Hérode Antipas

Hérode Antipas
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Hérode, vu par James Tissot.

Hérode Antipas II (21 av. J.-C. - 39 ap. J.-C.), tétrarque de Galilée et de Pérée (région située au nord-est de la Mer Morte, à l'est du Jourdain) de 4 av. J.-C. à 39, fils d'Hérode Ier le Grand et de Malthace la Samaritaine, sa quatrième femme.

Il construisit en l'honneur de l'empereur Tibère, la ville de Tibériade, sur le lac de Galilée.

Hérode Antipas épouse d'abord Phasaelis une nabatéenne, fille d'Arétas IV de Pétra, qu'il répudie pour épouser sa nièce Hérodiade, petite-fille de Hérode Ier, femme de son demi-frère Hérode Philippe Ier et mère de Salomé.

Vaincu par son précédent beau-père Arétas IV lors d'une bataille où il perdit son armée, il fut destitué par l'empereur Caligula en 39. Les Romains, excédés par le pouvoir important d'Hérode Antipas, décidèrent de l'exiler dans le sud de la Gaule à Saint-Bertrand de Comminges[1]. Hérodiade choisit de le suivre.

Sommaire

Éléments de biographie

Sommaire de la section

Une succession convoitée

À la mort d'Hérode le Grand, le territoire de son royaume a été partagé par Auguste entre trois des fils d'Hérode ainsi qu'une de ses parentes. Hérode Philippe a obtenu pour sa part « la Batanée, avec la Trachonitide et l’Auranitide, une partie de ce qu’on appela le domaine de Zénodore[2] ». Une partie de ces territoires sont frontaliers de la Nabathée. Le territoire de Zénodore ayant été, source de conflit. En effet, les Nabathéens, avaient acheté l'Auranitide, une partie de ce territoire pour cinquante talents, mais les romains en avaient décidé tout autrement, donnant l'ensemble du royaume de Zénodore à Hérode Ier le Grand. Les Nabathéens étant frustrés à la fois du territoire acheté et de leur argent.

En 34, Hérode Philippe meurt, « la trente-septième année de son règne sur la Trachonitide, la Gaulanitide et le peuple de Batanée[3] ». « Comme il était mort sans enfants[4], Tibère hérita de ses possessions et les annexa à la province de Syrie, mais en ordonnant que les impôts levés dans sa tétrarchie y fussent affectés[3]. »

Bien entendu, ce territoire qui n'est « donné » à personne attire les convoitises, parmi lesquelles celles d'Hérode Antipas et probablement aussi celles du roi de Nabathée Arétas IV (roi de Pétra), mais il devait y avoir d'autres prétendants.

La stratégie d'Hérode Antipas

Le partage du royaume d'Hérode Ier le Grand:
     Territoires sous l'autorité d'Hérode Antipas     Territoires sous l'autorité d'Hérode Philippe     Salomé Ire (villes de Javneh, Azotas, Phaesalis)     Territoires sous l'autorité d'Hérode Archélaos, puis à partir de l'an 6, province romaine de Judée     Province romaine de Syrie     Citées autonomes (Decapolis)

Antipas estime probablement pour sa part que ce territoire administré jusque là par son frère[5] lui revient de droit. Depuis 37 ans, il gère correctement les territoires qu'il lui ont été donnés à la mort de son père, le roi Hérode le Grand et Auguste avait même promis la royauté à un autre de ses frères Hérode Archélaus, si celui-ci s'en montrait digne. Celui-ci a été démis et exilé en Gaule à cause de ses erreurs, tandis qu'Antipas estime ne pas avoir démérité.

Antipas commence par organiser « des obsèques somptueuses[3] » pour son frère qu'il préside probablement. Puis, il se prépare à partir pour Rome, là où tout se décide. Mais avant de partir, il passe proposer le mariage à Hérodiade, la veuve de son frère Hérode Philippe. Hérodiade et sa fille Salomé ont été rendues célèbres pas les Évangiles. Ils conviennent « qu'elle cohabiterait avec lui dès son retour de Rome et qu'il répudierait la fille d'Arétas ». Hérodiade s'empresse d'accepter ce projet de mariage, mais celui-ci doit rester secret, au moins jusqu'à ce qu'Antipas revienne de Rome[6]. Par la suite, cette entente fera scandale, car il sera dit que l'accord sur ce mariage, avait été passé alors qu'Hérode Philippe était encore vivant.

