Tantrisme

Tantrisme

Le tantrisme ou tantra désigne un ensemble de textes, de doctrines, de rituels et de méthodes initiatiques qui ont pénétré de façon diffuse la plupart des branches de l'hindouisme[1], et dont la définition exacte ainsi qu'une origine historique restent un sujet de discussion parmi les spécialistes occidentaux[2]. Il s'exprime dans des textes ou tantra (तन्त्र en sanskrit devanāgarī, « trame », « chaîne », d'un tissu et, au figuré, se déroule en s'enchaînant) révélés, selon la légende, par Shiva Lui-même[3]spécialement pour l'homme déchu du dernier âge, selon la cosmologie de l'Hindouisme.

À partir du VIe siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahâyâna et dans le bouddhisme vajrayāna (bouddhisme adamantin ou bouddhisme de diamant, aussi nommé bouddhisme tantrique) pratiqué principalement au Tibet, en Mongolie et au Japon[4].

Dans l'hindouisme, le mot tantra désigne : « 1) le tissage ; 2) les écritures sacrées de l'hindouisme, présentées comme un dialogue entre Shiva et sa Shakti (parèdre et puissance de manifestation et d'action du divin, représentée comme une déesse) » ; « tantrisme » désigne « les disciplines spirituelles reposant sur le pouvoir-conscience (shakti) conçu comme la mère divine[5] ».

Sommaire

Naissance du tantrisme

Ce qu'on désigne généralement sous le terme "tantrisme" est considéré comme ayant une origine fort ancienne qui en a précédé l'expression écrite formelle, laquelle date, pour les premiers documents connus, par exemple les textes de l'école des Kapalikas, du Ve ou VIe siècle ap. J.-C.[6].

Lingam et yoni

Doctrine

Arthanariswara : Shiva androgyne

D'après la doctrine tantrique, fortement marquée par le mysticisme, il existe une identité absolue entre l'esprit et la matière, le microcosme et le macrocosme, le soi et le monde, l'âme individuelle (jivātman) et l'âme universelle (paramātman). Le paramātman est conçu comme le fondement de tout, unité indivisible, transcendante et éternelle qui se manifeste sous une forme androgyne. Cette forme a en soi un principe masculin statique et un principe féminin dynamique, lesquels, en s'intégrant l'un à l'autre, créent continuellement la vie. Le purusha, le principe créatif masculin, l'esprit, et la prakriti, la nature matérielle, identifiés avec Shiva et Shakti, constituent les deux aspects de l'un originaire, symbolisé par le lingam (« phallus », littéralement « signe ») et la yoni (« ventre maternel », « vagin », littéralement, « lieu »). De l'union de ces deux principes jaillit le monde et naît la vie.

L'union des deux sexes élimine la polarité des contraires et conduit à l'indivisible originel qui précéda la création. Le dépassement de tout dualisme, qui coïncide avec la libération ultime, est obtenu à travers des rites et des formes de méditation particulières. Au centre du culte tantrique se trouvent des rites de nature ésotérique porteurs de fortes connotations magico-symboliques. Des positions spécifiques des mains (mudrâ) expriment la tension de tout l'être sur le divin. Le nyâsa, rite qui consiste à toucher certaines parties du corps pour les identifier à la divinité, symbolise l'entrée de l'influx divin dans le corps du fidèle. Mudrâ ernb nyâsa s'accompagnent de la récitation de bîja (formules monosyllabiques) et de mantra (formules polysyllabiques), censées doter d'un pouvoir surnaturel. Chaque disciple reçoit de son guru un mantra personnalisé ; le plus récité, pour la puissance de son pouvoir est le son Om (A-U-M). Les diagrammes mystiques ronds ou polygonaux, aux schémas très complexes, représentent d'autres instruments de méditation. Les mandala (« cercles de méditation ») sont le support de représentations symboliques de l'univers. La structure en lignes et en cercles concentriques des yantra représente la convergence du multiple dans l'Un absolu. La pûjâ est une cérémonie de vénération très importante dans le tantrisme teinté d'érotisme. À travers l'acte sexuel, les fidèles célèbrent le moment de la création et, atteignant une parfaite maîtrise des forces surhumaines du cosmos qui se manifestent à travers leur corps, ils permettent l'union de l'âme individuelle (jîvâtman) avec l'Absolu suprême (Paramâtman).

Les tantra sont rédigés sous forme de dialogues entre les divinités masculines et leurs shakti (leurs aspects féminins). Ils contiennent également des indications sur les préceptes moraux, les rites et les instruments de méditation.

