Conscience de soi

Conscience de soi

Conscience

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Conscience (homonymie).
Psychologie
Psi.svg
Approches et courants

Psychodynamique Humanisme Béhaviorisme Cognitivisme Neuropsychologie Psychanalyse

Méthodes

Psychologie expérimentale Psychologie clinique Psychométrie Psychologie différentielle

Branches d'études

Psychologie sociale Psychologie cognitive Psychopathologie Psychologie du développement

Concepts majeurs

intelligence attitudes cognition Identité comportement souffrance motivation émotion relation humaine Apprentissage maladie mentale

Auteurs

Sigmund Freud Carl Gustav Jung Abraham Maslow Carl Rogers Jean Piaget Françoise Dolto Daniel Widlöcher Jacques Lacan Serge Lebovici Ivan Pavlov Burrhus F. Skinner Kurt Lewin Stanley Milgram Daniel Kahneman Herbert Simon

Champs d'application

psychologie scolaire psychologie du conseil Pédagogie psychologie du travail psychothérapie

Voir aussi

Portail Catégorie

La conscience est la faculté mentale d'appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs (par exemple, sous la forme de sensations) ou intérieurs (tels que ses états émotionnels) et plus généralement sa propre existence. Si je suis triste, heureux et que je me rends compte que je suis triste ou heureux, par exemple, je prends conscience de mes états affectifs. L'un des grands défis des neurosciences cognitives contemporaines est l'étude de ce qu'on appelle les corrélats neuronaux de la conscience , c'est-à-dire les mécanismes qui permettent au cerveau de réaliser cette faculté[1].

Il ne faut pas confondre la conscience ainsi définie avec la conscience morale traitée plus bas dans cet article.

Sommaire

Introduction

Il est important de distinguer :

Le terme conscience est donc susceptible de prendre plusieurs significations, selon le contexte.

Conscience comme représentation du monde et des réactions à celui-ci

Ce premier sens indique une représentation, même très simplifiée, du monde et des réactions par rapport à celui-ci. On parle alors de conscience du monde, en anglais awareness.

Cest celle qui est évoquée dans des expressions comme perdre conscience, ou à l'inverse prendre conscience. Cette conscience- est considérée comme présente chez les mammifères.

Chez l'homme, les recherches récentes sur plusieurs périodes de l'histoire montrent l'importance du concept de représentation : Voir par exemple Georges Duby (sur le bas Moyen Age), Jean Delumeau (sur la Renaissance), et sur un plan plus épistémologique, les recherches de Michel Foucault relatives à l'épistémè. On évoquera également le philosophe allemand Arthur Schopenhauer qui a consacré une grande partie de sa philosophie à l'étude de cette faculté représentative des animaux et en particulier de l'homme dans son oeuvre principale et magistrale, Le monde comme volonté et comme représentation.

Représentation de sa propre existence

La conscience est un fait au sens Descartes affirme dans les Méditations Métaphysiques que "l'âme est un rapport à soi". L'introspection de la conscience considère ainsi le doute méthodique comme l'objet premier du rapport à soi.

Dans un sens plus individuel, la conscience peut aussi correspondre à une représentation, même très simplifiée, de sa propre existence. On parle alors de conscience de soi, ou conscience réflexive, en anglais consciousness.

On lattribue pour le moment essentiellement à lhomme et aux grands singes anthropoïdes comme le chimpanzé et lorang-outan. Il semble également raisonnable de l'étendre aux dauphins et éléphants qui disposent de capacités cognitives et affectives avancées.

La conscience dans ce second sens implique celle du premier, puisque « se connaître » signifie nécessairement « se connaître dans ses rapports au monde » (y compris dautres êtres potentiellement doués de conscience). L'inverse n'est en revanche pas vrai. Pour prendre un exemple limite, une boucle de commande comprenant un thermostat constitue une forme élémentaire de conscience du monde à laquelle rien n'incite à attribuer une conscience de soi.

Relation entre la conscience de soi et la conscience du monde

La conscience de soi est bien illustrée en médecine, surtout au niveau individuel. C'est en effet une des fonctions vitales qui permet de réagir aux situations, de bouger et parler spontanément. Plus généralement, létat de conscience (de la conscience pleine au coma profond) est déterminé par létat neurologique du patient.

