Croix de Lorraine

Croix de Lorraine
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La croix de Lorraine.

La croix de Lorraine (appelée auparavant croix d'Anjou) est une croix à double traverse. En héraldique, on l'appelle croix archiépiscopale ou croix patriarcale ; elle figure dans les blasons des archevêques, et dans l'iconographie ancienne, pour signaler cette fonction.

Cette croix figurait dans la symbolique des ducs d'Anjou devenus ducs de Lorraine à partir de 1431 (René d'Anjou 14091480).

Elle doit sa forme à la croix chrétienne à laquelle a été ajoutée une petite traverse supérieure représentant l'écriteau (titulus crucis) que Ponce Pilate aurait fait poser au-dessus du Christ : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs » (INRI).

Sommaire

Différence historique entre la croix de Lorraine et la croix patriarcale

Selon certains auteurs, historiquement, la véritable croix de Lorraine serait une croix dont les deux barres transversales sont de même longueur. Elle est appelée double croix ou croix de Lorraine[1],[2]. La croix patriarcale est une croix avec la barre transversale la plus élevée plus courte que l'autre. De nos jours on appelle couramment toute croix à deux traverses croix de Lorraine[2].

Son histoire

Croix d'Anjou sur le clocheton central de la cathédrale Saint-Maurice à Angers

Une double tradition de la croix double aboutit à René d'Anjou :

Cette croix double est la forme d'un assemblage de reliques de la Vraie Croix en bois noirci. Ces reliques se trouvaient à Byzance au début du XIIIe siècle, puis passèrent de Manuel Comnène à Germain († 1219), patriarche latin de Constantinople, puis à Thomas, évêque de Hiérapetra, en Crète. Celui-ci vendit les reliques à Jean d'Alluye, qui les vendit lui-même en 1244 à l'abbaye de la Boissière en Anjou. On parlait alors de Vraie Croix. Pendant la guerre de Cent Ans au XIVe siècle, elles furent par sécurité placées aux Jacobins d'Angers. On parla à l'époque de croix d'Anjou. Ces reliques furent particulièrement vénérées par les ducs d'Anjou, depuis Louis Ier de Naples (1339 - 1384) qui le fit broder sur sa bannière. Ces reliques sont conservées depuis 1790 dans la chapelle des Incurables de l'hospice de Baugé (Maine-et-Loire).

D'autre part, cette croix a remplacé très tôt la croix penchée comme emblème des rois de Hongrie et figure sur leur premières armoiries et les monnaies hongroise à partir de Béla III (1148-1196). Par son mariage avec Marie de Hongrie, Charles II de Naples (1254-1309) fit entrer le royaume de Hongrie et son emblème dans la maison d'Anjou-Sicile et l'on voit le roi Louis Ier de Hongrie (1326-1382) porter la croix double sur ses armoiries. Louis Ier avait désigné comme successeur un cousin Charles III de Naples, qui fut assassiné. Jeanne II de Naples, la fille de Charles III, désigna comme héritier René Ier d'Anjou. Aujourd'hui cette croix figure non seulement sur les armes de Hongrie mais aussi sur celles de Slovaquie et sur le drapeau slovaque.

Le roi René, petit-fils de Louis Ier d'Anjou et duc de Bar par mariage, utilisa la croix d'Anjou qui passa au cou des aigles support d'armes, d'où la croix de Lorraine dans les armoiries (mais pas dans le blason) des ducs de Lorraine et son apparition en France lors de la Ligue, en tant que symbole de la famille de Guise.

Symbole de la lutte contre la tuberculose

Le Jugement dernier, peinture en style orthodoxe byzantin sur les murs du monastère de Voroneţ construit en 1488 en Roumanie. On y voit en bas à gauche la croix de Lorraine.

Suite au premier « Congrès International contre la Tuberculose » en 1902 à Paris, la croix de Lorraine est adoptée comme symbole de la lutte contre la tuberculose par l'Union internationale contre la tuberculose (UICT) en 1920. Codifiée, calibrée, lors de la sixième conférence internationale de la tuberculose qui se tient à Rome en 1928, elle y reçoit, en tant qu'emblème, une consécration officielle[3],[4].