Les tantra

Étymologie du mot

Le mot tantra est composé de deux mots sanskrits :

  1. tanoti (expansion)
  2. trayati (libération)

C'est donc « la science de l'expansion de la conscience et de la libération de l'énergie » - swâmî Satyananda.

Dans ces acceptions modernes, tantra signifie : fil, continuité, chaîne de tissage d'un tissu, succession, méthode, règle, traité, logiciel.

« Le mot tantra a de nombreux sens : un métier à tisser, la chaîne d'un tissu, la part essentielle, les traits caractéristiques, structure, doctrine, règle, etc. Bien sûr, vous pouvez prendre les deux significations doctrine et point essentiel pour traduire le mot tantra. Néanmoins, il y a une autre façon de le traduire. Écoute bien : tantra est dérivé de la racine verbale tan (étendre, prolonger). Ainsi, le mot tantra peut signifier cette doctrine dans laquelle quelques enseignements sont prolongés ou développés. »

— Gabriel Pradiipaka

Origine et significations

Tantra est un terme appliqué à un système métaphysique pratique originaire de la région himalayo-indienne. Dans ce système on considère comme base de l'univers deux principes symbolisés par le couple masculin et féminin. Le tantra traditionnel est une « voie de transformation intégrale de l'être humain », qui passe par le corps et les cinq sens.

Les tantra sont des textes qui se veulent être la continuation des véda. Les véda sont des formules de liturgie et de rituel qui apparaissent en Inde entre 1500-1000 av. J.-C. et qui remontent à une tradition peut-être plus lointaine. Elles ne furent pas transcrites avant le huitième siècle avant notre ère. De ces textes liturgiques et de rituels sont issus de nombreux commentaires.

Les tantra, sans rejeter la sagesse ancienne, se présentent eux-mêmes comme l'enseignement ultime offrant la connaissance du monde et les pratiques les plus pointues dans le domaine de la spiritualité.

Émergeant dans la vallée de l’Indus, à une date sur laquelle les spécialistes ne peuvent se mettre d'accord, cette métaphysique repose sur deux principes : une « présence » omnisciente et une « action de prise de conscience ». Les deux principes sont symbolisés respectivement par Shiva et par Shakti qui, bien que portant des noms venant de l'hindouisme, ne sont pas assimilés à ces dieux. De nos jours, par ignorance, on donne le nom de « tantra » à des pratiques thérapeutiques sexologiques, souvent très éloignées de l'esprit du tantrisme originel. Le tantrisme a souffert d'une approche New Age, on a trop voulu voir « une ritualisation de la sexualité, alors que c'est la sexualisation du rituel » (cf. introduction de Gordon White David, Kiss of the Yogini).

Hindouisme tantrique

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Pour l'hindouisme, tantra (तन्त्र) signifie : "règle, méthode, traité". C'est un chemin de raja yoga par sa nature complète ainsi qu'un chemin de kriya yoga par son aspect technique. Le yoga tantrique est la forme prédominante de raja yoga existant en Inde depuis les temps les plus reculés. Il utilise les huit branches de l'ashtânga-yoga de Patañjali en plus de ses aspects et pratiques spécifiques.

Il existe deux types de tantra-yoga :

  1. daksinācāra, tantra de la main droite, aussi appelé tantra blanc, où sont pratiqués : les mantra (brèves formules sacrées d'invocation), les yantra (figures géométriques), la visualisation, la méditation assise, les yogas de posture, la dévotion à travers diverses formes de vénération des temples et observant la voie de la renonciation.
  2. vāmācāra, tantra de la voie de la main gauche, aussi appelé tantra rouge, utilise (aux yeux du profane) des offrandes jugées impures.

Dans le tantra se trouve la description la plus précise qui soit faite du corps subtil, de ses centres d'énergie (chakra) et des forces supérieures telles que la kundalinî agissant à travers eux. Le kundalinî-yoga fait partie du tantra.

Voici quelques auteurs majeurs : Vasugupta, Abhinavagupta, Gaudapâda

Bouddhisme tantrique

Article détaillé : Bouddhisme vajrayāna.

Il s'est développé un tantrisme propre au bouddhisme, qui semble émerger entre le IIIe siècle et le IVe siècle, sur des fondements hindouistes [réf. nécessaire]. Dans le nord de l'Inde, à Nalanda et à Vikramashila, sont développés la théorie, les différents rituels et les mandalas. Le corpus sanskrit est complet au VIIe siècle et commence alors à pénétrer au Tibet à travers différents maîtres indiens, népalais ou afghans, dont le premier est Padmasambhava (VIIIe siècle). Le relais est bientôt pris par des Tibétains ayant étudié en Inde ou au Népal, qui deviendront maîtres et traducteurs. En 714, il gagne aussi l’Asie du Sud-Est et la Chine avec l'arrivée de Shubhakarasimha 637-735 puis de Vajrabodhi et Amoghavajra en 719. Suite aux persécutions, il disparaitra de ce pays en tant que tradition propre et continuera par contre au Japon par l’intermédiaire de moines comme Kukai élève de Huiguo qui fondera le bouddhisme Shingon.

