Episteme

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Les Mots et les Choses

Icône de paronymie Cet article possède un paronyme, voir : Le Mot et la Chose.
Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines

Fichier:Michel Foucault, Les mots et les choses maitrier.jpg


Auteur Michel Foucault
Genre Philosophie
Pays d'origine France
Éditeur Gallimard
Collection Bibliothèque des Sciences humaines
Date de parution 1966
Nombre de pages 404
ISBN 2-070-22484-8

Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines est un essai écrit par Michel Foucault publié aux éditions Gallimard en 1966. Avec L'Archéologie du savoir, c'est dans cet ouvrage que Foucault conceptualise la notion d'épistémè.

Foucault semble avoir tout d'abord privilégié le titre de L'Ordre des choses, avant de le changer pour satisfaire son éditeur, Pierre Nora [réfnécessaire].

Sommaire

Les Ménines: représentation de la pure représentation

Le livre s'ouvre sur une description et une discussion détaillées du tableau Les Ménines de Diego Vélazquez et de l'arrangement complexe de ses lignes de plan et de ses effets cachés. « Peut-être y a-t-il, dans ce tableau de Vélasquez, comme la représentation de la représentation classique », écrit Foucault. Y est ensuite développée l'idée maîtresse de l'ouvrage, à savoir que toutes les périodes de l'histoire sont caractérisées par l'existence d'un certain nombre de conditions de vérité qui encadrent ce qui est possible et acceptable, à l'instar par exemple du discours scientifique.

L'épistémè


Foucault défend la thèse que les conditions du discours changent au cours du temps, selon des césures parfois relatives, parfois brutales. Il désigne ces conditions par le terme d'« épistémè »,étymologiquement proche de celui d'épistémologie. Dans cet ouvrage, il analyse les sciences du langage (la grammaire générale qui se transforme en linguistique), de la vie (l'histoire naturelle qui se transforme en biologie), et des richesses (mutation de l'épistémé qui donne naissance à l'économie moderne). La notion d'épistémè ne doit pas être confondue avec celle de Weltanschauung (conception du monde), prônée par Dilthey et à laquelle Foucault s'oppose explicitement [1].

Définition

« Ce sont tous ces phénomènes de rapport entre les sciences ou entre les différents discours dans les divers secteurs scientifiques qui constituent ce que jappelle épistémè dune époque »[2].

Il est impossible dextraire la notion dépistémè foucaldienne du projet archéologique général de Les mots et les choses, car lépistémè est justement le nom, létat signalétique dune chose que Foucault cherche et développe tout au long de son livre : lépistémè serait un réseau, un ensemble de dispositions des productions de la culture qui constituent, par rapport à cette culture, un savoir quil sagit de révéler et qui se situerait en-deçà des sciences et des philosophies. Ce sont les régularités discursives, les couches de savoirs constituants et historiques, les configurations souterraines qui délimitent ce qu'une époque peut ou non penser, de ce qui est possible de dire ou de voir. C'est une grille des savoirs qui va déterminer les pratiques et loger les différentes formes de connaissances empiriques. On distingue alors trois grandes articulations dans la pensée occidentale : la Renaissance (âge de la similitude et de la ressemblance), l'âge classique (l'apparition de la représentation, l'ordre selon les identités et les différences) et l'époque moderne (limite de la représentation, apparition d'un doublet empirico-transcendantal nommé "homme", dans une analytique de la finitude). Se situant entre l'âge classique et la modernité, Foucault va analyser comment on est passé du langage (dans une grammaire générale), du travail (dans une théorie des échanges), de la vie (comme êtres vivants) à un homme-parlant (comme objet de la philologie), à un homme-travaillant (comme objet de l'économie), et enfin un homme-vivant (comme objet de la biologie). Il cherche un socle archéologique, l'a priori historique qui a rendu possible la constitution des sciences de l'homme. En somme, l'épistémè serait le contraire de la doxa, opinion confuse ou préjugé face à une observation et une inférence réfléchie comprenant des prémisses de valeur sure.

