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Pulsion de mort
Type de pulsion postulé par Sigmund Freud en 1920 , la pulsion de mort (Thanatos) concurrence les pulsions de vie (pulsion d'autoconservation et pulsions sexuelles) ou Éros, poursuivant des buts contraires. Cette notion introduite dans la seconde topique a explicitement été inspirée d'un texte de Sabina Spielrein ("Die Destruktion als Werdens" in Jahrbuch der Psychoanalyse, IV, 1912).
Sommaire
Introduction
Pulsion
La pulsion est un "processus dynamique consistant dans une poussée qui fait tendre l'organisme vers un but"[1], elle s'articule au besoin et "enjambe" les deux registres du physique et du psychique ("[...] l'excitation pulsionnelle ne provient pas du monde extérieur mais de l'intérieur de l'organisme lui-même", c'est ... un concept limite entre le psychique et le somatique... - Freud 1915).
"Processus dynamique", elle est dotée de quatre caractéristiques : la poussée (sa tendance à s'imposer, ou comme l'explique Freud (1915) "le facteur moteur de la pulsion"), sa source ("le processus somatique qui est localisé dans un organe ou une partie du corps" - Freud 1915), son objet ("...ce en quoi ou par quoi la pulsion peut atteindre son but et "ce qu'il y a de plus variable dans la pulsion, il ne lui est pas originairement lié" Freud-1915) et son but (qui est "toujours la satisfaction qui ne peut être obtenue qu'en supprimant l'état de d'excitation à la source de la pulsion"- Freud 1915).
Principe de plaisir et pulsion de mort
Dans Au-delà du principe de plaisir (1920), la tendance des névrosés de guerre à revivre des scènes de l'expérience traumatique dans leurs rêves "contraint" Freud à élaborer le concept de compulsion de répétition. Cette découverte amène Freud à interroger le primat du principe de plaisir et témoigne d'un autre principe à l'œuvre dans la psyché humaine en plus du principe de plaisir et du principe de réalité.
Le principe de plaisir est un "...des deux principes régissant le fonctionnement mental : l'ensemble de l'activité psychique a pour but d'éviter le déplaisir et de procurer le plaisir. En tant que le déplaisir est lié à l'augmentation des quantités d'excitation et le plaisir à leur réduction, le principe de plaisir est un principe économique"(Laplanche et Pontalis - 1967).
Or, dans la compulsion de répétition observée chez les névrosés de guerre (névrose traumatique), l'événement traumatique, générateur de très fortes tensions, fait sans cesse retour dans le rêve ("...la vie onirique des névroses traumatiques se caractérise en ceci qu'elle ramène sans cesse le malade à la situation de son accident....le malade serait pour ainsi dire fixé psychiquement au traumatisme"Freud - 1920).
Dans le jeu de la bobine (Fort/da soit la mise en scène, par l'enfant, ...avec des objets qu'il pouvait saisir de la disparition-retour de la mère in Freud-1920) au contraire, l'enfant remet en scène une situation déplaisante de manière à en acquérir la maîtrise, de sorte qu'au final le jeu est pour lui un moyen de diminuer le déplaisir associé à cette situation.
Freud, en 1920, voit également le déploiement de la compulsion de répétition au sein même de la dynamique à l'œuvre dans la cure : le transfert. En effet, du fait des résistances qui s'opposent à la remémoration (ou aux constructions de l'analyste) le patient est "obligé de répéter le refoulé comme expérience vécue dans le présent au lieu de se le remémorer comme un fragment du passé" (Freud - 1920).
Cet "éternel retour du même"(Freud- 1920), observé dans le comportement dans le transfert et le destin des hommes encourage Freud à admettre "qu'il existe effectivement dans la vie psychique une compulsion de répétition qui se place au-dessus du principe de plaisir"(Freud - 1920).
