de preuves tangibles, que les Olmèques ont profité du réseau hydrographique très dense de la côte du Golfe (celui du Coatzacoalcos, entre autres) pour les transporter sur des radeaux jusquà leur lieu de destination (photo). Comme dans lÉgypte pharaonique, de tels travaux supposent la mobilisation dune main dœuvre importante, sous la direction de lélite locale.

Il convient de faire une remarque dordre méthodologique : le corpus des têtes colossales est extrêmement réduit, très exactement dix-sept. On peut donc légitimement se demander sil sagit dun échantillonnage représentatif de ce type de monuments, ce qui incite à la plus grande prudence.

Hypothèses
Tête colossale no 2 de La Venta

Une des hypothèses était quil sagissait de joueurs de balle. Leur coiffure pourrait éventuellement le suggérer. Le jeu de balle est un phénomène omniprésent en Mésoamérique. On a même pu penser quil sagissait de joueurs de balle décapités. La tête de La Cobata, dont les yeux semblent clos est à lorigine de cette hypothèse, que Caterina Magni réfute de manière convaincante[23]. Lhypothèse la plus courante actuellement est quil sagit de portraits, sans doute de dirigeants olmèques. Lindividualité remarquable de chaque tête, quil sagisse des traits du visage ou de la coiffure, plaide en faveur de cette théorie. Le fait que deux des têtes de San Lorenzo ont indubitablement été recyclées à partir dautels/trônes est troublante et peut inciter à penser que cest le cas de beaucoup de têtes[24]. Ceci amène à reconsidérer dans son ensemble le phénomène de la « mutilation » des monuments olmèques. Une hypothèse fort répandue lexpliquait par une invasion ou une révolution[25]. Les trônes mutilés seraient des monuments en voie dêtre recyclés en têtes colossales. La découverte récente dun atelier de recyclage à San Lorenzo va dans ce sens. La tête était-elle sculptée lors du vivant de lindividu ou après sa mort ? Trois des têtes de La Venta formaient une rangée, située au nord du complexe C, qui semble être la partie « funéraire » du site. David C. Grove pense quil sagit de portraits d’« ancêtres », bien quà San Lorenzo le contexte archéologique soit moins clair quà La Venta.

Autels

Autel no 4 de La Venta

Les autels sont des monolithes en pierre de forme parallélépipédique qui relatent des scènes figuratives. La complexité des scènes mène le spectateur dans la sphère religieuse. En effet, mis à part laspect technique très réussi de cet art monumental, il y a laspect mythique qui est certainement le plus important. Les autels à La Venta selon Rebecca González Lauck[26] sont des exemples de transmissions idéologiques dune grande puissance.
Les autels découverts sont assez nombreux, il y a les autels 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de La venta, les autels 14 et 20 de San lorenzo, et lautel 5 de Laguna de los Cerros

Description
Autel no 5 de La Venta
Vu d'une des parois latérales de l'autel no 5 de La Venta avec deux individus tenant des bébés "félinisés"

Les autels sont des blocs de basalte. Il convient de décrire certains autels (lautel 4 et lautel 5) comme les plus complexes par leurs iconographies. Certains, comme lautel 7 de La Venta, qui a une forme arrondie, se distinguent des deux autres autels en raison de leur mauvaise conservation. Lautel 4 et lautel 5 ont été trouvés sur le site de La Venta. La hauteur de ces autels est approximativement de deux mètres et environ quatre à cinq mètres de longueur. La représentation de lautel est sensiblement identique pour lun et lautre car il sagit dun thème récurrent, celui de la niche ou de la caverne symbolisés généralement par une bordure tout autour et dun personnage qui représente une figure masculine. Minutieusement sculptées, les figures se trouvent à lavant de la scène, prêtes à surgir dune cavité. La figure de lautel 4 repose à lintérieur de cette pseudo niche ou caverne et tient, de sa main droite et gauche, une corde qui est enroulée tout autour de la base de lautel. Le personnage est assis (en tailleur ?), les jambes se croisent et il porte un casque qui représente une tête daigle. Les côtés droit et gauche de lautel 4 montrent des individus qui sont reliés à la corde de la figure principale. Un côté est malheureusement plus érodé que lautre. Il faut aussi remarquer les représentations félines figurées sur le dessus de la figure de lautel 4 par des crocs, dune gueule dite béante et de signes distinctifs du félin tels que lentaille en forme de V, la lèvre supérieure retroussée, les canines apparentes et dautres motifs complexes comme le motif en escalier ou les diagonales parallèles[27]. Cependant, sur lautel 5, il est question non pas de la représentation de lhomme et de lanimal mais dun personnage tenant un enfant dans les bras. Il faut pourtant voir que les traits de lenfant ont une apparence féline. Le côté gauche des parois de lautel 5 montre des individus tenant des bébés tout à fait semblables à des jaguars. Comme lautel 4, une paroi de lautel 5 a été complètement défigurée. Enfin, on peut voir sur lautel 5 que la figure centrale qui émerge dune caverne ou dune niche porte un couvre-chef particulier.

