Louis Pierre Édouard Bignon

Louis Pierre Édouard Bignon
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Bignon, Louis.jpg

Le baron Louis Pierre Édouard Bignon, à La Mailleraye-sur-Seine le 3 juillet 1771 et mort à Paris le 6 janvier 1841, est un diplomate, homme politique et historien français.

Sommaire

Biographie

Louis Pierre Édouard Bignon était le fils dun teinturier de Rouen. Grâce à la protection de la marquise de Hagu, il entra au collège de Lisieux à Paris, il fit de bonnes études. Engagé volontaire en 1792, il fut remarqué par le général Huer, qui le prit pour secrétaire.

Une requête en vers adressée au Directoire, par laquelle Bignon, sollicitant une place de secrétaire dambassade, exprimait son avis sur les qualités et les devoirs dun bon diplomate, attira lattention du nouveau ministre des Relations extérieures, Talleyrand, et lui valut dêtre nommé, en 1797, secrétaire de légation près la Confédération helvétique. Le 12 brumaire an VII, il fut nommé aux mêmes fonctions auprès de la République cisalpine. Sous le Consulat, il fut ensuite envoyé à Berlin au même titre (1799), avant dy être nommé chargé daffaires (1804).

Il fut ensuite accrédité à Cassel comme ministre plénipotentiaire (1804-1806). On dit que ce fut un ministre de lélecteur de Hesse qui lui donna le premier lidée dune confédération des princes allemands intermédiaires, qui serait protégée conjointement par la France et par la Russie. La Confédération du Rhin fut la concrétisation de cette idée, quoique sous le seul protectorat français. La veille de la bataille d'Iéna, Bignon offrit à lélecteur de Hesse de signer une convention de neutralité qui fut dabord repoussée. Quand les résultats de la journée furent connus, Bignon à son tour refusa de traiter. Napoléon entra à Berlin et lélectorat de Hesse fut supprimé.

Nommé commissaire impérial auprès des autorités prussiennes, chargé de ladministration générale des domaines et des finances des provinces conquises, Bignon conserva ces fonctions jusquen 1808, tant que larmée française occupa la Prusse. À Karlsruhe, il remplit lannée suivante la fonction de ministre plénipotentiaire auprès du grand-duc de Bade, un décret impérial daté de Schönbrunn vint lui apprendre quil était élevé à la situation dadministrateur général de lAutriche. De Vienne, il fut envoyé à Varsovie (1810), il fut chargé d'affaires pendant trois ans et servit les vues du gouvernement impérial sur la Pologne. Il reçut en récompense le titre de baron de l'Empire.

Après la bataille de Leipzig (16-19 octobre 1813), Bignon était à Dresde auprès du roi de Saxe. Il sy trouva aussi pendant le siège. Gouvion-Saint-Cyr, qui commandait, capitula, mais, la capitulation ayant été violée, Bignon fut un moment prisonnier dun aide de camp du prince de Schwarzenberg, jusquà ce que dernier, accueillant la réclamation du diplomate, le fît reconduire aux avant-postes français à Strasbourg. Il fut de retour à Paris le 7 décembre 1813 et ce fut lui qui annonça à Napoléon Ier la défection de Murat.

Après les événements de 1814, Bignon disparut un moment de la scène politique. Il consacra ses loisirs à un Exposé comparatif de létat financier, militaire, politique et moral de la France et des principales puissances de lEurope. Il revint aux affaires sous les Cent-Jours, puisque Napoléon Ier le nomma sous-secrétaire dÉtat au ministère des Affaires étrangères, conjointement avec le comte de Mosloy. Le 12 mai 1815, le département de la Seine-Inférieure lélut membre de la Chambre des représentants[1]. Chargé du portefeuille des Affaires étrangères, il dut signer la convention du 3 juillet 1815 qui, à la suite de la défaite de Waterloo, reléguait larmée française au-delà de la Loire et ouvrait Paris à linvasion. Lorsque le drapeau blanc flotta sur les Tuileries, Bignon remit son portefeuille aux mains de Talleyrand et se retira momentanément de la politique active.

