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Qilin
Le qilin, qílín, kilin, kirin ou kỳ lân est un animal composite fabuleux issu de la mythologie chinoise possédant plusieurs apparences. Il tient généralement un peu du cerf et du cheval, possède un pelage, des écailles ou les deux, et une paire de cornes ou une corne unique semblable à celle du cerf. Créature cosmogonique et roi des animaux à pelage, il ne réside que dans les endroits paisibles ou au voisinage d’un sage, en découvrir un est toujours un bon présage. On lui prête aussi le pouvoir d'amener un fils talentueux qui fera de grandes choses. Il apparait dans les textes (mais pas toujours dans les représentations) avec une corne unique, et il est souvent appelé licorne dans les langues occidentales.
Sommaire
Terminologie
Le nom de K'i lin comprend le radical des cervidés[1]. En mandarin, on le nomme 麒麟 qílín, en japonais kirin, et en vietnamien kỳ lân. Il est parfois surnommé « cheval dragon »[1] et familièrement sibuxiang (四不象, littéralement « qui ne ressemble à rien »)[2]. Qí ou K'i est le nom du mâle et lín celui de la femelle, qílín la combinaison des deux[3].
Origine et mythologie
Article connexe : Licorne.Selon Francesca Yvonne Caroutch, la première trace écrite d'un qilin remonterait à -2697, en Chine, dans les Annales de bambou[4]. Le qilin serait né de la conjonction de deux étoiles ou d'un croisement entre une vache et un dragon[3]. Le qilin est, comme le dragon et le phénix chinois, un animal mythique et composite probablement issu de la haute antiquité, mais son mythe a beaucoup moins bien survécu que ceux des deux animaux précédent[3]. Les mythes concernant le Qilin semblent avoir des symboliques différentes les unes des autres puisque la licorne chinoise est à la fois un animal cosmogonique, un symbole du triomphe de la justice, la monture du comte des vents (qui chevauchait une licorne noire) et un présage de la naissance de garçons promis à un grand avenir[3]. A l'époque moderne, il est associé à toutes les manifestations bénéfiques : longévité, grandeur, félicité, administration sage, ère de paix et justice bienveillante mais ferme.
Roi des animaux
Selon le Livre des rites, les quatre animaux sacrés sont le qilin, le phénix, le dragon et la tortue qui apparurent en même temps que le géant Pangu (P'an Ku) et l'aidèrent à la création du monde, puis devinrent les animaux souverains du règne animal[3]. Le qilin règne sur les animaux à poil[3], le phénix sur ceux à plumes, le dragon sur les bêtes à écailles et la tortue sur celles à carapace. Dans le Mencius, il domine les animaux qui marchent alors que le phénix règne sur ceux qui volent. Dans les régions encore infestées de bêtes sauvages, on plaçait sur les autels l’inscription « Ici demeure un qilin » (麒麟在此) pour les éloigner.
Gage de paix et de félicité
L'apparition d'un qilin est bon signe pour la région, présage d'un bon gouvernement et d'une ère de prospérité sous le gouvernement d'un sage[3]. La sagesse et le bon gouvernement sont indissociables selon la pensée chinoise[3]. L’apparition d’un qilin est gage de bon gouvernement et motif de réjouissances. Un qilin blanc serait apparu durant le règne de Han Wudi, il proclama alors une nouvelle ère, celle du « grand commencement » (太始) tài shĭ, 96-93 av. J.-C.). Il fit fondre une nouvelle monnaie d’or appelée « empreinte de qilin » (麟趾金) et bâtir un pavillon du qilin (麒麟閣) dans le palais de Weiyang (未央宮). Le nom des ministres émérites devait y être gravé. La disparition d'un qilin est toujours un mauvais signe. Selon le Kongzi jiayu (孔子家語), tuer de jeunes animaux éloigne le qilin, briser les œufs dans les nids fait disparaitre le phénix, assécher les cours d’eau chasse le dragon.
