Délégué militaire régional

Délégué militaire régional

Les délégués militaires régionaux (DMR) sont des officiers envoyés ou nommés par les services spéciaux issus de la France libre à partir de septembre 1943 en France métropolitaine. Le Comité français de la libération nationale, siégeant à Alger, avait décidé d'implanter, parallèlement à l'organisation civile chargée de préparer l'après libération, des délégués militaires dans chaque région. Ils sont au nombre de douze répartis selon la carte ci-dessous déterminée par les services du commissariat à l'intérieur, selon les directives de Jean Moulin et d'Henri Frenay.

Les délégués régionaux sont placés sous la tutelle de délégués de zone : Nord (zone occupée), Sud (ancienne zone libre). Ces derniers travaillent sous l'autorité d'un délégué national, successivement Pierre Marchal alias Hussard, Louis Mangin[1] alias Losange, Maurice Bourgès-Maunoury et Jacques Chaban-Delmas.

L'organigramme de la Résistance étant complexe, les DMR dépendent hiérarchiquement et directement du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) siégeant à Londres. Plusieurs régions sont découpées en sous-secteurs, en particulier le grand Ouest et le bassin parisien.

Carte de l'organisation territoriale de la Résistance intérieure française

Sommaire

Les missions

Les plans

Les DMR ont pour mission première la mise en place des plans élaborés à Londres sur la base des renseignements recueillis par les différents réseaux pour préparer le débarquement allié. Ils sont au nombre de huit :

  • Plan vert : Interruption des communications ferrées
  • Plan jaune : Destruction des organes de commandement ennemis
  • Plan rouge : Destruction des dépôts de munitions
  • Plan momie : Protection des ports (ils peuvent être utilisés pour acheminer la logistique alliée)
  • Plan noir : Destruction des dépôts de carburant
  • Plan tortue : Neutralisation des communications routières
  • Plan bleu : Destruction des lignes électriques
  • Plan violet : Destruction des lignes longues distances de communications téléphoniques

Ces actions sont mises en œuvre en coordination avec les groupes de résistance locale et/ou des commandos spéciaux qui interviennent ponctuellement de l'extérieur. Elles ont l'avantage majeur d'être plus ciblées et de limiter les dégâts collatéraux et d'épargner les vies humaines. Les mouvements de Résistance intérieure avaient fortement insisté pour la mise en place d'un tel programme pour contrer la propagande du gouvernement de Vichy dénonçant les bombardements "aveugles".

Un lien indispensable

Les DMR sont conçus comme des ambassadeurs ou des techniciens mis à la disposition de la Résistance intérieure par les services de la France libre. Ils n'ont pas vocation à assurer un commandement.

Ils deviennent progressivement la charnière indispensable, malgré les difficultés diverses, qui permet la coordination des opérations y compris avec les mouvements de résistance d'origine communiste, qui à l'origine étaient très réticents. Dans beaucoup de cas leur autorité est contestée par les chefs locaux des groupes de Résistance qui ne sont que consultés avant leur nomination. Il arrive même qu'un responsable FFI soit nommé DMR comme par exemple Gilbert Grandval pour la région C (Châlon-sur-Marne)[2].

Leur présence peut également revêtir un caractère de contrôle sur d'éventuels "débordements" que redoutent, à tort ou à raison, les autorités de la France libre.

Enfin, leur rôle est crucial pour la répartition des moyens et la circulation du renseignement.

Les moyens

Les consignes spécifiques et les renseignements fournis par le BCRA sont remis dans des valises piégées. Dès l'origine les DMR sont dotés de moyens radio qui leur permettent de communiquer directement avec le BCRA. Ils ont donc la haute main sur la transmission des renseignements, la fourniture d'armes, la distribution de l'argent aux différents mouvements de Résistance de leur région. À titre d'exemple, en mai 1944 les DMR reçoivent 80 millions de francs pour la zone sud et 71 millions pour la zone nord[3].

Devant l'ampleur de la tâche, on leur adjoint rapidement des officiers du Centre d'opérations de parachutages et d'atterrissages (COPA), puis de la Section des atterrissages et des parachutages (SAP), chargés de repérer des lieux de parachutage et de coordonner les opérations de livraison.