La lutte antituberculinique ayant été efficace, ce symbolisme a périclité avec l'apparition des antibiotiques mais il a contribué avant guerre, au cours des quêtes annuelles, à populariser le signe. L'Association américaine du poumon(en) a aujourd'hui encore comme emblème une version modifiée de cette croix[5].

La croix de Lorraine et la France libre

La France libre l'adopta pour symbole suite à la proposition du vice-amiral Émile Muselier faite à de Gaulle, le 1er juillet 1940, en présence du capitaine de corvette Thierry d'Argenlieu[6],[7],[8],[9] pour lutter contre la croix gammée[10]. Dans son ordre général no 2 du 3 juillet 1940, le vice-amiral Émile Muselier, nommé l'avant-veille au commandement des forces navales et aériennes françaises libres, créa pour les forces françaises ralliées à de Gaulle un pavillon de beaupré (carré bleu avec, au centre, la croix de Lorraine en rouge par opposition à la croix gammée) et pour les avions, une cocarde à croix de Lorraine[11],[12].

L'amiral Muselier était d'origine lorraine et les armes du 507e régiment de chars de combat que commandait le colonel de Gaulle en 1937-1939[13] comportaient une croix de Lorraine[14]. Le pavillon fut modifié après deux ou trois mois : il était trop sombre. Dans le modèle définitif, il est bleu côté guindan, rouge côté battant. Au cente le blanc forme un losange comportant une croix de Lorraine rouge non tréflée. Ce pavillon de beaupré est arboré actuellement par les bâtiments de la Marine nationale portant le nom d'un bâtiment ayant appartenu aux Forces navales françaises libres (FNFL). Seul les goélettes Étoile et Belle Poule qui furent des voiliers écoles FNFL, portent ce pavillon de beaupré depuis l'origine.

Le symbole a été adopté ensuite par tous les Français libres et figurera sur de nombreux insignes[14],[15] (insigne émaillé porté par de Gaulle), notamment sur la croix de l'Ordre de la Libération créé à Brazzaville le 16 novembre 1940, sur la médaille de la Résistance, sur la médaille commémorative des services volontaires dans la France libre, créée par décret le 4  avril 1946. La croix de Lorraine est également présente sur des monuments et sur les timbres créés sous les gouvernements du général de Gaulle.

Les Français libres sont tellement identifiés à la croix de Lorraine que l'on ignore généralement que l'insigne des FFL terrestre (surnommé « le moustique ») ne contenait pas de croix, c'était un glaive entouré de deux ailes et d'une couronne de laurier[14]. Celles arborées par la 2e DB font croire, par contre, qu'elle était une unité « française libre » à part entière. En aout 1943 a lieu la fusion des Forces françaises libres (FFL) avec l'armée d'Afrique mais un décret du 22 octobre 1943[15] autorise les ex-FFL à continuer à porter leur insigne, ce qui les distingue de ceux qui ne combattaient avec les Alliés que depuis fin novembre 1942[16]. Les connaisseurs repèrent donc assez facilement les Français libres parmi les militaires de l'Armée de la libération, quand d'autres cherchent vainement des croix de Lorraine qui ne sont en fait arborées que par les marins et aviateurs issus de la France libre.

La croix de Lorraine et la Résistance intérieure française (1940-1944)

En métropole, la croix de Lorraine est connue depuis 1940 à la fois par les émissions de la BBC et par des tracts parachutés, et sert à un certain nombre d'individus isolés à exprimer, par exemple par des graffitis, leur sympathie vis-à-vis des Anglais ou de la France libre. En 1941, la BBC encourage plus explicitement à utiliser ce symbole à l'occasion de manifestations patriotiques comme le 11 novembre ou le 14 juillet[16].