L'épistémè et Les Mots et les Choses

Michel Foucault ne mentionne jamais que trois épistémè :

  1. lépistémè de la Renaissance du XVIe siècle qui sera lâge de la ressemblance et de la similitude,
  2. lépistémè classique, qui sera lâge de la représentation, de l'ordre de l'identité et de la différence (que lon peut repérer par lécart justement qui nous en sépare), et enfin
  3. lépistémè moderne (à laquelle nous appartenons, et dont il sagit pour Foucault de rendre compte en cherchant ses limites, ses seuils) qui est lenjeu même du livre et qui a fait couler tant dencre.

Chaque épistémè fait lobjet dune partie du livre, lépistémè du XVIe siècle étant lanalyse la plus courte (chapitre 2), lépistémè classique est analysée grosso modo dans toute la première partie et lépistémè moderne dans la seconde.

Pour le passage de l'âge classique (XVIIe siècle) au XXe siècle, il identifie quelques penseurs qui ont été déterminants dans la mise en place de l'« épistémè » moderne, dont, par ordre chronologique :

Michel Foucault pense que nous sommes entrés, depuis la Seconde Guerre mondiale, dans un nouvel épistémè, qu'il appelle hypermodernité[réfnécessaire].

L'épistémè et l'histoire

Pour apercevoir lépistémè, il a fallu, comme nous le dit Georges Canguilhem à propos de Foucault : « sortir dune science et de lhistoire des sciences : il a fallu défier la spécialisation des spécialistes et tenter de devenir un spécialiste non pas de la généralité, mais un spécialiste de linter-régionalité »[3] . Il ne sagit absolument pas pour Foucault de catégoriser des périodes historiques, lépistémè nest pas pour une époque donnée une sorte de grande théorie sous-jacente. Ce nest pas « la somme de ses connaissances, ou le style général des recherches » mais cest bien plutôt « lécart, les distances, les oppositions, les différences [...] cest un espace de la dispersion, cest un champ ouvert et sans doute indéfiniment descriptible de relations »[4]. Pour comprendre lépistémè foucaldienne il faut sortir dune pensée de lhistoire qui « emporterait toutes les sciences dans une grande envolée »[5]. Lépistémè nest paradoxalement pas un objet pour lépistémologie, cest avant tout, et dans son développement même, ce pour quoi un statut du discours est recherché tout au long de Les mots et les choses. Lobjet est ce quen dit celui qui en parle. Lépistémè se heurte donc à lhistoire des idées, à lhistoire des sciences, elle est lobjet et le résultat dune élaboration conceptuelle « larchéologie » (et cest bien le sous-titre du livre) remplace « lHistoire »[6]. Cest à partir de ce concept dépistémè, et de son rapport à larchéologie, quon a fait de Foucault le penseur de la discontinuité historique, penseur de la rupture. Certes Foucault récuse bien toute histoire continue, progressive, mais son travail nest pas de sopposer à lhistoire des sciences ou des idées (même si ces dernières doivent être relativisées et critiquées), mais il sagit plutôt chez Foucault dessayer de faire un pas de côté, de risquer sa pensée en introduisant de la signification à lintérieur même de lécart que lon peut apercevoir avec notre propre pensée. Foucault définissait dailleurs letravailcomme « ce qui est susceptible dintroduire une différence significative dans le champ du savoir, au prix dune certaine peine pour lauteur et le lecteur, et avec léventuelle récompense dun certain plaisir, cest-à-dire dun accès à une autre figure de la vérité »[7].

L'épistémè et sa réception

Cette notion dépistémè a fait scandale dès son apparition, elle continue de nos jours à poser des problèmes et produire des malentendus. Les mots et les choses est certainement un des textes philosophiques qui a engendré le plus de méprises sur ses intentions et sur son interprétation. Une des raisons tient à ce que larchéologie proposée est la condition de possibilité dune histoire « autre », dans laquelle elle reconnaît certes une histoire des coupures, mais « autrement située ». Canguilhem dès 1967 notait que lhistoire « est un champ magique pour beaucoup de philosophes sidentifie lexistence et le discours, les acteurs et les auteurs dhistoires. Un programme comme celui de Foucault déversion du discours historique est dénoncé comme un manifeste de subversion du cours de lhistoire »[8].

