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Science chrétienne
La Science chrétienne (ou Christian Science) est un mouvement religieux fondé par Mary Baker Eddy en 1879 et rassemblant de nos jours 1 800 églises dans 82 pays[1] et quelques centaines de milliers de croyants, principalement aux États-Unis. L’Église mère de ce mouvement, la Première Église du Christ, Scientiste, est basée à Boston. D’obédience protestante, la Science chrétienne se donne pour mission « de rétablir le christianisme primitif et son élément perdu de guérison »[2] et précise que, malgré la confusion possible entre les deux noms, elle n’a rien de commun avec l’Église de Scientologie[Note 1].
Les idées de base de la Science chrétienne sont que « Dieu est amour divin, [que] la véritable nature de chaque individu est spirituelle [et que] l’infinie bonté de Dieu permet la guérison à travers la prière »[3]. Les adhérents du mouvement se réfèrent essentiellement à la Bible, ainsi qu’à son interprétation Science et santé avec la clef des écritures, ouvrage rédigé par Mary Baker Eddy. L’utilisation par la Science chrétienne du mot « science » ne renvoie pas aux sciences physiques ni à la méthode scientifique, mais s’entend comme une « connaissance » des lois divines.
La Science chrétienne est reconnue comme une religion dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, mais certaines pratiques et doctrines l’ont amenée à être considérée comme sectaire par plusieurs organisations de lutte contre les sectes. La guérison par la foi fait l’objet des principales controverses. Jugée comme relevant de l’effet placebo par les détracteurs de la Science chrétienne, cette croyance amène certains membres à refuser des soins médicaux nécessaires. Les sympathisants, quant à eux, mettent en avant les guérisons qu’ils auraient obtenues et réfutent toute idée de rejet de la médecine conventionnelle[4].
Sommaire
Doctrine
Principes fondamentaux
La Science chrétienne se donne comme but « le salut total de l’humanité c’est-à-dire sa délivrance de toute phase du mal, de tout ce qui dénie la perfection de Dieu, (...) ainsi le péché, la maladie, la pénurie, le chagrin, l’égoïsme, l’ignorance, la crainte et toute façon de pensée matérielle font partie des erreurs mortelles qu’une compréhension scientifique de Dieu doit corriger et vaincre »[5]. Selon Mary Baker Eddy, « la guérison de la maladie physique est la partie la moins importante de la Science chrétienne (...) le dessein essentiel de la Science chrétienne est la guérison du péché. »[Eddy 1],[Note 2]
La Science chrétienne utilise le mot « science » dans le sens de « connaissance » des lois divines universelles qui seraient applicables et démontrables aujourd’hui comme au temps de Jésus, se basant sur la Bible qui affirme que « la loi de l’Eternel restaure l’âme »[Bible 1] et que « la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ affranchit de la loi du péché et de la mort »[Bible 2]. Suite à une prière qui l’aurait guérie d’une grave blessure, Mary Baker Eddy affirme avoir voulu « connaître la Science de cette guérison »[Eddy 2], ou en d’autres termes « la Science du Christ ou lois divines de la Vie », qu’elle appela « Christian Science » (Science chrétienne)[Eddy 3]. Pour le sociologue Régis Dericquebourg, le terme « science » renvoie ici à « la science de Dieu de la théologie chrétienne médiévale » et « indique que l’univers divin est gouverné par des lois »[6].
Vision transcendantale du mal et du monde matériel
Dans Science et santé avec la clef des écritures, Mary Baker Eddy affirme l’omniprésence et la bonté absolue de Dieu. Elle en conclue que le péché, la maladie et la mort ne peuvent avoir été créés par lui et ne sont donc pas réels. Elle considère le mal et ses manifestations comme des mensonges, se référant à la parole de Jésus « le diable (...) est menteur et le père du mensonge »[Bible 3]. Mary Baker Eddy voit donc le mal comme une « erreur » pouvant être dissipée grâce à une meilleure compréhension spirituelle.
La Science chrétienne considère que, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu, il « doit être entièrement spirituel et aussi parfait que son créateur. Il s’ensuit que l’homme mortel malade et pécheur, tel qu’il apparaît aux sens physiques, est une fausse représentation de l’homme, une conception matérielle erronée de ce qu’il est réellement. » [7]. La matière elle-même est considérée comme irréelle et une distorsion de la véritable réalité spirituelle, « non pas comme une substance créée par Dieu mais comme un mode limité de la perception humaine »[8]. Pour la fondatrice du mouvement, si l’on accepte la proposition que la matière est créée par Dieu, « on fait un compromis fatal avec le matérialisme par lequel on tient Dieu responsable de toutes les souffrances de l’univers »[8].
En affirmant la non-existence du mal et de la matière, la Science chrétienne se démarque du reste des Églises chrétiennes. Mary Baker Eddy résume son point de vue dans son ouvrage par un passage intitulé « exposé scientifique de l’être » :
« Il n’y a ni vie, ni vérité, ni intelligence, ni substance dans la matière. Tout est Entendement infini et sa manifestation infinie, car Dieu est Tout-en-tout. L’Esprit est la Vérité immortelle ; la matière est l’erreur mortelle. L’Esprit est le réel et l’éternel ; la matière est l’irréel et le temporel. L’Esprit est Dieu, et l’homme est Son image et Sa ressemblance. Donc, l’homme n’est pas matériel ; il est spirituel. »— Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p.468
Pour le philosophe et médecin Pierre Janet, Mary Baker Eddy « a en horreur le concept de la matière et perpétuellement elle répète que la matière n’existe pas »[9]. Le sociologue Vilfredo Pareto voit dans la Science chrétienne un exemple de « religion combinée avec la métaphysique la plus avancée, pouvant être définie comme une sorte d’hégélianisme biblique »[10]. Selon le théologien Richard Bergeron, « la Science chrétienne propose une vision moniste et émanantiste du monde : elle enseigne le caractère illusoire de la matière, qui n’est qu’une projection de l’esprit, et du mal, qui n’est qu’une projection de la fausse conscience »[11]. Quant à l’ouvrage Science et santé, il le juge comme « un étrange amalgame d’éléments de la philosophie de Hegel et de Berkeley et de la thérapie mentale de Franz Mesmer et de Phineas P. Quimby »[12].
Nature de Dieu
Dieu comme Père-Mère
La Science chrétienne diffère de la théologie traditionnelle chrétienne, en reconnaissant à Dieu à la fois un aspect masculin et un aspect féminin, « Dieu le Père-Mère ». Celui-ci est en effet doté de qualités traditionnellement considérées comme féminines (gentillesse, compassion…) et masculines (force, protection…), qualités qui feraient partie intégrante de la véritable identité spirituelle de chaque être humain – puisque créé à l’image de Dieu. La Science chrétienne définit Dieu à l’aide de sept synonymes : « l’Entendement, l’Esprit, l’Âme, le Principe, l’Amour, la Vérité, la Vie »[Eddy 4].
