Jainisme

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Jaïnisme

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Une statue de Tirthankara

Le jaïnisme, ou jinisme, du sanskrit Jina « vainqueur »[1], est une religion (en précisant que le mot religion se traduit en Inde par dharma, un mot largement polysémique qui signifie autant « foi », « religion », « vertu » que « devoir », « nature propre », « bonne action »...), un chemin spirituel qui insiste sur les concepts d'ahimsa (non-violence) et de karma et qui met l'accent sur l'ascétisme. Il ne commence pas, à l'image du bouddhisme, comme un mouvement de réforme à l'intérieur de l'hindouisme, car c'est une religion traditionnelle qui vient de la plus haute antiquité, mais devient une religion d'importance au cours du VIe siècle av. J.-C.. Avec seulement 4 millions de croyants, le jaïnisme est la plus petite des 10 religions principales du monde, mais en Inde, les jaïns sont surreprésentés dans les secteurs économique et politique.

C'est la rigueur avec laquelle les adeptes suivent les préceptes du jaïnisme, et l'éthique qui en découle, qui leur a donné une surreprésentation dans les milieux politiques et des affaires au sein de la communauté indienne. Le temple d'Anvers à Wilrijk est le plus grand temple jaïn érigé en dehors de l'Inde. Il a été entièrement financé par les riches familles indiennes jaïnes actives dans le commerce diamantaire anversois. Il existe d'autres temples jaïns en dehors de l'Inde, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Sommaire

La philosophie jaïne

Le jaïnisme partage de nombreuses et apparentes ressemblances avec l'hindouisme et le bouddhisme, mais il doit en être cependant différencié. Par respect du principe de non-violence, il va au-delà du simple végétarisme : La pratique alimentaire jaïne exclut la plupart des racines, car l'on pourrait causer du mal à un animal en les déterrant, et certains autres aliments considérés comme nuisibles ; l'ail et l'oignon présumés aphrodisiaques.

Les ascètes et les pieux laïques jaïns ne mangent pas, ne boivent pas ou ne voyagent pas après le coucher du soleil et ne se lèvent pas avant le lever du soleil, toujours pour éviter de blesser un être vivant par manque de lumière ou à cause des lampes, des bougies, etc. qui pourraient brûler les insectes attirés par leur lumière dans la nuit.

Selon le jaïnisme, l'univers n'a pas été créé, et ne cessera jamais d'exister. Il est éternel mais non inchangé, car il traverse une série continue de périodes d'ascensions et de déclins. Chaque période est divisée en six phases. Le monde serait actuellement selon cette optique, dans la cinquième période d'une phase de déclin (à rapprocher de la Kali-Yuga des hindouistes).

Quand il aura atteint sa phase de déclin la plus basse (la sixième), le jaïnisme lui-même disparaîtra complètement. Puis, au cours de la suivante, il sera redécouvert et réintroduit par de nouveaux chefs spirituels appelés Tîrthankaras (en sanscrit « les faiseurs de gué ») qui permet aux âmes de franchir leurs transmigrations successives (samsâra) et d'atteindre ainsi pour toujours leur libération (moksha).

Dans chacune de ces longues périodes —qui font penser au jour de Brahma des hindouistes—, il y a toujours vingt-quatre Tîrthankaras. Dans l'ère actuelle du monde, le vingt-troisième a été Pârshavanâtha, un ascète et prophète, qui aurait vécu vers 850 - 800 av. J.-C.. Il fut un réformateur qui réclama un retour à la croyance et aux pratiques de leur tradition religieuse originale. Le vingt-quatrième et dernier Tirthankara de cet ère est connu par son titre, (Mahâvîra, le « grand héros » (599 - 527 av. J.-C.). Ce fut aussi un maître spirituel errant qui a rappelé les Jaïns à la pratique rigoureuse de leur foi antique.

Les Jaïns croient que la réalité est composée de deux principes éternels, le jîva et l'ajîva. Le jîva est constitué d'un nombre infini d'unités spirituelles identiques ou âmes ; l'ajîva (c'est-à-dire, le « non-jîva ») ou pudgala c'est la matière sous toutes ses formes et conditions que sont : kâla (le temps), âkâsha (l'espace), dharma (le principe du mouvement) et adharma (le principe du repos).