Foucault dans une interview en 1972, nous le rappelle : « ce que jai appelé dans Les mots et les choses épistémè na rien à voir avec les catégories historiques. Jentends tous les rapports qui ont existé à une certaine époque entre les différents domaines de la science [...] Ce sont tous ces phénomènes de rapport entre les sciences ou entre les différents discours dans les divers secteurs scientifiques qui constituent ce que jappelle épistémè dune époque »[9]. Lidentification de lépistémè dune époque, ce nest pas une catégorisation historique et progressive des objets dun savoir dune période donnée, mais la mise en perspective archéologique (et critique) de lécart même que lon pourrait assigner entre nos propres cadres de pensée, pris eux-mêmes dans un réseau imperceptible de contraintes lié à lépistémè à laquelle nous appartenons, avec une épistémè antérieure (en loccurrence ici lépistémè classique) il est impossible de nous reconnaître tant la disposition générale des savoirs a subi de « discontinuités énigmatiques » (MC, p.229)[10] que Foucault na pas la prétention dexpliquer, mais quil qualifie comme « mutation », « évènement radical », « décalage infime mais essentiel » (MC, p.251). Foucault dans la préface de Les mots et les choses, définit le travail archéologique et le projet quil poursuit de cette manière : « ce qui soffre à lanalyse archéologique, cest tout le savoir classique, ou plutôt ce seuil qui nous sépare de la pensée classique et constitue notre modernité. Cest sur ce seuil quest apparue pour la première fois cette étrange figure du savoir quon appelle lhomme, et qui a ouvert un espace propre aux sciences humaines » (MC, pp.15-16, je souligne). Foucault cherche donc à rendre « ses ruptures au sol silencieux et immobile (le nôtre) qui constitue la culture occidentale ».

L'épistémè et la question de l'homme

Voilà pourquoi la lecture de Les mots et les choses est indispensable à la compréhension du concept dépistémè, car lépistémè nest pas un découpage historique commun à toutes les sciences, cest « un jeu simultané de rémanences spécifiques. Enfin [les critères qui scandent lunivers de nos discours] permettent de situer à leur place respective ces différents seuils : leur chronologie nest pas la même pour tous les types de discours »[11]. Il sagit bien pour Foucault de « substituer aux thèmes de lhistoire totalisante (« progrès de la raison », ou « esprit dun siècle ») des analyses différenciées ». Foucault sévertue tout au long du livre à montrer que la biologie, léconomie et la philologie font dans leur diversité, partie intégrante dune même épistémè (moderne) la vie, le travail et le langage ont pu devenir objet dun savoir possible. Entre la biologie et lhistoire naturelle, entre léconomie et lanalyse des richesses, entre la philologie et la grammaire générale, la figure fondamentale du savoir sest modifiée : de nouveaux objets connaissables se sont élaborés : la production remplace léchange (pour léconomie), la vie se substitue aux êtres vivants (pour la biologie) et le langage remplace le discours (pour la philologie). Cest donc une transformation fondamentale de la figure du savoir que Foucault repère et analyse dans ces trois disciplines, cest le lieu même de la définition de lépistémè moderne : le savoir dans sa positivité change donc de nature et de forme, lénonciation dune rupture est nette : la vie, le travail et le langage nexistaient pas dans lépistémè classique, ils ne pouvaient être pris comme objet détude. La chronologie nest pas la même pour tous : Foucault repère ces transformations dans les travaux aussi dispersés que ceux de Ricardo, Cuvier, et Bopp. Une des difficulté du livre est de comprendre comment se fait la jonction entre le kantisme et les travaux de ces trois auteurs dans la manifestation de lépistémè moderne. Dans une première approche, il suffit de dire que la biologie, léconomie et la philologie ont posé (tout comme Kant) la question « quest ce que lhomme ? », dans le sens elles se réfèrent « à une anthropologie comme source naturelle de lhomme » (à propos de léconomie : MC, p.269).

Ainsi donc, et cest la conséquence générale de la thèse de Foucault, les sciences de lhomme nont pu apparaître quà partir du moment lhomme sest constitué comme sujet et objet dun savoir possible, en tant quindividu parlant, vivant, travaillant. Dans lépistémè classique, Foucault nous rappelle que lhomme nexiste pas : « il na ni puissance de vie, ni fécondité du travail, ni épaisseur historique du langage. Cest une toute récente créature que la démiurgie du savoir a fabriqué de ses mains, depuis deux cents ans » (MC, p.319). On parlait certes de lhomme à lâge classique, mais « il ny a pas de conscience épistémologique de lhomme » (MC, p.320). Il est dailleurs étonnant à ce propos de voir que ceux qui ont crié au scandale quand Foucault annonçait de manière « provocante » lhypothétique disparition prochaine de lhomme (je pense à tout le bruit qui a été fait sur la « mort de lhomme », cest-à-dire les 3 dernières pages du livre), ont rarement glosé sur la provocation inverse de son apparition si récente (cest-à-dire les 395 premières pages du livre).