Confucius
La symbolique la plus classique du qilin est celle de la « licorne donneuse d'enfants », dont l'origine semble remonter à la légende dorée de Confucius[3]. Il en existe deux versions, selon la première, un qilin apparut en rêve à la mère de Confucius[3] peu avant sa conception et déposa un livre de jade sorti de sa bouche (麟吐玉書). Selon la seconde, la femme marcha alors dans les empreintes de pas du qilin et son fils fut conçu[3]. Selon le Zuo Zhuan (Tso Tchouan, -482), seul Confucius est capable de reconnaître un qilin[3] : « Au printemps, dans une chasse à l'ouest, l'intendant des voitures (...) prit un qilin. Croyant que c'était un animal de mauvais augure, il le donna à l'inspecteur des forêts. Confucius le vit et déclara que c'était un qilin femelle (...) Alors, elle fut recueillie ». La tradition rapporte que lorsque Confucius travaillait à la rédaction des Annales de Lu vers la fin de ses jours, on annonça qu’un qilin avait été tué par un chasseur à l’ouest de la capitale[3]. Il comprit alors que le roi Ai n’en avait plus pour longtemps et déclara : « Mon travail est fini. » Les Annales sont parfois appelées Livre du qilin (麟經 ou 麟史).
Donneur d'enfants
Le Classique des vers utilise l’expression « trace du qilin » (麟 趾) pour désigner les descendants du roi Wen de Zhou et vanter leurs talents. La qilin était réputé comme présage d'une prestigieuse descendance appelée à devenir illustre, et l'on formait le vœu « que le qilin apporte de nobles fils ». Le thème de la licorne donneuse d’un fils promis à une belle carrière (麒麟送子) était autrefois très populaire : il apparait sur les estampes de Nouvel An ou les décorations de mariage[3]. Un jeune garçon ou un jeune homme tenant parfois un lotus entre ses mains, vêtu en aristocrate, y est monté sur un qilin, accompagné de la déesse donneuse d’enfants. Dans le sud de la Chine, des « danses de licorne » avaient lieu pendant la période du Nouvel An. Les femmes désireuses d'avoir un fils devaient toucher la frange représentant sa barbichette.
Symbole de justice
Le qilin est aussi un symbole de justice ancien, et se substituait peut-être à un bélier[3]. L'emblème des justicier était un cerf à corne unique, peint dans les tribunaux sous la dynastie Han[3]. L'écriture chinoise de ce qilin est toutefois légèrement différente puisqu'il contient la clé de la corne[3]. Quand règne un souverain dont les châtiments sont justes, le qilin naît dans la cour du palais et châtie ceux qui ne sont pas droits[3].
Description
Selon le Shuowen jiezi (說文解字), dictionnaire de la dynastie Han, le qilin est un animal doux et aimable, généralement décrit avec un corps de grand cerf, une queue de bœuf, le front d'un loup et les sabots d'un cheval[3]. Sa peau aurait porté un pelage de cinq couleurs : jaune, rouge, bleue, blanche et noire, et il mesurait douze coudées de haut[3]. D'autres observateurs le décrivent avec un corps de cheval couvert d'écailles[3]. Sa voix mélodieuse aurait le timbre d'une cloche et rappellerait d'autres instruments de musique[3]. Il porte une corne charnue au milieu du front[3] ou deux (sur les sculptures[3]) voire trois, parfois des bois de cerf, ce qui l'éloigne radicalement de la licorne médiévale occidentale. Peut être que les mâles étaient seuls à en porter[3]. Duan Yucai (段玉裁), lettré ayant vécu sous les Qing, précise dans son édition commentée que ses cornes, recouvertes de fourrure ou de chair contrairement à celle du rhinocéros, sont symbole de sagesse et ne sont pas des armes, qu'elles lui permettent de séparer les justes de ceux qui ont quelque chose à se reprocher. En sculpture, le qilin a souvent des sabots fendus ou cinq doigts[3]. D’autres lui prêtent un pelage tacheté et un ventre jaune, cette description est peut-être influencée par l’aspect de la girafe ramenée d’Afrique en 1414 par Zheng He et accueillie par l’empereur comme un qilin, témoignage de son bon gouvernement.
