- Brucellose
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La brucellose, également appelée fièvre de Malte, fièvre sudoro-algique, fièvre ondulante, mélitococcie ou fièvre méditerranéenne est une anthropozoonose (maladie transmise par les animaux) due à des coccobacilles (bactéries) du genre Brucella.
La brucellose humaine, bien que devenue plus rare en France depuis la mise en place de mesures prophylactiques sévères en 1978, reste une maladie pouvant entraîner des complications graves si un traitement n’est pas rapidement mis en place. Comme pour toute maladie infectieuse, la prévention (surveillance et éradication de la maladie chez le bétail) reste le meilleur moyen de lutte.
Sommaire
Historique
La maladie connue aujourd'hui sous le nom de brucellose attira pour la première fois l'attention de médecins militaires britanniques, sous le nom de fièvre méditerranéenne à Malte, durant la guerre de Crimée, dans les années 1850. En 1887, le microbiologiste David Bruce établit la relation causale entre un micro-organisme et la maladie, en isolant la bactérie responsable de la rate d’un soldat décédé[1]. En 1893, le germe reçut le nom de Micrococcus melitensis[2]. En 1897, la présence d’anticorps agglutinants dans le sérum des malades fut démontrée par Wright. En 1905, Themistocles Zammit, en voulant étudier la maladie sur le modèle animal de la chèvre à Malte, découvrit qu’elles étaient toutes positives au test de Wright et que la brucellose était donc une anthropozoonose. Dans le courant du siècle dernier, le Dr Jullien de Joyeuse a travaillé pendant plusieurs années sur la maladie. Il publia en 1933, dans la revue médicale "Paris médical", un article intitulée "Brucellose et Tuberculose" faisant le point sur la recherche et les traitements disponibles[3]. Ses recherches sont récompensées en 1934 par la médaille de l’Académie de médecine, à qui il adresse la même année un article de 19 pages intitulé « Le Centre de traitement de la fièvre ondulante de Joyeuse » (Largentière , Mazel – 1934). Le 4 mai 1935, il organisa et participa en tant que l’un des meilleurs spécialistes dans le domaine au 1er congrès de recherche sur la Brucellose chez l’homme et l’animal qui se déroule à Avignon.
Agent pathogène
Article détaillé : Brucella.Morphologie
Brucella est un très petit coccobacille à Gram négatif de 0,5-0,7 x 0,6-1,5 µm (7,5 µm pour un globule rouge). La bactérie est immobile, non encapsulée, non sporulée et aérobie stricte. Il en existe plusieurs espèces dont quatre sont pathogènes pour l’homme : B. melitensis, B. abortus bovis, B. suis et B. canis qui, en France, sont classées dans le groupe 3 de l’arrêté du 18 juillet 1994 (agents pathogènes pour l’homme pour lesquels existe une prophylaxie).
Survie à l’extérieur de l’hôte
La bactérie Brucella est sensible à la chaleur et à l’action des rayons ultraviolets mais elle est très résistante dans le milieu extérieur :
- Dans les milieux secs, non organiques (locaux, matériel…) Brucella peut vivre 32 jours.
- Dans les milieux organiques humides (lisier, fromage et lait crus, végétaux souillés) elle peut vivre plus de 125 jours.
- Dans les milieux organiques secs (souillures sèches dans une étable) elle peut vivre jusqu’à 135 jours.
- Enfin dans le sang conservé à +4 °C elle peut vivre jusqu’à 180 jours.
Pathogénie
Le mécanisme du pouvoir pathogène de Brucella reste encore mal connu. On sait que la bactérie est phagocytée par les macrophages et se développe dans le phagosome en inhibant la fusion lysosome/phagosome. La bactérie, devenue intra-cellulaire, peut ainsi échapper au système immunitaire et entretenir la chronicité de la maladie. De plus, la bactérie synthétise des protéines dites « de choc septique » responsables de la phase aigüe de la maladie.
Épidémiologie
La maladie est très rarement transmise de manière interhumaine, le réservoir étant essentiellement animal. Chez l'animal toutes les Brucella montrent une pathogénicité particulière pour les femelles en gestation mais le germe reste souvent latent et est hébergé par des porteurs asymptomatiques. On dit que l’homme est un hôte accidentel.
La brucellose a une répartition mondiale avec une prédominance dans le bassin méditerranéen, l’Asie de l’Ouest, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et l’Afrique noire. L’OMS estime l’incidence mondiale de la maladie à 500 000 cas par an.