L'épistémè et l'archéologie

Le sous-titre de Les mots et les choses est bien « archéologie des sciences humaines », en effet il cherche à quelles conditions de possibilités les sciences humaines ont été rendues possible : ici, loriginalité de ses analyses heurtent « ceux qui préfèreront nier que le discours soit une pratique complexe et différenciée, obéissant à des règles et à des transformations analysables, plutôt que dêtre privé de cette tendre certitude, de pouvoir changer sinon le monde, sinon la vie, du moins leur « sens » par la fraîcheur dune parole qui ne viendrait que deux-mêmes »[12]. On peut noter par exemple pour la biologie, « que lévolutionnisme constitue une théorie biologique dont les conditions de possibilité fut une biologie sans évolutioncelle de Cuvier » (MC, p.307). De même que Foucault fait de Ricardo la condition de possibilité de lœuvre de Marx, il fait de lœuvre de Cuvier la condition de possibilité de lœuvre de Darwin (encore que Foucault ressentant un certain malaise devant cette catégorisation exemplaire d' « auteurs », il préférera en 1970, parler de « transformation Cuvier » ou de « transformation Ricardo », car ce nest pas « lœuvre » de ces auteurs quil cherchait à mettre en valeur, mais les transformations qui ont eu lieu à une époque donnée[13]).

Problème de l'épistémè moderne : critique(s) et déprise

Pour atteindre ou mettre en lumière lépistémè classique, pour quelle puisse nous apparaître comme un objet, « il fallait se situer au point participant de lépistémè du XIXe siècle, on était assez loin de sa naissance pour voir la rupture avec le XVIIIe siècle et assez proche de ce qui sannonce comme sa fin pour imaginer quon va vivre une autre rupture, celle après laquelle lhomme, tout comme lordre, apparaîtra comme un objet »[14]. C'est une des grandes critiques qu'on a faite à Foucault (c'est-à-dire comment Foucault peut lui-même se placer de manière critique sur le seuil de sa propre modernité) mais qui semble être néanmoins une position philosophique des plus intéressantes : pour lépistémè classique, il ne sagit que de la décrire, on peut définir sa configuration en cherchant comment elle diffère dune part de lépistémè du XVIe siècle et de lautre de lépistémè moderne. En revanche, si on veut définir lépistémè moderne, on ne peut lopposer quà lépistémè classique dune part et à celle à laquelle nous appartenons de lautre : on ne peut donc pas décrire cette épistémè, on ne peut que sen déprendre. D limportance de larchéologie foucaldienne au sein de notre propre champ épistémologique : lapparition dun ouvrage comme Les mots et les choses reconduit le champ même de la philosophie. Pour répondre à cette critique, on peut citer ces quelques phrases de Canguilhem, qui place le livre de Michel Foucault dans le champ de la pensée, un an seulement après sa sortie : « En désignant sous le nom général danthropologie lensemble de ces sciences qui se sont constituées au XIXe, non comme un héritage du 18e, mais comme un « évènement dans lordre du savoir » (MC, p.356). Foucault nomme alors « sommeil anthropologique » la tranquille assurance avec laquelle les promoteurs actuels des sciences humaines prennent pour accordé comme objet, donné davance à leurs études progressives, ce qui nétait au départ que leur projet de constitution [...] Les mots et les choses est pour les sciences de lhomme ce que la Critique de la raison pure était pour les sciences de la nature »[15]. C'est à partir des "contre-sciences" (humaines), c'est-à-dire la psychanalyse, l'ethnologie et la linguistique (MC, p.385), mais aussi à partir de la littérature[16] (Foucault cite ici Artaud, Raymond Roussel, Franz Kafka, Georges Bataille, Maurice Blanchot) comme "expérience de la mort", "de la pensée impensable", d'une "expérience de la finitude, prise dans la contrainte de la finitude" (MC, p.395, je souligne), que Foucault tente d'accéder à ce seuil de notre modernité pour renouveler un jugement critique.