Distinction entre Jésus et le Christ
La Science chrétienne fait la distinction entre Jésus (l’homme) et le Christ vu comme « la manifestation divine de Dieu, qui vient à la chair pour détruire l’erreur incarnée »[Eddy 5]. Le « Christ » est donc perçu comme un principe spirituel que Jésus (l’homme) a exprimé à un tel degré qu’il peut être appelé « Jésus-Christ ». Ce même « Christ », ou conscience divine, serait toujours présent et actif en quiconque prêt à le reconnaître amenant ainsi une meilleure compréhension spirituelle. Cependant, « à la différence de certaines formes de libéralisme protestant, la Science chrétienne ne considère pas Jésus comme un simple exemple moral »[8].
La Trinité
La Science chrétienne croit en la Trinité mais sa représentation est différente de la conception trinitaire classique :
« La vie, la vérité et l’amour constituent la Personne trinitaire nommée Dieu - i.e. qu’il est le Principe divin triple, l’Amour. Ils représentent une trinité en unité, trois en un - les mêmes en essence, bien que dans des postes multiformes : Dieu le Père-Mère ; Christ l’idée spirituelle du fils; la science divine ou le Saint Consolateur. »— Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p.331
La prière et la guérison
La Science chrétienne considère que la maladie, et toute autre difficulté, n’a pas de réalité – c’est à dire n’est pas créée par Dieu – et donc peut être vaincue par la prière : « la prière qui réforme les pêcheurs et guérit les malades est une foi absolue dans le fait que tout est possible à Dieu – une compréhension spirituelle de Dieu, un amour détaché de soi-même »[Eddy 6]. Mary Baker Eddy considérait que « Jésus voyait dans la Science l’homme parfait, qui lui apparaissait là où l’homme mortel pêcheur apparaît aux mortels. En cet homme parfait le Sauveur voyait la ressemblance même de Dieu, et cette vue correcte de l’homme guérissait les malades »[Eddy 7]. Selon la Science chrétienne, la prière permet la « spiritualisation de la pensée », faisant en sorte que « la matière ait de moins en moins d’importance », permettant « d’abandonner la manière de pensée mortelle, y compris le désir d’une intervention matérielle »[13].
Les scientistes croient que la prière s’exerce au travers de l’amour – au sens chrétien – et que c’est ainsi que Jésus-Christ guérissait. Ils souhaitent donc « rétablir le christianisme primitif et son élément perdu de guérison »[2]. Ils considèrent que la Bible affirme que la foi chrétienne se démontre à travers l’œuvre de guérison[Bible 4], Jésus-Christ ayant enseigné que ceux qui croiraient en lui feraient de plus grandes œuvres que lui[Bible 5] et qu’une personne vivant en conformité avec ses enseignements ne verrait jamais la mort[Bible 6]. La Science chrétienne considère que la prière est exaucée à l’aune de la régénération morale qui doit l’accompagner, car « aujourd’hui, comme jadis, des signes et des merveilles s’opèrent dans la guérison métaphysique de la maladie physique; mais ces signes ne servent qu’à en démontrer l’origine divine, à attester la réalité de la mission plus haute du pouvoir-Christ, mission qui est d’ôter le péché du monde »[Eddy 8].
Selon le sociologue Bryan Wilson, « même si les scientistes chrétiens prient Dieu en communauté, ce rite de prières est traduit en un nombre d’affirmations, en conformité aux enseignements d’Eddy. La prière (…) est une affirmation de « vérité » et non pas une supplication : Dieu est un « Principe » devant être démontré, et non pas un « Être » devant être apaisé. En conséquence, le culte de la science chrétienne diffère en forme, en ambiance et en expression du culte établi par les églises traditionnelles. »[14] Pour le sociologue Régis Dericquebourg, « cette confession affiche une conception pragmatique de la religion au sens où elle proclame une foi qui peut s’expérimenter pour produire des effets constatables »[15]. Le sociologue Vilfredo Pareto voit quant à lui une forme de « tautologie » dans cette approche qui pose qu’« une idée qui n’existe pas pour la personne est pour elle inexistante » et ajoute que les concepts comme la maladie et la mort s’imposent de toute manière aux individus même s’ils cherchent à y échapper. En conséquence, il voit dans la Science chrétienne une religion « en guerre totale contre toute pensée scientifique »[16].
Histoire
Mary Baker Eddy
Article détaillé : Mary Baker Eddy.Mary Baker Eddy est élevée dans une famille congrégationaliste du New Hampshire. Elle se rebelle contre la théologie calviniste de son père en raison de son « déterminisme annonciateur des tourments de l’enfer »[8] mais conserve de son éducation protestante une piété centrée sur la Bible. Sa mauvaise santé la pousse à s’interroger sur « la responsabilité de Dieu dans la souffrance humaine »[8].
En 1866, elle affirme avoir « découvert » la Science du Christ (ou Science chrétienne) qui lui aurait permis de guérir par la prière d’un problème de santé pronostiqué comme fatal[17]. Suite à son rétablissement, elle est convaincue que « l’Esprit divin a réalisé le miracle – un miracle (...) en parfait accord scientifique avec la loi divine »[Eddy 9] et affirme savoir que « des cures avaient été opérées dans les premiers temps de la guérison chrétienne par une sainte foi exaltante ; mais il me fallait connaître la Science de cette guérison »[18].
Elle passe les années suivantes à étudier la Bible, particulièrement les enseignements et l’œuvre de Jésus. En 1875, elle publie Science et santé avec la clef des écritures, exposant sa « découverte » qui permettrait à chacun d’accéder à l’amour guérisseur de Dieu. Elle affirme que son oeuvre est inspirée par Dieu et qu’elle est la clef mentionnée dans l’Apocalypse[Bible 7] permettant de comprendre la Bible qui, sans elle, reste obscure. Dans son ouvrage, elle expose les « lois universelles spirituelles » qui selon elle apportent « réconfort, régénération et guérison »[19].
Après avoir publié son ouvrage, Mary Baker Eddy organise des cours afin de dispenser son enseignement. Un seul étudiant assiste à sa première leçon mais elle en attire rapidement de nombreux autres[20]. En 1879, elle fonde avec un groupe de quinze coreligionnaires l’Église du Christ, Scientiste[8]. Le mouvement se présente comme le rétablissement de l’église chrétienne primitive et prend peu à peu de l’ampleur. Mary Baker Eddy consacre le reste de sa vie à développer son Église. En 1881, elle fonde le Collège métaphysique du Massachusetts afin de diffuser son enseignement et de former des auxiliaires. Elle autorise les étudiants ayant suivi sa formation à se présenter comme des praticiens de la Science chrétienne.
