Litterature francaise du XVIIIe siecle

Litterature francaise du XVIIIe siecle

Littérature française du XVIIIe siècle

Voltaire.
Rousseau.

La littérature française du XVIIIe siècle sinscrit dans une période le plus souvent définie par deux dates repères : 1715 et la mort de Louis XIV, et dautre part, 1799, date du coup dÉtat de Bonaparte qui instaure le Consulat et met dune certaine façon fin à la période révolutionnaire. Ce siècle de transformations économique, sociale, intellectuelle et politique est riche dune multiplicité dœuvres qui peuvent se rattacher, en simplifiant, à deux orientations majeures : le mouvement des Lumières et ses remises en cause des bases de la société et, par ailleurs, la naissance dune sensibilité que lon qualifiera postérieurement de préromantique.

Sommaire

Contexte historique

Louis XV.
Louis XVI.

Le XVIIIe siècle voit se fragiliser progressivement la monarchie absolue avec la Régence de Philippe dOrléans, puis avec le très long règne de Louis XV et ses guerres perdues (guerre de Sept Ans sur le continent européen et outre-mer, en Amérique et en Inde particulièrement, achevée par le traité de Paris de 1763 qui consacre la puissance de lAngleterre et le poids de la Prusse). La monarchie mourra finalement de limpuissance de Louis XVI : la Révolution de 1789 et ses soubresauts violents transformeront fondamentalement lHistoire de la France qui deviendra une République le 21 septembre 1792. La naissance en 1776 de la République des États-Unis dAmérique, soutenue par la France contre lAngleterre, symbolise aussi lentrée dans un monde nouveau à la veille du XIXe siècle apparaît le personnage de Bonaparte.


Par ailleurs, au cours du XVIIIe siècle, la société française change avec lessor démographique et lactivité dune bourgeoisie daffaires et dentreprises liée au progrès technologique (machine à vapeurmétallurgie) et au commerce avec « les Indes », fondé sur la traite négrière. En même temps se développent les villes avec leurs salons, leurs cafés et leurs académies qui affaiblissent le poids de laristocratie dans le domaine culturel comme dans le domaine social saffirme peu à peu le tiers état qui sera le vainqueur des luttes révolutionnaires à partir de 1789.

Les mentalités évoluent elles aussi avec le développement de léducation et des sciences (Newton, Watt, Volta, Leibniz, Buffon, Lavoisier, Monge…) et la diffusion des œuvres de lesprit, par le colportage et par le théâtre. La foi dans le Progrès que symbolisera lEncyclopédie de Diderot et dAlembert correspond à une déchristianisation progressive de la société que révèlent les conflits entre le haut et le bas clergé, ou les tensions avec les Jésuites (expulsés du royaume en 1764) ou lévolution du statut des protestants, admis à létat-civil en 1787. Mais lÉglise catholique reste un pouvoir dominant qui lutte contre les Lumières en faisant interdire leurs œuvres et en obtenant, par exemple, la condamnation à mort du huguenot Jean Calas en 1762 ou, pour blasphème, celle du chevalier de La Barre en 1766, barbaries qui susciteront lindignation de Voltaire.

Serment du Jeu de paume, 20 juin 1789.

À la même période, les conquêtes coloniales intéressent toutes les puissances européennes (voir Guerre de Sept Ans) et introduisent lexotisme et le thème du bon sauvage qui nourriront les arts et la littérature, de Robinson Crusoé à Paul et Virginie par exemple. Les échanges se multiplient et les influences étrangères sont importantes autant pour la marche des idées que pour lévolution des genres littéraires : cest vrai en particulier pour linfluence anglaise avec ses avancées démocratiques (monarchie constitutionnelle) et la création romanesque ou poétique que découvrent beaucoup décrivains qui séjournent en Angleterre tout au long du siècle. Linfluence allemande est aussi importante : elle nourrit le changement préromantique des sensibilités avec un apport marqué dans le domaine du fantastique et du sentiment national qui saccentuera au siècle suivant.