Freud, dans Au-delà du principe de plaisir parvient à la conclusion paradoxale que principe de plaisir et pulsion de mort ne s'opposent pas, ne sont pas contraires: dans la mesure en effet où le plus bas niveau de tension (niveau que le principe de plaisir veut atteindre) correspond en définitive à l'état de repos du non-vivant, le principe de plaisir est au service de la pulsion de mort. (compulsion de répétition et satisfaction pulsionnels aboutissant directement au plaisir semblent ici se recouper en une intime association Freud-1920).
Tendance à la déliaison
Alors que les pulsions de vie (regroupant les pulsions d'autoconservation (ou pulsions du moi) et les pulsions sexuelles du premier dualisme pulsionnel) tendent à la liaison, la pulsion de mort tend à la déliaison : elle veut casser, réduire à néant, détruire, ramener le vivant à un état antérieur anorganique, et vise d'abord le sujet lui-même - tout comme le narcissisme primaire. Mais la pulsion de mort se donnerait rarement à voir en elle-même, libre et déliée comme dans la compulsion de répétition, parce qu'elle est "silencieuse" et "muette", et qu'elle est du reste souvent liée à une motion érotique.
Dans Malaise dans la culture (1929), Freud parvient à la conclusion que c'est ce "combat éternel" entre l'Éros et la pulsion de mort qui a déterminé de manière fondamentale le développement de la culture humaine et a joué un rôle primordial dans la formation du surmoi.
L'exposé de cette pulsion provoquera moult débats et encore aujourd'hui, certains psychanalystes n'en reconnaissent pas la validité. La théorie de la relation d'objet l'accepte comme plus précoce que la pulsion sexuelle.
Psychologie analytique et pulsion de mort.
Carl Gustav Jung n'a jamais parlé de la pulsion de mort : ce concept n'avait pas encore été forgé par Freud au temps de leur collaboration. Cependant il a beaucoup travaillé cette question avec Sabina Spielrein et il a publié son second volume des "métamorphoses de la libido"[2] en même temps qu'elle son article sur "la destructivité comme cause du devenir". Sabina Spielrein y affirme le désir, dans la relation amoureuse, de se fondre dans son partenaire amoureux, d'y disparaître, et d'en renaître. Jung quant à lui fait le lien entre ce désir et le désir d'inceste « [La vie est] une lutte continuelle avec la disparition, délivrance violente et momentanée de la nuit continuellement aux aguets. Cette mort n’est point un ennemi extérieur, mais une aspiration personnelle intérieure vers le silence et le calme profond d’un non-être connu, sommeil clairvoyant dans la mer du devenir et du disparaître. » (p.591-592). La différence essentielle entre la conception de Jung et celle de Spielrein est que pour elle ce désir est lié à l'objet amoureux, alors que pour Jung il n'est pas en soi lié à un objet. Il apparaît ainsi plus proche de la position que Freud adoptera 10 ans plus tard. Mais pour Jung comme pour Speilrein ce désir de mort a une visée téléologique (renaître), ce qui n'apparaît jamais dans l'œuvre de Freud. Enfin cela met en lumière la différence entre Jung et Freud sur la question de l'inceste, désir sexuel pour le parent de sexe opposé pour Freud, désir non sexuel (car anobjectal) de retour à l'en-deça de la vie pour Jung.
Thanatos
Thanatos renvoie à l'aspect mythologique de la pulsion de mort.
Références
Laplanche et Pontalis, "Vocabulaire de la psychanalyse", PUF, 1967
Articles connexes
- Manifestations des pulsions de mort
- Autres concepts liés
- Principe de plaisir
Bibliographie
- Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, 1905
- Sigmund Freud, Pulsions et destin des pulsions, 1915
- Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir, 1920
- Laplanche et Pontalis, "Vocabulaire de la psychanalyse", 1967, PUF
- Nicole Jeammet : "La haine nécessaire" PUF, 1989, ISBN 2130422489
- Ana Paula Levivier, La mort à fleur de peau, L'Harmattan, 2006. Le texte propose de comprendre la pulsion de mort de façon indépendante de l'idée de "fin biologique de la vie" contenue dans l'acception courante du mot mort.
Liens externes
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