Général Brune

Général Brune

Guillaume Marie-Anne Brune

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Guillaume Marie-Anne Brune
Guillaume Marie-Anne Brune
Naissance 13 mai 1763
Brive-la-Gaillarde
Décès 2 août 1815 (à 52 ans)
Avignon
Origine Français
Allégeance Drapeau français Royaume de France
Drapeau français République française
Drapeau de l'Empire français Empire français
Royaume de France Royaume de France
Drapeau français Empire français (Cent-Jours)
Arme Grande Armée
Grade Maréchal d'Empire
Service 1791 - 1815
Conflits Guerres de la Révolution
Guerres napoléonniennes
Faits darmes Bataille de Brécourt
Bataille de Bergen
Bataille de Alkmaar
Bataille de Castricum

Guillaume Marie-Anne Brune, le 13 mai 1763 à Brive-la-Gaillarde et mort le 2 août 1815 à Avignon, est un maréchal d'Empire.

Sommaire

Biographie

Enfance corrézienne

Son père, Étienne, était avocat du roi au Présidial de Brive et sa mère Jeanne de Vielbans appartenait à la petite noblesse[1].

Après avoir fini ses humanités au collège des Doctrinaires de Brive, à vingt ans, il part à Paris poursuivre les études juridiques imposées par sa famille. , il sinscrit à lécole de droit et au Collège de France. Mais le jeune homme préfère fréquenter les salles de jeux, il perd quantité dargent.

Ce fut alors quil devient ouvrier typographe pour pouvoir survivre. Toujours à court dargent, Guillaume retourne à Brive en 1787, un séjour qui est pour lui une totale déception[2]. Il décide alors dentrer dans la République des Lettres. Il écrit dans lannée qui suivit un Voyage pittoresque et sentimental dans plusieurs provinces occidentales de France, qui devait lui ouvrir une carrière de littérateur[3].

Révolution française

À Paris, Brune fait la connaissance de Marat, Fréron, Fabre d'Églantine et devint lami de Camille Desmoulins et de Danton. Avec eux et grâce à eux, il embrasse avec ardeur la cause de la Révolution, et s'inscrit en 1791 au club des Cordeliers.

Pour défendre et populariser ses idées, en 1791, il achète une petite imprimerie et devint rédacteur en chef dun périodique, Le Journal Général de la Cour et de la Ville concernant tout ce qui est décidé à lAssemblée nationale, ce qui se passe à lHôtel de Ville de Paris, dans les districts, au Châtelet, ainsi que les nouvelles authentiques de la province, les anecdotes et tout ce qui est relatif au château des Tuileries, qui sera plus connu sous son pseudonyme Le Petit Gauthier. Prêt aussi à défendre ses idéaux par les armes, le futur maréchal entre dans la garde nationale de Paris puis au 2e bataillon de volontaires de Seine-et-Oise. En octobre, il est élu adjudant-major.

En décembre, après un séjour à l'état-major du général Dumouriez dans l'armée du NordL'année suivante, il devient adjoint aux adjudants-généraux ; adjudant-général et colonel en 1793.

Après avoir été nommé commissaire à lArmée de Belgique, il devient chef détat-major de Sepher, Brune est chargé de réprimer la révolte fédéraliste. Commandant l'avant-garde contre le général Wimpfen, il triomphe de lui à Pacy-sur-Eure qui lui permet de disperser les Fédéralistes de Normandie. De retour à l'armée du Nord, il fut nommé général de brigade, le 18 août 1793 et participa à la bataille d'Hondschoote.

Mais en décembre 1793, dénoncé par Tallien et Ysabeau, il est proscrit par le Comité de Salut Public sous le prétexte davoir défendu le roi au cours des journées des 5 et 6 septembre et il ne dut son salut quau soutien indéfectible de Danton. De retour en grâce, au cours de lautomne 1795, il est chargé de pacifier le Midi de la France en rétablissant lordre dans le Gard, la Drôme et le Vaucluse, troublé par les Compagnons de Jéhu. Sous les ordres du représentant Boursault, il impose au début octobre létat de siège à Avignon.

En 1795, après avoir commandé la place de Bordeaux, il participa à la répression de linsurrection royaliste du 13 vendémiaire, aux côtés de Barras et du général Bonaparte. Appelé par le Directoire à larmée dItalie, sa conduite à Arcole est héroïque. Puis Brune, à la tête de lavant-garde de la division Masséna, se distingue lors de la bataille de Rivoli. Puis il s'illustre à Saint-Michel, à Feltre, à Bellune, etc., et fut nommé général de division sur le champ de bataille le 17 avril 1797.

Un an plus tard, le nouveau promu se voit confier une intervention en Suisse pour soutenir les Vaudois révoltés contre le canton de Berne. Commandant larmée dHelvétie, il prend Fribourg et sempare du « Trésor de Berne » qui allait financer lexpédition dÉgypte[4]. Le 17 mars 1798, il adresse une lettre au Directoire linformant de la soumission de la Suisse. Avec soulagement, face au pillage organisé qui léclaboussait, Brune reçoit le commandement en chef de larmée d'Italie en remplacement de Berthier et de Masséna[5].