Face à la Nouvelle Pensée
Article détaillé : Nouvelle Pensée.Á la même époque, la Science chrétienne doit faire face à la rivalité de la Nouvelle Pensée, mouvance rassemblant des auteurs, généralement disciples de la philosophie de Phineas Quimby, affirmant que les maladies ne sont pas réelles et sont le produit de superstitions dont il faut se débarrasser par la pensée positive. Emma Curtis Hopkins, étudiante de Mary Baker Eddy, devient en 1884 responsable du Christian Science Journal. Cependant son éveil à d’autres spiritualités la pousse à rompre avec le mouvement en 1885 et à dispenser son propre enseignement, donnant corps à la Nouvelle Pensée.
En 1887, le Christian Science Journal accuse Emma Curtis Hopkins et une autre dissidente, Mary H. Plunkett, de « voyager à travers le pays, prétendant enseigner la Science chrétienne, et trompant leurs victimes avec l’idée qu’elles la possèdent »[21]. Mary Baker Eddy voit en effet dans la Nouvelle Pensée « une corruption de la Science chrétienne lui empruntant sa terminologie pour répandre une forme essentiellement non chrétienne de la guérison mentale ; dès ce moment, comme plus tard, ce mouvement a été confondu dans l’esprit du public avec [ses propres] enseignements »[8]. Elle dépose finalement le terme de « Science chrétienne » et menace de procès ceux qui l’emploient sans son autorisation, ce qui pousse plusieurs mouvements au sein de la Nouvelle Pensée à modifier leur nom au cours des années 1890[22].
Organisation de l’Église
La Science chrétienne commence sa croissance à Boston à partir de 1882 grâce au travail de « guérison » effectué par les coreligionnaires formés par Mary Baker Eddy[8]. Le mouvement est rejoint par de nombreuses personnes issues des églises protestantes traditionnelles, ce qui suscite contre lui l’opposition du clergé orthodoxe[8].
La Science chrétienne est toutefois menacée durant cette période par des dissensions internes. En 1888, l’Association de la science chrétienne perd un tiers de ses adhérents, ceux-ci reprochant à Mary Baker Eddy « son apparente obsession financière, son exigence d’une loyauté sans discussion, et sa paranoïa grandissante face aux desseins maléfiques de ses anciens étudiants »[23]. Mary Baker Eddy réagit durement, qualifiant les apostats de « chiens pleurnicheurs », de « magnétiseurs malveillants » et d’« assassins mentaux »[23]. Elle déplore qu’« il y ait vingt faux instructeurs pour un qui soit vrai »[23].
La situation est telle que Mary Baker Eddy, découragée, envisage d’abandonner Boston pour tout recommencer à Chicago[23]. Elle parvient cependant à redresser son mouvement et met progressivement en place une structure en vue de consolider son Église. Elle détaille la nouvelle structure dans le Manuel de l’Église[Eddy 10] en 1895. La Science chrétienne ouvre des salles de lecture à travers tous les États-Unis, y compris jusque dans l’Utah où les autorités mormones s’inquiètent de cette extension[24]. Elle se diffuse également à l’étranger et ouvre des filiales à Londres en 1896, à Hanovre en 1898[25] et à Ottawa en 1899[26].
Selon l’historienne Beryl Satter, les efforts déployés par Mary Baker Eddy pour réorganiser son Église permettent « à un mouvement qui était en ruine en 1890 de renaître de ses cendres comme le phénix avant 1900 », passant « d’une simple congrégation de 26 membres en 1879 (...) à 86 000 membres en 1906 », ce qui « surprenait et parfois effrayait ses contemporains par sa diffusion météorique »[27]. La croissance exceptionnelle de la Science chrétienne inquiète ses détracteurs, allant jusqu’à craindre pour certains d’entre eux que celle-ci ne finisse par prendre le contrôle du Congrès, ébranle les fondements de la civilisation moderne par son mysticisme ou, pour les adversaires religieux, détruise toute moralité par sa croyance en l’inexistence du péché[28].
Les raisons du succès fulgurant de la Science chrétienne font débat parmi les historiens contemporains[29]. Sydney E. Ahlstrom l’explique par la place qu’elle accordait aux femmes, mettant un terme à leur exclusion de la sphère religieuse, et l’intérêt qu’elle a suscité pour « le ministère de la guérison que les églises protestantes avaient virtuellement abandonné, malgré sa proéminence dans le Nouveau Testament »[30]. Raymond Cunningham l’attribue quant à lui au fait que la Science chrétienne a épousé une « tendance diffuse et diversifiée » au sein de la société américaine contre le matérialisme et le scientisme[31]. Quant à R. Laurence Moore, il affirme que le regard contemporain est biaisé par le fait qu’à notre époque les éléments occultes de la Science chrétienne paraissent hors norme, ce qui n’était pas le cas au XIXe siècle où l’influence d’autres mouvements (mesmérisme, swedenborgisme...) avait préparé « le chemin à l’émergence de la Science chrétienne »[32].
Décès de la fondatrice
L’âge venant, Mary Baker Eddy se retire en 1892 dans sa résidence Pleasant View à Concord (New Hampshire), limitant les contacts, révisant ses précédents écrits et continuant à diriger de loin l’Église qu’elle a créée[33]. Pour Stefan Zweig, qui lui consacre une partie de son livre La guérison par l’esprit, « quand on a annoncé au monde pendant trente ans et claironné aux oreilles de millions d’individus qu’il est facile de triompher de toutes les maladies by mind, d’échapper victorieusement à l’erreur de la vieillesse, au mensonge de la mort grâce à la Christian Science, on ne peut pas se laisser surprendre en train de vieillir »[34].
Mary Baker Eddy lance en 1908 The Christian Science Monitor, un quotidien encore publié à ce jour[35]. Elle déménage en 1908 à Chestnut Hill, banlieue de Boston, et y meurt en 1910, âgée de 89 ans[33]. Ses derniers mots écrits sont « Dieu est ma vie »[36]. Plusieurs de ses écrits sont rassemblés et publiés à titre posthume. Son décès fait réagir les journaux de l’époque[37], voyant en elle « une remarquable figure de l’histoire » (Atlanta Constitution), ayant « construit une grande carrière (...) au service de l’église qu’elle fonda » (Chicago Post), « religion qui est aujourd’hui est un facteur important dans la vie religieuse et sociale de la nation » (San Francisco Examiner)[Note 3]. Peu avant son décès, elle est qualifiée en 1908 de « personne qui a fait le plus grand bien à son prochain » par Clara Barton la fondatrice de la Croix-Rouge[38].
Pour le mouvement, le décès de la fondatrice est suivi d’une période de confusion. Les administrateurs de la Christian Science Publishing Society s’opposent au conseil d’administration de la Science chrétienne sur des questions liées à la décentralisation, à la doctrine et au rôle de l’Église[39]. La controverse sera réglée par la Cour suprême du Massachusetts en 1921 qui établira que la mission exclusive confiée par Mary Baker Eddy aux administrateurs était de promouvoir la Science chrétienne telle qu’elle l’avait enseignée[40].
A titre posthume en 2002, le Congrès Américain vote une résolution reconnaissant les contributions de Mary Baker Eddy « pour l’avancement des droits des femmes »[41].