Forme minimale de conscience du monde

Au niveau de la conscience du monde, les choses peuvent se montrer plus complexes, en impliquant un ensemble de phénomènes liés au contexte sociologique, politique, économique. Le degré minimal de conscience du monde semble celui on a tout simplement quelque chose à dire sur le monde (la philosophie ne sait dire quoi que ce soit pour le moment (2006) sur une conscience non observable par ses manifestations : Ce dont on ne peut parler, il faut le taire explique Wittgenstein, et pourtant, il y a bien un point important, essentiel de la philosophie, resté obscur depuis toujours). Un simple capteur de présence possède un début de représentation du monde (présence, absence). Encore faut-il pour s'intégrer dans un schéma de conscience que cette information soit utilisée en aval par quelque chose (déclencheur d'alarme, etc).

Forme minimale de conscience de soi

La conscience de soi, comme la conscience du monde (René Dubos dirait « agir local / penser global ») n'est jamais complète. Une question qui s'en déduit - puisque toutes sont incomplètes - est « quel est le degré minimal de conscience de soi imaginable ? ». Descartes y répond par son célèbre « Je pense, donc je suis ». Les sciences cognitives s'intéressent à détailler le sens opérationnel de cette phrase (voir Antonio Damasio, Daniel Dennett...).

On connaît la formule de Socrate : « connais-toi toi même », qui montre qu'une mauvaise connaissance de soi a un impact sur la connaissance du monde et réciproquement - puisque nous faisons partie du monde. En fait, la conscience de soi désigne la conscience de phénomènes particuliers reliés au concept de soi.

La notion de culture

On pourrait aussi rapprocher la notion de conscience du monde de celle de culture, en tant que système de représentation. Le mot culture est souvent perçu en langue française dans une acception individuelle avec une connotation « intellectuelle » (ce terme n'étant pas toujours perçu positivement), encore qu'il existe des sens collectifs : culture d'entreprise, culture française, culture de masse, ...

En allemand, les deux sens sont donnés par des mots différents : Bildung et Kultur.

Les aspects de la conscience

Pluralité de manifestations

Outre les deux sens principaux déjà vus, le concept de conscience a de nombreux sens ou manifestations que lon peut sefforcer de distinguer, bien que dans certains cas ces différences soient surtout des différences de degrés :

  • La conscience comme sensation : tout être doué de sensibilité, voire un système automatique, peut être dit dans une certaine mesure « conscient » de son environnement, puisqu'il répond à des stimuli ; c'est ce qu'on désigne sous le nom de « conscience du monde ».
  • la conscience spontanée, sentiment intérieur immédiat ; certains philosophes de lAntiquité (par exemple les Stoïciens) parlent de toucher intérieur ; voir l'article Qualia ;
  • on peut distinguer une étape supérieure, en signifiant par le mot conscience un état déveil de lorganisme, état différent du précédent en ce sens quil ne comporte pas de passivité de la sensibilité (cf. en anglais, le mot wakefulness, vigilance, alerte, ou awareness); en ce sens, il ny a pas de conscience dans létat de sommeil profond ou dans le coma ;
  • Conscience de soi : la conscience est la présence de lesprit à lui-même dans ses représentations, comme connaissance réflexive du sujet qui se sait percevant. Par cette présence, un individu prend connaissance, par un sentiment ou une intuition intérieurs, détats psychiques quil se rapporte à lui-même en tant que sujet. Cette réflexivité renvoie à une unité problématique du moi et de la pensée, et à la croyance tout aussi problématique que nous sommes à lorigine de nos actes ; ce dernier sens est une connaissance de notre état conscient aux premiers sens. Le domaine dapplication est assez imprécis et comporte des degrés : sil sagit dune conscience claire et explicite, les enfants ne possèdent sans doute pas la conscience en ce sens ; sil sagit dun degré moindre de conscience, dune sorte déveil à soi, alors non seulement les enfants peuvent être considérés comme conscients ainsi que certains animaux.
  • un autre sens du mot conscience a été introduit par le philosophe Thomas Nagel : il sagit de la conscience pour un être de ce que cela fait dêtre ce quil est.
  • la conscience comme conscience de quelque chose (conscience transitive, opposée à lintransitivité du fait dêtre conscient). Cette conscience renvoie à lexistence problématique du monde extérieur et à notre capacité de le connaître ;
  • la conscience phénoménale, en tant que structure de notre expérience.
  • À un degré conceptuellement plus vaste peut exister ou non la "« conscience morale », compréhension et prise en charge par l'individu des tenants et aboutissants de ses actes pour la collectivité et les générations futures.