En tout cas, la manœuvre est habile car Hérodiade est non seulement la veuve de celui qui régnait sur les territoires convoités, mais aussi une descendante des Hasmonéens (la dynastie légitime) et la sœur du futur Hérode Agrippa Ier, adversaire potentiel, qui d'ailleurs gagnera finalement ce combat d'influence. Antipas passe quelques mois à Rome mais ne parvient pas à séduire suffisamment l'empereur Tibère. Il rentre dans ses territoires, mais rien n'est encore perdu.

Surtout qu'Hérode Agrippa s'est ruiné dans la vie luxueuse de Rome. Rentré en Palestine, « il se retira dans un fort à Malatha d'Idumée » et pense même au suicide. Toutefois sa femme Cypros va s'entendre avec Hérodiade (la sœur d'Agrippa), pour qu'Antipas lui donne une fonction assez bien rémunérée[7] (probablement après le retour de Rome d'Hérode Antipas, vers 34 - 35).

« Cypros (femme d'Agrippa) essayait elle-même par tous les moyens de soulager son époux sans avoir autant de ressources qu'Hérode et Hérodiade. [Ceux-ci] firent venir Agrippa, lui assignèrent comme résidence Tibériade avec une somme limitée pour vivre et l'honorèrent des fonctions d'agoranome (inspecteur des marchés) de Tibériade[8]. »

Désormais Agrippa n'est plus un danger, il est devenu un obligé d'Antipas et il est quasiment assigné en Galilée. Mais cette belle stratégie va quand même être mise en défaut.

L'honneur de Phasaelis

Antipas reste probablement quelques mois à Rome, pour y faire sa cour auprès de Tibère[9]. Toutefois, pendant son séjour à Rome les informateurs, clients ou ambassadeurs d'Arétas IV ont dû avoir vent du projet de mariage, qui est un véritable camouflet pour lui, mais qui annonce peut-être aussi le viol de certaines dispositions de l'accord passé autrefois avec le père d'Antipas.

Arétas en informe probablement sa fille, puis il se met en quête de trouver des alliés. Selon Moïse de Khorène, il se rend à Édesse et en Adiabène (probablement à Nisibe), dont les rois Abgar V et Izatès II passent un accord avec lui et s'engagent à lui fournir des troupes. Il faut dire que cela a probablement été facilité par le fait qu'ils sont tous deux probablement d'origine nabatéenne. Il construit aussi patiemment des alliances avec les grandes familles de l'ancienne tétrarchie de Philippe. On va voir que de ce côté aussi, son influence n'était pas mince.

Lorsque vers 35, Hérode Antipas rentre de Rome, tout est prêt:

« Quand il revint, ayant réglé à Rome les affaires pour lesquelles il s'y était rendu, sa femme, instruite de son accord avec Hérodiade, le pria, avant qu'il eût découvert qu'elle savait tout, de l'envoyer à Machaero - sur les confins du territoire d'Arétas et de celui d'Hérode (Antipas) - sans rien dévoiler de ses intentions. Hérode l'y envoya, supposant que sa femme ne se doutait de rien. Mais elle, qui avait envoyé quelque temps auparavant des émissaires à Machaero, lieu dépendant alors de son père, y trouva préparé par le commandant tout ce qui était nécessaire à son voyage. A peine y fut-elle arrivée qu'elle se hâta de gagner l'Arabie, en se faisant escorter par les commandants de postes successifs ; elle arriva aussi vite que possible chez son père et lui révéla les intentions d'Hérode[10]. »

Guerre, défaite et perte de Gamala

Ruines de la cité fortifiée de Gamala, enjeu de la guerre entre Arétas IV et Hérode Antipas. (On entrevoit au fond, le lac de Tibériade.)

C'est là qu'intervient une autre personnage rendu célèbre grâce aux évangiles: « Jean surnommé Baptiste » et qui montre que la population de l'ex tétrarchie de Philippe, voyait aussi d'un très mauvais œil, le fait de passer sous le pouvoir d'Antipas. Jean le Baptiste rassemble un grand nombre de gens autour de lui « qui sont très exaltés en l'entendant parler ».

