Bouddhisme mahāyāna

Bouddhisme mahāyāna
Avec le Mahāyanā, la Bouddhéité multiplie ses visages et ses moyens

Mahāyāna est un terme sanskrit ( महायान ) signifiant « grand véhicule » (chinois : 大乘, dàchéng ; japonais : 大乗, daijō ; vietnamien : Đại Thừa ; coréen : 대승, dae-seung). Le bouddhisme mahāyāna apparaît vers le début de lère commune dans le Nord de lInde et dans l'Empire kouchan, d il se répand rapidement au Tarim et en Chine, avant de se diffuser dans le reste de lExtrême-Orient. Le Vajrayāna, sa forme tantrique, apparaît en Inde avant le IVe siècle, pénètre au Tibet entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle, puis en Mongolie, et, via la Chine il laisse peu d'influences, en Corée et au Japon à partir du VIIIe siècle.

Sommaire

Caractéristiques

Voici les enseignements qui distinguent le Mahāyāna:

  • La doctrine de la vacuité, suivant les sūtras dits de la prajñāpāramitā, d' éclosent, principalement, les écoles philosophiques madhyamaka et yogācāra.
  • La quête de l'Éveil (non plus seulement du nirvāna) dans la motivation altruiste et universaliste de la bodhicitta, que développe le bodhisattva jusqu'à la bouddhéité complète. Pour cette raison le mahāyāna peut aussi être appelé bodhisattvayāna, l'on parcourt les dix ou treize bhumis, étapes de la voie bodhisattvique; ou encore pāramitāyāna l'on cultive les six pāramitās.
  • La reconnaissance et l'actualisation de la nature-de-bouddha présente en chacun, suivant les sūtras dits du tathāgatagarbha, développée en dialectique avec la doctrine du trikāya, le dharmakāya, «corps de réalité» des éveillés, est identifié à l'essence de tous les phénomènes manifestés. Cette perspective conduit aux enseignements et techniques du vajrayāna puis du mahāmudrā et du dzogchen.

Rapport au Hīnayāna

Le mahāyāna a très graduellement redéfini le bouddhisme dorigine, dont le theravāda actuel ou « doctrine des Anciens » est lhéritier, comme hīnayāna, « petit véhicule », terme un peu condescendant qui veut mettre en évidence le pouvoir salvateur limité à l'adepte lui-même de la pratique traditionnelle, en contraste avec l'idéal du bodhisattva prôné par le « grand véhicule », selon lequel l'adepte s'engage à délivrer, outre sa personne, tous les êtres.

Le nouveau bouddhisme ne sappuie pas seulement sur les écrits du Bouddha historique, mais aussi sur des textes postérieurs quil présente néanmoins comme dictés ou inspirés par Shākyamouni, et même d'autres bouddhas, ainsi que sur des exégèses et les écrits d'autres « maîtres ». Il ne rejette pas les écrits ou pratiques hīnayāna, mais prétend qu'ils correspondent aux besoins de pratiquants moins avancés.

Bien que le mot « schisme » soit couramment employé, jusqu'au VIIe siècle, les moines hīnayāna et mahāyāna pratiquent dans les mêmes monastères, suivant les mêmes règles, et ce dans l'ensemble de la sphère d'influence indienne ; la forme pratiquée est considérée comme un choix personnel.

Origines

Le courant mahāyāna émerge à partir du Ier siècle et saffirme au IIe siècle en Inde du Nord et dans lEmpire kouchan presque simultanément. Le processus exact de sa formation n'a pas encore été éclairci, bien quon retrouve des ressemblances doctrinales sur quelques points avec certaines écoles anciennes, ekavyavahārika, lokottaravādin et sautrantika en particulier ; des notions et pratiques issues des cultures non-indiennes ayant influencé le bouddhisme d'Asie centrale ont jouer un rôle.

Lécole madhyamaka fondée au IIe siècle par l'Indien Nāgārjuna st son disciple Aryadeva, dont linfluence sera très grande, est la première école proprement mahāyāna, suivie de l'école yogacāra fondée au IVe siècle par les Gandharais Asanga et Vasubandhu, disciples de Maitreyanātha.