Apogée et déclin
Selon le sociologue Rodney Stark, la Science chrétienne atteint son apogée en 1936 avec 2 048 adhérents par million d’Américains d’après ses estimations. Ensuite, le nombre d’adeptes de la Science chrétienne ne cesse de baisser aux États-Unis pour atteindre, toujours selon lui, 427 adhérents par million d’Américains en 1990[42]. Pour le sociologue, il faut y voir la conséquence « d’une fertilité inadéquate, d’une socialisation sans effet (...), d’un déclin de l’efficacité relative de son effet placebo [par rapport aux progrès de la médecine moderne] et des opportunités bien plus grandes d’occupation pour les femmes [dans la société d’aujourd’hui] »[43].
Aujourd’hui, la Science chrétienne est composée de l’église mère à Boston (où se trouvent le centre administratif et la société d’édition) et, selon les sources, de 1 800[1] à 2 750 églises filiales[44] réparties dans 80[45] ou 82 pays[1]. La Science chrétienne ne publie pas de statistiques relatives à son nombre d’adhérents[46]. L’estimation du nombre de membres varie selon les sources[Note 4] :
- Alain Woodrow estime le nombre de membres à 1 500 000[47];
- Jean Vernette l’estime également à 1 500 000[48];
- pour l’association chrétienne évangélique Vigi-Sectes, il n’y aurait que 500 000 membres (dont 70 % de femmes)[49];
- des estimations plus récentes placent le mouvement entre 100 000 et 400 000 membres[50].
En France
Selon les sources du mouvement, une personne qui connaît la Science chrétienne affirme en 1890 qu’elle a été guérie d’un problème de vue[51]. En 1896, une centaine d’exemplaires de Science et santé avec la clef des écritures est envoyée à des personnalités de la Sorbonne et à un grand nombre d’artistes et de penseurs parisiens[51]. En 1897, The Christian Science Journal dénombre deux « praticiens » en France, tous deux résidant à Paris[51]. La première église filiale de l’église mère s’installe à Paris en 1899[1],[51] (ou 1906 selon une autre source[49]).
Lors de l’Exposition internationale du livre à Paris de 1907, le gouvernement français, représenté par Aristide Briand, nomme Mary Baker Eddy « officier d’Académie »[52],[53]. En 1914 se tient à Paris la première conférence sur la Science chrétienne donnée en français par William D. McCrakan[51]. La publication de la traduction française de Science et santé avec la clef des écritures a lieu en 1917[54], suivie de la publication en français du journal Héraut de la Christian Science[55].
Les estimations du nombre actuel de membres de la Science chrétienne en France varient de 1 000[48] à 2 500[47]. Selon le professeur Jean Prieur, « la France, pays à psychisme catholique, n’est pas très ouverte à ces mouvements d’inspiration biblique et de mentalité anglo-saxonne, tels Science chrétienne ou Adventisme »[56]. Pour Christian Lerat, la Science chrétienne n’a pas rencontré le succès en France en raison de son refus d’adaptation à la culture du pays d’accueil (en termes de doctrine et d’activité thérapeutique) et le sociologue considère cette intransigeance assez unique en comparaison avec d’autres mouvements religieux de même envergure[57].
Pratique
La guérison par la foi
Pensant obéir à l’injonction de Jésus de guérir les malades car « celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais »[Bible 8], les étudiants de la Science chrétienne cherchent à pratiquer la guérison pour eux-mêmes et leur entourage. Ainsi, des praticiennes et praticiens de la Science chrétienne aident par la prière « ceux qui le leur demandent à surmonter les difficultés humaines par une meilleure compréhension de Dieu et de la relation de l’homme à Dieu »[58]. Selon Régis Dericquebourg, ils s’abstiennent cependant de donner des conseils médicaux ou de diriger la vie des consultants[59]. Ils délivrent leurs consultations à domicile ou par téléphone[60]. On dénombrerait en France 21 praticiens de la Science chrétienne dont 19 femmes[61]. Leurs tarifs s’apparentent à ceux d’un médecin[60],[61].
Rituels
La simplicité marque les réunions de la Science chrétienne : il n’y a pas d’objets de culte et les rites sont peu nombreux[62]. Le mouvement n’a pas de jours saints, et ne procède à aucune cérémonie de baptême, ni de confirmation, ni d’enterrement (un service funèbre peut cependant avoir lieu dans une maison privée)[63].
Services publics du dimanche
Le service religieux hebdomadaire de la Science chrétienne a lieu le dimanche matin. Il dure une heure et comporte des chants de la congrégation, des prières silencieuses et publiques, et surtout la lecture de passages de la Bible et de Science et santé avec la clef des écritures[64]. Cette façon de procéder existe depuis 1894, lorsque Mary Baker Eddy remplace la prédication personnelle au sein de son mouvement par la lecture de ces deux ouvrages faite par deux membres élus (le Premier Lecteur et le Deuxième Lecteur)[65]. Elle institue ainsi un « pasteur impersonnel et double, la Bible et Science et santé avec la clef des écritures, [qui] est avec vous, et la Vie qu’ils donnent, la Vérité qu’ils illustrent, l’Amour qu’ils démontrent, est le grand Berger qui nourrit mon troupeau et le conduit près des eaux paisibles »[Eddy 11].
Il existe ainsi 26 sujets de leçons bibliques qui se répètent tous les six mois, comme par exemple, « L’Âme et le corps » ou « L’univers, y compris l’homme, est-il produit par la force atomique ? »[66]. Ces leçons sont publiés dans le livret trimestriel et peuvent s’étudier pendant la semaine. Les citations de la Bible et de Science et santé qu’elles contiennent constituent le sermon du dimanche dans les églises de la Science chrétienne du monde entier. Une quête a généralement lieu à la fin de la réunion, où il est d’usage de laisser 1 à 5 dollars[62].
Les enfants peuvent assister à l’école du dimanche où leur est enseignée la Bible.
Services publics de témoignages du mercredi
Le mercredi se tient une réunion de témoignages. Le Premier Lecteur choisit un thème et prépare des lectures tirées de la Bible et de Science et santé[64]. Cette réunion « comprend des témoignages donnés par les membres de la congrégation sur le pouvoir que Dieu a de guérir, sauver et guider »[67].
Communion
La communion a lieu deux fois par an : le deuxième dimanche de janvier et le deuxième dimanche de juillet. La congrégation s’agenouille alors pour une prière silencieuse, avant de réciter Notre Père à haute voix. On n’y distribue ni pain ni vin[64].
Diffusion
La Science chrétienne se fait connaître par la diffusion des écrits de Mary Baker Eddy et de ses diverses publications produites par la Society and Publication de l’Église Mère à Boston. Des salles de lecture reliées aux églises filiales permettent l’accès libre à toutes les publications de la Science chrétienne. Des conférences sont données régulièrement dans le monde entier.