Épistémè naufragée

Les mots et les choses est donc bien un livre capital, non pas simplement pour une critique philosophique de la pensée de Foucault, mais pour penser, à partir de Foucault et avec Foucault, la manière critique dont on pourrait se déprendre dun ensemble de valeurs hiérarchisées, établies, estimables, cristallisées dans une épistémè à laquelle nous appartenons. On pourrait alors piéger comme le faisait Bachelard « sa propre culture avec ses interstices, ses déviances, ses phénomènes mineurs, ses petits couacs, ses fausses notes »[17]. Foucault nous invite de ce fait, dans Les mots et les choses à voyager, laborieusement, lentement, indirectement, sur nos rives épistémiques, pour échouer peut-être allègrement sur une épistémè naufragée, notre culture et notre histoire, pourraient prendre, lespace dun instant, un « autre » visage.

L'Épistémè : une structure?

Il apparaît clairement que Foucault considère l'épistémè comme une structure, dont les éléments sont les différents discours. Néanmoins, la méthodologie descriptive employée fait plutôt penser à une systématique qu'on pourrait qualifier de structuralisme statique. Cette posture permet d'éviter la question épineuse de l'origine de la structure (c'est-à-dire que la problématique s'est déplacé des conditions d'émergence du discours vers les conditions d'émergence de la structure). Il manque à l'épistèmé de Foucault un concept fondamental pour le structuralisme: la transformation ou l'opération et ce qui est son corollaire, à savoir un invariant. En effet les différentes épistémès qu'il identifie se juxtaposent selon des « discontinuités énigmatiques » (MC, p.229)[18]. Jean Piaget[19] remarque fort justement que cette notion d' "émergence contingente" est contradictoire avec l'idée de structure. A l'origine, les structures ne peuvent être que :

  • prédéterminées ( données telles quelles à la manière des essences éternelles ou tirées du monde physique à la manière des Gestalts)
  • construites

Jean Piaget en tant que fondateur de l'épistémologie génétique privilégie évidemment la seconde option car "les structures sont des systèmes de transformations qui s'engendrent les uns les autres en des généalogies tout au moins abstraites et que les structures les plus authentiques sont de nature opératoire, le concept de transformation suggère celui de formation et l'autoréglage appelle l'autoconstruction" (p.53)

Les épistémès de Foucault ne sont ni prédéterminées ni construites ce qui explique leur "discontinuité énigmatique".

Foucault nous fournit un matériel précieux pour penser l'épistémologie et les conditions qui sous-tendent la possibilité de production de notre propre discours. Ce matériel, par sa nature appelle à être structuré, c'est-à-dire à être complété par un système de transformation : alors l'épistémè serait une structure.

Réceptions

Les Mots et les Choses donnèrent presque immédiatement à Michel Foucault un statut d'intellectuel prééminent. L'ouvrage, publié la même année que les Écrits de Jacques Lacan et Critique et vérité de Roland Barthes, semble, aux yeux des lecteurs contemporains, participer du mouvement structuraliste, bien que Foucault se défende d'y appartenir [20].

20 000 exemplaires sont vendus la première année, et plus de 110 000 le seront en vingt ans [20]. Publié dans la collection Tel depuis 1990, l'ouvrage continue à se vendre à 5 000 exemplaires par an, selon l'éditeur [20].

Un article de Jean-Paul Sartre à cette même époque attaque Foucault en le désignant comme « le dernier rempart de la bourgeoisie » [réfnécessaire]. Un an après la publication par Althusser de Pour Marx, les derniers mots de Foucault dans ce livre, qui affirme qu'une nouvelle épistémè pourrait bien faire disparaître la figure de l'homme en tant qu'objet des sciences humaines, « comme à la limite de la mer un visage de sable », suscite une controverse à propos de l'« anti-humanisme théorique » supposé de Foucault (la notion d'« anti-humanisme » provenant d'Althusser, qui s'attaque par exemple au marxisme d'un John Lewis au nom d'une conception de l'histoire comme « processus sans sujet »).