Histoire

Lautel 4 a été découvert à La Venta en 1925 par Blom et Lafarge. Il demeure une pièce maîtresse de lart olmèque car cet autel représente une scène magistrale de la croyance olmèque qui montre lhomme sortant de la Terre par la niche ou la caverne. Il est conservé comme lautel 5, au musée de La Venta à Villahermosa (Tabasco).

Hypothèses

Le consensus général aujourdhui est de dire que ces autels sont des trônes sur lesquels les règles iconographiques olmèques ont été gravées ou sculptées pendant des rituels ou des cérémonies religieuses importantes. Beaucoup de chercheurs ont interprété la figure principale de lautel 4 comme un être qui veut entrer en contact avec ses ancêtres[28]. Quant aux personnages latéraux, de chaque côté de lautel 4, certains pensent que ce sont des figures mineures par rapport à lensemble de lœuvre car elles représenteraient des captifs liés. Lautel 5 est semblable dans sa conception et sa taille à lautel 4, mais la figure centrale tient un bébé-jaguar. Il sagirait selon certaines hypothèses émises par les spécialistes dune interprétation mythique de lenfant animalisé vu comme une offrande à la Terre et aussi comme un symbole dautorité.

Art et Écriture

Stèle C de Tres Zapotes

Lécriture olmèque nest pas un art au sens propre mais il est normal de développer un paragraphe afin de comprendre le langage des signes qui est une forme décriture artistique couvrant une pensée relevant en priorité du domaine religieux et du champ sociopolitique[29]. Il y a eu beaucoup de spéculations sur le fait que les Olmèques étaient la première culture du continent américain ayant créé le chiffre zéro. Le calendrier du compte long utilisé par les Maya est une numération écrite vigésimale utilisée pour noter les dates comptabilisées en tun (année de compte valant 360 jours). Cette numération caractéristique se présente sous la forme de deux glyphes : le point-barre et le glyphe céphalomorphe. Chacun comporte un chiffre appelé zéro de position. Mais le calendrier du compte long apparaît bien avant la civilisation Maya. Selon Richard Diehl[30], on suppose que lutilisation du zéro était linvention des Olmèques. En effet, plusieurs dates du compte long ont été trouvées sur des sites olmèques. Ainsi, et bien que la civilisation olmèque se soit éteinte vers 500 av. J.-C. plusieurs siècles avant le calendrier du compte long Maya, certains spécialistes pensent encore que le zéro nest pas une invention olmèque.

En 1939, larchéologue Matthew Stirling a découvert à Tres Zapotes la partie inférieure dune stèle dite Stèle C[31]. Cette dernière est en basalte. Une face montre un "Were-jaguar" et lautre face décrit le plus ancien modèle du calendrier du compte long Maya. La date qui a été traduite sur la stèle correspond aux chiffres suivants : 7.16.6.16.18. Ces derniers seraient proches dans notre calendrier actuel du 3 septembre en lan 32 av. J.-C. Bien quil y ait eu une certaine polémique concernant cette date car il manquait un baktun (période de 20 baktunob) que Stirling avait interprété comme étant le chiffre 7. La polémique pris fin en 1969, année de la découverte de la partie supérieure de la Stèle C. Matthew Stirling avait eu raison sur lhypothèse quil avait donnée avec le chiffre 7. Mais une autre stèle nommé Stèle 2 de Chiapa de Corzo au Chiapas, avec une date de 7.16.3.2.13, serait plus ancienne que la Stèle C car elle serait datée de lan 36 av. J.-C. Limportance de ces stèles gravées post-olmèque montre la survivance dune culture et dun art au profit dautres civilisations.

