Amiral Muselier

 Cet article concerne l'amiral. Pour l'homme politique, voir Renaud Muselier.

Émile Henry Muselier, né à Marseille le 17 avril 1882 et décédé à Toulon le 2 septembre 1965, est un amiral français qui organisa les Forces navales françaises libres. C'est lui qui eut l'idée de distinguer sa flotte, de celle de Vichy, en adoptant la croix de Lorraine (en souvenir de son père d'origine lorraine), qui devint ensuite l'emblème de toute la France libre^[1] et effectua le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre. Entré à l'École navale en 1899^[2] et après une carrière militaire, brillante mais mouvementée, il tentera vainement sa chance aux élections législatives de 1946, en tant que vice-président du Rassemblement des gauches républicaines, avant de se reconvertir comme ingénieur conseil dans le privé jusqu'en 1960. Il est inhumé au cimetière Saint-Pierre, à Marseille.

Ascension rapide et mises en accusation

La première partie de sa carrière est marquée par sa campagne en Extrême-Orient (1902-1905)^[2], plusieurs autres en 1914 en Adriatique^[3], celle en Albanie^[3], entrecoupées de séjour à Toulon. En 1915, il se bat aussi sur l'Yser^[3] en Belgique à la tête d'une troupe de fusiliers marins sur sa demande, avant de commander une batterie marine en Champagne^[2]. En 1916, il est affecté comme président de la section marine au ministère des Inventions^[3] (on lui doit notamment les rideaux de fumée pour les navires).

Il obtient son premier commandement à la mer, sur l'aviso Scape, en avril 1918^[3]. Il y montre son autorité, alors que la Marine doit affronter en 1919 des mutineries généralisées (les marins, agités par les communistes, souffrent de continuer la guerre sans contact avec leurs familles)^{[4][réf. incomplète]}. Son bâtiment est le seul de l’escadre à ne pas arborer le drapeau rouge, après qu’il y ait maté une tentative de révolte. Dans le même temps, il a beaucoup de contacts avec les agents soviétiques et est même un « interlocuteur privilégié »^{[5][réf. incomplète]}. C’est là qu’il gagne son surnom de « rouge » (et non pour ses idées républicaines, qu’il n’était pas le seul à avoir dans la Marine). Un blâme lui est infligé, le 2 août 1920, pour l’affaire dite d’Otchakow, où une série d’imprudences coûta la vie à cinq de ses hommes et mit à mal les accords passés entre les autorités soviétique et française^[6].

Puis c'est le commandement du torpilleur L'Ouragan, en 1925^[3] , celui du croiseur cuirassé Ernest Renan en 1927^[3] , puis du cuirassé Voltaire en 1930^[3] et du cuirassé Bretagne en 1931^[3] .

Un rapport de la police de Toulon auprès de la direction de la Sûreté générale, le 28 juillet 1927, fait état de la saisie d’opium au domicile qu’il partage avec sa maîtresse, Madame Oswald, qui avoue en faire usage « en compagnie de Monsieur Muselier ». Cette suspicion ne prouvant pas la consommation suffit à le disculper^[6]. Son dossier personnel indique une faiblesse physique à son retour d’Extrême-Orient en 1909 et en fait à nouveau état dans les années 1930, où plusieurs supérieurs notent ses problèmes nerveux^[7].

Tout cela n'a pas contribué à sa réputation au sein de la communauté maritime.

Nommé contre-amiral, il devient en 1933 Major général de la 4^e Région maritime au port de Sidi-Abdalah (Tunisie) où il crée des œuvres sociales comme « La Mie de Pain »^[3] . En 1938, il reçoit le commandement de la Marine et du secteur de défense de la ville de Marseille^[3].

Auparavant, il avait été attaché aux cabinets de Painlevé^[2] et de Clemenceau^[2], puis chef d'état-major de la délégation de contrôle naval en Allemagne^[2].