Jîva et pudgala sont éternels ; ils ne sont pas venus à l'existence et ne cesseront jamais d'exister. Le monde entier est constitué de jîvas emprisonnés dans de l'ajîva ; Il y a des jivâs incorporés dans l'air, la terre, l'eau, le feu, les plantes, les insectes, les animaux, les êtres humains, les êtres célestes et les êtres infernaux.

Tout contact quelconque du jîva avec le pudgala engendre la souffrance. Ainsi les Jaïns croient que l'existence en ce monde signifie inévitablement la souffrance. Ni les réformes sociales, ni la réforme des individus ne pourront jamais faire cesser la souffrance. Dans chaque être humain, un jîva est emprisonné, et ce jîva souffre en raison de son contact avec l'ajîva. La seule manière d'échapper à la douleur est pour le jîva (l'âme) de se libérer complètement de l'existence humaine.

Le karma maintient le jîva emprisonné dans l'ajîva. La libération de l'état humain est difficile. Les Jaïns croient que le jîva continue à souffrir pendant toutes ses vies ou réincarnations, qui sont d'un nombre indéfini. Ils pensent que chaque action effectuée par une personne, qu'elle soit bonne ou mauvaise, ouvre les canaux des sens (vue, ouïe, toucher, goût et odorat), par lesquels une substance invisible, le karma, s'infiltre à l'intérieur et adhère au jîva, déterminant les conditions de sa prochaine réincarnation.

La conséquence des actions mauvaises est un karma mauvais, qui tire le jîva vers le bas, l'entraînant vers une nouvelle vie de condition inférieure sur l'échelle des existences. La conséquence des bonnes actions est un bon karma, qui permet au jîva de monter dans sa prochaine vie à un niveau plus élevé dans l'échelle des existences, là où il y a moins de souffrances à supporter. Cependant, les bonnes actions ne peuvent pas seules mener à la libération.

La libération — ou moksha— s'obtient par le retrait du monde. Le karma est le mécanisme de cause à effet en vertu duquel toutes les actions ont des conséquences auxquelles on ne peut se soustraire. Le karma a pour résultat de maintenir le jîva dans une suite ininterrompue d'existences durant lesquelles il va souffrir jusqu'à un certain degré. Ainsi, la libération du cycle des transmigrations implique le rejet du karma, la destruction de celui existant et l'évitement de la constitution de nouveau.

Au moment d'une mort sans karma pour le tirer le jîva vers le bas, ce dernier flotte, exempt de tout pudgala, libéré de la condition humaine, exempt de toutes futures réincarnations. Il s'élève au-dessus de l'univers dans un endroit appelé Siddhashila, où identique à tous les autres jîvas purs, il peut enfin éprouver sa vraie nature dans un calme éternel, dans un bonheur parfait. Il est alors totalement pur et libéré. La manière d'effacer le karma acquis consiste à se retirer du monde autant que faire se peut, et de fermer le canal des sens et de l'esprit pour empêcher toute matière karmique d'entrer et d'adhérer au jîva.

La société des Jaïns est aussi duale que leur univers, où tout est néanmoins interdépendant. D'une part, il y a les moines et les nonnes qui pratiquent l'ascétisme et tâchent de faire de leur vie en ce monde la dernière. D'autre part, il y a les laïcs qui poursuivent des pratiques moins rigoureuses, mais toujours selon le même code moral commun avec les ascètes, en s'efforçant de faire de bonnes actions et en espérant une meilleure incarnation dans la vie suivante. Les règles de conduite jaïnes ont été instituées de façon que toute personne puisse les suivre. Celles des laïcs sont moins rigides que celles des ascètes, parce que les laïcs ne renoncent pas aux activités du monde. La modération est la règle pour le laïc, en ce qui concerne l'observation des vœux, alors que leur rigueur est extrême pour l'ascète. La raison évidente de cette différence vient de ce que les laïcs doivent assurer leurs moyens d'existence et ceux des ascètes, s'occuper de leur famille et s'adapter aux conditions, sociales et politiques, de la société dans laquelle ils vivent. Les ascètes n'ont pas ces contraintes. Ils abandonnent tout, avec pour seul but de suivre la voie spirituelle. Ils doivent observer les vœux de façon très rigoureuse en contrôlant en permanence leurs sens et en dominant leurs passions, grâce aux enseignements religieux et à la discipline spirituelle. Toutefois, en raison de l'éthique « stricte » consubstantielle au jaïnisme, les laïcs (hommes et femmes) doivent normalement choisir une profession et un mode de vie compatible avec leur foi, les métiers non-violents, tels certains du commerce, ou de l'enseignement, sont majoritairement choisis.

