- Anneau noethérien
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En mathématique, un anneau noethérien est un cas particulier d'anneau, c'est-à-dire d'un ensemble muni d'une addition et d'une multiplication compatible avec l'addition, au sens de la distributivité.
De nombreuses questions mathématiques s'expriment dans un contexte d'anneau, les endomorphismes d'un espace vectoriel ou d'un module sur un anneau, les entiers algébriques de la théorie algébrique des nombres, ou encore les surfaces de la géométrie algébrique. Si les anneaux sont nombreux, rares sont ceux disposant des propriétés communes aux exemples les plus simples comme les entiers relatifs ou les polynômes à coefficients dans un corps. La division euclidienne n'existe en général plus, les idéaux, outils majeurs de la théorie des anneaux, ne sont plus toujours principaux et le théorème fondamental de l'arithmétique ne possède plus d'équivalent.
L'approche consistant à étudier une question uniquement sous l'angle des propriétés spécifiques d'une structure d'anneau particulière s'est révélée fructueuse. Richard Dedekind l'a utilisée avec succès en arithmétique et David Hilbert en géométrie algébrique. Emmy Noether choisit un nombre plus limité de propriétés vérifiées par certains anneaux et démontre de nombreux résultats sur ceux-ci.
Le terme d'anneau noethérien apparait en 1954 sous la plume de mathématiciens japonais[1].
Sommaire
Approche intuitive
Dans certains cas simples, tous les idéaux d'un anneau A sont principaux. Si A est considéré comme un module sur lui-même, ses idéaux sont alors des sous-modules engendrés par un élément. Cette situation n'est cependant pas générale.
En arithmétique, il est fréquent d'utiliser des anneaux d'entiers algébriques comme par exemple les entiers quadratiques de la forme a + b.i√5 où a et b sont des entiers relatifs et i l'unité imaginaire complexe. Il existe en effet dans cet anneau un idéal, formé des éléments de la forme 2.a + b(1 + i√5), où a et b sont des entiers relatifs, qui n'est pas principal, c'est-à-dire n'est pas engendré par un unique élément. En revanche, il est engendré par un nombre fini d'éléments, ici deux. Dans l'anneau considéré, c'est-à-dire Z[i.√5] (la lettre Z désigne dans tout l'article l'anneau des entiers relatifs) tous les idéaux sont engendrés par un ou deux éléments. Cette configuration est la même pour tout anneau d'entiers algébriques d'une extension finie du corps des nombres rationnels.
Cette configuration se retrouve en théorie des groupes. Si G est un groupe abélien de type fini (c'est-à-dire admettant une famille génératrice finie) muni de sa structure canonique de Z-module, tout sous-groupe de G, qui est aussi un sous-module, admet une famille génératrice finie. La propriété est la même, même si elle s'applique à un module et non plus à un anneau.
Cette propriété, indiquant que tout idéal d'un anneau A admet une famille génératrice finie si l'idéal est considéré comme un sous A-module, est fréquente en mathématiques. Elle correspond à la notion formalisée par la définition d'anneau noethérien. La notion de module noethérien est un substitut de l'hypothèse de la dimension finie en algèbre linéaire.
Définitions
Anneau et module
Article détaillé : module sur un anneau.De même qu'un corps commutatif est un espace vectoriel sur lui-même, il est possible de considérer un anneau A comme un A-module. Si l'anneau n'est pas commutatif, il existe deux produits externes différents : soit λ un élément de A vu comme un scalaire et a un élément de A vu comme un vecteur, les deux produits externes associent respectivement à (λ, a) le vecteur λ.a et a.λ. L'anneau A possède ainsi deux structures de A-module, une à gauche et une à droite, qui coïncident si A est commutatif.
Une deuxième différence réside dans les sous-espaces vectoriels. Un corps n'en contient que deux, l'espace réduit à 0 et le corps lui-même. Pour un anneau A, considéré comme A-module à gauche (resp. à droite), la notion de sous-module coïncide avec celle d'idéal à gauche (resp. à droite).