Les premières occurrences des termes « mahāyāna » et « hinayāna » se trouvent dans le Sūtra du Lotus et la Prajñāpāramitā en 8000 strophes (Aṣṭasāhasrikā Prajñāpāramitā Sūtra), qui pourraient remonter au Ier siècle de notre ère, voire au Ier siècle avJ.‑C. pour le second.

Il ne faut pas confondre le mahāyāna qui apparaît au début de lère chrétienne avec la mahāsanghika, « grande communauté » partisane de réformes, jugée hérétique et poussée à la sécession par les traditionalistes sthaviravādin à une époque plus ancienne, variant selon les sources du concile de Vaisali (IVe siècle avJ.‑C.) au concile de Pāṭaliputra (IIIe siècle avJ.‑C.). Néanmoins, ces deux courants qui partagent le préfixe « grand » ont sans doute en commun de proposer une forme moins austère et plus accessible à un plus grand nombre. Une des versions du concile de Pāṭaliputra voit dans la mahāsanghika ceux qui contestent la perfection des arhats, une idée que lon retrouve dans la doctrine mahāyāna.

Hypothèse de Pierre Perrier

Pierre Perrier dans son ouvrage « Thomas fonde lEglise de Chine (6568 après Jésus-Christ) » sorti en 08/2008, veut démontrer que Thomas, apôtre de Jésus, est arrivé par la mer à Lianyungang, au Nord Est de la Chine, pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ en remontant le Huang He jusquà Chang'an à lOuest de la Chine[1]. Pierre Perrier voit Jésus dans le dieu auréolé vu en rêve par lempereur Mingdi en 64, anecdote relatée dans le Livre des Han postérieurs. Pour les auteurs du Livre des Han postérieurs, il s'agit du Bouddha, et Mingdi aurait fait venir d'Afghanistan à la suite du songe les deux premiers missionnaires bouddhistes.[réfnécessaire] Selon P. Perrier, Mingdi aurait fait graver son songe dans la falaise de Kong Wang, ces sculptures auraient été un véritable évangile sculpté dans la pierre[2]. Dans lannée qui suivra la parution du livre de Pierre Perrier, les autorités chinoises ont criblé au sable à très haute pression les bas reliefs de la falaise de Kong Wang, effaçant ainsi tout trace de limmense influence du christianisme de Saint Thomas sur le mahayana. P. Perrier pense aussi qu'un grand nombre de soutras traduits lors du Concile du Cachemire réuni sur ordre de lempereur kouchan Kanishka (127147) provenait de lenseignement de Thomas. Le Grand véhicule aurait selon lui incorporé un très grand nombre de dogmes chrétiens. Le Sutra du Lotus serait la reprise de lenseignement de Saint Thomas[réfnécessaire].

Diffusion

voir aussi : Histoire du bouddhisme et Bouddhisme dans le monde

Le mahāyāna connut au cours du premier millénaire de lère chrétienne une phase dexpansion qui le diffusa tout dabord en Asie centrale, puis dans tout lExtrême-Orient et en Asie du Sud-Est. La contre-réforme brahmanique en Inde et lexpansion de lIslam le firent reculer dès le VIIe siècle en Inde et en Asie centrale. En Asie du Sud-Est, il fut progressivement supplanté par le theravāda ; il y a presque disparu après le XVe siècle, à lexception de la diaspora chinoise et du Vietnam, plus influencé par le bouddhisme chinois.

De nos jours le « grand véhicule », formes tantriques comprises, domine numériquement le « petit ». Il est surtout présent en Inde du Nord, en Chine et dans le Sud-Est asiatique (Chan et Jingtu), en Corée (Son, notamment l'école Chogye), au Japon (Zen, Tendai, Nichiren, Terre pure, néobouddhisme). Le vajrayāna qui en est dérivé est présent au Japon (Shingon et certaines formes de Tendai), ainsi quau Tibet, dans les régions voisines (Ouest chinois, Bhoutan, Népal) et en Mongolie, sous forme de lamaïsme empreint d'hindouisme, de chamanisme et d'une magie propre aux peuples tibétains. La grande majorité des nouveaux bouddhistes issus de régions ce courant spirituel est d'introduction récente choisissent une forme mahāyāna, tantrique ou zen en général.