Il est nommé vice-amiral le 9 octobre 1939^[8] par l'amiral Darlan^[3], son camarade de promotion à l'École navale. Il est mis cependant à la retraite dès le 21 novembre « Par ce même Darlan, à la suite d'accusations calomnieuses portées contre lui^[3]. »

En décembre 1939 il effectue une mission d'information au Levant^[3]. De mars à juin 1940 il est ingénieur dans une entreprise réquisitionnée par le ministère de l'Air et de l'Armement^[3].

Figure de la France libre

Il est le premier officier général à rejoindre le général de Gaulle, le 30 juin 1940^[8]. Le 1^er juillet 1940, celui-ci, le nomme commandant des forces maritimes françaises restées libres^[8],[3] et à celui, provisoire, des forces aériennes^[8],[3], fonctions qu'il se verra confirmer avec le titre de Commissaire, à la création du Comité national français en 1941^[2]. Ce jour là il lui propose, en présence du capitaine de corvette Thierry d'Argenlieu, l'adoption de la Croix de Lorraine comme emblème^{[1],[3],[9],[10]} pour lutter contre la croix gammée^[11]. Dans son ordre général n^o 2 du 3 juillet 1940, le vice-amiral Émile Muselier crée donc pour les forces françaises ralliées à de Gaulle un pavillon de beaupré (carré bleu avec, au centre, la croix de Lorraine en rouge par opposition à la croix gammée) et pour les avions, une cocarde à croix de Lorraine^[12],[13]. La Croix de Lorraine devint ensuite l'emblème de toute la France libre.

Le même jour, l'amiral Muselier avait rédigé son propre appel, adressé aux marins et aux aviateurs^[3]. Il forme ensuite un début d'état-major avec le capitaine de vaisseau Thierry d'Argenlieu et l'enseigne de vaisseau Voisin, puis part en mission pour Alexandrie « afin de se rendre compte de la possibilité d'un coup d'État en Syrie^[3] ».

Les essais de ralliement ne sont pas faciles. En 1940, le commandant de Quiévrecourt, qui commandait l’aviso Dumont d’Urville, refusa de rejoindre la France Libre lorsque Nouméa se rallia. Muselier envoya un télégramme le destituant et nommant à sa place le commandant en second. Celui-ci rejeta l’ordre et donna cette réponse pour l’amiral Muselier : « De la part Commandant, officier en second, état-major et équipage du Dumont d’Urville. Votre 230. Stop. Merde^[14]. » C’est depuis ce temps-là que dans la Marine on ne renvoie pas au « mot de Cambronne », mais au « mot de Quiévrecourt ».

Le 2 janvier 1941, il est arrêté avec ses deux secrétaires par la police britannique, à la suite d'une dénonciation pour trahison, sur le fondement de faux documents^[8], et incarcéré à la prison de Pentonville. Les Britanniques le soupçonnent d'être secrètement entré en contact avec Vichy^[8], d'avoir transmis à Darlan le plan de l'expédition de Dakar^[8] et de projeter de lui livrer le Surcouf. Sceptique, de Gaulle présente devant Eden une protestation orale et une note écrite démontant le dossier d'accusation. Après avoir obtenu de rencontrer l'amiral à Scotland Yard le 7, le chef de la France libre menace, le 8, de rompre ses relations avec le Royaume-Uni. Innocenté, l'amiral est libéré le lendemain avec ses secrétaires et le Gouvernement britannique dut lui présenter des excuses^[8],[15]. Cet épisode aura malgré tout terni ses relations avec de Gaulle.

En septembre 1941, poussé notamment par André Labarthe, il tente en vain d'imposer à de Gaulle un « comité exécutif de la France libre » présidé par lui-même et largement composé d'opposants au chef des Forces françaises libres. Le comité national français, créé le 24 septembre, est dirigé par de Gaulle^[16].