Un anneau A étant toujours supposé unitaire dans cet article, le A-module A possède une famille génératrice constituée d'un seul élément : l'unité (ou un élément inversible quelconque). Dire qu'un anneau commutatif est principal revient à dire, avec ce formalisme, que tous ses sous-modules admettent, eux aussi, une famille génératrice composée d'un seul élément. Ce n'est pas toujours le cas. Dans Z[X], l'anneau des polynômes à coefficients dans Z, l'ensemble des polynômes à coefficient constant pair est un idéal, mais il faut au moins deux éléments comme 2 et X pour engendrer ce sous-module. Il n'est donc pas principal mais seulement de type fini (c'est-à-dire engendré par un nombre fini d'éléments).
Le concept noethérien se définit plus simplement sur un module, la définition d'anneau noethérien devient alors un cas particulier, celui où l'anneau est considéré comme un module sur lui-même (à gauche ou à droite).
Définitions
La définition pour les modules est la suivante :
Soit A un anneau. Un A-module M est dit noethérien si et seulement s'il vérifie l'une des trois propriétés suivantes, qui sont équivalentes :
- tout sous-module de M est de type fini ;
- toute suite croissante de sous-modules de M est stationnaire ;
- tout ensemble non vide de sous-modules de M admet un élément maximal pour l'inclusion.
DémonstrationSoit ( Mn ) une suite croissante de sous-modules de M. Notons N l'union de tous les modules Mn. Comme ils sont emboîtés, N est un sous-module. Par l'hypothèse 1, N admet une famille génératrice finie ( mj ). Chacun de ces vecteurs mj appartient à N, donc à l'un des Mn (et à tous les suivants) : il existe donc un indice nj tel que ce vecteur mj appartienne à tous les Mi pour i supérieur ou égal à nj. Soit n le maximum de la famille finie des indices nj, si i est plus grand que n alors Mi contient la famille ( mj ) et donc N. Ceci montre que la suite de sous-modules est constante à partir du rang n, donc stationnaire.
On raisonne par contraposée, on suppose donc qu'un ensemble non vide F de sous-modules ne possède pas d'élément maximal. On va définir une suite ( Mn ) strictement croissante d'éléments de F. Soit M0 un élément quelconque de F. On suppose la suite définie à l'ordre n, Mn n'est pas un élément maximal de F, on peut donc choisir dans F un élément Mn+1 contenant strictement Mn. Il existe alors une suite strictement croissante pour l'inclusion. Par contraposée, la proposition est démontrée.
Considérons l'ensemble F des sous-modules de type fini de M. Par l'hypothèse 3, F admet un élément maximal N. Montrons que M = N. Par construction, N est de type fini : il existe une famille finie (fi) qui l'engendre. Soit m un élément quelconque de M, considérons le sous-module P engendré par la famille constituée de m et des fi : P est de type fini donc appartient à F. Comme N est maximal et que P le contient, N est égal à P. En conséquence N contient le vecteur m. Comme m est un vecteur quelconque de M, N est égal à M, ce qui montre que le module M est de type fini.
On en déduit ainsi la définition pour les anneaux :
- Un anneau est dit noethérien à gauche si tous ses idéaux à gauche sont de type fini ;
- un anneau est dit noethérien à droite si tous les idéaux à droite sont de type fini ;
- un anneau est dit noethérien s'il est noethérien à droite et à gauche.
Dans le cas des anneaux commutatifs, ces trois définitions coïncident[2]. D'autre part, les deux définitions alternatives et équivalentes de la notion de module noethérien se traduisent immédiatement pour les anneaux.
Propriétés
Tout sous-module et tout module quotient d'un module noethérien sont noethériens, et l'équivalence suivante donne une réciproque :
- Soit P un sous-module de M, le module M est noethérien si et seulement si P et M / P le sont.
Démonstration- Si le module M est noethérien, tout sous-module P l'est aussi :
En effet, tout sous-module de P est un sous-module de M donc est de type fini.
- Si le module M est noethérien, tout module quotient M / P l'est aussi :
Soient Q un sous-module du quotient M / P, et R l'image réciproque de Q par la projection canonique de M dans M / P. Alors R est un sous-module de M donc possède une famille génératrice finie. L'image de cette famille par la projection canonique engendre Q, ce qui montre que le quotient est aussi noethérien.