Comme toujours, cette opposition est assise sur des arguments religieux, particulièrement efficaces pour rassembler les Juifs à cette époque dans cette région. L'Évangile de Marc (6, 18) retient un de ces arguments qui rendaient les gens « très exaltés en l'entendant parler ». Il disait à Hérode Antipas:«  Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère », marquant ainsi son opposition au mariage avec Hérodiade.

« Hérode (Antipas) craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. A cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machaero [...], et y fut tué[10]. »

Il existe une polémique très ancienne sur la datation de ces événements, et notamment la date de la mort de Jean le Baptiste et donc le mariage d'Antipas et d'Hérodiade (puisque celui-ci doit, au moins être annoncé pour que le Baptiste puisse déclarer y être opposé), toutefois les historiens ont peu de doutes sur le fait que le mariage d'Antipas et Hérodiade a eu lieu, après la mort de Philippe en 34[11] et bien-sûr avant la défaite d'Antipas, dont nous allons parler, qui se situe en été 36. (voir plus bas: Point de vue ecclésiastique sur la date du mariage d'Antipas)

« Arétas chercha un prétexte d'hostilités dans une contestation au sujet des frontières du territoire de Gamala. Tous deux réunirent leur armée en vue de la guerre et y envoyèrent à leur place des généraux. Une bataille eut lieu et toute l'armée d'Hérode fut taillée en pièces à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode (Antipas) »[10].

Les « transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode » sont probablement les habitants de la Batanée (que Flavius Josèphe appelle des souvent des Babyloniens) et qui fournissent traditionnellement une « aile » de cavalerie aux rois ou tétrarques juifs. Moïse de Khorène nous apprend que le roi d'Adiabène, Izatès II « fournit des auxiliaires » au roi Nabatéen, Arétas IV. Ceux-ci combattent « sous la conduite de Kosran[12] Ardzrouni[13], pour faire la guerre à Hérode (Antipas) »[14].

Le peuple voit dans la défaite des armées d’Antipas contre Arétas IV un châtiment divin sanctionnant le meurtre du Baptiste.

Intercesseur entre les Romains et le roi Parthe Artaban III

En hiver 36/37, tous les rois de la région sont conviés à une rencontre qui a lieu sur un pont de l'Euphrate pour signer la paix générale dans la région. Vitellius, Artaban III et Mithridate d'Arménie sont là naturellement, mais tous les autres rois de la région sont probablement aussi présents. Antipas y participe, alors que ses territoires sont pourtant assez éloigné du théâtre d'opération et qu'il n'a pas pris part au conflit.

Cette rencontre scelle la victoire romaine sur le roi des Parthes, Artaban III, qui abandonne ses prétentions sur l'Arménie. Elle marque aussi le réel succès de Lucius Vitellius obtenu en deux années de manœuvres et aussi « deux étés de guerres » (d'après Tacite), menées de mains de maître en minimisant le plus possible l'intervention directe des forces romaines. Lors de cette entrevue, Artaban reconnaît le roi Mithridate d'Arménie qui est le candidat des romains, aussi soutenu par son frère, le roi Pharsman Ier d'Ibérnie[15],[16], avec lequel Vittelius vient de le réconcilier. Dans l'esprit de Vitellius, cette alliance arméno-iberne est conçue pour durer et destinée à dominer la Transcaucasie[15]. Artaban accepte aussi d'envoyer certains de ses fils en otages à Rome. il faut dire qu'il est à ce moment là en position très difficile puisque deux de ses fils, pressentis pour être rois d'Arménie, ont été tués dans l'aventure Arménienne et que ses nobles se sont rebellés pour nommer un roi concurrent en Parthie. Cette manœuvre est d'ailleurs secrètement soutenue par les romains.

Antipas écrit immédiatement à Tibère pour lui faire part de ce succès diplomatique. Lucius Vitellius fait de même de son côté mais Tibère lui répond qu'il savait déjà tout grâce à la lettre d'Antipas. Flavius Josèphe nous indique alors que Vitellius s'inquiéta du tort que ce courrier et la présentation des faits par Antipas aurait pu lui occasionner. Il conclut toutefois que finalement il s’aperçut que ce courrier ne lui était pas défavorable.