Brune, le général de la Révolution

Au cours de l'été 1799, Brune est envoyé défendre les côtes de la République batave. Le 19 septembre 1799, à la tête des forces françaises en Batavie, Brune repousse une armée russo-britannique débarquée au Helder lors de la bataille de Bergen, puis à Castricum le 6 octobre 1799. Il force Frederick, duc d'York et Albany, général en chef de larmée alliée, à la capitulation et lui fait signer la convention d'Alkmaar[6].

Mais le 4 décembre 1799, le gouvernement batave, persuadé que le général Brune voulait le renverser, le prive de son commandement[7]. Il est alors nommé commandant en chef de larmée de l'Ouest avec mission de mettre un terme à l'insurrection vendéenne. Peu après, les chefs Chouans se soumettent.

Après le 18 brumaire, le 25 décembre 1799, Guillaume Brune, qui était lun des principaux collaborateurs du Premier Consul, entre au conseil d'État. À ce titre, il préside la section de la guerre entre 1801 et 1802.

Un an après, à la suite de la victoire de Marengo, Napoléon Bonaparte le nomme commandant en chef de l'armée d'Italie, en remplacement de Masséna. En août 1800, il sempare de Vérone, de Vicence et signe larmistice de Trévise. Enfin en décembre, le général Brune remporte sur les Autrichiens la victoire de Monzambano.

Resté républicain

Portrait du général Brune

Mais ses faits darmes nenchantaient pas nécessairement Bonaparte qui venait dêtre nommé consul à vie. Ce général, resté fervent républicain, le mettait mal à laise. En septembre 1802, il éloigna Brune en le nommant ambassadeur à Constantinople[8]. Avant son départ, Brune accepte d'être le parrain[9] du fils du général Dumas, l'écrivain Alexandre Dumas.

Le 18 mai 1804, le Sénat de la République française juge utile et nécessaire de décerner la dignité impériale à Napoléon Bonaparte. Le lendemain, Napoléon Ier, empereur des Français, désigne ses premiers maréchaux. Brune est parmi eux. Le nouveau maréchal d'Empire est également fait grand-aigle de la Légion d'honneur. Il quitte Constantinople et rentre en France.

Le 2 septembre 1805, lempereur nomme Brune général en chef de larmée du camp de Boulogne et de l'armée des côtes de l'Océan, puis, en 1806, gouverneur des villes hanséatiques.

Mais ce maréchal, parvenu au faîte de sa carrière militaire, continue à inquiéter Napoléon avec ses opinions politiques. Être républicain sous lEmpire nétait plus de mise. Lempereur prit le premier prétexte venu pour le faire tomber en disgrâce. Celle-ci allait durer de 1807 aux Cent-Jours. En 1807, Brune, commandant du corps dobservation de la Grande Armée opérant contre la Prusse, est chargé de conquérir la Poméranie. Le maréchal s'empare de Stralsund le 15 juillet puis de lîle de Rügen. Le 7 septembre, au cours dune entrevue avec le roi de Suède, lacte de capitulation rédigé par le maréchal ne cite pas « larmée de Sa Majesté Impériale et Royale », mais « larmée française. » Ce républicanisme déplaît tellement à Napoléon que Brune est mis en disponibilité jusquen 1814. Tout au long de cette disgrâce, son nom n'est plus prononcé à la Cour impériale. Contraint et forcé, le 1er avril 1814, le maréchal se rallie aux Bourbons, qui rechignèrent pourtant à accepter ses services en 1814 même si Louis XVIII lui donne la croix de Saint-Louis.

Le traquenard d'Avignon

Le maréchal Brune revient en grâce lors du retour de lîle dElbe. Le 16 avril 1815, le maréchal Davout, ministre de la Guerre, lui confie le commandement de la 8e division militaire sise à Marseille et un corps dobservation sur le Var, chargé de protéger la frontière avec le Piémont. Le maréchal a sous ses ordres la 17e division dinfanterie, commandé par Verdier, le 14e chasseurs à cheval, de lartillerie et du génie, soit au total : 5544 hommes. Brune « accepta la tâche ingrate et difficile darrêter la guerre civile dans la Provence, dont les passions violentes avaient été déchaînées par les factions, et de défendre ce pays contre linvasion des Anglais et des Autrichiens »[10].

À Sainte-Hélène, dans le Mémorial, Napoléon dira de lui :

« Cétait un déprédateur intrépide et jai eu tort de ne pas me confier au maréchal Brune en 1815, il connaissait tous les vieux de la Révolution, il maurait organisé facilement 25 000 ou 30 000 fédérés qui eussent dominé la défection des Chambres. »

Le 2 juin, pour sassurer la fidélité de celui qui a toujours été plus un général de la Révolution quun maréchal dEmpire, Napoléon le nomme pair de France et lui décerne le titre de comte.