Avec le développement des différents mouvements de la Résistance intérieure française, la croix de Lorraine révèle la volonté de tel ou tel mouvement d'afficher son alliance avec la France libre. C'est ainsi qu'au cours de l'été 1941, le PCF manifeste sa toute récente ouverture vers les gaullistes en encourageant les inscriptions où se côtoient faucille, marteau et croix de Lorraine. C'est en 1942 que Franc-Tireur, premier mouvement à reconnaître de Gaulle reçoit de la France libre des tracts Lisez Franc-Tireur avec l'emblème de la croix de Lorraine. D'une façon générale, la croix de Lorraine apparaît ensuite comme le symbole de l'unification nationale sous l'égide de De Gaulle. Pour cette même raison, il arrive également que le monopole de l'espace symbolique « résistant » lui soit contesté. Ainsi, lors de la Libération, tandis que le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) prescrit d'utiliser pour les brassards des FFI la croix de Lorraine sur fond tricolore, le COMAC, qui privilégie la légitimité de la Résistance intérieure recommande l'emploi du simple sigle FFI[16].

Par la suite, on retrouve la croix de Lorraine, sur de nombreux monuments aux morts français de la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur de nombreux monuments en l'hommage de la Résistance intérieure[16].

La croix de Lorraine, emblème de De Gaulle et des mouvements gaullistes

Le fanion du général de Gaulle ornant sa voiture officielle était tricolore à croix de Lorraine, mais le Général avait refusé que la croix de Lorraine figurât sur le drapeau tricolore de la République française ainsi que sur les cachets officiels de la Ve République, qui ont conservé le motif de la Liberté assise, avec un faisceau de licteur.

Une croix de Lorraine se trouve aussi sur une des plages du débarquement de Normandie. Cette croix est placée à l'endroit où le général de Gaulle a débarqué le 14  juin 1944, entre Courseulles-sur-Mer et Graye-sur-Mer, après avoir traversé la Manche à bord du navire français La Combattante.

En 1972, la croix de Lorraine a été choisie comme motif du mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne, Champagne-Ardenne). Constitué le 23 mars 1971, un comité national du Mémorial du général de Gaulle est placé sous le haut-patronage de Georges Pompidou, président de la République, et réunit une trentaine de personnalités proches du Général. Il prend en charge la réalisation de la croix et lance un appel à souscription pour réaliser le projet. Plusieurs millions de personnes apportent leur participation. 67 pays étrangers s'associent à l'entreprise, en particulier le Liban, qui contribue largement à la souscription et offre 1 000 cèdres du Liban qui sont plantés sur la colline lors d'une cérémonie. Les architectes retenus, Marc Nebinger et Michel Mosser, réalisent une croix en béton armé précontraint de 44.30 mètres de haut pour un poids total sans fondations de 950 tonnes, revêtue d'un parement en granit rose de Perros-Guirec et habillée de surfaces en bronze de 10 mm d'épaisseur et d'1.68 mètre de longueur.

La croix de Lorraine a été logiquement le logo de tous les grands mouvements politiques gaullistes qui se sont succédé de 1947 à 2002 : le RPF, l’UNR, l’UDR et enfin le RPR. L’UMP, qui a dilué les gaullistes du RPR dans une grande union de la droite et du centre, n'a pas repris la croix de Lorraine comme symbole. Ce logo, croix de Lorraine sur fond de bonnet phrygien, était en fait celui des gaullistes de gauche de l’Union démocratique du travail (UDT) et du Front progressiste. Ceux-ci n'avaient jamais pris la peine de déposer ce symbole auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Cependant aujourd'hui encore, elle est toujours le logo de certains clubs et associations gaullistes comme l'Union du Peuple Français[17], le Mouvement Initiative et Liberté, le club Nouveau siècle, l'Union gaulliste, l'Académie du gaullisme, etc.

Divers

En informatique la croix de Lorraine « ☨ » correspond au caractère Unicode U+2628.