Galerie photos

Annexes

Notes et références

  1. Jacques Soustelle écrivait en 1979 : « Mais d' ont-ils tirés les jadéites, les néphrites, serpentines qu'ils ont su façonner avec un art incomparable, qui n'a été probablement pas égalé et en tout cas n'a jamais été dépassé en Amérique? Aucun peuple civilisé du Nouveau Monde n'a atteint un tel niveau dans le traitement des pierres dures. » dans Les Olmèques, 1979, p. 77.
  2. Christine Niederberger écrivait en 1987 : « [...] "l'impact de l'art olmèque" pour reprendre l'expression de Stirling, les réalisations monumentales et la beauté, probablement insurpassée dans l'art lapidaire mésoaméricain [...] allaient alors emporter l'imagination - au delà des limites permises - de bien des esthètes et historiens d'art pour ne pas nommer les archéologues eux-mêmes. » dans Paléopaysages et archéologie pré-urbaine du Bassin de Mexico, Tomes II, 1987, p. 735.
  3. Selon la propre formule de Caterina Magni (Magni 2003, p. 114, 132, 137, 170 et 258).
  4. Magni 2003, p. 26.
  5. Classification élaborée par Magni 2003, p. 99-102.
  6. On peut lire ce tableau de la façon suivante : 1er situation dite dextrêmes qui concerne lalliance, la parenté et lantagonisme et 2nd situation dite dintermédiaires qui regroupe lidentification, la métamorphose, léchange dapparence au moyen du déguisement (Magni 2003, p. 284-285).
  7. Joralemon, 1971
  8. Magni 2003, p. 305-310.
  9. Magni 2003, p. 101.
  10. Magni 2003, p. 315-328.
  11. Magni 2003, p. 269-274.
  12. Magni 2003, p. 100.
  13. « Les entrailles terrestres sont associées à lensemble de l'appareil reproducteur féminin : les abris profonds s'apparentent à l'utérus, les tunnels de la grotte au canal du vagin et l'orifice terrestre à son ouverture » (Magni 2003, p. 264).
  14. Thème traité en détail par Magni 2003, p. 272.
  15. Magni 2003, p. 179-180.
  16. Tate et Bendersky, 1999
  17. Scott, 2000, p. 268.
  18. Diehl, 2004, p. 123
  19. Description d'un masque olmèque provenant d'un catalogue de la collection Robert et Lisa Sainsbury sur Artworld University of East Anglia collections
  20. De la Fuente, 1984, pp. 85 à 317
  21. Rancho La Cobata est situé près de Tres Zapotes.
  22. Magni 2003, p. 151-158.
  23. a et b Magni 2003, p. 157.
  24. James B. Porter
  25. Michael D. Coe, 1985, p. 91
  26. González Lauck, p. 800
  27. Magni 2003, p. 136.
  28. Adams, p. 69
  29. Magni 2003, p. 115.
  30. Richard A. Diehl, 2004, p. 186
  31. Soustelle, 1979, p. 25

Bibliographie

  • Michael D. Coe, Olmec Jaguars and Olmec Kings, Washington D.C., Dumbarton Oaks, 1972 .
  • Michael D. Coe & Richard Diehl, In the Land of the Olmec, Austin, University of Texas Press, 1980 .
  • Michael D. Coe, Les premiers mexicains, Armand Colin, 1985 .
  • Richard A. Diehl, The Olmecs: Americas First Civilization, Thames & Hudson, 2005 (ISBN 0500285039) .
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