Dans lensemble de ces distinctions, on peut noter une conception de la conscience comme savoir de soi et perception immédiate de la pensée, et une autre comme sentiment de soi impliquant un sous-bassement obscur et un devenir conscient qui sont en général exclus de la première conception. La conscience morale, quant à elle, désigne le jugement moral de nos actions. De cette conscience-, on résume aux enfants qu'elle nous permet de distinguer le bien du mal. Voir plus bas.

Questions fondamentales liées à la conscience

Il existe de nombreuses théories qui sefforcent de rendre compte de ce phénomène. À partir de ces théories, on peut mettre en avant quelques groupes de questions fondamentales :

  • Quelle est la nature de la conscience (et, par suite, son origine et son développement) ?
  • Quelles sont ses caractéristiques ? Ou se trouve le siège de la conscience ?
  • Quel est son mode dexistence ? Comment peut-elle exister à partir dentités non-conscientes ?
  • Quelle est sa fonction ? A-t-elle une causalité propre et, si oui, de quelle nature ?
  • Quelles relations la conscience entretient-elle avec les autres phénomènes de la réalité, physiques et mentaux ?

En résumé, il sagit de décrire la conscience, de découvrir sa cause et de déterminer son rôle et sa valeur.

Ce sujet fait lobjet des travaux de Daniel Dennett, Antonio Damasio et Jean-Pierre Changeux, ainsi que des sciences cognitives.

Le modèle du spectateur cartésien est remis en cause car, comme le fait remarquer Daniel Dennett, on ne peut expliquer la conscience par la conscience : expliquer exige que lexplication ne fasse pas appel elle-même à une compréhension de ce quon souhaite justement expliquer (« To explain means to explain away »). En dautres termes, on naura expliqué la conscience que lorsque cela aura été fait en termes ne faisant pas intervenir le mot ni le concept de « conscience ». Sinon, on tombe dans un argument circulaire (voir larticle : sophismes). On remarquera que Daniel Dennett, remet en cause le modèle du spectateur cartésien avec une explication de type "circulaire"

Il semble que ces questions soient à mettre en rapport avec le cogito de Descartes, remis dans son contexte, et avec la notion de représentation du monde. Descartes conçut sa philosophie en réaction au modèle géocentrique, incarné par les "aristotéliciens" et la scolastique décadente de son époque, et en fonction du modèle héliocentrique qui émergeait avec les observations faites par Galilée (voir Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, 1633).

Disciplines concernées

Dans le langage courant, le concept de conscience peut être opposé à linconscience, à linattention, à la distraction, au divertissement, etc.

En réalité, il existe un regard épistémologique sur la conscience, défendu entre autres par la sophrologie caycédienne, à savoir que la conscience est une force intégratrice de tout : l'inconscient, le subconscient et le conscient.

La psychanalyse parle d'inconscient qui peut être vu individuellement (conception de Freud), ou collectivement (conception de Carl Gustav Jung : inconscient collectif).

Outre la psychanalyse et la médecine, létude de la conscience concerne plusieurs disciplines, comme la psychologie, la psychiatrie, la philosophie de l'esprit et la philosophie de l'action. Elle est aussi liée au langage (verbal ou non), donc à la philosophie du langage.

Depuis des millénaires, les pratiquants de la méditation transmettent de maître à disciple une pratique qui donne accès à un prise de conscience ( de la conscience ) . Cette approche est très différente de celle des scientifiques occidentaux.

Histoire

La philosophie bouddhique étudie la conscience, vijñāna et en analyse les différentes formes et fonctions. Il s'agit alors de l'un des constituants de la personne, skandhas, distinct de la perception, samjñā ; cependant, si vijñāna est traduit par conscience, et que le terme désigne bien une connaissance, le concept ne recouvre pas la conscience dans la pensée occidentale.

Il nexiste aucun concept strictement comparable à celui de conscience dans la philosophie de la Grèce antique : l'être de Parménide (voir ontologie) pourrait s'en rapprocher.

Chez certains auteurs romains, le mot latin prend une dimension morale dérivée du droit, exprimant le fait de se prendre soi-même pour témoin.

Ce nest quau XVIIe siècle que le terme devient un fondement de la réflexion sur lesprit.

Le concept de conscience na été isolé de sa signification morale quà partir de John Locke, dans son Essai sur lentendement humain. Avant lui le mot conscience na jamais le sens moderne. En particulier, Descartes ne lemploie quasiment jamais en ce sens, bien quil définisse la pensée comme une conscience des opérations qui se produisent en nous (cf. les Principes de la philosophie, 1644).