Controverses
Controverse médicale
Refus de soins médicaux
La Science chrétienne fait l’objet de controverses en raison de son insistance sur la guérison par la seule foi et est accusée de rejeter la médecine scientifique. Le premier procès à ce sujet a lieu dès 1888 : Abby H. Corner, praticienne du mouvement, est accusée d’homicide pour avoir laissé mourir sa fille d’une hémorragie curable en ayant eu recours à l’enseignement d’Eddy plutôt qu’aux services d’un médecin[23],[68].
Pour le philosophe et médecin Pierre Janet, les praticiens de la Science chrétienne doivent « supprimer tous les traitements chirurgicaux ou médicaux quelconques que la science a inventés » et « ne doivent pas non plus apprendre un mot de pharmacie ou d’hygiène »[69]. Pour la sociologue Anne-Cécile Bégot, c’est surtout « la voie médicamenteuse qui contrevient aux principes scientistes chrétiens »[70], mentionnant que certains fidèles ont recours à la chirurgie, à l’ophtalmologie ou à la dentisterie. Elle précise également que d’autres, engagés dans des mariages mixtes, sont prêts à des concessions en ayant recours à la médecine[70].
En 1998, le pédiatre Seth Asser reproche à la Science chrétienne de refuser aux enfants les soins médicaux nécessaires dans une étude sur le décès de 172 enfants au sein de mouvements prônant la guérison par la foi[71]. L’association CHILD (Children’s Healthcare Is a Legal Duty) recense également plusieurs cas d’enfants membres de la Science chrétienne décédés aux États-Unis en raison du refus de soins médicaux[72] et présente la biographie de plusieurs d’entre eux[73]. Selon l’auteure et journaliste Caroline Fraser, « le refus de nombreux parents scientistes chrétiens de demander l’aide de médecins pour leurs enfants gravement malades a provoqué de nombreuses morts douloureuses et inutiles, et à de plus en plus d’actions en justice devenues onéreuses pour l’Église et ses membres »[74]. Un des procès les plus médiatisés fut l’affaire Twitchell en 1988 au Massachusetts, où les parents Twitchell, membres de la Science chrétienne, furent condamnés pour homicide involontaire en ayant laissé mourir leur fils de 2 ans atteint d’une péritonite[75].
En France, le Dr François Michaut met en garde contre ce mouvement, considérant que son approche était « compréhensible en cette fin du 19ème siècle » mais « dont le simplisme fanatique est inacceptable »[76]. Anne-Cécile Bégot note cependant de son côté que « les scientistes chrétiens respectent la législation en vigueur dans le pays où ils s’installent. Ainsi en France, ils se soumettent aux vaccinations obligatoires et à la médecine du travail »[70], ainsi qu’à la médecine scolaire[60]. Elle souligne également que, même si les témoignages publiés sont formalisés autour de la guérison par la foi, les scientistes chrétiens qu’elle a interrogés font certains accommodements avec la médecine dans leur vie quotidienne, en ayant « recours aux soins d’urgence lors d’accidents ou quand un enfant ne guérit pas rapidement »[60].
Les Scientistes chrétiens affirment quant à eux avoir du respect pour la profession médicale mais ils choisissent la prière comme moyen de se guérir car « la guérison n’est pas simplement la disparition des problèmes de santé (...) [mais] une nouvelle naissance par une transfiguration au cours de laquelle [le patient] a ressenti sa nature divine et a triomphé de l’erreur »[6]. La Science chrétienne affirme que ses membres « sont toujours libres d’opter pour un traitement médical, ce qui est considéré par beaucoup de personnes comme la solution évidente aux problèmes de santé »[77]. Selon Régis Dericquebourg, les scientistes chrétiens « ne préconisent pas un refus radical des soins médicaux. Simplement, ils pensent que l’approche médicale met trop l’accent sur la matérialité du corps, ce qui a pour conséquence de détourner l’homme de leur conception du monde comme idée divine. »[4]
Effet placebo
Les détracteurs du mouvement considèrent que la « pratique de la guérison » par la Science chrétienne est inefficace et que les améliorations de santé éventuelles ne sont dues qu’à l’effet placebo[78]. Dès 1907, l’écrivain Mark Twain, dans un ouvrage satirique sur la Science chrétienne, tourne en dérision l’idée de la guérison par la prière[79].
En 1989, The Journal of the American Medical Association publie une étude portant sur plus de 5 500 scientistes chrétiens (gradués du Principia College, école encourageant ses étudiants à pratiquer la Science chrétienne) comparés à un groupe de 30 000 personnes recourant à la médecine conventionnelle[80]. Selon l’étude, les scientistes chrétiens présentaient un taux de décès par cancer deux fois supérieur et leur espérance de vie était plus courte de 2 ans (pour les hommes) et 4 ans (pour les femmes). En 1991, une autre étude[81], effectuée par les Centers for Disease Control and Prevention, en comparant des gradués du Principia College (scientiste chrétien) et de la Loma Linda University (adventiste du septième jour, acceptant la médecine conventionnelle), montre également que le taux de mortalité est plus élevé parmi les scientistes chrétiens.
Pour Régis Dericquebourg, « du point de vue de la rationalité médicale, les médications spirituelles sont inefficaces »[82], mais ceux qui ont recours à la religiothérapie de la Science chrétienne le font pour des motifs qu’il qualifie d’« instances de plausabilité »[83] : une doctrine qui la rend vraisemblable aux yeux des sympathisants, ainsi qu’un ensemble de témoignages de guérison qui permet aux fidèles de s’inscrire dans cette lignée et donc dans une réalité sociale. Le nombre des témoignages publiés par la Science chrétienne est selon lui « impressionnant »[4].
La Science chrétienne, qui a recueilli des milliers de témoignages de guérisons[84], affirme de son côté que « pour certains, la guérison (morale ou physique) par la prière n’est pas chose possible et certains s’emploient à la contester et à la railler »[85]. Parmi les témoignages publiés se trouvent de nombreux cas de personnes affirmant avoir été guéries après s’être tournées vers la Science chrétienne parce que la médecine conventionnelle ne pouvait plus rien pour eux. Ainsi, Régis Dericquebourg note que la guérison est la première cause d’adhésion au mouvement (25%)[86]. Anne-Cécile Bégot affirme avoir fait le même constat lors de son enquête sur le terrain[87].
Emmanuel Philipon, ancien externe des Hôpitaux de Paris, déclare dans sa Thèse publiée pour le Doctorat en Médecine, de 1913 : « je ne nie pas, loin de là, les succès obtenus par "Christian Science" dans le traitement de certaines maladies organiques. Sans doute, il y a un choix à faire dans les guérisons nombreuses qui sont publiées tous les jours; bien des "cures" en effet, peuvent s'expliquer par des coïncidences; d'autres reposent sur des erreurs de diagnostics; d'autres ont été amplifiées, déformées par l'imagination du malade; certaines même (ce que je ne crois pas cependant) ont pu être inventées de toutes pièces. Il n'en reste pas moins un grand nombre pour lesquelles on ne peut invoquer aucune des clauses d'erreur indiquées ci-dessus; et, l'on doit admettre que beaucoup de malades ont été véritablement guéris "en Christian Science". Dans tous les cas cités, les malades n'ont eu recours à "Christian Science" qu'après l'échec de tous les moyens médicaux et chirurgicaux possibles ». Il cite des cas de guérisons d’empoisonnement du sang, d’affection de la moëlle épinière, d’affection aiguë du poumon, de bronchite, de tumeur et varices, d’eczéma et de crises épileptiques[88].