Le terme tantra est dans le bouddhisme interprété comme « continuité  » (tib. rgyud)[7]. Une interprétation alternative comme « intégration [des différents aspects et processus de la personnalité] » a été proposée par Rongzom Chokyi Zangpo (Nyingma, XIe siècle). L’objectif de la pratique est comme dans l’ensemble du bouddhisme mahayana le développement de la sagesse et de la compassion, la destruction de l’ignorance et la parfaite compréhension de la vacuité transcendant samsara et nirvana. Les déités ne sont pas comme dans l’hindouisme des êtres ayant une nature propre ; elles sont plus nombreuses et propres au bouddhisme pour la plupart. L’exégèse des tantras repose sur la philosophie bouddhique[8].

Selon la tradition vajrayana, les tantras proviennent tout comme les sutras directement du Bouddha Shakyamuni. Il les aurait transmis sous d’autres formes que sa forme historique, éventuellement en se dédoublant. Ainsi, au moment où il anéantissait les efforts de Mara, il aurait enseigné sur un autre plan à des êtres des tantra comme celui de Tandrin (Hayagriva)[réf. nécessaire]. Alors que sous sa forme terrestre il donnait le sermon du mont des Vautours, il aurait transmis le Tantra de Kalachakra, conservé durant plusieurs siècles dans le monde de Shambhala. De grands accomplis (sansk.: Mahāsiddhas) auraient eu une perception directe des déités tantriques, et composèrent des cycles d'enseignement[9] qui auraient ensuite été diffusés de maître à disciple de façon secrète.

Les textes tantriques sont la base du tantrayana, présenté comme relevant d’un niveau supérieur aux pratiques s’appuyant seulement sur les soutras hinayana et mahayana. Le tantrayana est un yoga censé éveiller plus rapidement la conscience subtile chez les personnes karmiquement prédisposées, et doit être pratiqué avec un guru après en avoir reçu une transmission de pouvoir aussi nommée initiation. L’éveil est atteint à travers un processus faisant appel à des visualisations de déités (yidam) dans leur univers (mandala), auxquelles le pratiquant s’identifie pour réaliser finalement leur aspect illusoire. Une particularité du tantrayana est que les obstacles mentaux comme la colère ou le désir ne sont pas réprimés mais pris en charge pour être transformés en dispositions positives comme la compassion. Des passages apparemment contraires à l’éthique bouddhiste telle la violence peuvent apparaître dans les tantras, qui font l’objet d’une exégèse à différents niveaux. Des pratiques non orthodoxes et réservées à des pratiquants de niveau élevé ont pu donner au bouddhisme tantrique une image sulfureuse.

Textes

Le canon tibétain contient environ 500 tantras, que complètent plus de 2000 commentaires. Ils font l'objet d’une classification en quatre catégories qui suit plus ou moins leur ordre d’apparition :

  • Kriyatantras (tantras de l’action) : antérieurs au VIe siècle, ils contiennent beaucoup de rituels pratiques comme les rites de pluie, et de nombreux dharanis, sortes de mantras ; différents bouddhas ou bodhisattvas sont invoqués ; ex : Mahāmegha Sutra, Aryamañjushrīmūlakalpa, Subhāpariprcchā Sutra, Aparimitāyurjñānahrdayadhāranī.
  • Caryatantras ou upayogatantras (tantras de la représentation) : postérieurs au VIe siècle, la déité centrale est toujours Vairocana. Le Mahāvairocanābhisambodhi Tantra (Daïnitchi-kyô) de l’école Shingon en fait partie.
  • Yogatantras (tantras du yoga) : la déité principale y est aussi Vairocana ; ex : Srvatathāgatatattvasamgraha Tantra, Sarvadurgatiparishodhana Tantra, Mañjushrî-nâmasangîti, ainsi que le Vajrasekhara Sutra (Kongocho kyo) du Shingon.
  • Selon les traditions sarma le niveau supérieur est constitué des Anuttarayogatantras (tantras supérieurs) qui se divisent en trois groupes ; le rattachement d’un tantra donné à un groupe peut varier :
    • Yogottaratantras (union supérieure), encore appelés upāya tantras (tantras des moyens habiles) ou tantras pères, produits à partir du VIIIe siècle. Les déités principales sont Akshobhya et sa parèdre, généralement décrits en yab yum.Ils placent l’emphase sur le développement du corps illusoire[10]. et sur la transformation de la colère. Le Guhyasamāja Tantra et le Yamantaka Tantra sont en général considérés comme appartenant à cette catégorie.
    • Prajñatantra (tantra de sagesse), yoginitantra ou tantras mères, produits à partir de la fin du VIIIe siècle. Akshobhya y apparait le plus souvent sous sa forme courroucée Chakrasamvara ; les déités féminines y sont nombreuses. l’emphase est mise sur le développement de la claire lumière[11] et la transformation du désir. Ex : Samvara Tantra (VIIIe siècle) et Hevajra Tantra (Xe siècle).
    • Les tantras non-duels, dont l’exemple le plus connu est le Kālacakratantra.
  • Dans la tradition Nyingma le niveau supérieur comprend trois voies tantriques internes.
    • Le Mahayoga vise l'élimination de la perception et de l'attachement par la visualisation et l'identification à la déité (phase de génération)
    • L'Annuyoga, permet au corps de vajra de servir à la perception fondamentale (phase de complétion)
    • L'Atiyoga permet de transcender le temps, l'expérience et l'activité et de recevoir l'enseignement de Samantabhadra.