Enseignement

(bouddhistes)
Perfections
 
10 pāramī
dāna
sīla
nekkhamma
paññā
viriya
khanti
sacca
mettā
upekkhā
   
 6 pāramitā 
dāna
sīla
kṣānti
vīrya
dhyāna
prajñā
 
Les articles colorés sont dans les deux listes.

L'absence de nature propre (autrefois limitée à la personnalité) s'étend dans le Mahāyāna à tous les phénomènes. Nāgārjuna ira jusqu'à affirmer que le saṃsāra et le nirvāna sont comme « les deux côtés d'une assiette (ou d'une pièce) ».

Fortement inspirés de l'hindouisme, les préceptes du mahāyāna réintroduisent des idées écartées par le Bouddha, le salut par la dévotion, le ritualisme ou la présence de déités (yidam), parfois absorbées par syncrétisme à partir d'autres religions, comme le taoïsme ou le shintoïsme. À la rigueur et la discipline personnelle du « Petit Véhicule » (telle est l'expression péjorative des tenants du mahāyāna), le « Grand Véhicule » oppose la compassion (karuna) et l'intercession par les bodhisattvas, dont la sagesse personnelle est utilisée pour venir en aide à autrui, par le biais du transfert de mérites (parinama). En effet, alors que dans la doctrine des anciens le but ultime, pour chacun, est de devenir soi-même un arhat, dans le mahāyāna le développement de la bodhicitta et la pratique du bodhisattva ont préséance. En plus de la prise de refuge, le mahāyāniste peut prononcer des vœux de boddhisattva (pranidhana) il sengage à œuvrer après son illumination à la salvation de tous les êtres jusquau dernier.

Les laïcs peuvent accéder au nirvāna, à condition qu'ils pratiquent en développant avec foi la bienveillance et la compassion envers autrui, et effectuent quotidiennement les exercices de yoga enseignés par leurs guides spirituels. La notion de tathāgatagarbha, « embryon dêtre-en-soi » ou « embryon de bouddha », qui serait universellement présent chez les êtres sensibles, conforte cette pratique.

Le Bouddha, personnage historique, devient dans la doctrine des trois corps l'émanation d'un bouddha cosmique comme peut l'être Vairocana, une divinité panthéiste et syncrétique englobant en son sein les anciennes divinités. Ces déités représentent des qualités vers lesquelles doit tendre le pratiquant, le but étant de développer les causes qui vont permettre d'élargir sa conscience et d'établir l'être dans des actes libérateurs de l'attachement au concept du moi.

Il existe différentes façons d'aborder le bouddhisme. Les études de sociologie religieuse semblent indiquer que les pratiquants du mahāyāna, particulièrement les laïques, le considèrent en général comme une religion. Par ailleurs, de par sa large diffusion et son appel universel, le mahāyāna a donné naissance à de nombreuses formes mixtes, mélanges de religion locale et de bouddhisme, parfois appelées « bouddhisme populaire ».

Textes

Les sūtras mahāyāna sont très nombreux. Certains (Sūtra du Diamant et Sūtra du Cœur notamment), sont récités quotidiennement dans de grandes parties du monde bouddhiste. D'autres sont plus spécifiquement liés à une école.

Les plus anciennes versions à nous être parvenues sont les traductions chinoises que le moine Lokaksema fit entre 178 et 189 à Luoyang, en particulier le Pratyutpanna Sūtra qui introduit le bouddha Amitābha et les Prajñāpāramitā Sūtras dont font partie le Sūtra du Cœur et le Sūtra du Diamant[3].

Selon certaines sources, un travail de traduction de sūtras du gandhari en sanscrit sétendant sur 12 ans aurait été entrepris sous le règne de Kanishka Ier (127-147) dans lEmpire kouchan lors dun concile.