En ce qui concerne lart, le XVIIIe siècle présente longtemps un art tourné vers la décoration avec le style Régence et le style Louis XV et ceux quon a appelés les « peintres du bonheur » comme Boucher, Fragonard, Watteau ou Chardin, ou les portraitistes Quentin de La Tour, Nattier ou Van Loo, avant de valoriser, dans la deuxième partie du siècle, un art sensible et moral avec Greuze, Hubert Robert ou Claude Joseph Vernet. La musique française est illustrée par François Couperin et Jean-Philippe Rameau, mais dautres compositeurs européens dominent le siècle, de Vivaldi à Mozart en passant par Haendel, Bach, Haydn

Pour avoir un panorama littéraire du siècle précédent on se reportera à Littérature française du XVIIe siècle.

La variété littéraire du XVIIIe siècle

LEncyclopédie.

La littérature d'idées : les Lumières

Continuateurs des libertins du XVIIe siècle et desprits critiques comme Bayle et Fontenelle, ceux que lon appellera les Lumières dénoncent au nom de la Raison et de valeurs morales les oppressions qui perdurent à leur époque. Ils contestent la monarchie absolue en revendiquant un contrat social comme fondement de lautorité politique et une organisation plus démocratique des pouvoirs dans une monarchie constitutionnelle avec une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire (Montesquieu, Diderot, Rousseau entre autres). Voltaire combat particulièrement les abus du pouvoir (censure, lettre de cachet, collusion avec lÉglise) et rêve dun despote éclairé, conseillé par des philosophes. Par ailleurs, les « philosophes » eux-mêmes, bien que n'étant pas tous issus du « Tiers état », défendent une société fondée sur les talents et sur le mérite qui soppose à une société de classes (ou de castes) héréditaires, introduisant ainsi les valeurs de liberté et dégalité quaffirmera la République à la fin du siècle.

Ils défendent aussi la liberté de conscience et mettent en cause le rôle des institutions religieuses dans la société. La tolérance est une valeur fondamentale pour ceux qui « nous ont appris à vivre libres » comme le dit la Convention en honorant les cendres de Voltaire au Panthéon.

Montesquieu.
Diderot.

Bien sûr, le mouvement des philosophes nest pas uniforme, mais tous fixent pour objectif à lhumanité et plus encore à lindividu, le bonheur, « idée neuve en Europe », hésitant entre le rêve dun bon sauvage disparu (Rousseau) et une vie de mondain à la recherche du raffinement (Voltaire). Loptimisme nest cependant pas triomphant et les auteurs restent lucides : le combat est constant et ils y jouent le rôle fondamental dagitateurs didées.

Les œuvres importantes sont nombreuses et relèvent de différents genres comme le conte philosophique avec Voltaire Candide (1759), Zadig (1747) ou la satire distanciée avec les Lettres persanes (1721) de Montesquieu et les essais comme De l'esprit des lois (1748) du même, les Lettres anglaises (1734) ou le Traité sur la tolérance (1763) de Voltaire, le Contrat social (1762) ou Émile ou De l'éducation (1762) de Rousseau, le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot ou lHistoire des deux Indes de labbé Guillaume-Thomas Raynal.

Participent aussi à cette littérature didées certains aspects des comédies de Marivaux ou de Beaumarchais et bien sûr le grand œuvre de lEncyclopédie, animé par Diderot et D'Alembert, et ses 35 volumes (textes et illustrations), publiés de 1750 à 1772, ainsi quune grande diversité de textes de longueur et dimportance variables : essais, discours, dialogues, entretiens

Le théâtre du XVIIIe siècle

Beaumarchais.
Marivaux

Linfluence des grands dramaturges du « siècle de Louis XIV » persiste sur la scène de la Comédie-Française mais des renouvellements apparaissent avec les tragédies de Voltaire (1694-1778) qui introduit des sujets modernes en gardant la structure classique et lalexandrin (Zaïre, 1732, Mahomet, 1741) et qui obtient de grands succès. Néanmoins la censure est toujours active comme en témoignent, sous Louis XVI encore, les difficultés de Beaumarchais pour son Mariage de Figaro.