Cest le traducteur de Locke, Pierre Coste, qui a introduit lusage moderne du mot conscience (donc en français, mais le sens du mot consciousness était bien sûr tout aussi nouveau), associé à lidée dun soi-même dont la conscience exprime lidentité.

Caractéristiques de la conscience

La conscience présente certains traits caractéristiques :

  • Le rapport au moi ;
  • la subjectivité : la conscience que jai de moi-même est distincte de celle dautrui ;
  • la structure phénoménale ;
  • la mémoire ;
  • la disponibilité, ou liberté de la conscience à légard des objets du monde ;
  • la temporalité ;
  • la sélectivité ;
  • lintentionnalité : toute conscience est conscience de quelque chose, est tournée vers autre chose quelle-même : « la conscience na pas de dedans, elle nest rien que le dehors delle-même. » (Sartre).
  • lunité ou synthèse de lexpérience ;

Conscience de soi

La conscience saccompagne de souvenirs, de sentiments, de sensations et de savoir que nous rapportons à une réalité intérieure que nous nommons moi. Cette conscience est appelée conscience de soi, et est structurée par la mémoire et lentendement. Elle est en ce sens une unité synthétique sous-jacente à tous nos comportements volontaires. Les éléments quelle contient, souvenirs, sentiments, jugements, dépendent dun contexte culturel, ce qui fait de la conscience de soi une réalité empirique changeante et multiple. Lunité et la permanence du moi ne sont donc pas garanties par lunité de la conscience.

Le cogito cartésien ("je pense donc je suis") tend à exprimer l'état de conscience de celui qui s'exprime. Autrement dit le sujet, disant "Je" exprime une conscience de lui-même (Ego), en termes de savoir (raisonnement - entendement). Le "Je pense" est interactif. Il implique et nécessite, pour être exprimé, la conscience de soi. La conclusion d'être pourrait dès lors paraître redondante. Toutefois, elle vient exprimer l'état et la relation sensitive. "Je pense donc je suis" peut donc se décliner en "Je sais que je ressens donc j'existe".

Le rapport en première personne

Lintrospection est la méthode dinvestigation de la conscience qui vient généralement la première à lesprit. Cest un fait que nous pensons avoir un accès privilégié à notre esprit, accès dont la conscience serait lexpression. Mais linvestigation de notre vie mentale nest certainement pas suffisante pour élaborer une théorie de la conscience étendue : « on ne peut pas, disait Auguste Comte, se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue ». Le sujet ne peut en effet sobserver objectivement puisquil est à la fois lobjet observé et le sujet qui observe, dautant que la conscience se modifie elle-même en sobservant. Toute psychologie impliquerait donc dexaminer la conscience à la troisième personne, même s'il faut alors se demander comment il est possible dobserver ainsi la conscience de lextérieur.

Le stade du miroir (se reconnaître dans un miroir) est souvent considéré comme un attribut essentiel de la conscience de soi, réservé à l'humain. Mais si ce stade est atteint vers l'âge d'un an et demi-deux ans chez l'homme, certains chimpanzés expérimentés, certains autres grands singes, éléphants, dauphins, perroquets et pies, sont capables de se reconnaître dans un miroir, comme l'a montré le test du miroir en éthologie [2].

Courant de conscience

Lidée de conscience de soi pose le problème de lunité dun sujet, dun moi ou dune conscience. On peut très généralement distinguer deux types dhypothèses :

  • la conscience est lexpression dune unité interne le je du je pense ; cette unité peut être comprise de différentes manières :
    • unité dun individu le sujet pensant, voire « lâme » (par exemple chez Descartes);
    • unité transcendantale le sens interne comme conscience de mes contenus de conscience comme mappartenant (Kant).
  • la conscience nest quune liaison dagrégats dimpressions (Hume) qui peut être décrite comme une suite plus ou moins cohérente de récits concernant un sujet purement virtuel le moi. Aussi, « quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps je nai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je nexiste pas » (Hume, Traité de la nature humaine, I). Selon cette thèse, le moi est autre.

Conscience du monde extérieur

Selon Husserl, qui reprend un concept médiéval, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela suppose que la conscience soit un effort dattention qui se concentre autour dun objet. Cette concentration est structurée par lexpérience ou par des catégories a priori de lentendement, structures que lon considère parfois comme les fondements de toute connaissance du monde extérieur. Dans lidéalisme moderne la conscience est ainsi la source et lorigine de la science et de la philosophie.