Croix de Lorraine

Image du caractère
Unicode
Code U+2628
Nom Croix de Lorraine
Bloc Symboles divers
(U+2600 à U+26FF)
Tracé
Symétrie axiale
Trait rectiligne


Notes et références

  1. Stéphane Chavet, « Artisanat de Tranchée », 2004. Consulté le 20 septembre 2008
  2. a et b Croix de Lorraine. Consulté le 20 septembre 2008
  3. (en) Madelon Finkel, Truth, Lies, and Public Health : How We Are Affected When Science and Politics Collide, Westport, Praeger, 30 août 2007, 256 p. (ISBN 978-0-275-99128-9) (LCCN 2007016345) [lire en ligne (page consultée le 24 juin 2010)], p. 106 
  4. Arlette Mouret, « L'imagerie de la lutte contre la tuberculose : le timbre antituberculeux, instrument d'éducation sanitaire », dans Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, no 12 : « Polysémie de la santé. Institutions et pratiques sociales en France et au Québec 1750-1980 », 1994 [texte intégral] .
  5. Site officiel de l'ALM (American Lung Association)
  6. « Croix de Lorraine », francelibrebdr.fr.
  7. « Émile Muselier », Ordre de la Libération.
  8. La Seconde Guerre mondiale, « La Croix de Lorraine », charles-de-gaulle.org.
  9. Le général de Gaulle ne retiendra que le nom de Thierry d'Argenlieu dans ses Mémoires de guerre. Le texte exact (dans le tome I, L'Appel) de De Gaulle est : « Le 21 juillet [1940], j'obtins que plusieurs de nos aviateurs prissent part à un bombardement de la Ruhr et fis publier que les Français Libres avaient repris le combat. Entre-temps, tous nos éléments, suivant l'idée émise par d'Argenlieu, adoptèrent comme insigne la Croix de Lorraine. » (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – L'Appel (1940-1942), chap. « La France Libre », Plon, 1954 (repris par édit. Pocket (ISBN 978-2-266-09526-6), p. 99.).
  10. « Sous le signe de la Croix de Lorraine », article publié par France d'abord, journal brazzavillois dans le no 18 du mercredi 5 novembre 1941, p. 11-13, reproduisant, comme indiqué en en-tête, « des extraits d'une conférence faite dernièrement à Londres par l'amiral Muselier ». L'amiral explique, paragraphes 4 à 6 de l'article, p. 11 : « Dès le début, il m'a paru nécessaire de différencier de façon apparente, les bâtiments de guerre de la France Libre et ceux restés fidèles au Gouvernement du maréchal Pétain.
    Un de mes premiers ordres — du 2 juillet, si j'ai bonne mémoire — précisa que les bâtiments des Forces Navales Françaises Libres porteraient à la poupe les couleurs nationales françaises et à la proue un pavillon carré bleu, orné d'une Croix de Lorraine rouge. Et ce fut l'origine de l'insigne du Mouvement de la France Libre.
    Pourquoi j'ai choisi la Croix de Lorraine ? Parce qu'il fallait un emblème en opposition à la Croix Gammée et parce que j'ai voulu penser à mon père qui était Lorrain. »
  11. « Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1940, seul dans sa petite chambre du Grosvenor Hotel, à Londres, il prend d'autres décisions, sans référence à personne. Pensant à son père, un Lorrain, il rédige un statut de la Marine française libre, prescrivant d'arborer l'insigne qui deviendra légendaire : « Les bâtiments de guerre et de commerce [...] porteront à la poupe le pavillon national français et à la proue un pavillon carré bleu, orné en son centre de la croix de Lorraine en rouge, par opposition à la croix gammée. » » Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Le putsch de Saint-Pierre-et-Miquelon », Éditions CAL, p. 197, (repris de Librairie Académique Perrin, 1962-1964).
  12. « Les origines des FNFL, par l'amiral Thierry d'Argenlieu », article tiré du no 29 de la Revue de la France Libre de juin 1950, p. 17-20.
  13. « Chronologie militaire de Charles de Gaulle », sur le site charles-de-gaulle.org, consulté le 7 mai 2010.
  14. a, b et c [PDF] « Musée de l'Armée – Département des deux guerres mondiales – Les Forces françaises libres », sur le site invalides.org, consulté le 10 mai 2010.
  15. a et b « L'insigne individuel du personnel des F.N.F.L », sur le site netmarine.net, consulté le 10 mai 2010.
  16. a, b, c et d Bruno Leroux, article « Croix de Lorraine », dans François Marcot (dir), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006, p. 925-927.
  17. Site de l'UPF

Annexes

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