Fort de ce résultat, dans lequel pourtant il n'avait pas joué un rôle décisif et de ses trente sept années d'administration sur la Galilée et la Pérée, Antipas pense que les territoires de l'ex tétrarchie de Philippe vont lui être confiés. Il se voit même déjà roi. C'est sans compter, sur l'imbroglio que sa candidature au règne sur les territoires de Philippe a créé tant auprès du peuple et des féodaux de cette région, dont Jean le Baptiste semble avoir été un des porte-paroles mais aussi auprès de plusieurs rois nabatéens dont Arétas IV bien sûr, mais aussi Izatès II d'Adiabène et Abgar V d'Edesse, qui sont allés jusqu'à fournir des auxiliaires à Arétas IV pour qu'il obtienne sa victoire sur Antipas.

Déboires et fortune d'Agrippa Ier

À Rome, son neveu Hérode Aggrippa avec lequel il s'est brouillé devient l’ami intime de Caïus Caligula, l’héritier présomptif de Tibère. Voulant flatter Caligula, Agrippa se laisse aller à dire : « Ah ! si Tibère s’en allait bientôt et laissait la couronne à plus digne que lui ! » Malheureusement, un de ses esclaves rapporta le propos à l’empereur. Après plusieurs semaines, Agrippa est jeté dans les fers. Il reste en prison jusqu’à la mort de Tibère, survenue six mois après (mars 37).

L’avènement au trône de son ami Caligula (37-41), commença la fortune d’Agrippa. Le nouvel empereur, le tira de prison et, en souvenir de sa captivité, dont lui-même avait été la cause indirecte, lui fit don d’une chaîne d’or. Il lui octroya le diadème, insigne de la royauté, et les territoires qui composaient la tétrarchie de Philippe, visiblement revenus dans le giron de Rome grâce à un accord avec Arétas IV. En même temps, le sénat romain lui décerna le titre de préteur (37). Telle était l’affection que lui avait vouée Caligula, qu’il ne le laissa partir pour la Judée qu’un an après, avec la promesse qu’il reviendrait bientôt le voir.

En revenant roi et favori de l’empereur (août 38) dans ce même pays qu’il avait quitté indigent et perdu de dettes, Agrippa excita la jalousie de sa sœur Hérodiade qui, dévorée d’ambition, pressa son mari de se rendre également à Rome et de demander, au jeune et libéral empereur, tout au moins un royaume[7].

Exil et mort d'Antipas

Mais Agrippa envoie à Rome des délégués, munis d'informations capitales sur son oncle. Ceux-ci arrivent à Rome, alors qu'Antipas n'a pas encore été reçu par l'empereur. Agrippa parvient alors à faire accuser son oncle d’entente avec les Parthes contre Rome. Ses délégués apportent les preuvent qu'Antipas a rassemblé secrêtement dans les arsenaux de Tibériade de quoi armer 70 000 hommes. Antipas est alors exilé en Gaule à Lugdunum des Convènes (Saint-Bertrand-de-Comminges), et ses territoires sont cédés à Agrippa. Hérodiade, à qui Caligula laisse la liberté, choisi de suivre son mari dans l'exil[7].

D'après Dion Cassius, il meurt en 39, exécuté sur ordre de Caligula.

Hérode Antipas dans les évangiles

Il apparaît dans les Évangiles, notamment :

  • dans la relation de la décapitation de Jean le Baptiste qui lui reprochait d’avoir épousé Hérodiade (Mc 6,17 ; Mt 14,1) et dont il offre la tête coupée sur un plateau à Salomé
  • dans la relation du procès de Jésus : dans l'Évangile attribué à Luc, Pilate renvoie ce dernier à Hérode parce qu'il était Galiléen (Lc 23,8). Les traditions ecclésiastiques établies à partir du VIe siècle disent que derriére cet Hérode se cache Hérode Antipas.
  • du fragment que nous connaissons de l'Évangile de Pierre, nous pouvons déduire que comme dans l'évangile attribué à Luc, un Hérode participe au procès, mais il est appelé « roi Hérode », ce qui renvoie soit à Hérode Agrippa Ier, soit à Hérode de Chalcis, soit à Hérode Agrippa II. Le Pilate mentionné n'étant pas alors Ponce Pilate, mais un autre gouverneur lui aussi décoré d'un pilum d'or (c'est la signification de Pilatus). Ce gouverneur pouvant alors très bien être un procurateur si nous sommes après 45. En effet le nom Ponce Pilate n'est mentionné qu'une seule fois dans un des évangiles, celui attribué à Luc, mais c'est dans un prologue. Au moment du procès et de la condamnation, tous les évangiles apocryphes ou non disent simplement Pilate.