- Si le sous-module P et le module quotient M / P sont noethériens alors le module M l'est aussi :
Soient R un sous-module de M, F une famille finie engendrant R∩P et G une famille finie engendrant l'image de R par la projection canonique de M dans M / P. Choisissons une famille finie H de vecteurs de R dont les projetés soient les éléments de G. Alors R est engendré par la famille finie .
On en déduit aussitôt :
- tout anneau quotient (par un idéal bilatère) d'un anneau noethérien à gauche est noethérien à gauche et
- si A est un anneau noethérien, les A-modules noethériens sont exactement les A-modules de type fini.
La décomposition des idéaux est plus délicate. Dans l'anneau commutatif principal Z par exemple, l'idéal 12Z est égal à la fois au produit des idéaux 2Z, 2Z et 3Z, et à l'intersection des idéaux 22Z et 3Z (qui est aussi leur produit). Dans un anneau commutatif seulement noethérien, trois propriétés s'en rapprochent (la première est utilisée dans l'article Anneau de valuation discrète, la quatrième est le théorème de Lasker-Noether (en)) :
Soit A un anneau commutatif noethérien.
- Tout idéal de A contient un produit d'idéaux premiers, ou plus précisément, tout idéal I de A contient un produit d'idéaux premiers qui contiennent I[3].
- Pour tout idéal de A, il existe un nombre fini d'idéaux premiers minimaux contenant cet idéal.
- Tout idéal radiciel de A est intersection finie d'idéaux premiers.
- Tout idéal de A est décomposable, c'est-à-dire intersection finie d'idéaux primaires.
- Si A est intègre, tout élément non nul et non inversible est produit d'un nombre fini d'éléments irréductibles[4].
Démonstrations- Tout idéal de A contient un produit d'idéaux premiers, ou plus précisément, tout idéal I de A contient un produit d'idéaux premiers qui contiennent I :
Montrons la première assertion, par l'absurde. Soit F l'ensemble, supposé non vide, des idéaux de A qui ne contiennent aucun produit d'idéaux premiers (en particulier aucun produit indexé par un singleton, donc les éléments de F ne sont pas premiers, et aucun produit indexé par le vide, donc A n'appartient pas à F). Soit I un élément maximal de F. L'idéal I est propre et non premier. D'après une propriété caractéristique des idéaux non premiers, il existe donc deux idéaux J et K tels que I contienne le produit J.K mais soit strictement contenu dans J et K. Alors (par maximalité de I) les idéaux J et K n'appartiennent pas à F, donc chacun d'eux contient un produit d'idéaux premiers. Comme I contient leur produit, on aboutit à une contradiction, ce qui termine la démonstration du premier point. En raison de la correspondance biunivoque entre les idéaux premiers de l'anneau quotient A/I et ceux de l'anneau A contenant I, on déduit le second point du premier appliqué à l'idéal (0) de l'anneau A/I.
Une preuve plus compliquée, mais instructive, est d'utiliser la décomposition primaire (énoncée dessous), en remarquant que le radical de tout idéal primaire est premier, et que dans un anneau noethérien, tout idéal contient une puissance de son radical.
- Existence et finitude des idéaux premiers minimaux contenant un idéal I :
On sait qu'il existe des idéaux premiers dont le produit est inclus dans I. Un idéal premier quelconque Q de A contenant I contient en particulier le produit des Pi. Une propriété caractéristique des idéaux premiers indique que l'idéal premier Q contient l'un des Pi. Ainsi, les éléments minimaux parmi les idéaux Pi sont les idéaux minimaux contenant I.
- Tout idéal radiciel de A est intersection finie d'idéaux premiers :
Soit I un idéal radiciel de A. On sait qu'il existe des idéaux premiers tels que . Mais si alors , donc (radiciel), d'où l'égalité .
- Tout idéal est intersection finie d'idéaux primaires :
On montre en fait un peu mieux : dans un anneau noethérien, tout idéal est intersection finie d'idéaux irréductibles, et tout idéal irréductible est primaire.
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- Pour le premier point, on raisonne par l'absurde comme précédemment : soient F l'ensemble, supposé non vide, des idéaux de A qui ne sont pas intersection finie d'irréductibles, et I un élément maximal de F. Alors I est réductible donc égal à l'intersection de deux idéaux J et K dans lesquels il est strictement inclus. Par maximalité, J et K n'appartiennent pas à F, donc chacun d'eux est intersection finie d'irréductibles, d'où la contradiction.