La tradition mahāyāna préconise que Gautama Bouddha a dispensé son enseignement selon les différents degrés davancement spirituel de ses disciples. Selon cette perspective, les sūtras hīnayāna, dits « de la première mise en mouvement de la roue de l'enseignement » (premier exposé de la doctrine prononcé au Parc aux daims), sont destinés à un auditoire moins avancé. C'est plus tard, au Pic des vautours, qu'il aurait débuté l'enseignement des textes « de la deuxième mise en mouvement de la roue de l'enseignement  », destinés aux disciples les plus avancés. Néanmoins, lécole Huayan présente le Sūtra Avatamsaka sur lequel elle sappuie comme le premier dicté par le Bouddha juste après son éveil. Certains considèrent les sûtras dans lesquels le concept de tathāgatagarbha tient une place importante (ex: Sūtra Lankāvatāra) comme relevant d'une « troisième mise en mouvement de la roue de l'enseignement». Le vajrayāna reconnaît limportance des sūtras mahāyānas mais fait surtout appel aux tantras considérés comme plus efficaces.

Quelques textes importants

Bien que composés selon les historiens dans les premiers siècles de notre ère, ces sûtras contiennent bien lenseignement du bouddha :

  • Sūtras tirés du plus ancien corpus mahāyāna, la littérature Prajñāpāramitā insistant sur la notion de Śūnyatā
    • Le Sūtra du Cœur, concis et condensé, est probablement le texte bouddhique le plus connu.
    • Le Sūtra du Diamant, destiné aux mahāyānistes avancés, traite la nature de Bouddha.
  • Le Sūtra du Lotus, écriture importante de certaines écoles chinoises (Tiantai) et japonaises (Tendai, Nichiren), considéré par ces écoles comme le dernier dicté par le Bouddha, summum de son enseignement.
  • Le Sūtra de l'Ornementation Fleurie (Avatamsaka Sūtra), écriture de référence des écoles Huayan (Chine) et Kegon (Japon), qui le considèrent comme le premier témoignage du Bouddha juste après son éveil, donc le plus précieux ; il sagit dun ouvrage composite dont certaines sections sont à lorigine des textes indépendants, comme le Sûtra des Dix Terres (Dashabhumikasūtra).
  • Le Sūtra Mahāparinirvāna, un des textes qui expose la présence universelle chez les êtres vivants de la nature de bouddha tathāgatagarbha
  • Le Sūtra Shūrangama, bien connu des bouddhistes chinois en général et de l'école Chan en particulier.
  • Le Sūtra Lankāvatāra, sûtra de référence de la première école Chan.
  • L'Enseignement de Vimalakirti (Vimalakirtinirdesasutra), contient à la fois lenseignement du Bouddha et celui de Vimalakirti, un laïque à la sagesse exemplaire.
  • Le "Sutra de la lumière dorée" [4]

Les deux textes de base de lécole Shingon sont à la fois des sûtras et des tantras :

Textes dautres maîtres :

Branches

Conclusion

Longtemps cantonnés dans des espaces géographiques différents, le mahāyāna et l'école des anciens sont parfois à nouveau en confrontation. Pour le théravāda, la primauté historique est un gage d'orthodoxie envers l'enseignement du bouddha, les changements du mahāyāna étant perçu comme une dénaturation du message originel. Pour les partisans du mahāyāna, le qualificatif hinayāna désigne dans leurs enseignements une spiritualité sèche ou une recherche tournée vers sa seule réalisation personnelle, ce qui selon eux va à l'encontre du but recherché.

Notes et références

  1. The Jesus Petroglyph Thomas, an Apostle of Christ arrived in Lianyungang at the mouth of the Yellow River in China during the years 65-68 C.E.
  2. China Evangelization There is thus a strong possibility that the two figures of Kong Wang represent the Apostle himself with, at his side, his acolyte-interpreter.
  3. Lokaksema ne traduisit que le premier fragment de l'ensemble Prajñāpāramitā, Pratique de la Prajñāpāramitā, en chinois Daoxing bore jing (道行般若經)
  4. http://www.fpmt.org/sutras/golden-light-sutra/download.html
  5. Nāgārjuna
  6. Asaṅga, traduction Étienne Lamotte

Bibliographie

Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme [détail des éditions]

  • Philippe Cornu, Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, nouvelle édition augmentée, Seuil, 2006.
  • Jean-Marc Vivenza, Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité, Albin-Michel, 2001.
  • Shinjo Ito, Shinjo: Reflections, Somerset Hall Press, 2009.

Voir aussi

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