Le maréchal Brune arrive à Marseille le 21 avril et y instaure l'état de siège. Brune reçoit la nouvelle de la défaite de Waterloo le 24 juin. Dans un communiqué en date du 4 juillet, il annonce à ses troupes labdication de Napoléon et conclut son ordre du jour en proclamant : « Vive lEmpereur Napoléon II, vive à jamais la liberté française ! ». Apprenant le retour de Louis XVIII à Paris le 14 juillet, Brune continue de faire flotter le drapeau tricolore sur Toulon jusqu'au 31 juillet 1815[11]. Il fait allégeance à son concitoyen de Brive, le futur amiral Grivel, chargé de mission auprès du marquis de Rivière. Brune adresse alors son dernier message aux soldats de la 8e division :

« La patrie a droit à tous nos sacrifices, elle ordonne que nous renoncions à ces drapeaux qui nous rappellent tant de victoires, quils reçoivent mes douloureux adieux… »

Relevé de son commandement militaire de Toulon, il est appelé à Paris pour rendre compte au roi de la mission que lui avait confié lempereur[12].

Il était prévu que le maréchal Brune embarquât sur une goélette, préparée par Duperré et Grivel, pour regagner Paris par Le Havre. Mais Brune, jugeant cette idée peu digne dun maréchal de France, choisit de partir par la route et décide de rejoindre la capitale par la vallée du Rhône. Il quitte son poste le 1er août, après avoir remis son commandement au général Partouneaux et à lamiral Ganteaume.

Le 31 juillet 1815, le drapeau tricolore quavait fait flotter Brune à Toulon est descendu et retiré sur ordre de Partouneaux et Ganteaume. À ce sujet, il y a dans les archives officielles un rapport anonyme de juillet 1815 : « Ordre de faire saisir le maréchal Brune qui persiste à faire maintenir la cocarde et le drapeau tricolore à Toulon ». Ce fut cet acte de bravoure qui lui valut d'être victime d'un dramatique épisode de la Terreur blanche.

Avant son départ de Toulon, vers deux heures du matin, Brune reçoit du marquis de Rivière un laissez-passer lui permettant de rejoindre Paris. Le maréchal part sous bonne escorte[13]. La première étape prévue était Avignon. Mais lors de la traversée dAix-en-Provence, reconnu par un groupe royaliste, il est menacé et insulté[14]. Faisant fi de cette première alerte, au relais de Saint-Andiol, Brune congédie son escorte du 14e chasseurs dont les chevaux étaient harassés. Arrivé à Cavaillon, il est informé que de toute façon ses soldats avaient reçu lordre de revenir vers Toulon[15].

L'ancienne place de la Comédie, actuelle place Crillon, le maréchal Brune tomba dans un traquenard

Il continue pourtant sa route avec ses trois aides de camp Alard, Bourgoin et Degand, son secrétaire Le Guen, ainsi que le général de Loverdo[16]. Vaguement informés des troubles dAvignon, ceux-ci lengagent à éviter cette ville[17]. On pouvait gagner Orange par la route de lIsle-sur-la-Sorgue. Mais le maître de poste sy opposa déclarant quil lui fallait passer par Avignon pour relayer.

Simplement accompagné par Bourgoin et Degand, le convoi, réduit à deux voitures, une calèche et un cabriolet arrive au pied des remparts d'Avignon le 2 août et pénètre dans la cité par la porte de lOulle à 10 heures du matin. Il sarrête sur la place de la Comédie se trouvait le relais de poste. Lheure exacte est connue grâce au rapport du capitaine Casimir Verger. Celui-ci, pris dun zèle intempestif, décide dexaminer à la loupe les papiers de route bloquant le maréchal et son équipage pendant assez longtemps pour que Brune soit reconnu par « une tourbe dinsensés qui se décoraient du nom de royalistes »[18].

La nouvelle fait le tour de la ville. Pendant que lon change les chevaux, un attroupement se forme autour de la voiture du maréchal. Ces excitésappelés verdets et trestaillonsétaient conduits par le négociant Soullier, un royaliste connu par sa violence et son irascibilité. Celui-ci accuse Brune davoir porté au bout dune pique la tête de la princesse de Lamballe. Cette accusation était totalement mensongère[19].

Dans le même temps, le major Lambot, chef descadron de gendarmerie, prévenu par le chef de poste Verger, se fait apporter les passeports du maréchal et de sa suite afin de les vérifier et de les viser. Le départ était ainsi suspendu le temps de procéder à ces longues formalités[20]. Cela est suffisant pour que la voiture de Brune, bloquée devant lhôtel du Palais Royal contigu au relais de poste[21], soit prise à partie par une foule qui augmentait de minute en minute.

Sans sinquiéter outre mesure et afin de ne pas se retarder, le maréchal réclame juste quelques pêches à manger. La foule devenait de plus en plus nombreuse et vindicative. Lépouse de laubergiste du Palais-Royal, la dame Molin, craignant le pire, le fait immédiatement pénétrer à lintérieur. Elle linforme que le nouveau préfet, le baron de Saint-Chamans, arrivé le matin même à six heures se trouve chez elle et lui conseille de se réfugier dans son appartement. Ce que fait Brune.