La libération des mœurs de la Régence apporte un autre renouvellement du théâtre avec le retour, dès 1716, des Comédiens-Italiens chassés par Louis XIV et le début dune très grande vogue du spectacle théâtral : on se presse pour admirer des acteurs réputés (Lélio, Flaminia, Silvia…) et rire des lazzi et du dynamisme des personnages issus de la commedia dell'arte comme Arlequin, Colombine ou Pantalon. Cest dans cette lignée que trouve place Marivaux (1688 -1763) avec ses comédies qui associent la finesse de lanalyse du sentiment amoureux et la subtilité verbale du marivaudage aux problèmes de société en exploitant le thème emblématique du couple maître-valet. Les Fausses Confidences (1737), le Jeu de l'amour et du hasard (1730), ou l'Île des esclaves (1725) constituent quelques-unes de ses œuvres majeures.

Regnard et Lesage (1668-1747) ont eux aussi marqué la comédie de mœurs avec le Légataire universel (Regnard, 1708) et Turcaret (Lesage, 1709), mais lautre grand auteur de comédies du siècle est Beaumarchais (1732-1799) qui se montre habile dans lart du dialogue et de lintrigue mais aussi dans la satire sociale et politique à travers le personnage de Figaro, valet débrouillard qui conteste le pouvoir de son maître et quon retrouve dans deux œuvres majeures : le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro (1784).

Le théâtre du XVIIIe siècle est marqué aussi par des genres nouveaux, aujourdhui considérés comme mineurs mais que reprendra et transformera le XIXe siècle, comme la comédie larmoyante et le drame bourgeois qui mettent en avant des situations pathétiques dans un contexte réaliste et dramatique qui touchent des familles bourgeoises. Quelques titres explicites : le Fils naturel (Diderot, 1757), le Père de famille (Diderot, 1758), le Philosophe sans le savoir (Sedaine, 1765), la Brouette du vinaigrier (Louis-Sébastien Mercier, 1775) ou encore la Mère coupable (Beaumarchais, 1792).

Mentionnons enfin le développement de genres qui associent texte et musique comme le vaudeville ou lopéra comique ainsi que des textes de réflexion sur le théâtre avec Diderot et son Paradoxe sur le comédien, les écrits de Voltaire pour défendre la condition des gens de théâtre toujours au ban de lÉglise et les condamnations du théâtre pour immoralité par Rousseau.

Le roman du XVIIIe siècle

Article détaillé : Le roman au XVIIIe siècle.
Candide.

Le roman du XVIIIe siècle est marqué par le renouvellement des formes et des contenus qui préfigurent le roman moderne considéré comme une œuvre de fiction en prose, racontant les aventures et lévolution dun ou de plusieurs personnages. Le genre, en pleine croissance avec un lectorat élargi, est marqué par le développement de la sensibilité, par le souci d'une apparente d'authenticité (avec le procédé du manuscrit trouvé, lemploi de la première personne, de léchange épistolaire ou des dialogues) et par lesprit des Lumières en prenant en compte les valeurs nouvelles dune société qui évolue. Linfluence la littérature anglaise est également sensible à travers la traduction des œuvres de Richardson, Swift ou Daniel Defoe. Néanmoins le roman restera, au cours du XVIIIe siècle siècle, un genre en quête de légitimation et de définition, comme le montrent les nombreuses réflexions sur le roman au XVIIIe siècle.

Le roman de ce siècle très riche explore toutes les possibilités romanesques : question du narrateur, éclatement du récit, engagement, analyse psychologique minutieuse, peinture réaliste du monde, imagination et confidence, apprentissage, souci de la formeet les textes sont difficilement réductibles à des catégories indiscutables ; on peut cependant risquer un regroupement par sous-genre.

  • Les romans philosophiques : on peut discuter le genre des œuvres narratives de Voltaire comme Zadig (1747) ou Candide (1759) mais lappellation la plus fréquente aujourdhui est « contes philosophiques ». La discussion est plus pertinente pour l'Ingénu, plus tardif (1768), qui séloigne du merveilleux et introduit une large part de réalisme social et psychologique.
Fragonard - la déclaration damour.

La naissance de lautobiographie au XVIIIe siècle

Le goût des récits de vie est très fort tout au long du siècle avec des œuvres notables comme la Vie de mon père (1779) ou Monsieur Nicolas (1794-1797) de Restif de la Bretonne, mais cest lapport essentiel de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui fonde lautobiographie moderne avec les Confessions (1782-1789) et les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778) dans lesquelles il nous offre un portrait exemplaire et approfondi de lui-même centré sur son « moi ».