Caractère sectaire ?
Rapports parlementaires
En France, le rapport d’enquête n° 2468 de l’Assemblée nationale de 1995 a examiné un éventuel caractère sectaire en se basant entre autres sur des sources comme Les nouvelles sectes, d’Alain Woodrow (1977) qui considère la Science chrétienne comme une secte, et Des "sectes" à notre porte de Jean Vernette et Yves de Gibon (1987). Il ne l’a pas retenue dans la liste « des mouvements pouvant, à l’aune des critères définis [par le rapport], être qualifiés de sectaires ».
En Belgique, un rapport parlementaire datant de 1997 étudie les dangers sectaires associés aux mouvements religieux minoritaires. La Science chrétienne n’y est pas examinée et n’est pas reprise dans le tableau synoptique des 189 mouvements étudiés en vue du rapport[89].
Organismes de lutte contre les sectes
Le GEMPPI considère la Science chrétienne comme sectaire, affirmant qu’elle « n’a de chrétienne que le vocabulaire, et de scientifique que le nom » et dénonce particulièrement les refus de soins médicaux[90]. L’association pointe ainsi les cas d’enfants malades décédés aux États-Unis mais considère que ce problème ne se pose pas en France car les médecins peuvent y passer outre la volonté des malades[90].
L’association chrétienne évangélique Vigi-Sectes considère également la Science chrétienne comme une secte, mais principalement pour des raisons théologiques (ajout d’un ouvrage à la Bible, suppression des sacrements, spiritualisation du péché etc)[49].
En Espagne, la Redune (association pour la prévention de la manipulation sectaire) fait mention de la Science chrétienne dans la liste des groupes sectaires et de manipulation psychologique opérant dans le pays[91].
Point de vue sociologique
Dans son étude An Analysis of Sect Development[92], le sociologue Bryan Wilson identifie quatre types de sectes religieuses selon la manière dont elles rejettent les valeurs sociales ou la société. Il classe la Science chrétienne parmi les sectes gnostiques qui mettent l’accent sur les enseignements ésotériques, proposent des techniques de réussite, rejettent certaines théories scientifiques, mais acceptent généralement les normes culturelles de la société[Note 5]. Celles-ci « théorisent la vérité divine pour vivre dans la société ». Selon Bryan Wilson, « la Science chrétienne constitue un bon exemple [de secte gnostisque] car ceux qui aspirent à devenir pratiquants, reçoivent un enseignement général rehaussé de sujets enseignés par des enseignants spécialisés dans des cours particuliers, dont le contenu demeure confidentiel »[93]. Selon la Science chrétienne, l’enseignement consiste en un cours de théologie qui est collectif, avec une limite de trente élèves[Eddy 12].
Selon la sociologue Meredith B. McGuire, la Science chrétienne diffère des autres mouvements métaphysiques nés à l’époque par le fait que « Mary Baker Eddy a réussi à s’arroger toute autorité d’enseignement, tout pouvoir organisationnel et décisionnel, et a développé le caractère sectaire du mouvement », mais cet aspect s’est modéré avec le temps, réduisant « les confrontations frontales avec le système médical caractéristiques des premières périodes »[94].
Pour la sociologue Anne-Cécile Bégot, la Science chrétienne est proche de la secte, pointant la « rupture avec le monde environnant (...) [et la] reconnaissance et soumission à une autorité »[95], bien qu’elle considère qu’il faille nuancer ces éléments en France car le mouvement a dû s’accommoder de la laïcité environnante. En définitive, elle estime que le groupe tendrait « vers un type d’organisation religieuse intermédiaire entre la secte et l’Église : la dénomination »[95]. Elle considère également que le mouvement est peu prosélyte en privilégiant « la qualité de ses recrues plutôt que la quantité »[96].
Rôle de l’Église mère
Certains détracteurs de la Science chrétienne dénoncent le pouvoir de l’Église mère de Boston. Selon la sociologue Anne-Cécile Bégot, « les églises locales n’ont aucune autonomie en matière doctrinale [et] la cérémonie dominicale ne laisse place à aucune improvisation », les passages devant être lus étant inscrits dans un livret (« Leçon Sermon ») conçu et édité par la centrale de Boston[60]. Elle ajoute qu’assister à une conférence du mouvement, « ce n’est pas prendre part à un débat public mais écouter un interlocuteur accrédité par l’Église Mère sur un thème particulier »[60].
Les membres de la Science chrétienne affirment que l’organisation est démocratique (libre choix individuel, pas de clergé, etc. ) : « le gouvernement des églises filiales de la Science chrétienne est nettement démocratique. Chacune se donne ses propres statuts, élit son propre Conseil d’Administration »[58].
Confusion avec d’autres mouvements
Scientologie
En raison de la similitude de leurs noms respectifs, la Science chrétienne est parfois erronément assimilée à l’Église de Scientologie. Ces deux mouvements n’ont pas de rapport entre eux et les divers sites de la Science chrétienne mettent en garde le public contre cette possible confusion[Note 1].
Nouvelle Pensée
La Science chrétienne partage nombre de concepts métaphysiques avec les églises de la Nouvelle Pensée comme Unité, la Science divine et la Science religieuse. En raison des interactions que ces mouvements ont eues entre eux et de leurs nombreux points communs, certains historiens et sociologues abordent ensemble la Science chrétienne et la Nouvelle Pensée dans leurs travaux[Note 6]. La Science chrétienne ne se reconnaît cependant pas comme partie intégrante cette mouvance. De même, les églises issues de la Nouvelle Pensée refusent généralement de considérer la Science chrétienne comme l’une des leurs.
Publications
Les principales publications de la Christian Science Publishing Society sont :
- Le Héraut de la Science Chrétienne (The Herald of Christian Science) est un journal du mouvement. Fondé en 1903, il affirme donner à ses lecteurs des « exemples pratiques de la disponibilité et de l’accessibilité des lois de Dieu »[97]. En plus de divers articles et de témoignages de « guérison », chaque numéro comprend un répertoire des églises et des praticiens de la science chrétienne. Il existe aussi des Héraut mensuels ou trimestriels en treize autres langues[98], dont le français[99].
- Le Livret trimestriel de la Christian Science. Les citations de la Bible et de Science et Santé qu’elles contiennent constituent le sermon du dimanche dans les églises de la Science chrétienne du monde entier.
- The Christian Science Monitor, journal d’information généraliste, fondé en 1908[35].