Les hommes

Les DMR, tous engagés à des degrés divers au côté du général de Gaulle, sont tous volontaires pour cette nouvelle mission en métropole. La moyenne d'âge de ces officiers est d'une trentaine d'années. Ils ont tous subi l'entraînement commando des forces spéciales britanniques. Sociologiquement, ils sont principalement issus des classes aisées : cadres supérieurs de l'industrie ou du commerce, professions libérales ou officiers d'active. On peut enfin noter qu'on leur attribue comme pseudonyme le nom d'une figure géométrique.

Compte tenu de leur importance stratégique, ils sont particulièrement exposés et frappés par la répression. Leur durée de survie dans la France occupée, dans des régions qu'ils ne connaissent pas, est estimée dès leur arrivée à cinq mois. De fait, la majorité d'entre eux est arrêtée par la Gestapo, la milice ou les sections spéciales de la police française. Certains sont assassinés ou déportés. D'autres ont le temps d'utiliser la capsule de cyanure dont chaque agent est doté dès son départ en mission.

La première opération d'infiltration des DMR a lieu dans la nuit du 11 au 12 septembre 1943 sur un terrain près de Tours pour les DMR de la zone nord. La deuxième dans la nuit du 14 au 15 septembre 1943 près de Bletterans aux confins du Jura et de la Saône[4] pour les DMR de la zone sud. Ensuite, les opérations de transport s'échelonnent par plusieurs canaux, souvent dans des conditions périlleuses.

On peut par exemple citer le cas d'Alexandre de Courson de la Villeneuve qui est acheminé le 17 mars 1944 à bord d'une vedette partie de Grande Bretagne qui débarque à Kerroulou près de Guimaëc[5] (Finistère). Épuisé par le voyage et éprouvant quelques difficultés à établir les liaisons il n'atteint son affectation à Clermont-Ferrand (R6) que le 26 mars, après avoir traversé tout le territoire et affronté bien des dangers, alors qu'il était censé l'atteindre en deux jours. On peut également citer le cas d'Eugène Déchelette[4] qui, destiné à assurer la fonction de DMR à Limoges (R5), est parachuté à Saint-Uze (Drôme) le 29 janvier 1944 et se casse une cheville lors de sa réception.

Le travail souvent méconnu, mais héroïque, des délégués militaires régionaux sera malgré tout reconnu, puisque onze d'entre eux seront faits Compagnon de la Libération.

Liste des Délégués militaires régionaux

Zone sud

Nom Pseudonyme Affectation Période Profession avant guerre Éléments biographiques
Maurice Bourgès-Maunoury (1914-1993) Polygone Région R1 (Lyon) Septembre 1943 Ingénieur Polytechnicien Compagnon de la Libération Député et ministre radical après guerre
Paul Leistenschneider (1907-1999) Carré Région R1 (Lyon) puis R3 1944 Avovat Compagnon de la Libération
Louis Burdet Circonférence Région R2 (Marseille)  ?  ? Un témoignage succinct
Jacques Picard Sultan Région R3 (Montpellier)  ?  ?  ?
Lucien Cambas (1916-1961) Trapèze Région R3 (Montpellier) Juin à septembre 1944 Militaire d'active Compagnon de la Libération
Bernard Schlumberger (1911-?) Droite Région R4 (Toulouse) Janvier à août 1944 Cadre bancaire Note biographique
Eugène Déchelette (1906-1973) Ellipse ou Chasseigne Région R5 (Limoges) Janvier à septembre 1944 Industriel Compagnon de la Libération
Alexandre de Courson de la Villeneuve[6] (1903-1944) Pyramide Région R6 (Clermont-Ferrand) Mars à juillet 1944 Officier d'active (Capitaine de cavalerie) au 3e Régiment de Chasseurs d'Afrique Arrêté le 2 juillet 1944 par la Gestapo à Clermont-Ferrand. Vraisemblablement fusillé le 19 août 1944[7]
Guy Vivier[6](1903-?) Isotherme Région R6 (Clermont-Ferrand) Juillet à septembre 1944 Officier d'active (Capitaine de cavalerie) au 2e Régiment de Chasseurs d'Afrique[8] Parachuté dans la nuit du 9 au 10 juin 1944 sur le terrain "Plongeon"[9] il est l'adjoint du DMR de la R6 avant d'assurer l’intérim puis son remplacement après son arrestation

Zone Nord

Nom Pseudonyme Affectation Période Profession avant guerre Éléments biographiques
André Boulloche (1915-1978) Segment Région P (Paris) Septembre 1943 - janvier 1944 Ingénieur des ponts et chaussées Polytechnicien Arrêté le 12 janvier 1944. Déporté Compagnon de la Libération