Structure phénoménale de la conscience

À la question de savoir quelles relations la conscience entretient avec la réalité en général, une description phénoménologique répond que celle-ci a une structure spatiale et temporelle, structure qui est une organisation des concepts qui concernent notre expérience du monde et nous-mêmes en tant quacteurs de ce monde.

Conscience morale

Cest le sens premier du mot « conscience », que lon trouve chez Cicéron et Quintilien, et qui dans la langue française reste sans concurrence jusquau XVIIe siècle (voir plus haut section histoire).

La conscience psychologique est souvent évoquée comme une lumière, la conscience morale comme une voix : si la première nous « éclaire », la seconde nous « parle ». La conscience morale désigne en effet le sentiment intérieur dune norme du bien et du mal qui nous dit comment apprécier la valeur des conduites humaines, quil sagisse des nôtres ou de celles dautrui. Cest le démon qui fit condamner Socrate.

Cette « voix » de la conscience, qui se fait entendre dans lindividu est pourtant, selon Rousseau, la même en tout homme. Malgré la diversité et la variabilité des mœurs et des connaissances, elle est universelle : elle est en nous la voix de la nature, car « quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et cest par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons respecter ou fuir » (Émile, Livre IV). Tel un instinct, mais pourtant signe de notre liberté, elle ne nous trompe jamais, pour peu quon lécoute vraiment : « Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré dun être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends lhomme semblable à Dieu, cest toi qui fais lexcellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui mélève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de mégarer derreurs en erreurs à laide dun entendement sans règle et dune raison sans principe » (ibid.).

Entendue ainsi, dit Alain, la conscience est « le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-même, qui se met en demeure de décider et de se juger. Ce mouvement intérieur est dans toute pensée ; car celui qui ne se dit pas finalement : « que dois-je penser ? » ne peut pas être dit penseur. La conscience est toujours implicitement morale ; et limmoralité consiste toujours à ne point vouloir penser quon pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien inconscients ceux qui ne se posent aucune question deux-mêmes à eux-mêmes » (Définitions, dans Les Arts et les Dieux).

Pour Alain, il ny a donc pas de morale sans délibération, ni de délibération sans conscience. Souvent la morale condamne, mais lorsquelle approuve, cest encore au terme dun examen de conscience, dun retour sur soi de la conscience, de sorte que « toute la morale consiste à se savoir esprit », cest-à-dire « obligé absolument » : cest la conscience et elle seule qui nous dit notre devoir.

La question demeure cependant de savoir quelle origine attribuer à la conscience morale. Car si pour Rousseau « les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments »(ibid.), il nen sera plus ainsi pour Kant, qui considérera au contraire la conscience morale comme lexpression de la raison pratique et encore moins pour Bergson, qui verra en elle le produit dun conditionnement social, ou pour Freud, qui la situera comme lhéritière directe du surmoi (Le Malaise dans la culture, VIII), instance pourtant en majeure partie inconsciente.

En d'autres termes, nous pouvons dire que la conscience morale désigne le jugement moral de nos actions (définition donnée par les professeurs de lycée généraux en classe de terminale).

représentations allégoriques de la conscience

On trouve dans la mythologie , la littérature et le cinéma plusieurs représentations allégoriques de la conscience.

  • "L'œil de Caïn" dans "la conscience" de Victor Hugo [3].
  • Minos qui juge Socrate symbolise en partie la conscience dans "rêveries d'un païen mystique" de Louis Ménard[4].

Socrate. Salut à toi, Minos. Ceux qui ont été injustement condamnés par les vivants se présentent avec confiance devant ton tribunal, juge des morts.

Minos. Je ne suis pas ton juge, Socrate, ni celui des autres hommes. La conscience humaine se juge elle-même selon ses actes.

  • Jiminy Cricket un cricket qui est la conscience de Pinocchio dans le dessin animé de Walt Disney.

La conscience comme forme de justice

Crime et Châtiment de Dostoïevski évoque une forme d'auto justice. La punition qu'inflige la conscience de Raskolnikov à lui même est pire que la prison ou le camp de travail.

Le vrai châtiment de Raskolnikov nest pas le camp de travail auquel il est condamné, mais le tourment quil endure tout au long du roman.

C'est le même thème qu'aborde Victor Hugo dans son poème "la conscience" cité plus haut.