Saint-Chamans, descendu sur la place, tente vainement de calmer la foule. Il conseille alors au maréchal de quitter sans délai Avignon lui promettant de lui faire parvenir son passeport par un gendarme. En dépit de lopposition de la foule, et grâce à une nouvelle intervention du préfet, Brune peut enfin se remettre en route. Le convoi partit poursuivi par une foule hurlante. Pour sortir dAvignon, les voitures coupent par lintérieur des remparts, permettant à Soullier et à ses émeutiers de les bloquer à nouveau. La calèche du maréchal est criblée de pierres. Une quinzaine dhommes armés se jettent à la tête des chevaux en criant : « À mort ! Au Rhône ! À mort lassassin ! »

Prévenu, le préfet arrive en compagnie de Boudard, son conseiller de préfecture, de Bressy-Poutinçon, le commissaire de police et du capitaine Verger qui rapportait enfin les passeports. Tous tentent de calmer la foule de portefaix, de mariniers et de manouvriers ou tout au moins de la retenir ou de lui faire entendre raison. Peine perdue. Ce fut alors quun portefaix saisit le fusil dun garde national en criant : « Donne, donne, que je le tue comme Calvet !  »[22].

Gardant son calme et son sang-froid, le maréchal se laisse convaincre par le préfet de retourner place de la Comédie , lui est-il expliqué, il serait plus en sécurité. Le postillon, blessé à la tête, est contraint de descendre et de tirer ses chevaux par la bride. Verger, épée à la main, a toutes les peines à frayer un passage au convoi. Arrivés devant lhôtel, tous se précipitent à lintérieur pendant que les portes sont promptement fermées.

Brune se réfugie à nouveau chez le préfet. Mais la chambre de celui-ci donnant sur la cour, des hommes de Soullier aperçoivent le maréchal et le mettent aussitôt en joue. Laubergiste Molin linvite à sinstaller au premier étage dans une chambre donnant sur lintérieur. Degand et Bourgoin entrés dans lhôtel par une autre porte sont installés dans une salle basse sous la garde dhommes armés. Dehors, verdets et trestaillons, au nombre de 3000, tentent denfoncer les portes et des fagots saccumulent pour mettre le feu à lhôtel.

Le maire dAvignon tente de sauver le maréchal

Prévenu tardivement, Guillaume Puy, le maire dAvignon, arrive ceint de son écharpe. Il se met en travers de la porte dentrée et crie :

« Braves Avignonnais, venez à mon secours ! Empêchez que la ville dAvignon ne soit souillée de nouveaux crimes. »

Non seulement, il n'est pas écouté mais menacé. Le maire, fort pâle, rejoint alors le préfet quil rencontrait pour la première fois.

Saint-Chamans lavertit quil venait de donner ordre au major Lambot de rassembler tout ce quil y avait de forces armées en ville. Surpris, Guillaume Puy linforme quil ne pouvait ignorer que les gardes nationaux, les chasseurs dAngoulême, les fantassins du Royal-Louis étaient plus disposés à seconder lémeute quà la réprimer.

Statue de Guillaume Puy, dominant la fontaine de la place Louis Pasteur à Avignon

La gendarmerie, seul corps sur lequel on pouvait compter, se range dans un coin de la place de la Comédie et est accueillie par des huées. Cette diversion permet toutefois au maire de se rendre auprès du maréchal. Mais Lambot fait reculer ses gendarmes sous prétexte déviter toute provocation[23].

Des gardes nationaux les remplacent. Face à lhôtel du Palais-Royal, ils font mine de charger la foule qui, reculant à peine, regagne aussitôt le terrain perdu. Le préfet Saint-Chamans et le maire dAvignon décident alors de placer devant lhôtel une trentaine de personnes disposées à défendre le maréchal.

Guillaume Puy, courageusement, demande à sortir pour essayer à nouveau de calmer les émeutiers. Mal protégé, il est bousculé, renversé, foulé aux pieds. Le conseiller Montagnat tente sa chance mais bat en retraite sous les menaces. À son tour, le major Lambot harangue la foule qui braille : « Lan dernier si on nous avait laissé nous aurions tué Bonaparte ».[24].

À ce moment-, sur la place et aux abords sagglutinaient près de quatre mille personnes. Brune, de sa chambre, entendait les vociférations. Quant aux chasseurs dAngoulême chargés de sa surveillance, la plupart tenaient des propos menaçants à son égard. La gorge sèche, le maréchal demande alors à la dame Molin du vin de Bordeaux et une carafe deau. Il la prie aussi de lui apporter ses pistolets qui étaient restés dans sa voiture, affirmant qu'il se refusait à ce que « la plus vile canaille porta la main sur un maréchal de France et préférant mourir de sa main que de celle de ces furieux ».

La tenancière nose pas aller chercher ces armes. Au préfet qui vient le voir puis au commandant de la garde nationale Hugues, il réclame à nouveau mais vainement ses pistolets. Furieux, Brune sadresse alors à un sous-lieutenant de la milice, nommé Boudon : « Donne-moi ton sabre, tu verras comment sait mourir un brave ! »

Les autorités, tout en sachant que lattaque était imminente, le rassurent en lui certifiant quelles tenaient la situation bien en main et que toutes les mesures nécessaires à sa sécurité avaient été prises. Le maréchal demande alors du papier pour écrire. Pendant ce temps, des échelles avaient été dressées permettant à plusieurs émeutiers de monter sur les toits. Sous la conduite de Soullier, ils réussissent à sintroduire dans les combles de lhôtel et à descendre au premier étage. La porte de Brune étant restée entrouverte, une quinzaine de personnes sintroduit de sa chambre.