En France, la brucellose est une maladie à déclaration obligatoire (23 cas déclarés en 2001) considérée comme maladie professionnelle chez les éleveurs, les vétérinaires, le personnel d’abattoir et de laboratoire, les bouchers et les bergers. La maladie est plus fréquente en milieu rural qu'en milieu urbain. En 2001, 4 cas étaient dus à une exposition professionnelle.
Les réservoirs bactériens
Ovins et caprins
Ovins et caprins sont contaminés par Brucella melitensis. C’est l’espèce de Brucella la plus courante, la plus pathogène et la plus invasive pour l’homme (80% des brucelloses humaines).
Bovins
La bactérie responsable de la maladie chez les bovins est Brucella abortus. On la trouve surtout en Afrique et en Amérique du Sud.
Suidés
La bactérie responsable de la maladie chez les suidés est Brucella suis. On la trouve surtout en Amérique du Nord et au centre de l’Europe.
Canidés
La bactérie responsable de la maladie chez les canidés est Brucella canis.
Transmission
Chez l’animal autre que l'Homme
Il existe une transmission directe qui est soit fœto-maternelle, soit génitale, soit digestive par absorption d’aliments contaminés (lait, placenta) et une transmission indirecte par l’environnement.
Chez l’Homme
La contamination directe représente 75% des cas. Elle peut s’effectuer par voie cutanée ou muqueuse (favorisée par des blessures ou des excoriations) lors de contacts avec des animaux malades, des carcasses, des produits d’avortement ou par contact accidentel avec des prélèvements dans un laboratoire. Elle peut aussi s’effectuer par ingestion de produits laitiers non pasteurisés ou de viande insuffisamment cuite.
La contamination indirecte (25% des cas) est réalisée par l’ingestion de crudités souillées par du fumier, par des mains sales, par de la poussière de litière, dans une étable vide.
La transmission interhumaine est exceptionnelle.
Symptomatologie
Chez l’animal
La maladie est souvent inapparente mais donne lieu à des atteintes de l’appareil génital avec avortement chez les femelles et lésions testiculaires chez les mâles. Il existe des formes latentes dans lesquelles les animaux excrètent la bactérie dans le lait.
Chez l’Homme
La brucellose est une maladie d’expression très polymorphe (« maladie aux cents visages ») de longue durée et évoluant par poussées successives.
Incubation
Elle correspond à la multiplication du germe dans le premier ganglion lymphatique rencontré. Cette période peut varier de 1 à 4 semaines.
La primo invasion
Cette phase est aussi appelée brucellose aiguë, infection généralisée avec état septicémique ou fièvre sudoro-algique. Elle correspond à la dissémination par voie sanguine du germe vers d’autres ganglions lymphatiques et vers les organes du système réticulo-endothélial (foie, rate, moelle osseuse, organes génitaux…) où leur position intra-cellulaire dans les globules blancs les met relativement à l'abri des défenses naturelles ou artificielles. Une fièvre ondulante est observée. La température du malade augmente par paliers de 0,5 °C jusqu’à 39 °C où elle se maintient pendant une quinzaine de jours pour redescendre graduellement. Chaque onde fébrile est séparée de la suivante par une période où la température se normalise pendant environ une semaine. Sans traitement, les ondes s’espacent de plus en plus jusqu’à leur disparition. Des sueurs abondantes sont présentes. Elles ont une odeur caractéristique de paille mouillée et sont surtout nocturnes. Il existe aussi un état de malaise avec courbatures, asthénie, douleurs mobiles.
L'examen clinique peut retrouver un gros foie (hépatomégalie, une grosse rate splénomégalie ou des adénopathies.
La brucellose focalisée secondaire et tardive
Cette phase survient 6 mois après la septicémie en l’absence de traitement ou lorsque celui-ci a été insuffisant. Il y a constitution de foyers infectieux isolés ou multiples. Ces foyers peuvent être ostéoarticulaires (75 %), neurologiques, hépatiques, génitaux ou cardiaques (mortels dans 80 % des cas).
La phase tertiaire ou chronique
Elle survient parfois après les deux premières phases mais elle peut être aussi inaugurale. Les manifestations sont une asthénie persistante avec troubles du caractère, douleurs musculaires, névralgies, douleurs ostéo-articulaires, sueur au moindre effort et fébricule. On parle de « patraquerie brucellienne ». Il s’agit d’une hypersensibilité retardée aux toxines secrétées par Brucella.