Le 20 septembre 1817, il fut élu à la Chambre des députés par le département de l'Eure[2]. Il fut un des plus constants adversaires de la Restauration. Sa grande réputation et son expérience diplomatique conféraient un poids certain à son opposition, ainsi quaux ouvrages quil publianotamment : Du congrès de Troppau ou Examen des prétentions des monarchies absolues à légard de la monarchie constitutionnelle de Naples (1821), Les Cabinets et les peuples depuis 1815 jusquà la fin de 1822 (1822) – et qui attaquaient vivement la politique continentale des alliés. Orateur écouté, quoiquil improvisât rarement, il avait une parole nette et précise. Il proposa dimportants amendements à ladresse au roi, protesta contre la loi sur la presse, et fit en 1818 un grand discours sur le budget[3]. Au cours de cette discussion, il avait menacé le gouvernement dune révélation quil annonçait comme un argument nouveau en faveur du rappel des bannis, argument fondé « sur un fait particulier dont il avait connaissance, et dont il se réservait de faire usage quand le moment serait venu »[4]. Sommé par Decazes de sexpliquer, Bignon refusa. Son silence fut diversement commenté ; on pensa généralement quil avait voulu parler de certaines circonstances spéciales de la convention de 1815. Dans la session de 1819, il vota constamment avec la gauche contre les lois dexception[5], et fut des 95 opposants au nouveau système électoral[6].

Aux élections du 4 novembre 1820, Bignon échoua dabord dans le 4e arrondissement électoral de lEure (Les Andelys)[7], mais huit jours plus tard il fut élu député par le collège de département du Haut-Rhin. Dès lors, il fut successivement réélu le 9 mai 1822 par larrondissement dAltkirch (Haut-Rhin), le 1er mai 1827 par le 1er arrondissement de la Seine-Inférieure (Rouen) en remplacement de Stanislas de Girardin, décédé, le 17 novembre de la même année par les trois collèges de Rouen, dYvetot et des Andelys, et le 12 juillet 1830 par celui des Andelys[8]. En mainte circonstance, dans le cours de ces législatures successives, Bignon mena contre les gouvernements de la Restauration une vive et éloquente opposition[9].

La révolution de 1830 sembla rouvrir pour Bignon la carrière des hautes fonctions administratives. Le 31 juillet, il fut nommé ministre des Affaires étrangères dans le ministère nommé par la commission municipale de Paris, mais dès le lendemain, il cédait ce portefeuille dans le ministère provisoire du 1er août 1830 pour prendre celui de lInstruction publique, qu'il conserva jusquau 11 août. Il resta comme ministre sans portefeuille dans le premier ministère du règne de Louis-Philippe Ier, et quitta définitivement le gouvernement le 27 octobre. Par la suite, il fut souvent question de lui dans des projets de combinaisons ministérielles, mais ses réclamations fréquentes en faveur de la Pologne et ses sympathies pour lEspagne et lItalie firent obstacle à son retour aux affaires[10].

Il fut réélu député par larrondissement des Andelys les 5 juillet 1831 et 21 juin 1834. Il soutint le gouvernement de Louis-Philippe non sans attaquer à loccasion les ministres doctrinaires à qui il reprochait leur attitude en matière de politique étrangère. Il fit ainsi de vives représentations sur le risque de livrer la Belgique à lAngleterre, et parla en faveur de la Pologne, demandant, dans ladresse de 1833, une phrase explicite en lhonneur de ceux quon appelait alors les « héros de la Vistule ». Dans les sessions suivantes, il prit fréquemment la parole sur la situation extérieure de la France (à propos de lemprunt grec) ou sur la loi contre les associations[11].