- The Christian Science Journal est un magazine mensuel en anglais. Fondé en 1883, il a pour mission de publier la « divine Science de la Vérité » au travers d’articles et de témoignages[100]. Il comprend un répertoire complet des praticiens et des églises de la Science chrétienne dans le monde entier.
- The Christian Science Sentinel est un magazine hebdomadaire en anglais. Fondé en 1898, il propose des articles, des éditoriaux et des témoignages[101].
Églises
Quelques églises et bâtiments de la Science chrétienne à travers le monde :
Voir aussi
Bibliographie
Œuvres de Mary Baker Eddy
- Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, Writings of Mary Baker Eddy, 1999, 708 p. (ISBN 978-0879521165)
- Mary Baker Eddy, Rudiments de la Science Divine, The First church of Christ, scientist, 1891, 46 p.
- (en) Mary Baker Eddy, Prose Works other than Science and Health, Writings of Mary Baker Eddy, 1995 (ISBN 978-0879520748)
- (en) Mary Baker Eddy, Manual of The Mother Church, Allison V. Stewart, 1910 (ISBN 0-930227-22-0)
- (en) Mary Baker Eddy, Miscellaneous Writings, The Christian Science Board of Directors, 2007, 496 p. (ISBN 978-0879523282)
Autres ouvrages
- Historiens
- (en) Beryl Satter, Each Mind a Kingdom, University of California Press, 1997, 388 p. (ISBN 0520229274)
- Jean Prieur, L’Europe des médiums et des initiés, Fernand Lanore, 1990, 384 p. (ISBN 9782851571212)
- Paul Lesourd, Solutions religieuses, Presse de la Cité, 1973 (ISBN B0000DUB28)
- Lucienne Mazenod, Les femmes célèbres, L. Mazenod, 1960 (ISBN B0014WQR9Q)
- (en) Norman Beasley, The Continuing Spirit: The Story of Christian Science Since 1920, George Allen & Unwin, 1957, 403 p. [présentation en ligne]
- (en) Roy M. Anker, Self-help and popular religion in modern American culture, Greenwood Publishing Group, 1999, 191 p. (ISBN 978-0313222498)
- (en) Sydney E. Ahlstrom, A Religious History of the American People, Yale University Press, 1974, 1174 p. (ISBN 978-0300017625)
- (en) Raymond Cunningham, « The Impact of Christian Science on the American Churches, 1880-1910 », dans American Historical Review, no 72, 1967, p. 885-905
- (en) R. Laurence Moore, Religious Outsiders and the Making of Americans, Oxford University Press, 1987, 272 p. (ISBN 978-0195051889)
- (en) Peter Knight, Conspiracy theories in American history, ABC-CLIO, 2003, 925 p. (ISBN 978-1576078129)
- Sociologues
- (en) Vilfredo Pareto, The Mind And Society, vol. III : Theory of Derivations, Jonathan Cape Limited, 1935, 570 p.
- Bryan Wilson, La scientologie, une analyse et comparaison de ses systèmes et doctrines religieux, Freedom Publishing, 1995, 55 p. (traite aussi de la Science chrétienne)
- (en) Bryan Wilson, « An Analysis of Sect Development », dans American Sociological Review, vol. 24, 1959
- Régis Dericquebourg, Croire et guérir, Quatre religions de guérison, Dervy, 2001, 193 p. (ISBN 978-2844540768)
- Collectif dont Régis Dericquebourg, Esotérisme et guérison, L’âge d’homme, 2005, 182 p. (ISBN 978-2825119518)
- (en) Rodney Stark, « The rise and fall of Christian science », dans Journal of Contemporary Religion, vol. 13, no 2, mai 1998, p. 189-214 [texte intégral]
- Christian Lerat, Bernardette Rigal-Cellard, Les mutations transatlantiques des religions, Presses Universitaires de Bordeaux, 2000, 384 p. (ISBN 9782867812507)
- Anne-Cécile Bégot, « La construction sociale de l’efficacité thérapeutique au sein de groupes religieux (Science Chrétienne et Antoinisme) », dans Ethnographiques, no 15, février 2008 [texte intégral]
- (en) Meredith B. McGuire, Ritual healing in suburban America, Rutgers University Press, 1988, 324 p. (ISBN 978-0813513133)
- Anthropologues
- Raymond Massé, Jean Benoist, Convocations thérapeutiques du sacré, Karthala Editions, 2002, 493 p. (ISBN 2845862660)
- Théologiens
- Richard Bergeron, Le cortège des fous de Dieu: un chrétien scrute les nouvelles religions, Éditions Paulines, 1982, 511 p. (ISBN 978-2890398689)
- Jean Vernette & Yves de Gibon, Des sectes à notre porte, Chalet, 1999, 63 p. (ISBN 978-2702304853)
- Alain Woodrow, Les nouvelles sectes, Seuil, 1977, 187 p. (ISBN 978-2020046626)
- (en) Stuart M. Matlins, Arthur J. Magida, How to Be a Perfect Stranger, SkyLight Paths Publishing, 2006, 403 p. (ISBN 978-1594731402)
- Médecins
- Pierre Janet, Les médications psychologiques, L’Harmattan, 2007, 350 p. (ISBN 9782296028234)
- (en) Seth M. Asser & Rita Swan, « Child Fatalities From Religion-motivated Medical Neglect », dans Journal of the American Academy of Pediatrics, no 101, avril 1998 [texte intégral]
- Dr François Michaut, « Santé et science chrétienne », dans Lettre d’Expression médicale, no 271, 9 décembre 2002 [texte intégral]
- Scientistes chrétiens
- (en) Hugh A. Studdert Kennedy, Christian Science And Organized Religion, The Farallon Press, 1930, 358 p.
- (en) « Plunge in Movement Explained », dans The Christian Science Standard, vol. 14, no 1, janvier 2006 [texte intégral]
- Écrivains
- (en) Mark Twain, Christian Science, 1907, 272 p.
- Stefan Zweig, La guérison par l'esprit, Le Livre de Poche, 2003, 380 p. (ISBN 978-2253943389)
- Divers
- Gaston Berger, Encyclopédie Française, Philosophie-religion, vol. XIX, Librarie Larousse, 1957, 424 p. (ISBN 978-2844540768)
- (en) Frontier Press Company, Masters of Achievement: The World’s Greatest Leaders in Literature, Art, Religion, Philosophy, Science, Politics and Industry, vol. 2, Kessinger Publishing, 1917 (réimpr. 2004), 516 p. (ISBN 978-1417942480) [présentation en ligne]
- (en) Stuart M. Matlins, Arthur J. Magida, How to Be a Perfect Stranger, SkyLight Paths Publishing, 2006, 403 p. (ISBN 978-1594731402), p. 72
Articles connexes
- Mary Baker Eddy
- Science et santé avec la clef des écritures
- The Christian Science Monitor
- Nouveau mouvement religieux
- Protestantisme
- Secte
Liens externes
Notes et références
Notes
- ↑ a et b La mise en garde se trouve entre autres en page d’accueil ou dans les F.A.Q. des sites français, américain, suisse et espagnol.