Le Diagnostic
Le diagnostic sérologique (dosage des anticorps spécifiques) est le plus fréquemment réalisé mais seul le diagnostic bactériologique par culture et isolement du germe apporte une certitude. Il existe pendant la phase de primo-invasion une baisse du nombre de polynucléaire neutrophiles sur la numération formule sanguine.
Diagnostic direct
C’est un diagnostic bactériologique par hémoculture ou par prélèvement au niveau des foyers infectieux. Il existe aussi un test de détection par amplification génique.
Diagnostic indirect
Il repose sur la sérologie. Plusieurs techniques existent : la séro-agglutination de Wright, la méthode de fixation du complément, la méthode du rose de Bengale, la méthode ELISA et l’intradermoréaction (IDR). Ces techniques visent à mettre en évidence des immunoglobulines spécifiquement dirigées contre Brucella.
Traitement
Les antibiotiques sont utilisés pour traiter la brucellose. Il est important de mettre en place un traitement rapide pour éviter une infection chronique. Comme Brucella est une bactérie intracellulaire, il faut utiliser des antibiotiques à la fois actifs sur la bactérie et pénétrant dans les cellules. On utilise les tétracyclines et la rifampicine souvent associées à la streptomycine au chloramphénicol et aux sulfamidés. Par exemple, l’OMS recommande rifampicine 600 mg/j et doxycycline 200 mg/j. Les traitements sont adaptés si le malade est une femme enceinte ou un jeune enfant.
Le traitement dure environ 6 semaines pour la brucellose en phase septique. En phase focalisée, le traitement dure de 2 à 4 mois car la majorité des bactéries est alors intracellulaire et donc plus difficile d’accès aux molécules. Enfin, pour la brucellose chronique, l’antibiothérapie est inutile car la bactérie est devenue inaccessible. On réalise un traitement symptomatique de l’asthénie, des douleurs et éventuellement une désensibilisation par antigéno-thérapie et une exérèse des foyers infectieux.
La mise en place précoce du traitement antibiotique permet de faire disparaître rapidement la fièvre ondulante de la phase aigüe et aussi de diminuer la fréquence des atteintes viscérales et ostéo-articulaires. Il existe cependant 3 à 4 % de rechutes après traitement.
Prévention
Le meilleur moyen d’éviter les cas de brucellose humaine est d’agir directement sur le réservoir animal afin d’éradiquer l’épizootie et donc la transmission à l’homme. Il existe en France une règlementation consistant en une surveillance régulière des troupeaux de bovins, ovins et caprins par dépistages sérologiques réguliers. Les animaux séropositifs sont abattus et en cas de troupeau très infecté, le directeur des services vétérinaires départementaux peut décider de l’abattage de la totalité du cheptel. La vaccination des animaux contre la brucellose est interdite en France car elle fausse le dépistage par sérodiagnostic (ce sont les anticorps vaccinaux qui sont décelés). Enfin, seule l’importation d’animaux issus de troupeaux reconnus indemnes est autorisée.
Chez l’Homme, la prévention est basée sur des règles d’hygiène et de sécurité :
- Port de gants et de masque pour les professionnels en contact avec des produits biologiques potentiellement infectés.
- Lavage des mains.
- Hygiène des étables.
- Hygiène des produits laitiers. Consommation de produits laitiers pasteurisés.
- Eviter la consommation de crudités en région endémique.
Il existe un vaccin préventif humain à base de germes tués qui n’est plus commercialisé depuis 1992 et un vaccin vivant atténué chez les animaux (Sa virulence relative ne permettait pas de l'employer chez l'homme).
La déclaration des cas humains de brucellose, obligatoire en France et au Québec, permet d’apprécier l’impact des programmes de contrôle de la brucellose animale.
Références
- (en) Wilkinson, Lise, The Cambridge World History of Human Disease, Cambridge University Press), 1993, « "Brucellosis" »
- http://maltesehistoryonline.com/wp-content/uploads/2009/11/wyatt-pages-4-19.pdf Brucellosis and the Maltese goats in the Mediterranean
- http://www.archive.org/details/LaSemaineDuClinicien-22Septembre1933-N38
Catégories :- Infection bactérienne
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