Il fut nommé pair de France le 3 octobre 1837 et passa ses dernières années dans le silence, « résultat, selon lun de ses biographes, dune vie épuisée par la lutte et les désenchantements »[4].

Auteur également de plusieurs ouvrages historiques, Bignon avait été élu membre lAcadémie des sciences morales et politiques le 8 décembre 1832, dans la section « histoire générale et philosophique ». Il fut également chevalier (7 messidor an XII26 juin 1804), puis commandeur (7 juin 1823) et grand-officier (1838) de la Légion dhonneur.

Précédé par Louis Pierre Édouard Bignon Suivi par
Armand Augustin Louis de Caulaincourt
Ministre français des affaires étrangères
1815-1815
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
Précédé par Louis Pierre Édouard Bignon Suivi par
Casimir Louis Victurnien de Rochechouart de Mortemart
Ministre français des affaires étrangères
1830-1830
Jean-Baptiste Jourdan

Œuvres

Bignon est lauteur dun grand nombre douvrages politiques et historiques, rédigé avec soin daprès de bons documents et qui sont utiles et intéressants. Le principal est son Histoire de France sous Napoléon (10 volumes, 1829-1838 et 4 volumes posthumes, 1845-1850), que Napoléon Ier lui-même lavait engagé à composer en lui faisant un legs particulier dans son testament[12]. Cest une source précieuse sur la période napoléonienne.

  • Du système suivi par le Directoire exécutif relativement à la République cisalpine, et quelques détails sur les derniers événements qui ont eu lieu dans cette République, Paris, F. Buisson, an VII (1798), in-8 (75 p.)
  • Exposé comparatif de létat financier, militaire, politique et moral de la France et des principales puissances de lEurope, Paris, Lenormant, 1814, in-8
  • Précis de la situation politique de la France depuis le mois de mars 1814 jusquau mois de juin 1815, Paris, Delaunay, 1815, in-8
  • Coup dœil sur les démêlés des cours de Bavière et de Bade Paris, Delaunay, 1818, in-8 (X-116 p.)
  • Des Proscriptions, Paris, Brissot-Thivars, 1819-1820, 2 vol. in-8
  • La conspiration des barbes. Lettre de M. Bignon à M. Méchin, Paris, Brissot-Thivars, 6 septembre 1820, in-8
  • Du congrès de Troppau ou Examen des prétentions des monarchies absolues à légard de la monarchie constitutionnelle de Naples, Paris, Impr. de Firmin Didot, 1821, In-8 (XXIV-205 p.)
  • Lettre à un ancien ministre dun État dAllemagne sur les différends de la maison dAnhalt avec la Prusse, Paris, Impr. de Firmin Didot, 1821, in-8 (72 p.)
  • Les Cabinets et les peuples depuis 1815 jusquà la fin de 1822, Paris, Béchet aîné, 1822, in-8 (512 p.)
  • Histoire de France sous Napoléon depuis le 18 brumaire jusquà la paix de Tilsitt, Paris, Veuve C. Béchet et F. Didot Frères, 1829-1830, 6 vol. in-8
  • Histoire de France sous Napoléon depuis la paix de Tilsitt jusquen 1812, Paris, Firmin Didot Frères, 1838, 4 vol. in-8
  • Histoire de France sous Napoléon, depuis le commencement de la guerre de Russie jusquà la deuxième Restauration, Paris, Firmin Didot Frères, 1845-1850, 4 vol. in-8[13]
  • Souvenirs dun diplomate. La Pologne (1811-1813), précédés dune notice historique sur la vie de lauteur par François-Auguste Mignet, publié par le baron Alfred Ernouf, Paris, E. Dentu, 1864, in-12 (XXVIII-436 p.)