Dans leurs efforts d'atteindre le but le plus élevé qu'est le retrait permanent du jîva de toute souillure due à la matière karmique, les Jaïns ne croient pas qu'un esprit ou un être divin peut les aider de quelque façon que ce soit. Ils considèrent que les dieux (devas) peuvent influencer les évènements de ce monde mais qu'ils ne peuvent pas aider les jîvas à obtenir leur libération. Celle-ci ne peut être réalisée que par les efforts soutenus de chaque individu. En fait, les dieux ne peuvent obtenir leur propre libération qu'à la condition d'avoir été au préalable réincarnés sous forme d'êtres humains et d'avoir suivi la vie difficile des ascètes jaïns.

Pârshvanâtha, le 23e et avant-dernier Tîrthankara, reconnaissable aux serpents qui le protègent, au-dessus de sa tête (sept au minimum)

Code moral jaïn

Le code moral du jaïnisme est considéré particulièrement sérieux. Il est exprimé dans les vœux suivis par les laïcs dits petits voeux (anuvratas) et par les ascètes dits grands voeux (mahâvratas).

Refus de la violence (ahimsâ)
La violence est définie comme une atteinte à ce qui vit, par un manque de soin ou d'attention, mais son sens n'est pas limité à cela. Il est sûr que de blesser, d'attacher, de faire du mal, d'exploiter ceux qui travaillent, de surcharger, d'affamer ou de ne pas nourrir quand il le faut, constituent des formes de violence et, comme telles, doivent être bannies.
Refus du mensonge (satya)
En termes simples, c'est dire des paroles qui font du tort, mais le sens est beaucoup plus large. Ainsi, les fausses doctrines, la révélation des secrets, la déformation d'autres, la médisance, la confection de faux documents, les manquements à la vérité, sont aussi considérés comme des mensonges et, par conséquent, on doit s'en abstenir. Toutefois il ne s'agit pas de l'«impératif catégorique » kantien car au nom de la non-violence (pour protéger un voleur qui risque la peine de mort, pour éviter qu'un animal, un homme soit tué ou blessé par exemple), on peut « mentir » : « ahimsâ paramo dharma », « la non-violence est la première des religions (des devoirs) » est une devise jaïne.
Refus du vol (asteya)
Voler, c'est prendre ce qui n'est pas donné, mais un sens large est attribué à ce mot. C'est pourquoi, la communication d'information sur la façon de commettre un vol, l'acceptation de choses volées, le non-respect des injonctions légales en vendant des choses à un prix excessif, la falsification et la conservation de faux poids et de fausses mesures, sont tenus pour des formes de vol dont on doit se garder.
Refus de l'impureté (brahmacharya)
Le manque de pureté est une faute qui peut prendre des formes diverses. Ainsi, la marieuse qui provoque des mariages comme passe-temps, le jouisseur de plaisirs contre nature (pédophilie, zoophilie, etc...), l'amateur de paroles voluptueuses, le coureur de femmes mariées, ou non mariées immorales, commettent cette faute qui doit être proscrite.
Refus de l'attachement aux biens terrestres (aparigraha)
L'attachement aux choses du monde (parigraha) consiste à désirer plus que ce dont on a besoin. Ainsi, l'accumulation de choses, même nécessaires, en grand nombre, l'émerveillement devant la richesse des autres, l'avidité excessive, la transgression des limites des possessions et l'augmentation de celles existantes sont des fautes à ne pas commettre.

On peut noter que le cinquième vœu est particulier, car il vise indirectement l'égalité économique, en empêchant l'accumulation de richesses par les individus. En effet, dans ce vœu, il est prescrit au laïc de se fixer une limite maximum de biens et de ne la dépasser, sous aucun prétexte. S'il lui arrive de gagner plus que la limite qu'il s'est fixée, il lui est recommandé de le dépenser en actes charitables, dont les meilleures formes sont au nombre de quatre : le don de médicaments, la diffusion de son savoir, la fourniture de moyens pour sauver la vie des personnes en danger et de nourriture à ceux qui ont faim ou qui sont pauvres.