Dans les Évangiles ne figure jamais que le seul nom d'Hérode, qualifié par Jésus de « renard » (Lc 13,32). Les traditions ecclésiastiques insistent pour dire que le seul Hérode que Jésus rencontra était Hérode Antipas. Les seuls passages des évangiles où Hérode Antipas est identifiable sont ceux liés à son affrontement avec Jean le Baptiste.

Point de vue ecclésiastique sur la date du mariage d'Antipas

Sommaire de la section

Comme nous l'avons vu, la date du mariage d'Antipas et d'Hérodiade se situe après la mort de son premier mari Hérode Philippe en 34 et même comme le raconte Flavius Josèphe, après le retour d'Antipas de Rome et la fuite de Phasaleis, c'est-à-dire à une date inconnue située entre 34 et 36.

Quand est mort Jean le Baptiste ?

Toutefois selon des traditions ecclésiastiques qui semblent apparaître vers le VIIe siècle (ou peut-être légérement avant), Jean le Baptiste serait mort en 29, alors que les éléments historiques en notre possession situe sa mort vers 35. Dans ces conditions, pour que le Baptiste puisse critiquer le mariage d'Antipas, comme il est indiqué dans les évangiles, il faut que ce mariage ait eu lieu avant la mort du Baptiste. C'est pourquoi les traditions ecclésiastiques situent ce mariage en 27, alors que Hérode Philippe est toujours vivant (jusqu'en 34), que Flavius Josèphe ne mentionne absolument pas le moindre divorce et mieux raconte même que l'accord secret sur le mariage est obtenu par Antipas avant son départ pour Rome (en 34). Pour autant, nombre d'auteurs, souvent chrétiens, reprennent cette date de 27, en dépit du travail des historiens[17],[18].

La mort de Jésus est-elle aussi décalée ?

Il est probable que cet étrange ballet concernant les dates de la mort du Baptiste et la date du mariage d'Antipas avec Hérodiade est intervenu parce que vers le IVe - Ve siècle, les traditions ecclésiastiques semblent avoir décidées de fixer la date de la mort de Jésus en 30 ou en 33. C'est probablement un souci de cohérence qui fait qu'à partir du VIIe siècle la date de la mort du Baptiste est fixée en 29, l'année même du début de sa prédication selon l'évangile attribué à Luc. En effet, selon les évangiles et la tradition chrétienne, Jean le Baptiste est le précurseur de Jésus (c'est pour cela qu'il possède beaucoup d'attributs du prophète Elie qui selon les traditions juives doit précéder la venue du Messie) et il y est explicitement indiqué que Jean meurt avant Jésus. Ce déplacement de date concernant le Baptiste et Antipas est donc probablement intervenu pour maintenir la cohérence des symboles qui sont évoqués dans les évangiles.

Pilate a-t-il été renvoyé à cause de Jésus ?

Article détaillé : Ponce Pilate.

En effet, jusqu'au IVe - Ve siècle les traditions chrétiennes, puis les autorités catholiques disent que le sort que Ponce Pilate a fait subir à Jésus est la cause de son renvoi à Rome par Lucius Vitellius « pour qu'il s'explique auprès de l'empereur ». De nombreux textes chrétiens font même état du procès de Pilate devant l'empereur. Cet événement est très facile à dater puisque Flavius Josèphe raconte que lorsque Pilate arrive à Rome, Tibère vient de mourir et que lorsqu'il en est parti, l'annonce de sa mort n'était pas encore arrivée en Palestine. Or Tibère est mort le 16 mars 37 et Flavius Josèphe nous indique que la nouvelle de sa mort est très vite parvenue à jérusalem, alors que Lucius Vitellius se trouvait encore à Jérusalem, quelques jours à peine après la Pâque qui cette année-là est tombée le 20 ou le 23 mars 37, voire même le 20 avril selon Jean-Pierre Lémonon. Jusqu'au IVe - Ve siècle les chrétiens et tous leurs grands auteurs plaçaient donc la mort de Jésus aux alentours de la Pâque 37, ce qui était compatible avec les évangiles et Flavius Josèphe. Ce qui devait probablement aussi être compatible avec d'autres textes existant à ce sujet (qui ne nous ont malheureusement pas été conservés), y compris des textes émanant des romains.