Jean Lacroix, un catholique de gauche, titre ainsi « Fin de l'humanisme » dans Le Monde [20]. Gilles Deleuze intitule, quant à lui, son article dans Le Nouvel Observateur, « L'homme, une existence douteuse », tandis que Georges Canguilhem titre le sien, un an plus tard, dans la revue Critique, « Mort de l'homme ou épuisement du cogito » [20]. Pourtant, la « critique » foucaldienne des sciences humaines ne semble aujourd'hui n'avoir que peu à voir avec une critique de l'humanisme en tant que tel, comme l'indique par exemple son texte sur l'opuscule de Kant, Qu'est-ce que les Lumières ? [21].

Références

  1. L'Archéologie du savoir, 1969, p.249-250.
  2. Foucault, Dits et écrits I, in Sur la justice populaire, op. cit., p.1239.
  3. Georges Canguilhem, « La mort de lhomme ou lépuisement du cogito », Critique, juillet 1967.
  4. Foucault, Dits et écrits I, Gallimard, coll. Quarto, in Réponse à une question, p.704.
  5. Canguilhem, La mort de l'homme ou l'épuisement du Cogito, op.cit.
  6. On peut se référer à la préface de Les mots et les choses, p.13: « ce qu'on voudrait mettre à jour, c'est l'épistémè les connaissances enfoncent leur positivité et manifestent ainsi une histoire qui n'est pas celle de leur perfection croissante, mais plutôt celle de leur condition de possibilité [...] Plutôt que d'une histoire au sens traditionnel du mot, il s'agit d'unearchéologie” ».
  7. Foucault, Dits et écrits II, in Des travaux, op.cit., p.1186.
  8. Canguilhem, La mort de l'homme ou l'épuisement du Cogito, op.cit.
  9. Foucault, Dits et écrits I, in Sur la justice populaire, débat avec les maos, op. cit., p.1239.
  10. Je noterais entre parenthèse (MC) les références et la pagination de Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
  11. Foucault, Dits et écrits I, in Réponse à une question, op.cit, p.704.
  12. Foucault, Dits et écrits I, in Réponse à une question, op.cit, p.723, je souligne.
  13. Voir à ce sujet : Foucault, Dits et écrits I, La situation de Cuvier dans l'histoire de la biologie, texte n°77.
  14. Canguilhem, La mort de lhomme ou l'épuisement du cogito, op.cit.
  15. Canguilhem, La mort de lhomme ou l'épuisement du cogito, op.cit.
  16. Ce que Philippe Sabot nomme "le quadrilatère de la contestation" dans Lire "Les mots et les choses" de Michel Foucault, Paris, PUF, coll. Quadrige, 2006, p.182.
  17. Foucault, Dits et écrits II, Piéger sa propre culture, texte n°111.
  18. Je noterais entre parenthèse (MC) les références et la pagination de Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
  19. Piaget, Un structuralisme sans structures, in Le Structuralisme, Paris, PUF, coll. Que sais-je?, 1968, pp.108-115
  20. a, b, c, d et e Thomas Ferenczi, "Les Mots et les Choses", par Thomas Ferenczi, Le Monde, 30 juillet 2008
  21. Qu'est-ce que les Lumières ? par Michel Foucault

Bibliographie

  • Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, 1966, 405 p. (ISBN 2070224848) 
  • Michel Foucault, Dits et écrits, vol1 : 1954-1975, Gallimard, coll. « Quarto », Paris, 2001, 1708 p. (ISBN 207076186X) 
  • Michel Foucault, Dits et écrits, vol2 : 1976-1988, Gallimard, coll. « Quarto », Paris, 2001, 1736 p. (ISBN 2070762904) 
  • Georges Canguilhem, "La mort de lhomme ou lépuisement du Cogito", in la revue Critique de juillet 1967.
  • Philippe Sabot, Lire "Les mots et les choses" de Michel Foucault, Paris, PUF, coll. quadrige, 2006.

Liens externes

  • (fr) Piéger sa propre culture L'interview filmée des propos cités sur Bachelard, réécrite par la suite (comme tous les textes publiés de son vivant), par Michel Foucault lui-même, avant publication. Voir Dits et écrits II, Piéger sa propre culture, op. cit., texte n°111.

Voir aussi

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