- Pour le second point, cf Le défi algébrique, tome 2, de Claude Mutafian, p. 239, ou Bourbaki AC, chapitre II, § 2, exercice 22, ou encore Zariski Samuel, p. 209.
(On pourra aussi consulter l'article Décomposition primaire (en), qui étend ce théorème aux modules de type fini sur un anneau noethérien, et la plupart des ouvrages de référence comme Lang, ou Bourbaki AC chapitre IV, qui généralisent cela aux modules noethériens sur un anneau commutatif quelconque.)
- Si A est intègre, tout élément non nul et non inversible est produit d'un nombre fini d'irréductibles :
On raisonne à nouveau par l'absurde comme précédemment, en considérant l'ensemble, supposé non vide, des idéaux principaux de A engendrés par des éléments non nuls et non inversibles qui ne vérifient pas la propriété énoncée. Cet ensemble admettant un élément maximal pour l'inclusion, on conclut aisément à une contradiction en étudiant cet élément maximal.
Exemples
Premiers cas
Tout corps commutatif est manifestement noethérien, par absence d'idéaux non triviaux. Tout anneau principal est aussi noethérien car chaque idéal est engendré par un unique élément, ainsi Z, K[X] l'anneau des polynômes à coefficients dans un corps est noethérien. En revanche, lorsque c'est possible, il est plus simple de les étudier à l'aide d'une division euclidienne ou, ce qui est toujours possible, d'utiliser le théorème fondamental de l'arithmétique dans le cadre d'un anneau factoriel.
Tout anneau fini est noethérien, on trouve leur présence, par exemple dans le cadre de la géométrie algébrique ou de la théorie algébrique des nombres.
Polynômes et séries formelles
Un anneau de polynômes n'est pas toujours principal, Z[X] est un exemple déjà cité. Un anneau de polynôme en plusieurs indéterminées Q[X, Y] n'est pas non plus principal, l'idéal des polynômes de degré supérieurs ou égal à 1 nécessite deux générateurs, les indéterminées X et Y.
Le théorème suivant, découvert par David Hilbert en 1888[5] est parfois nommé théorème de la base de Hilbert :
- Soit A un anneau commutatif noethérien, l'anneau de polynômes A[X] est noethérien.
Il se généralise aisément (par récurrence) au cas de plusieurs indéterminées :
- Soient A un anneau commutatif noethérien et n un entier naturel, l'anneau de polynômes A[X1, ...,Xn] est noethérien.
En revanche, un anneau de polynômes sur un nombre infini d'indéterminées n'est jamais noethérien (quel que soit l'anneau de coefficients) : la suite d'idéaux dont le nième est engendré par (X1, ...,Xn) est croissante mais non stationnaire.
Comme exemple d'utilisation, on peut imaginer en géométrie une surface algébrique S définie comme l'ensemble des racines d'une famille infinie de polynômes à plusieurs indéterminées et sur un anneau noethérien. Le théorème de la base de Hilbert indique qu'il suffit de considérer une famille finie de polynômes pour définir S. En effet, l'ensemble des polynômes s'annulant sur S forme un idéal.
Démonstration du théorème de la base de HilbertSoit J un idéal quelconque de A[X] ; l'objectif est de montrer que J est de type fini, ce qui prouvera que A[X] est noethérien.
Soit (Dn) la suite d'idéaux de A définie par :
Cette suite (Dn) est croissante (car ) donc constante à partir d'un rang r (car A est noethérien). La réunion de tous les Dn est donc égale à Dr.
Pour chaque entier n, l'idéal Dn est de type fini (car A est noethérien) donc possède une famille génératrice finie (an,i) (le second indice,i, parcourt un ensemble fini In). Pour chacun de ces an,i, soit Pn,i un polynôme de J de degré n et de coefficient dominant égal à an,i.
Montrons que la famille finie (Pn,i), doublement indexée par n inférieur ou égal à r et par i dans In, engendre J. Cette assertion signifie que tout polynôme Q de J s'exprime comme combinaison linéaire à coefficients dans A[X] de cette famille (Pn,i).