- ↑ Mary Baker Eddy résume sa théologie en six points :
« 1. En tant qu’adhérents de la Vérité, nous prenons la Parole inspirée de la Bible comme notre guide suffisant pour atteindre à la vie éternelle.
2. Nous reconnaissons et adorons un Dieu suprême et infini. Nous reconnaissons Son Fils, le seul Christ ; le Saint Esprit ou divin consolateur ; et l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu.
6. Et nous promettons solennellement de veiller, et de prier pour que cet Entendement qui était en Christ Jésus soit également en nous, de faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils nous fissent, et d’être miséricordieux, justes et purs. »
3. Nous reconnaissons que le pardon du péché par Dieu consiste dans la destruction du péché et la compréhension spirituelle qui chasse le mal comme irréel. Mais la croyance au péché est punie tant que dure la croyance.
4. Nous reconnaissons la médiation de Jésus comme la manifestation de l’Amour divin efficace, révélant l’unité de l’homme avec Dieu par Christ Jésus, le Guide ; et nous reconnaissons que l’homme est sauvé par le Christ, par la Vérité, la Vie et l’Amour tels que les a démontrés le Prophète galiléen en guérissant les malades et en triomphant du péché et de la mort.
5. Nous reconnaissons que le crucifiement de Jésus et sa résurrection servirent à élever la foi jusqu’à la compréhension de la Vie éternelle, voire de la totalité de l’Ame, de l’Esprit, et du néant de la matière.— Mary Baker Eddy, Manuel de L’Église Mère, « Articles de Foi », p.15
- ↑ Citations complètes :
- « Nul n’a besoin d’être un adhérent ni même un sympathisant de la Science chrétienne pour reconnaître que sa fondatrice, Mary Baker Eddy, est une remarquable figure de l’histoire. » (Atlanta Constitution)
- « En partant de rien de matériel, pas de fortune, pas d’invention industrielle, pas d’héritage, Mary Baker Eddy a construit une grande carrière. Cette carrière est d’autant plus grande parce qu’elle n’était pas à son service mais au service de l’église qu’elle fonda. » (Chicago Post)
- « Mary Baker Eddy a établi, ici aux États-Unis, une religion qui est aujourd’hui est un facteur important dans la vie religieuse et sociale de la nation. » (San Francisco Examiner)
- ↑ Les chiffres d’Alain Woodrow et de Jean Vernette ont également été repris dans le rapport parlementaire français de 1995.
- ↑ Bryan Wilson définit quatre types de sectes : les conversionnistes (conversion intérieure), les adventistes/révolutionnaires (Dieu transformera le monde), les introversionnistes/piétistes (rupture d’avec le monde corrompu) et les gnostiques/manipulationnistes (techniques d’accès à la réussite). Il ajoutera par la suite d’autres types de sectes. La typologie de Bryan Wilson est détaillée entre autres dans A Social Analysis of Religious Organisations, Nuri Týnaz (version cache)
- ↑ Le lecteur se référera entre autres aux ouvrages suivants :
- Dans son livre Each Mind a Kingdom qui retrace l’histoire de la Nouvelle Pensée de 1875 à 1920, l’historienne Beryl Satter considère nécessaire d’aborder la Science chrétienne comme actrice de ce mouvement. Elle dresse une liste des points communs en précisant qu’il est compréhensible pour le public d’avoir du mal à faire la distinction : « il y a des chevauchements importants tant dans la théologie que la pratique des deux groupes, les deux croient que le monde mental ou spirituel est la vraie réalité. » (Beryl Satter, Each Mind a Kingdom, p. 3)
- De même, dans une étude sur la Scientologie où il la compare à d’autres religions, le sociologue Bryan Wilson traite également à plusieurs reprises la Science chrétienne et la Nouvelle Pensée comme ayant les mêmes caractéristiques théologiques et sociologiques (Bryan Wilson, La scientologie, une analyse et comparaison de ses systèmes et doctrines religieux)
Références bibliques
Les références suivantes renvoient au texte de la Bible sur Wikisource (version Louis Segond 1910).
Références Mary Baker Eddy
Les références suivantes renvoient à des ouvrages écrits par Mary Baker Eddy.
- ↑ Mary Baker Eddy, Rudiments de la Science Divine, p. 2
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 109
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 107
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 465
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 583
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 1
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 477
- ↑ Mary Baker Eddy, Science et santé avec la clef des écritures, p. 150
- ↑ Mary Baker Eddy, Prose Works other than Science and Health, « Retrospection and Introspection », p. 24
- ↑ Mary Baker Eddy, Manual of The Mother Church
- ↑ Mary Baker Eddy, Miscellaneous Writings, p. 322
- ↑ Mary Baker Eddy, Manual of The Mother Church,p. 29
Références
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- ↑ David Margolick, « In Child Deaths, a Test for Christian Science », dans The New York Times, 6 août 1990, p. 1
- ↑ Dr François Michaut, Santé et science chrétienne
- ↑ Phil Davis, Your Questions and Answers, © 2008, Christian Science
- ↑ La science chrétienne, Guérir par la prière, Charlatans.info
- ↑ Mark Twain, Christian Science
- ↑ W. F. Simpson, « Comparative longevity in a college cohort of Christian Scientists », dans Journal of the American Medical Association, vol. 262, no 12, 1989, p. 1657-1658
- ↑ W. F. Simpson, « Comparative Mortality of Two College Groups, 1945 - 1983 », dans MMWR Weekly, vol. 40, no 33, 1991, p. 579-582
- ↑ Collectif dont Régis Dericquebourg, Esotérisme et guérison, p. 11
- ↑ Collectif dont Régis Dericquebourg, Esotérisme et guérison, p. 12-18
- ↑ L’Etat des Religions dans le Monde, Ouvrage collectif sous la direction de Michel Clévenot, La Découverte/Le Cerf, 1987, page 136
- ↑ Qu’est-ce que la Science chrétienne, Christian Science
- ↑ Régis Dericquebourg, Croire et guérir, Quatre religions de guérison, p. 193
- ↑ Christian Lerat, Bernardette Rigal-Cellard, Les mutations transatlantiques des religions, p. 342
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- ↑ Bryan Wilson, An Analysis of Sect Development, p. 3-15
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- ↑ Christian Lerat, Bernardette Rigal-Cellard, Les mutations transatlantiques des religions, p. 345
- ↑ Au sujet du Héraut de la Science Chrétienne, © 2009, Le Héraut de la Science Chrétienne
- ↑ The Herald of Christian Science, © 2009, The Herald of Christian Science
- ↑ Le Héraut de la Science Chrétienne, © 2009, Le Héraut de la Science Chrétienne
- ↑ About the Christian Science Journal, © 2009, The Christian Science Journal
- ↑ About the Christian Science Sentinel, © 2009, The Christian Science Sentinel
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