Hommages posthumes

Références

Liens externes

Bibliographie

  • Alfred Ernouf de Verclives, Notice sur M. Bignon, Pair de France, Paris, Hivert, 1842, in-8
  • François-Auguste Mignet, Notice historique sur la vie et les travaux de M. Bignon, lue à la séance publique annuelle de lInstitut du 23 août 1848, Paris, Impr. de Firmin Didot frères, 1848, in-8

Sources

Notes

  1. 46 voix sur 73 votants
  2. 559 voix sur 963 votants et 2.073 inscrits
  3. « Les déclarations du ministre affligent, dit-il ; ses réticences épouvantent (Murmures au centre). Jadmire loptimisme heureux qui voit sans crainte des milliards de dettes saccumuler sur nous, et qui, tout en périssant, rêve une prospérité imaginaire. » Il passa alors en revue la conduite du ministère, notamment quant à la retraite de larmée doccupation, et rappela le dernier discours du ministre Pasquier prétendant que pour calmer tous les esprits, il fallait jeter un voile sur le passé : « Eh bien, faut-il jeter aussi un voile sur ces listes trop fameuses sur lesquelles ont été entassés des noms pris au hasard parmi vingt-huit millions de noms quon eût pu y placer au même titre (violents murmures) ; faut-il jeter un voile sur cette loi du 12 janvier 1816, loi qui a frappé un si grand nombre de familles, loi dont linitiative fut dans cette Chambre, à laquelle on refuse maintenant toute initiative, loi repoussée par le gouvernement lui-même, comme étant une violation formelle de larticle 11 de la Charte... ? » Des murmures sélevèrent à droite : quelques membres, avec une extrême chaleur : Jamais ! Jamais ! « Il est temps, poursuivit lorateur qui se fit rappeler à lordre, quil ny ait plus démigrés ni de bannis ; il est temps que la France soit rendue à tous les Français, que les étrangers en sortent, que les bannis y rentrent... » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français)
  4. a et b cité par le Dictionnaire des parlementaires français
  5. Il déclara à propos de la loi de censure (23 mars 1819: « Cest pour sauver la Charte quon la viole. Cest pour préserver nos institutions quon les enlève, ou seulement quon les prend en dépôt, pour nous les rendre, quand nous en serons plus dignes [...] Si les lois actuelles sur la liberté de la presse ne sont pas assez rigoureuses, que lon propose des dispositions plus fortement répressives [...] Dans la politique astucieuse qui est à lordre du jour, le point important est lopportunité. Il faut saisir là-propos. » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français) Les ultras profitaient alors du meurtre du duc de Berry dans lintérêt de leur politique.
  6. Bignon sefforça (mai 1819) de montrer que la loi électorale serait funeste pour la monarchie constitutionnelle et pour la dynastie elle-même et termina par ces mots : « Nation française, il nest plus dans ta destinée dêtre esclave, ou du moins ta servitude ne pourrait durer quun jour ; la liberté te réclamerait le lendemain ! » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français)
  7. 138 voix contre 246 à M. de Vatimesnil, élu
  8. 176 voix contre 102 à M. Lecouteux
  9. « Vous avez beau faire, dit-il un jour, lesprit de liberté, combattu partout, partout invincible, brave le sabre des gendarmes et passe inaperçu à travers le fer croisé des baïonnettes. Plus les gouvernements sattachent à rendre sensible la ligne de démarcation qui les sépare les uns des autres, plus cette ligne sefface pour les peuples. » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français)
  10. Selon le Dictionnaire des parlementaires français : « Il existe aux Archives des notes de la Russie et de lAutriche exprimant le déplaisir avec lequel ces puissances verraient le portefeuille des Affaires étrangères confié au baron Bignon. »
  11. Il rappela à ce sujet le mot de Mirabeau en 1791 sur les lois dont on ne peut dire quune chose : Je jure de leur désobéir.
  12. « 32 - Idem, au baron Bignon, cent mille francs. Je lengage à écrire lhistoire de la diplomatie française de 1792 à 1815. »
  13. Les deux derniers volumes sont une continuation rédigée daprès les notes de Bignon par son gendre, le baron Alfred Ernouf.

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