Le qilin est l’incarnation même de l’harmonie : sa démarche est régulière, il ne fait pas un pas sans avoir regardé auparavant où il va mettre le pied et ne détruit rien sous son sabot, pas même les brins d’herbe[3]. Il ne traverse que les bons endroits et couche en terrain plat. Végétarien, il ne mange rien qui ne soit parfait, aucun animal ne craint ses traces invisibles mais il est souvent seul et peut marcher sur l'eau comme sur terre[3]. Nommé « bête bienveillante » (仁獸/仁兽 rén shòu) ou « bête auspicieuse » (瑞獸/瑞兽 ruì shòu), on prétend qu’il est l’émanation de Taisui, dieu astral de Jupiter qui gouverne le destin de l’année, et qu’il peut vivre deux mille ans. Un érudit de l'époque Han dit qu'il est la plus noble des créatures animales, l'emblême du bien parfait et qu'il peut vivre mille ans[3].
Selon certains, le cri du mâle présage l’apparition d’un sage, celui de la femelle le retour à la paix. Le cri d’été est favorable à la croissance des enfants, celui d’automne restitue les forces. Malgré son tempérament pacifique, le qilin peut, pour lutter contre le mal, cracher des flammes et rugir d’une voix de tonnerre.
Les érudits s'accordent pour dire que l'espèce des qilin semble éteinte[3]. D'après eux, ses apparitions se raréfiaient déjà après la période de Confucius, et il est possible que cet animal considère qu'il y a trop d'hommes malhonnêtes et de gouvernements pervertis[3]. Sa figure a été adoptée par les bouddhistes qui l'assimilent au lion gardien et lui font porter les livres de la loi[3].
Représentation
Les sculptures de qilin les montrent avec le corps couvert d’écailles, des sabots de bœuf et, contrairement aux descriptions des textes, plus souvent une paire de cornes qu’une corne unique. Sous les Ming, les cornes (ou la corne unique) sont en général couchées vers l’arrière suivant la crinière traitée à la façon de flammes. Du feu sort parfois de la bouche, ainsi qu’un livre comme dans la légende de Confucius, mais il s’agit ici d’un soutra. Sous les Qing (1644–1911), les cornes se dressent comme celles d’un cerf, la licorne a souvent une barbichette et une queue de lion. Les kirin japonais sont très semblables aux qilin des Qing. On trouve souvent les qilin aux abords des temples et des palais ; l’impératrice Wu Zetian en avait placé une sur la tombe de sa mère. Sous les Qing, le costume des fonctionnaires militaires de premier grade portait le qilin sur les manches. Les « animaux saluant la licorne » était un motif de broderie prisé pour les jupes des dames de la haute société.
Dans la culture japonaise
Le kirin est bien connu de la culture japonaise, où il porte parfois le nom de ikkakujū (麒麟?), contraction de ichi (« un »), kaku (« corne ») et jū, (« bête »), littéralement "bête à une corne". Des personnages de dessin animé s'en inspirent, comme les kirin des Douze Royaumes ou le Dieu-cerf (シシ神, Shishi-gami?) de Princesse Mononoké.
Kirin est aussi le nom de la girafe, et celui de l'une des trois plus grandes marques de bière (Kirin Brewery Company) à laquelle il sert de logo.
Notes et références
- ↑ a et b Maurice Louis Tournier, L'imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne, L'Harmattan, 1991, 575 p. (ISBN 9782738409768), p. 148
- ↑ (四不象) Le terme sibuxiang peut désigner à la fois divers animaux fantastiques ou réels d'aspects composites et une espèce zoologique précise, le cerf du père David
- ↑ a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z , aa , ab , ac , ad , ae et af Maurice Louis Tournier, L'imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne, L'Harmattan, 1991, 575 p. (ISBN 9782738409768), p. 147-151
- ↑ Francesca Yvonne Caroutch, La licorne : Symboles, Mythes et Réalités, éditions Pygmalion, Paris, 4 novembre 2002, 365 p. (ISBN 978-2857047872), p. 8-9
Annexes
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- Maurice Louis Tournier, L'imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne, L'Harmattan, 1991, 575 p. (ISBN 9782738409768), p. 147-151
- Francesca Yvonne Caroutch, La licorne : Symboles, Mythes et Réalités, éditions Pygmalion, Paris, 4 novembre 2002, 365 p. (ISBN 978-2857047872), p. 8-9
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