- Anneau de valuation discrète
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En mathématiques, plus précisément en algèbre commutative, un anneau de valuation discrète est un anneau de valuation dont la valuation est discrète mais non triviale. Un anneau est de valuation discrète lorsqu'il est principal, qu'il ne possède qu'un idéal maximal, et que cet idéal est non nul.
Cette notion est utilisée en théorie algébrique des nombres et en géométrie algébrique ; elle constitue un outil d'étude des anneaux noethériens, en particulier les anneaux de Dedekind.
Sommaire
Définitions et exemples
Définitions
La première définition est presque une lapalissade :
Première définition — Un anneau de valuation discrète est un anneau de valuation dont la valuation est discrète mais non triviale.
Autrement dit, A est un anneau commutatif unitaire intègre, et il existe sur son corps des fractions K une valuation v, à valeurs entières mais non toutes nulles, telle que
. Par conséquent (comme tout anneau d'une valuation non triviale) A est un anneau local mais pas un corps, et son unique idéal maximal M est non nul, et constitué des éléments de valuation strictement positive :
. De plus (comme la valuation est à valeurs entières) tout idéal est engendré par n'importe lequel de ses éléments de valuation minimum, si bien que A est principal. En particulier, un générateur de M est appelé uniformisante ou paramètre local de l'anneau.
La réciproque est claire : tout anneau local et principal qui n'est pas un corps est un anneau de valuation discrète. On pose v(a) égal au plus petit entier n tel que aA = Mn (cf paragraphe "Propriétés"). On obtient donc une définition équivalente :
Seconde définition — Un anneau de valuation discrète est un anneau principal, qui ne possède qu'un idéal maximal, et tel que cet idéal soit non nul.
Exemples
- Un exemple simple est fourni par un sous-anneau de l'ensemble des rationnels : considérons l'ensemble Z(p) des fractions a/b où a est un entier relatif et b un entier différent de zéro et premier avec un nombre premier p fixé. On vérifie immédiatement que cet ensemble forme un anneau. Tous les éléments de Z(p) non nuls formés par une fraction ne comportant pas de multiple de p au numérateur (et par définition pas non plus au dénominateur) sont les éléments du groupe des unités (c'est-à-dire le groupe des éléments inversibles de l'anneau).
- Une généralisation naturelle est de remplacer Z par un anneau de Dedekind A (par exemple : par la fermeture intégrale de Z dans un corps quadratique ou plus généralement dans un corps de nombres). Soit P un idéal premier non nul de A, le localisé AP de A en P est un anneau de valuation discrète (c'est l'ensemble des fractions de la forme a/b où a est élément de A, et b un élément de A qui n'est pas dans P).
Propriétés
Dans tout le paragraphe A désigne un anneau de valuation discrète, au sens "anneau principal possédant un seul idéal maximal M non nul", et t désigne une uniformisante, c'est-à-dire que M = t A.
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- Tout élément de A qui n'est pas dans M est une unité, c'est-à-dire un élément inversible.
En effet, dans un anneau commutatif, un élément est inversible si et seulement s'il n'appartient à aucun idéal maximal.
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- Les seuls idéaux premiers de A sont (0) et M.
En effet, dans un anneau principal, tout idéal premier non nul est maximal.
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- Tout élément non nul de A est le produit d'un inversible par une puissance de l'uniformisante.
C'est un cas particulier de la décomposition en facteurs premiers dans un anneau principal (ou plus généralement dans un anneau factoriel), puisqu'ici t est l'unique élément irréductible de l'anneau, à produit près par un inversible. On en déduit (puisque les idéaux sont principaux) que tout idéal non nul est une puissance de M.
Critères
Construire un anneau local est relativement aisé : il suffit de considérer le localisé d'un anneau commutatif unitaire en un idéal premier. Mais un tel anneau n'est pas toujours principal. Exemple : le localisé de l'anneau des polynômes Z[X,Y] en l'idéal premier P = < X,Y > .
Pour cette raison, il est utile de rechercher des critères permettant d'établir qu'un anneau A est de valuation discrète. La théorie algébrique des nombres utilise en particulier le dernier de cette liste[1]:
Théorème — Soit A un anneau noethérien local, d'idéal maximal M non nul. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
- les idéaux premiers de A sont (0) et M, et le A/M-espace vectoriel M/M2 est de dimension 1[2],
- M est un idéal principal non nilpotent (c'est-à-dire dont toutes les puissances sont non nulles),
- les idéaux de A sont (0) et les puissances de M,
- A est un anneau de valuation,
- A est un anneau de valuation discrète,
- A est principal,
- les idéaux premiers de A sont (0) et M, et A est intégralement clos.