La poésie du XVIIIe siècle

André Chénier.

Si la forme versifiée est utilisée avec habileté par Voltaire dans son Poème sur le désastre de Lisbonne ou dans le Mondain, la poésie, au sens commun du terme, ne se libère pas des influences du classicisme et lhistoire littéraire ne retient que quelques noms comme ceux de Jacques Delille (1738-1813) (les Jardins, 1782) ou Évariste Parny (1753-1814) (Élégies, 1784) qui préparent modestement le romantisme en cultivant une certaine sensibilité à la nature et au temps qui passe. Mais cest essentiellement André Chénier (1762-1794) qui réussit une poésie expressive comme dans le poème célèbre de la Jeune Tarentine ou celui de la Jeune Captive (son œuvre ne sera publiée quen 1819, bien après sa mort tragique lors de la Terreur).

On mentionnera aussi Fabre d'Églantine pour ses chansons (Il pleut bergère) et sa participation « poétique » au calendrier révolutionnaire.

Autres genres du XVIIIe siècle

Saint-Just.
  • La critique dart est inventée par Diderot dans ses Salons il explore la part de la sensibilité dans lémotion artistique comme à propos de la poésie des ruines peintes par Hubert Robert.
  • Buffon offre quant à lui une réussite littéraire intéressante avec ses écrits de vulgarisation scientifique dans son imposante Histoire naturelle, publiée avec grand succès de 1749 à 1789.
Robespierre.

Conclusion

La littérature française du XVIIIe siècle montre une grande richesse dœuvres dans tous les genres, en associant plus quen opposant lengagement des Lumières et la naissance de la subjectivité et de la sensibilité modernes. Lhistoire littéraire na pas tout retenu mais loriginalité du XVIIIe siècle tient pour une bonne part au fait que lexpression des idées relevait encore de la littérature - ceux quon appelle les « Philosophes » étaient des hommes de lettres à part entière - et les créateurs ne répugnaient pas à faire de leurs romans ou de leurs pièces des œuvres de combat tout en exprimant leur personnalité et leur sensibilité dans une langue qui devenait la langue de la culture de toute lEurope.

Pour l'influence sur le siècle suivant on se reportera à Littérature française du XIXe siècle.

Notes et références

Bibliographie

  • Alexandre Cioranescu, Bibliographie de la littérature française du dix-huitième siècle, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1969.
  • Michel Delon, Pierre Malandain, Littérature française du XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1996. (ISBN 9782130474050)
  • Béatrice Didier, Histoire de la littérature française du XVIIIe siècle, Paris, Nathan, 1992. (ISBN 9782091900384).
  • Jean-Marie Goulemot, Didier Masseau, Jean-Jacques Tatin-Gourier, Vocabulaire de la littérature du XVIIIe siècle, Paris, Minerve, 1996. (ISBN 9782869310834).
  • Michel Kerautret, La Littérature française du XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1983. (ISBN 9782130379812).
  • Michel Launay, Georges Mailhos, Introduction à la vie littéraire du XVIIIe siècle, avec la collaboration de Claude Cristin et Jean Sgard, Paris, Bordas, 1984. (ISBN 9782040156671).
  • Angus Martin, Vivienne G. Mylne, Richard Frautschi, Bibliographie du genre romanesque français, 1751-1800, Londres, Mansell, 1977.
  • Nicole Masson, Histoire de la littérature française du XVIIIe siècle, Paris, H. Champion, 2003. (ISBN 9782745308863).
  • François Moureau, Georges Grente, Dictionnaire des lettres françaises. Le XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1995. (ISBN 9782213595436).
  • Anne Chamayou, L'esprit de la lettre : XVIIIe, Presses universitaires de France, Paris, 1999 (ISBN 2-13-049894-9) 
  • Yasmine Marcil, La fureur des voyages : les récits de voyage dans la presse périodique (1750-1789), Honoré Champion, 2006 (ISBN 978-2-7453-1330-0) 

Liens externes

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