Le négociant royaliste linterpelle en laccusant à nouveau davoir assassiné la princesse de Lamballe. Il conclut en lançant : « Le moment approche tu vas recevoir la peine due à tes crimes ». Le maréchal ignore le provocateur et continue à écrire une ultime lettre à son épouse Angélique[25].

Ce fut alors quun portefaix, Guindon, dit Roquefort, un taffetassier Louis Fargue suivis de trois ou quatre individus arrivent à leur tour sur le palier. Sur un signe de Guindon, ils entrent en proférant des menaces. Brune fait face en découvrant sa poitrine. Fargue le vise de son pistolet. Dun geste de la main, le maréchal détourne larme. La balle lui érafle le front, emportant une touffe de cheveux, et se loge dans une poutre du plafond.

Fargue appuie son second pistolet sur la poitrine du maréchal et pressa la gâchette, mais larme de louvrier en soie senraie. Roquefort, furieux, passe dans le dos du maréchal, cale sa carabine sur lépaule dun de ses complices et tire. La balle pénètre par la nuque, brise la colonne vertébrale et tranche la carotide. Brune tombe foudroyé, face contre terre, dans une mare de sang. Il était environ trois heures de laprès-midi. Après cet exploit, Guindon apparaît triomphant au balcon et clame : « Acò es fa ! »[26].

La foule sarrête de hurler à la mort pour hurler sa joie. L'hôtel du Palais Royal, venait d'être assassiné le maréchal se trouve au 21 de l'actuelle place Crillon, (ex place de la Comédie), près de la porte de l'Oulle. Une plaque commémore cet évènement.

Le cadavre est examiné par lofficier de santé Dominique Martin assisté du conseiller Beauregard. Ils dénombrent deux blessures, lune située à la partie antérieure droite du larynx, lautre entre les deux épaules à la hauteur de la quatrième vertèbre cervicale. Leur place ne laissait aucun doute sur lassassinat. Pourtant le juge dinstruction Piot et le capitaine Verger rédigent aussitôt un procès-verbal concluant au suicide[27]. Celui-ci est alors contresigné par le préfet, le procureur du roi, le commissaire de police et plusieurs officiers, tous conscient de ratifier un faux document. Seuls le maire Guillaume Puy, son adjoint Beulac et Alard, le chirurgien du maréchal, refusent dapposer leurs noms sur cet acte mensonger. Indigné, le premier magistrat dAvignon déclare que ce faux était une tache éternelle pour sa ville. Soullier le repousse en le menaçant en ces termes : « Après avoir frappé sur les noirs, on pourrait bien frapper sur les gris ! ». Anéanti et écœuré, Guillaume Puy se retire dans la maison commune, échappant au pillage qui suivit cet assassinat[28].

Un peuple égaré jusquau délire

Si les meurtriers avaient négligé de fouiller le cadavre sur lequel on retrouva les 27 500 francs, un cachet dargent et une montre, en revanche, les bagages du maréchal sont consciencieusement pillés et les assassins sen partagent le contenu. Dans la chambre même, un domestique arrache les bottes à la russe du défunt en guise de trophée.

Tandis que la foule pille les voitures du convoi, le major Lambot redescend sur la place et s'adresseà la foule : « Braves Avignonnais, cet homme- sest rendu justice à lui-même. Il est mort ! Nimitez pas les cannibales de la Révolution. Retirez-vous ! ». Le corps de Brune est sorti de lhôtel afin de prouver aux émeutiers quil était bien mort. Le juge Piot et la capitaine Verger décident de le faire inhumer immédiatement. Sans prendre le temps, des fossoyeurs mettent le cadavre sur un brancard, le recouvrent dun linceul et sacheminent vers le cimetière Saint-Roch sous la seule protection dune quinzaine dhommes de la garde nationale.

Saluée par des huées, la dépouille du maréchal Brune est jetée hors du brancard, traînée par les pieds et rouée de coups. Au milieu des éclats de rire, le corps du maréchal est percé de cent coups de poignard. Arrivé au pont de bois, on le précipite dans le Rhône et quand il refait surface, pastichant les honneurs militaires, des excités le fusillent pendant plus dune heure. C'est alors quune main anonyme écrivit à la craie sur une poutre du parapet : « Ici est le cimetière du Maréchal Brune. II août MDCCCXV  »[29].

Incapables dassouvir totalement leur haine, des irréductibles allèrent jusquà suivre le corps emporté par les flots, ne permettant à quiconque de le retirer des eaux[30]. Durant plusieurs jours la dépouille de Brune flotta dans le Rhône. Un matin, le jardinier Amédée Pichot retrouve un corps méconnaissable et lenterre sur les terres du baron de Chartrouse, près de Tarascon. Durant deux ans, la maréchale Brune multiplia les enquêtes pour localiser ce lieu dinhumation.

Le 5 décembre 1817, Chartrouse retrouve ses restes et les fait parvenir à la maréchale dans son château de Saint-Just-Sauvage. Le cercueil reste plusieurs années au milieu dun salon, car sa veuve avait juré de le conserver tant quelle naurait pas obtenu justice[31].