Y a-t-il eu un procès de Pilate ?

C'est ce que suggère par exemple saint Justin de Naplouse (appelé aussi Justin Martyr) qui vers 150 écrit à « l'Empereur, au Sénat et à tout le peuple », la première de ses deux apologies du christianisme. Il s'agit de prouver que les membres de l'Église n'ont rien à voir avec les juifs messianistes pour lesquels les romains ont inventé le nom de chrétiens, qui à cette époque sonne comme une « qualification criminelle ». Les romains rendent en effet responsable ces chrétiens des révoltes extrêmement sanglantes qui ont lieu depuis un siècle parmi les juifs de la diaspora et en particulier la révolte des exilés qui a embrasé la Méditerranée de 115 à 117.

Dans cette apologie, Justin fait référence à deux reprises à des « Actes de Pilate » qui ne sont bien sûr pas le futur texte chrétien, mais « des minutes du procès, conservées dans les archives romaines[19]. » Dans ces deux passages, l'auteur renvoie ses lecteurs à ces Actes pour prouver la véracité de ses dires. Cela montre que Justin sait que les destinataires de son « Apologie », parmi lesquels se trouvent l'empereur et le Sénat romains, connaissent ces « minutes du procès de Pilate », même si Justin n'a probablement accès qu'à ce qu'en ont écrit des historiens comme Tacite.

Références

  1. Flavius Josèphe dit, dans l'histoire de la guerre des Juifs et Les antiquités judaïques, que le tétrarque fut envoyé à Lugdunum « proche de l'Espagne », autrement dit Lugdunum Convenarum.
  2. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVII, XI, 4.
  3. a, b et c Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVIII, IV, 6.
  4. En réalité, Philippe n'a pas eu de garçon, mais a donné naissance à une fille, la célèbre Salomé. Visiblement les filles ne comptaient pas beaucoup pour Flavius Josèphe.
  5. En fait, un demi-frère, ils sont nés de mères différentes.
  6. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVIII, V, 1.
  7. a, b et c Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, Chapitre XV — Les Hérodiens : Agrippa Ier ; Hérode II — (37-49), sur http://www.histoiredesjuifs.com.
  8. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVIII, VI, 2.
  9. Le voyage prenait 15 jours, lorsque tout allait bien (autant pour le retour). Quand un roi client, se rendait à Rome c'était pour régler un ensemble d'affaires. De plus Tibère est réputé (cf. Tacite) pour faire attendre ses obligés avant de les recevoir.
  10. a, b et c Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVIII, V, 1.
  11. Kokkinos, The Herodian Dynasty, pp. 268, 277.
  12. Khosran est peut-être une altération pour Khouran qu’on lit dans Thomas Arçrouni.
  13. Probablement un ancêtre des Arçrouni, qui régneront sur la Sophène puis deviendront une des quatre grandes familles arméniennes (avec les Mamikonian, les Bagratouni et les Siouni).
  14. Moïse de Khorène, « Histoire de l'Arménie », Livre II chapitres 29, sur http://remacle.org
  15. a et b René Grousset, Histoire de l'Arménie des origines à 1071, Paris, Payot, 1947 (réimpr. 1984, 1995, 2008) (ISBN 978-2-228-88912-4), p. 105 .
  16. Les Ibères selon Tacite et Ibernes selon Flavius Josèphe appartenaient à un royaume correspondant approximativement aux parties méridionale et orientale de l'actuelle Géorgie (pays).
  17. Stewart Perowne, The Later Herods p. 49, (Bruce 10 n. 16; Schürer 344 and n. 19)
  18. Voir encore, à ce propos, Christian-Georges Schwentzel, "Hérode le Grand", Pygmalion, Paris, 2011, p. 216-224.
  19. J. D. Dubois, La figure de Pilate: Introduction aux textes relatifs à Pilate dans Pierre Geoltrain et Jean-Daniel Kaestli (éds.), Écrits apocryphes chrétiens Tome II, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2005, p. 245.

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