Si Q est nul, c'est immédiat. Sinon, on se ramène à ce cas par récurrence sur le degré d de Q : supposons que la famille engendre tous les polynômes de J de degré strictement inférieur à l'entier naturel d (pour d=0 c'est acquis, le seul polynôme de degré < 0 étant le polynôme nul). Soient q le coefficient dominant de Q et s=min(r,d). Alors q appartient à Dd=Ds. Il existe en conséquence une famille (μi) d'éléments de A telle que
L'hypothèse de récurrence montre que Q est engendré par la famille (Pn,i), ce qui termine la démonstration.
Par un argument similaire (portant sur les coefficients non nuls de plus bas degré au lieu des coefficients dominants), on démontre le théorème suivant (qui se généralise de même à plusieurs indéterminées) :
- Soit A un anneau commutatif noethérien, l'anneau de séries formelles A[[X]] est noethérien.
Anneau d'entiers
Plusieurs exemples d'anneaux noethériens proviennent de l'arithmétique via l'étude d'équations diophantiennes, même si leur utilisation dépasse maintenant largement ce cadre. Un exemple simple est donné par le théorème des deux carrés de Fermat, qui fait intervenir l'anneau des entiers de Gauss. C'est un cas particulier d'anneau d'entiers quadratiques. Ce sont tous des anneaux de Dedekind, en particulier ils sont noethériens. Plus généralement[6] :
Soient
- A un anneau commutatif intègre,
- K son corps des fractions,
- L une extension finie séparable de K, et
- B l'anneau des éléments de L entiers sur A.
(L'article Élément entier montre que B est un anneau. Clairement, il contient A et il est commutatif unitaire et intègre.) Remarquons que d'après cet énoncé, B est noethérien à la fois en tant que A-module et en tant qu'anneau.
Ce résultat est lourd de conséquences, par exemple en théorie algébrique des nombres. La démonstration proposée ici utilise un outil appelé forme trace, utilisé aussi pour définir le discriminant d'un anneau d'entiers algébriques. Une démonstration plus simple est proposée dans le cas particulier des entiers quadratiques dans l'article Idéal de l'anneau des entiers d'un corps quadratique.
DémonstrationNotons n = [L:K] le degré de l'extension ; l'objectif est de montrer que B est isomorphe à un sous-module de An.
Dans un premier temps, remarquons que B contient un sous-module isomorphe à An. En effet, le théorème de l'élément primitif montre l'existence d'un élément x de L tel que L soit égal à K[x]. Il existe même un élément y de B tel que L=K[y], car x est algébrique sur K donc est solution d'une équation de degré n de la forme
où les ai appartiennent à K ou même (quitte à les multiplier par le produit de leurs dénominateurs) à A. L'élément y = anx est alors entier sur A, puisque
Ainsi, le A-module A[y] est inclus dans B et est isomorphe à An.
Soit <.,.>L/K la forme trace de L sur K, c'est-à-dire la forme bilinéaire symétrique sur le K-espace vectoriel L, qui à deux éléments de L associe la trace de l'endomorphisme de multiplication par :
- L'extension est séparable, la forme trace est en conséquence non dégénérée (cette propriété est démontrée dans l'article Forme trace).
- De plus,
(car si l'élément b=b1b2 est entier sur A alors ses conjugués aussi donc la trace de φb aussi, donc elle appartient à A puisque A est supposé intégralement clos).
D'après ces deux propriétés, l'application ψ définie par
est un morphisme injectif de A-modules, de B dans le dual de A[y] (ce dual est l'ensemble des formes linéaires du A-module A[y]). Or le A-module A[y] est isomorphe à An, donc son dual aussi.
On en déduit que le A-module B est isomorphe à un sous-module de An, lequel est noethérien puisque A l'est. Ainsi, B est de type fini.
Dans le même registre, on a aussi :
Théorème de Krull-Akizuki[7] — Soient A un anneau commutatif intègre noethérien dont tout idéal premier non nul est maximal, K son corps des fractions, L une extension finie de K, et B un sous-anneau de L contenant A. Alors B est noethérien, et tout idéal premier non nul de B est maximal. En outre, pour tout idéal non nul J de B, le A-module B/J est de type fini.