Enfin en 1821, lannée même de la mort de Napoléon, et après de multiples démarches, la cour de Riom déclare Fargue et Guindon coupables de lassassinat. Le taffetassier était mort. Le portefaix, en fuite, fut condamné à mort par contumace.

Le maréchal fut inhumé le 13 janvier 1829, sous une tombe pyramidale dans le cimetière de Saint-Just-Sauvage (Marne). Sa veuve Angélique Nicole Pierre repose à ses côtés.

Notes et références

  1. Sur sa maison natale au 11 de la rue Majour, une plaque commémorative porte linscription suivante: LE 13 MARS 1763 / EST DANS CETTE MAISON / GUILLAUME-MARIE ANNE BRUNE / FILS DÉTIENNE, AVOCAT / ET DE / JEANNE DE VIELBANS. / UNE DE NOS PLUS BELLES GLOIRES MILITAIRES. / SIMPLE GRENADIER EN 1790, / MARÉCHAL DE FRANCE EN MAI 1804. / ASSASSINÉ À AVIGNON LE 2 AOÛT 1815. / DÉLIBÉRATION DU CONSEIL MUNICIPAL / DU 9 JUILLET 1902. La ville de Brive lui a fait lhonneur dune belle statue qui orne la place du 14 Juillet sur le socle de laquelle on lit : À BRUNE, À BRIVE LE 13 MARS 1763, ASSASSINÉ À AVIGNON LE 2 AOÛT 1815, SES FRÈRES DARMES, SES CONCITOYENS.La maison natale et la statue du maréchal à Brive
  2. Ce sera le dernier séjour de Brune à Brive à lexception de son retour triomphal en 1809.
  3. Labbé Arbellot dans sa Biographie des Hommes Illustres de lancienne province du Limousin signale que la relation de ce voyage, publié sous le voile de lanonyme, forme un recueil de poésies légères dun style fort gracieux.
  4. Brune tenta de maintenir la discipline et dempêcher les pillages comme le prouve sa déclaration à larmée en date du 9 mars 1798. Mais pour préparer sa campagne dItalie, le Directoire imposa à la Suisse de lourds tributs. Brune sirrita contre les commissaires français chargés de dépouiller les Helvètes. Lun deux, Rapinat, beau-frère du Directeur suisse Rewbell, se montre si efficace que Paris chanta : « Le pauvre Suisse quon ruine / Voudrait bien quon décidât / Si Rapinat vient de rapine, / Ou rapine de Rapinat ». Quant à Brune, un jugement de la Cour des Comptes, en 1819, confirma quil avait bien fait parvenir lintégralité du « Trésor de Berne » au Directoire.
  5. Le 28 mars 1798, remplacé par le général Schawenbourg, Brune quitta Berne pour lItalie. Le 4 mai, plus dun mois après son départ, larmée française dHelvétie commit des exactions à Einsiedeln. Vers le 15 du même mois, Sion subit un sort identique. Le 9 septembre, ce fut Schawenbourg, lui-même, qui encouragea mise à sac et pillages à Stanz. Le nom de Brune se trouva bizarrement mêlé à ces affaires et le Directoire, tout en lui reprochant son manque de scrupules, le nomma néanmoins commandant en chef de larmée de Hollande.
  6. La conduite de Brune lui valut une armure complète offerte par Bonaparte. Napoléon dans le Mémorial de Sainte-Hélène se souviendra : « Je rends justice au maréchal Brune ; il a bien fait en Hollande ; la bataille dAlkmaar a sauvé la République dun grand péril ».
  7. Simon Schama, Patriots and Liberators, 2005, p. 399.
  8. Si Brune, au cours de son séjour de deux ans auprès de la Sublime Porte, ne parvient pas à rétablir lalliance avec le sultan, il réussit à nouer les premières relations avec la Perse.
  9. Mes mémoires, Alexandre Dumas,ed. Calmann Lévy, 1863 Mes mémoires, Googlebooks
  10. Vermeil de Conchard, op. cit.
  11. Ce fut le 22 juillet seulement, que le maréchal Brune se résigna à reconnaître Louis XVIII et à remettre son commandement au marquis de Rivière, commissaire extraordinaire du roi nommé par le duc dAngoulême.
  12. En dépit des ordres du roi douvrir toutes les villes et daccueillir les alliés, le maréchal Brune avait défendu Toulon et empêché les Anglais de prendre ce port.
  13. Au laissez-passer à présenter aux alliés autrichiens et sardes qui occupaient la Provence, le marquis de Rivière avait joint une copie certifiée conforme dun rapport pour le roi exposant lhonorable conduite du maréchal. Composée de quarante chasseurs avec un officier sous les ordres du comte de Maupas, attaché à létat-major du commissaire royal, lescorte du 14e chasseurs devait protéger Brune aussi longtemps quil le jugerait nécessaire.
  14. Le maréchal Brune, inconsciemment ou pas, jouait la provocation. Si son tricorne était garni de plumes blanches, avec ganse et galon dor, cocarde blanche et il y arborait son bouton de maréchal. Afin de passer inaperçu, il avait choisi une tenue bourgeoise on ne peut plus voyante. Il sétait vêtu dun habit de drap gris foncé, dun gilet de basin blanc et dun pantalon bleu collant. Sa chemise était de toile fine, une cravate de taffetas noir entourait son cou et des bottes à la russe brillaient des éperons dargent complétaient son accoutrement.
  15. Il est aujourdhui prouvé que lordre venait de la ville dAvignon occupée par les royalistes.