Malgré ses réticences mais sur ordre du général de Gaulle^[17], il réalise le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon^[2]. Le 24 décembre 1941, à trois heures du matin^[17], débarquant avec quatre navires français en provenance d'Halifax (le sous marin Surcouf et les corvettes Alysse, Mimosa, Aconit)^[17], et installant l'enseigne de vaisseau Alain Savary comme Commissaire de la France libre^[18]. Ce fait d'arme alimentera l'animosité du Président Roosevelt à l'égard du général^[19]. De Gaulle s'était engagé à laisser carte blanche à Muselier, lequel, compte tenu du changement survenu dans la situation des États-Unis à la suite de l'attaque japonaise de Pearl Harbour le 7 décembre 1941, décide de faire part des intentions de la France Libre concernant Saint-Pierre-et-Miquelon aux nouveaux alliés que sont les Américains, considérant que l'opération ne peut plus être menée par surprise^[20]. Mais, craignant les vues des Canadiens et des Britanniques sur l'archipel, ce que certaines informations laissaient à penser^[17], le général s'était ravisé pour affirmer la souveraineté française^[21]. Cela conduira finalement l'amiral à démissionner de son poste de Commissaire^[3],[22].

Considéré comme peu loyal par de Gaulle, l'amiral sera ensuite écarté par ce dernier, un an et demi plus tard, à Alger, à cause de graves divergences politiques. Préférant être nommé par le général Giraud^[3],[2], il aura été l'éphémère responsable civil et militaire d'Alger^[3], en juin 1943, et avait même semblé prendre la tête d'un putsch anti-gaulliste, avant que le général de Gaulle ne s'impose seul à la tête du Comité français de la Libération nationale.

Après avoir été le chef de la délégation navale à la Mission militaire pour les affaires allemandes^[3],[2]. il sera définitivement admis à la retraite le 1^er février 1945. Ami de Mendès France, radical socialiste, patriote et républicain, celui qui dans La Royale avait été surnommé , « l'amiral rouge » resta attaché à l'intégrité du territoire national jusqu'à la fin de ses jours.

À noter que l'amiral Muselier avait été condamné par le régime de Vichy à la peine de mort et à la confiscation de ses biens (1940) ainsi qu'à la déchéance de la nationalité française (1941). Peines frappées de non droit à la Libération.

Filiation

L'homme politique Renaud Muselier est son petit-fils.

Décorations

• Grand officier de la Légion d'honneur
• Compagnon de la Libération (1^eraoût 1941)
• Croix de guerre 1914-1918
• Croix de guerre 1939-1945
• Croix de guerre des TOE
• Croix du combattant volontaire
• Chevalier de l'Ordre du bain (Knight Grand Cross of the Bath, Royaume-Uni)
• Commandeur de l’Ordre de Léopold de Belgique
• Chevalier des Saints-Maurice-et-Lazare
• Officier du sauveur de Grèce
• Commandeur de sainte Anne de Russie
• Mérite militaire Italien
• Commandeur de l’ordre Royal du Cambodge
• Officier du Trésor sacré (Japon)
• Grand cordon du Nicham Iftikhar

Ouvrages

• Émile Muselier, Marine et Résistance, Paris, 1945.
• Émile Muselier, De Gaulle contre le gaullisme, Paris, 1946.

Notes et références

Bibliographie

 : source utilisée pour la rédaction de l’article

• Louis de Villefosse, Souvenirs d'un marin de la France libre, les Éditeurs français réunis, Paris, 1951.
• Renaud Muselier, L'Amiral Muselier, le créateur de la Croix de Lorraine, Éditions Perrin, 2000.
• Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, éd. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, chap. « Le putsch de Saint-Pierre-et-Miquelon », p. 191-208.
• Éric Roussel, Charles de Gaulle, éd. Gallimard, Paris, 2002, 1032 p., (ISBN 2070752410 et ISBN 978-2070752416) [présentation en ligne]

Article connexe

• Ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre

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