Fonctions de la conscience

  • Régulation du comportement et interface avec le monde extérieur : selon la théorie de laccess consciousness, létat de conscience est un accès à une information susceptible dêtre utile à lorganisme et de le guider. La conscience est donc un état indépendant à la fois de ce que cela fait dêtre conscient de telle ou telle chose et de toute idée de structure phénoménale.
  • Fonction sociales

Les théories de la conscience

Les questions de savoir ce qui caractérise la conscience, quelles sont ses fonctions et quels rapports elle entretient avec elle-même ne préjugent pas nécessairement du statut ontologique quil est possible de lui donner. On peut par exemple considérer que la conscience est une partie de la réalité qui se manifeste dans des états de conscience tout en étant plus quune simple abstraction produite à partir de ladjectif « conscient ». Cette thèse réaliste (au sens de la philosophie médiévale, voir Réalisme et nominalisme) na plus beaucoup de défenseurs de nos jours. Lune des raisons est que linvestigation descriptive ne rend pas nécessaire ce genre dhypothèses réalistes.

et même des approches totalement physiques, comme celle de Jean-Pierre Changeux, selon lequel les percepts et les concepts constituent des entités physiques se traduisant par des connexions physiques et logiques de neurones, quil entend mettre en évidence; cest déjà le cas pour les percepts.

Article détaillé : Science et conscience.

Bibliographie

Par ordre alphabétique :

Notes

  1. EDELMAN G., et TONONI G., Comment la matière devient conscience (cf. Biblio.), p. 69.
  2. Voir Ces drôles d'oiseaux, Documentaire de Volker Arzt et Immanuel Birmelin (Allemagne, 2006, 2x43mn), diffusé sur Arte le 5 septembre 2006 ([1])
  3. La conscience (Victor Hugo)
  4. Socrate devant Minos

Voir aussi

Liens internes

Wiktprintable without text.svg

Voir « conscience » sur le Wiktionnaire.

Lien externe


  • Portail de la philosophie Portail de la philosophie
  • Portail de la psychologie Portail de la psychologie

Ce document provient de « Conscience ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Conscience de soi de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно решить контрольную?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Conscience de soi — ● Conscience de soi chez Hegel, moment du savoir qui fait que l individu se saisit lui même réflexivement comme immanence à soi …   Encyclopédie Universelle

  • Conscience De Soi (Hegel) — Après avoir décrit les trois étapes de la conscience (Certitude sensible, Perception et Entendement), Georg Wilhelm Friedrich Hegel aborde dans la Phénoménologie de l Esprit le stade suivant : la conscience de soi ou autoconscience. Cette… …   Wikipédia en Français

  • Conscience de soi (hegel) — Après avoir décrit les trois étapes de la conscience (Certitude sensible, Perception et Entendement), Georg Wilhelm Friedrich Hegel aborde dans la Phénoménologie de l Esprit le stade suivant : la conscience de soi ou autoconscience. Cette… …   Wikipédia en Français

  • Conscience de soi (Hegel) — Après avoir décrit les trois étapes de la conscience (Certitude sensible, Perception et Entendement), Georg Wilhelm Friedrich Hegel aborde dans la Phénoménologie de l Esprit le stade suivant : la conscience de soi ou autoconscience. Cette… …   Wikipédia en Français

  • Avoir bonne conscience, avoir la conscience tranquille, en paix, avoir sa conscience pour soi — ● Avoir bonne conscience, avoir la conscience tranquille, en paix, avoir sa conscience pour soi n avoir rien à se reprocher, être sûr d avoir bien agi …   Encyclopédie Universelle

  • CONSCIENCE — Le mot latin conscientia est naturellement décomposé en «cum scientia». Cette étymologie suggère non seulement la connaissance de l’objet par le sujet, mais que cet objet fait toujours référence au sujet lui même. Le terme allemand Bewusstsein… …   Encyclopédie Universelle

  • Conscience athée — Conscience Pour les articles homonymes, voir Conscience (homonymie). Psychologie …   Wikipédia en Français

  • Conscience catholique — Conscience Pour les articles homonymes, voir Conscience (homonymie). Psychologie …   Wikipédia en Français

  • Conscience chrétienne — Conscience Pour les articles homonymes, voir Conscience (homonymie). Psychologie …   Wikipédia en Français

  • Conscience de cause — Conscience Pour les articles homonymes, voir Conscience (homonymie). Psychologie …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/440607 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”