  16. Alard était chirurgien et médecin militaire, Bourgoin, chef descadron et Degand, capitaine. À leurs côtés, le général-comte Loverdo qui, lors de la Restauration, commandait pour les Bourbon le département des Basses-Alpes avec le grade de maréchal de camp. À la tête du bataillon du 87e et de plusieurs brigades de gendarmerie, il navait pu bloquer le passage de Napoléon à Sisteron.
  17. La ville dAvignon, contrôlée par les fédérés et la troupe régulière, était sous pression alors que partout alentour à Beaucaire, Orgon, Cavaillon, Carpentras, Orange et Villeneuve-lès-Avignon flottaient les drapeaux blancs. Ce fut le 15 juillet 1815 que les Avignonnais apprirent par affiche le retour de Louis XVIII à Paris. Tandis quune partie de la population pavoisait, brandissant des centaines de drapeaux blancs aux fenêtres, des scènes de désordre et de violence furent déclenchées par les royalistes. Le général Cassan, commandant la place, jugeant toute résistance impossible, réunit ses officiers supérieurs et leur proposa de reconnaître le roi. Face à leur refus, il décida dévacuer Avignon. Le lendemain, Cassan et sa colonne (le bataillon du 13e de ligne, le bataillon du 35e et un bataillon de retraités) se dirigèrent vers Pont-Saint-Esprit. Au carrefour des routes dOrange et de Carpentras, ils croisèrent une troupe de huit cents paysans armés et de «gens en guenille, à faces de bandits, constituant le corps du Royal-Louis, formé à Carpentras par le major Lambot avec danciens miquelets, des tâcherons, des vagabonds ». Cette armée royaliste se dirigeait vers Avignon. Lambot était un chef descadron de gendarmerie qui avait été envoyé de Marseille par le marquis de Rivière pour prendre le commandement de toute la contrée insurgée. Il fit son entrée dans Avignon à la tête de «bandes indisciplinées qui ne rêvaient que de meurtres et pillages. Le désordre sinstalla et les royalistes du lieu se firent complices de ces volontaires » (René de la Croix, duc de Castries).
  18. Cette formule aussi alambiquée quinsolite est de la plume de labbé Arbellot. Cette bande de nervis royalistesles Verdets ou Trestaillonsqui terrorisait leurs concitoyens soupçonnés dêtre ou davoir été favorable à la République ou à lEmpire était sous les ordres du négociant Soullier, dont le père était président du tribunal et de la Chambre de Commerce. Dès la mi-juillet, ce fils de notable, assuré de limpunité, et son compère Lambot firent régner la terreur blanche dans la cité papale. Leur place forte était le quartier des Fusteries (rue Grande et Petite Fusterie) surnommé La Vendée. Ils saccagèrent le Café de lOulle et celui du Méridien. Vingt maisons furent pillées, dix autres incendiées, dont la corderie de Fabre, dit Montagne, qui brûla pendant deux jours au pré de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Des centaines de personnes, invalides, fédérés, frères, pères et femmes de fédérés, furent incarcérés et torturés. Il y eut des fusillés et des noyés dans le Rhône. Un boulanger fut précipité dans son pétrin ardentLe quartier le plus visé était celui de la Balance, au pied du palais des papes (rebaptisé lîle dElbe), résidaient artisans et cultivateurs partisans de Napoléon. Guillaume Puy, le maire dAvignon, et son Conseil municipal dénoncèrent ces violences dues « à louvrage de ces gens qui sont pour ainsi dire sans patrie et sans famille » et invitèrent tous leurs concitoyens à les surveiller avec zèle. Les environs dAvignon subirent les exactions de la bande du sinistre Pointu. Ces malfrats se jetèrent sur les communes de Sorgues, Entraigues et Saint-Rémy-en-Provence. Dautres crimes ensanglantèrent Carpentras, Roussillon, Roquemaure et Loriol. Quelques-uns de ces assassins furent arrêtés et déférés à la justice. Par crainte, les juges se refusèrent à les condamner.
  19. Lors des émeutes du 2 septembre 1792, Brune, qui était capitaine adjoint aux adjudants-généraux, se trouvait alors à Rodenac, près de Thionville, au nord de la France. On sait que ce furent les dénommés Charlat et Grison qui brandirent la tête et le cœur de linfortunée princesse. Pour éviter dêtre jugé Charlat sengagea dans larmée ses compagnons le firent passer de vie à trépas sans autre forme de procès. Quant à Grison, il fut condamné à mort et exécuté à Troyes.
  20. Lambot justifia son zèle en expliquant quil espérait ainsi voir se transformer en définitive son accréditation provisoire quil tenait du marquis de Rivière. Cet officier de gendarmerie a été ainsi noté : « Soldat sans élévation dâme, dont lambition est encore plus avide que son royalisme nest ardent ».
  21. LHôtel du Palais Royal (ex Auberge du Palais National) jouxtait le relais de poste. Cétait le plus huppé dAvignon. , par deux fois, descendit Bonaparte en 1778 et 1779, puis le pape Pie VII en 1809, mais ce fut Stendhal qui le rendit célèbre en 1837 dans ses Mémoires dun touriste. À contrario, Alexandre Dumas, filleul du maréchal Brune, dans Les Compagnons de Jéhu, dressa un portrait au vitriol de la cité papale avait été assassiné son parrain !