Classe des anneaux noethériens
La plupart des opérations algébriques conservent la noethérianité. Rappelons et complétons les exemples ci-dessus :
- les corps et les anneaux principaux sont noethériens ;
- tout quotient et produit direct fini d'anneaux noethériens est noethérien ;
- tout anneau de polynômes à un nombre fini d'indéterminées sur un anneau noethérien est noethérien. Ainsi toute algèbre de type fini sur un anneau noethérien est noethérienne ;
- tout localisé d'un anneau noethérien est noethérien ; plus généralement, si M est un A-module noethérien, tout localisé S-1M est un S-1A-module noethérien. (En effet, pour tout sous-module N de S-1M, on a N = (S-1A)(N ∩ M) ; on en déduit que toute suite croissante (Nn) de sous-modules de S-1M est stationnaire, puisque la suite (Nn ∩ M) l'est.)
- le complété formel (en) d'un anneau commutatif noethérien pour la topologique I-adique (I un idéal de A) est noethérien ;
- si un anneau noethérien est fini sur un sous-anneau (c'est-à-dire qu'il est de type fini comme module sur le sous-anneau), alors ce dernier est noethérien (Théorème d'Eakin) ;
- tout anneau est réunion croissante de sous-anneaux noethériens.
Par contre, en général,
- un sous-anneau d'un anneau noethérien n'est pas noethérien (par exemple l'anneau de polynômes à une infinité d'indéterminées à coefficients dans un corps n'est pas noethérien, mais c'est un sous-anneau de son corps des fractions qui est noethérien) ;
- un produit tensoriel d'anneaux noethériens n'est pas noethérien (prendre L le corps des fractions rationnelles à une infinité d'indéterminées à coefficients dans un corps K et considérer le produit tensoriel . Ce dernier n'est pas noethérien, alors que K et L le sont).
Voir aussi
Notes et références
Notes
- (en) Michio Yoshida et Motoyoshi Sakuma, On integrally closed noetherian rings, J. of Sc. of Hiroshima Univ Series A tome 17, 1954, p. 311-315
- Bourbaki AC, chapitre II, § 1, exercice 6. Il suffit même que tous les idéaux premiers de l'anneau soient de type fini : cf
- Dans ces deux énoncés on autorise bien sûr les répétitions d'un même idéal premier dans le produit (contre-exemple sinon, pour le second : l'idéal des multiples de 4, dans l'anneau des entiers).
- factoriel si et seulement si ses éléments irréductibles sont premiers. Cette factorisation n'est en général pas unique même à multiplication près par des inversibles. Ainsi l'anneau noethérien A est
- Gordan, spécialiste de la question, s'exclama : Ce n'est pas des mathématiques, c'est de la théologie, il finit quelques années plus tard par admettre cette preuve et indiqua : J'ai acquis la conviction que la théologie a aussi ses avantages (J. Boniface, Hilbert et la notion d'existence en mathématiques, Librairie Philosophique Vrin, 2004, chap. 2 p. 53 et chap. 1 p. 15 (ISBN 2711616061)). La preuve de Hilbert provoqua une vaste polémique à son époque. La preuve n'est en effet pas constructive, elle démontre l'existence d'une base sans indiquer comment l'obtenir.
- Bourbaki AC IX § 4. Pour des résultats plus généraux, cf
- Bourbaki AC VII, § 2, n° 5
Références
- Serge Lang, Algèbre [détail des éditions]
- N. Bourbaki, Éléments de mathématique : Algèbre commutative
- Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]
- (en) Oscar Zariski et Pierre Samuel, Commutative algebra, vol. 1
- (en) David Cox, John Little et Donal O'Shea, Ideals, Varieties, and Algorithms, 2e éd., Springer-Verlag, 1997 (ISBN 0387946802)
Liens externes
- Algèbre commutative par A. Chambert-Loir, cours à l’université de Rennes 1 (2006–2007)
- Nombres algébriques et nombres p-adiques par Loïc Merel, cours préparatoire aux études doctorales 2003-04, université Pierre et Marie Curie et université Denis Diderot
- Bas Edixhoven (de) et Laurent Moret-Bailly, Théorie algébrique des nombres, cours de maîtrise de mathématiques, université de Rennes 1, 2004 [lire en ligne]
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