Certaines de ces hypothèses sont évidemment redondantes : l'ajout "noethérien" est superflu dans 3, 5 et 6, de même que l'ajout "local" dans 3, 4, 5 et 7, et l'ajout "M non nul" dans 1, 2 et 5. Remarquons que la condition "A intègre" (qui équivaut à "(0) est premier") n'est pas imposée a priori dans 2, mais sera une conséquence des équivalences.
Démonstrationétant immédiat, on va démontrer (par une boucle d'implications) que les critères 2 à 7 sont équivalents et que (par exemple) .
: Soit , alors M = tA + M 2 donc (d'après le lemme de Nakayama) M = tA. Puisque t est non nul (car il n'appartient pas à M2) et que A est intègre, toutes ses puissances sont non nulles donc M n'est pas nilpotent.
: Aucune des puissances de M n'est nulle, alors que leur intersection l'est (comme dans tout anneau local noethérien[3]). Pour tout idéal non nul I, il existe donc un plus grand entier n tel que I soit inclus dans Mn. Pour cet entier n, (I+ Mn+1) / Mn+1 est un sous-espace non nul du A / M-espace vectoriel Mn / Mn+1. Or cet espace est de dimension au plus 1 (c'est ici qu'on utilise que M est principal), donc le sous-espace non nul lui est égal, c'est-à-dire Mn = I + Mn+1. Par le lemme de Nakayama, on conclut que I = Mn.
: La condition 3 implique que l'ordre d'inclusion sur les idéaux de A est total, ce qui caractérise les anneaux de valuation.
: Par noetherianité, M est finiment engendré. Si A est l'anneau d'une valuation v sur K, v(M) possède donc un élément minimum, ce qui assure que v est discrète.
a déjà été vu ; est classique.
: Soient K le corps des fractions de A et a un élément non nul de M. Il existe un entier naturel n tel que M n soit inclus dans aA (car dans un anneau noethérien intègre, tout idéal non nul contient un produit d'idéaux premiers non nuls). Choisissons le plus petit n vérifiant cette propriété. Comme a appartient à M, n n'est pas nul ; et comme n est choisi minimal, il existe un élément b de M n-1 qui n'est pas élément de aA. Posons k = b / a (élément de K) : alors k n'appartient pas à A donc (puisque A est supposé intégralement clos) k n'est pas entier sur A, donc il n'existe pas de A[k]-module fidèle qui soit de type fini en tant que A-module, si bien que M (qui est un A-module de type fini, comme idéal d'un anneau noethérien) ne peut être stable par produit par k. Ainsi, kM n'est pas inclus dans M. Il est cependant inclus dans A (car bM est inclus dans M n donc dans aA). C'est donc un idéal de A non inclus dans l'idéal maximal M. Par conséquent, kM = A, donc M = tA pour t = k −1, si bien que M est principal. (Il est non nilpotent, puisque A est intègre.)
Notes et références
Notes
- Discrete valuation rings = dimension 1 regular noetherian local rings par Ravi Vakil, Stanford University. Une preuve plus élémentaire de l'équivalence entre 2, 5, 6 et 7 figure dans les premières pages de Jean-Pierre Serre, Corps locaux [détail des éditions]. Cet énoncé est une synthèse de AC.VI.3 proposition 9 et AC.VII.7 proposition 11 de Bourbaki. La démonstration proposée s'inspire principalement de
- anneau local régulier de dimension 1. En termes plus savants : A est un
- théorème d'intersection de Krull permet de montrer que dans un anneau commutatif noethérien, l'intersection des puissances du radical de Jacobson est nulle. Plus généralement, le
Liens externes
- [PDF] Nombres algébriques et nombres p-adiques par Loïc Merel cours préparatoire aux études doctorales 2003-04
- (en)[PDF] Valuation Rings par Robert B. Ash, University of Illinois
- (en)[PDF] Discrete valuation rings = dimension 1 regular noetherian local rings par Ravi Vakil, Stanford University
Références
- Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]
- Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmétique [détail des éditions]
- Jean-Pierre Serre, Corps locaux [détail des éditions]
- Nicolas Bourbaki, Éléments de mathématique. Algèbre commutative. Chapitre 8 : Dimension. Chapitre 9 : Anneaux locaux noethériens complets, Hermann, 1983 (ISBN 2-225-78716-6)
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