  22. Le matin même, le citoyen Calvet, accusé par les Verdets et les Trestaillons dêtre un fédéré, avait été poursuivi, tué et son corps jeté dans le Rhône.
  23. Pris dun nouveau zèle, le commandant de gendarmerie fit reculer ses hommes de près de 500 mètres en les cantonnant rue Joseph Vernet (alors rue de la Calade) près de la chapelle de lOratoire. Marc Maynègre a souligné : « Ce lieu, sciemment choisi, bien éloigné du rassemblement, permit de laisser le champ libre aux noirs desseins des promoteurs de lattentat. Par cette initiative, on ne peut plus coupable, Lambot rendait le crime inévitable ».
  24. Lors du passage de lEmpereur à Avignon le 25 avril 1814, alors quil était en route vers lîle dElbe, la foule, à la tête de laquelle se trouvaient danciens détenus espagnols récemment libérés, tenta de semparer de lui aux cris de « À bas le tyran ! » Napoléon ne dut davoir la vie sauve quau sang-froid dun capitaine de la Garde Urbaine, Louis Montagnat, qui réussit à éviter tout incident puis à faire dégager par ses hommes la voiture impériale qui put continuer au grand galop sa route vers lexil.
  25. René de la Croix, duc de Castries indique que Brune rédigea une première lettre pour son épouse mais quil la déchira. Une seconde fut écrite au Comte de Nugent, général en chef des armées autrichiennes.
  26. « La chose est faite ! ».
  27. Vermeil de Conchard écrit que «les auteurs ou complices de lassassinat sétaient empressés de faire croire à un suicide, pour couvrir lodieux de leur attentat et se mettre à labri des poursuites de la justice ». Antoine de Carli, plus précis, parle «dun complot entre gens de haut lignage. Cest pourquoi, après la catastrophe, magistrats, fonctionnaires et officiers royalistes estimèrent opportun une solution prudente, ménageant lavenir : par raison détat, tous décidèrent daccréditer linfâme version du suicide. On propagea donc, non sans zèle, le fait, on lestampilla officiellement et les inspirateurs du procès-verbal, la conscience apaisée, se reposèrent pleins de confiance en limmutabilité de leur triste détermination ».
  28. Marc Maynègre, de lAcadémie du Vaucluse, est le premier historien de cette période à avoir mis en exergue le rôle joué par Guillaume Puy, en tant que maire dAvignon, pour sauver le maréchal Brune. Celui que Napoléon appela le maire modèle, était le 29 janvier 1751 dun père trésorier général du pape à Avignon. Il en devint maire pour la première fois le 26 mars 1795 et le resta sous lEmpire, la Restauration, les Cent Jours et la seconde Restauration. Le préfet Saint-Chamans écrira à son sujet, le 19 août 1815, à son ministre de lIntérieur : « Il nest et ne sera jamais lhomme du gouvernement, cest lhomme de la ville, il ne tenait pas à Bonaparte, il ne tient pas au roi, il ne voit que le bien dAvignon ».
  29. Marc Maynègre précise que cette inscription fut ensuite gravée et resta longtemps visible.
  30. Marc Maynègre indique que deux anciens grognards ayant reconnu leur maréchal échoué sur la berge voulurent lui donner une sépulture. Des Verdets et des Trestaillons surgirent et, pris dune rage nouvelle, le déterrèrent et lexposèrent sur un rocher afin que le cadavre devienne la proie des charognards. Ils montèrent quelques temps la garde puis incommodés par lodeur rejetèrent la dépouille de Brune au Rhône.
  31. La maréchale ne voulut jamais admettre la version officielle et mensongère du suicide. Avec un courage admirable, en dépit de la terreur blanche qui continuait à sévir, elle entreprit de défendre la mémoire de son époux. Elle obtint du roi le droit de poursuivre les assassins et, à Riom, le 25 février 1821, il fut reconnu que le maréchal navait pas porté la tête de la princesse de Lamballe, quil nétait pas coupable de malversations et quil ne sétait pas suicidé.

Bibliographie

  • Alexandre Dumas, Impressions de voyage. Midi de la France, préface de C. Schopp, Éd. Michel Lévy frères, Paris, 1851, rééd. François Bourin, 1991. Impressions de voyage. Midi de la France sur Google books, Le maréchal Brune, pp. 229 et passim.
  • Vermeil de Conchard, Le Maréchal Brune. Études historiques daprès des documents anciens, nouveaux et inédits, Paris, 1935.
  • Antoine de Carli, Quelques documents inédits sur lassassinat du Maréchal Brune, Avignon, 1942.
  • René de la Croix, duc de Castries, La Terreur blanche. Lépuration de 1815, Paris, 1981.
  • Marc Maynègre, Le maréchal Brune in De la Porte Limbert au Portail Peint. Histoire et anecdotes dun vieux quartier dAvignon, Sorgues, 1991.

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