Pour les laïcs, le couple jaïn doit pratiquer la fidélité absolue à son conjoint. Les célibataires eux doivent observer la chasteté. Pour les ascètes (moines et nonnes), le vœu de pureté signifie le célibat absolu et l'absence de toute pratique sexuelle. La non-violence implique entre autres choses le végétarisme). Certains jaïns se seraient laissés mourir de faim afin d'éviter de nuire à quelque créature vivante que ce soit. En fait, le jeûne est souvent pratiqué par les adeptes, notamment lors des diverses fêtes religieuses. Certains ascètes portent un tissu devant leur bouche et leur nez afin d'éviter de tuer, en les respirant, de petits insectes. Gandhi a été profondément influencé par la façon de vivre jaïne, paisible et respectueuse de la vie, et il en a fait une partie intégrante de sa propre philosophie. Son premier maître spirituel (Gurû) a été un ascète jaïn, Shrimad Rajchandra.

Le schisme

Les deux sectes principales du jaïnisme trouvent leur origine dans des évènements qui se sont produits environ 200 ans après la mort de Mahâvîra. À cette époque, Bhadrabahu, le chef spirituel des moines jaïns, avait prévu une période de famine de douze années et, afin de l'éviter, il avait conduit tous ceux qui avaient accepté de le suivre, aussi bien ascètes que laïcs, dans le sud de l'Inde. Après que la famine eut disparu, Bhadrabahu retourna au nord et constata que, durant son absence, la vie monastique s'était corrompue. Les moines portaient de longues robes blanches au lieu d'aller « habillés de ciel », ou « d'espace », c' est-à-dire nus comme prescrit par Mahâvîra. La pratique de la nudité était, et est toujours actuellement, un refus d'accéder au désir de confort du corps, et surtout une marque de détachement absolu du monde. Cette nudité complète est suivie seulement par les moines jaïns digambaras, jamais par les moines jaïns shvetambaras,par les nonnes et par les laïcs.

Bhadrabahu s'opposa avec force à la faiblesse qui avait conduit les moines à porter des habits. Les moines qui continuèrent à porter des robes blanches prirent le nom de Svetâmbaras (« vêtus de blanc ») tandis que ceux qui continuèrent à ne rien porter se nommèrent Digambaras (« vêtus de ciel » ou « vêtus d'espace »). Les deux groupes ascétiques sont demeurés séparés à ce jour. Toutefois, du point de vue de l'essence même du jaïnisme, les différences sont minimes.

Article détaillé : Divisions dans le Jaïnisme.

Notes et références

  1. musique: [1]

Annexes

Articles connexes

Dix-huit sources de péchés dans le jaïnisme

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Voir sur Wikisource : Jaïnisme.

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Liens externes

Bibliographie

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  • Pierre P. Amiel B.A.-BA Jaïnisme Editions Pardès (2008) ISBN 9 782867 144110
  • Dayanand Bhargave, Jaïna Ethics.
  • Colette Caillat, Les Expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna (1965) Editions De Boccard
  • C. et Kumar Caillat, La Cosmologie jaïna(1981) Chêne/Hachette
  • Bool Chand, Mahâvîra, le Grand Héros des Jaïns Maisonneuve et Larose (1998)ISBN 2-7068-1326-1
  • A. Chakravarti, The Religion of Ahimsâ.
  • A. Guérinot, La Religion Djaïna, Paul Geuthner, (1926), ASIN : B0000DY141.
  • P. Letty-Mourroux, Une nouvelle approche du Jaïnisme.
  • P. Letty-Mourroux, Cosmologie Numérique Teerthankara.
  • J.P. Reymond, L'Inde des Jaïns.
  • N. Tiffen, Le Jaïnisme en Inde, Weber, Genève, (1990), ISBN : 7047440631.
  • Vilas Adinath Sangave, Le Jaïnisme, Maisnie, Tredaniel, (1999), ISBN : 2844450784.
  • N. Shanta, La Voie jaina, Œil, (1990), ISBN : 2868390269.
  • Collectif, Religions & Histoire n° 21, juillet-août 2008, Le jaïnisme, religion indienne de la non-violence, Dijon, Editions Faton, 2008.
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