Député et ministre socialiste après guerre. Décédé accidentellement en 1978

André Rondenay (1913-1944) Lemniscate Région P (Paris) 1944 Officier d'active Polytechnicien Compagnon de la Libération Exécuté par la Gestapo le 15 août 1944
Raymond Fassin (1914-1945) Sif, Comète ou Piquier Région A (Amiens) Septembre 1943 - avril 1944 Instituteur Agent de liaison de Jean Moulin en 1942, puis responsable des opérations aériennes zone sud. Arrêté à Paris le 2 avril 1944, mort en déportation au camp de Neuengamme Notice biographiqueFiche biographiqueMémorial
Guy Chaumet (1913-1980) Cissoide ou Mariotte Région A (Amiens) Avril - septembre 1944 Haut-fonctionnaire Compagnon de la Libération Il poursuit ses activités de représentation commerciale de la France après guerre
Claude Bonnier (1897-1944) Hypoténuse Région B (Bordeaux) Novembre 1943 - février 1944 Ingénieur des mines Gendre de Pierre Renaudel. Lui-même militant SFIO. Arrêté le 9 février 1944, il se suicide en prison Compagnon de la Libération
Charles Gaillard (?-?) Triangle Région B (Bordeaux) Septembre 1943  ? Arrivé en métropole le 14 septembre 1943 sur le terrain de Bletterans (Jura)[4]
André Schock (1914-1973) Diagonale Région C (Châlon-sur-Marne) Septembre 1943 - janvier 1944 Correcteur dans la presse puis employé de commerce Arrêté à Paris et blessé le 28 janvier 1944. Déporté Compagnon de la Libération Parlementaire MRP après guerre puis cadre du secteur privé
Gilbert Grandval-Hirsch-Ollendorff (1904-1981) Planète Région C (Châlon-sur-Marne) Janvier - septembre 1944 Directeur commercial Compagnon de la Libération après la Libération il débute une carrière diplomatique qu'il quitte en 1955 pour poursuivre une carrière politique dans le mouvement gaulliste de gauche
Pierre Hanneton (1901-1969) Ligne Région D (Dijon)  ? Officier d'active (Lieutenant-colonel) Courte référence à son rôle en Haute-Saône. Il est possible que Pierre Hanneton soit un des artisans du ralliement de la Somalie française à la France libre le 29 décembre 1942[10] (à vérifier). Natif de Seine-et-Marne, il terminera sa carrière comme Général de Division de l'Armée Coloniale après de nombreux séjours en Afrique Occidentale Française et Indochine.lien vers sa fiche sur le site des français libres
Jacques Davout d'Auerstaedt (1913-2003) Ovale Région D (Dijon)  ? Ingénieur des mines Apparenté au maréchal d'empire Louis Nicolas Davout Courte biographie
Valentin Abeille (1907-1944) Fantassin puis Méridien Région M (Le Mans) Septembre 1943 - mai 1944 Sous-préfet de Provins puis de Marseille (révoqué) Décédé des suites de ses blessures subies lors de son arrestation et des tortures infligées par la Gestapo Compagnon de la Libération
Jean Kammerer (1914-1944) Parallèle Région M (Le Mans) Mai 1944 au 22 juin 1944 Cadre dans une société de transport Arrêté le 22 mai 1944 près du Mans, vraisemblablement assassiné en prison Courte biographie

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=83142
  2. Dictionnaire historique de la Résistance, Ouvrage collectif, Coll Bouquins-Robert Laffont, 2006, p 184
  3. Dictionnaire historique de la Résistance, Ouvrage collectif, Coll Bouquins-Robert Laffont, 2006, p 183
  4. a, b et c http://www.plan-sussex-1944.net/francais/pdf/infiltrations_en_france.pdf
  5. A nous Auvergne, Gilles Lévy-Francis Cordet, Presses de la cité 1981
  6. a et b A nous Auvergne, Gilles Lévy-Francis Cordet, Presses de la cité 1981
  7. SHD 17P63 Dossier réseau action R6
  8. SHD 17P63 Dossier réseau action R6
  9. A nous Auvergne ibid p 239
  10. Dictionnaire historique de la Résistance, Ouvrage collectif, Coll Bouquins-Robert Laffont, 2006


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Délégué militaire régional de Wikipédia en français (auteurs)

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