Au Japon

C'est au VIe siècle que le bouddhisme fut introduit au Japon par l'intermédiaire de la Corée. Au VIIIe siècle, le moine Kûkai Kôbô-Daïshi découvrit un exemplaire du Dainitchi-kyô (maha-vairocana tantra) au Japon, et pour en approfondir le sens, alla en Chine. Il fut initié par le maître, Keika-ajari (chinois: Huiguo 恵果) aux cérémonies d'onctions « kanjô », et reçut de nombreux textes tantriques. À son retour au Japon, il structura son enseignement qu'il appela Shingon (parole vraie ou mantra, transcription en japonais du chinois zhēnyán 真言). Grâce à l'appui de l'empereur, il fonda le grand temple du Tō-ji à Kyôto, et la cité sainte du mont Kôyasan qui regroupent plusieurs centaines de temples. Il écrivit de nombreux ouvrages dont le « Sokushinjôbutsu-gui », où il insiste sur la voie rapide pour devenir Bouddha en cette vie même.

Le Shingon se développa dans tout le Japon et influença le développement des autres écoles bouddhiques. Kûkai initia notamment Saichō, le fondateur de Tendaï, dotant ce courant d'une composante tantrique absente du Tiantai chinois. De cette école sont issus les fondateurs des branches japonaises de l'Amidisme et du Zen, ainsi que Nichiren, qui créa son propre courant.

Le shingon est un tantrisme dit de la main droite, car ne comprenant pas de composante sexuelle, si ce n'est symbolique.

Au Tibet

Articles détaillés : Bouddhisme tibétain et Histoire du Tibet.

Nyingma

L'introduction du bouddhisme au Tibet remonte aux rois du Tibet de la dynastie Yarlung, et surtout à trois rois dits « du Dharma » entre le VIIe siècle et le IXe siècle. Avant cette époque (Ve siècle), le roi Lha Thothori Nyantsen aurait découvert deux sūtras dans un coffret et en aurait conçu une grande vénération[12]. L'histoire rapporte qu'ils « tombèrent du ciel sur le toit du palais » ; on peut spéculer qu'ils lui avaient été apportés par un des nombreux yogis itinérants à cette époque d'expansion du bouddhisme indien. Après cet épisode, cinq générations plus tard, survint le premier roi du Dharma, Songtsen Gampo, qui avec ses successeurs fit construire jusqu'à cent-huit temples et initia la première diffusion du bouddhisme au Tibet. Un des ministres de Songtsen Gampo, Thonmi Sambhota créa l'écriture tibétaine à partir de l'alphabet indien devanāgarī et commença la traduction des sūtras en tibétain.

Au VIIIe siècle, le deuxième roi du Dharma, Trisong Detsen, invita le maître indien Padmasambhava, qui construisit le monastère de Samye, en dépit des oppositions des chamans bön, religion répandue alors dans ce pays. En outre, à l'issue du débat philosophique du Concile de Lhassa entre les maîtres du bouddhisme tantrique d'origine indienne et les maîtres du bouddhisme Ch'an d'origine chinoise (école subitiste), Trisong Detsen décréta le bouddhisme indien religion d'État du Tibet, puisque Kamalashila, disciple de Shantarakshita, avait triomphé.

Les « patriarches » du tantrayāna (synonyme de mantra- et vajra- yāna) tibétain sont donc : Padmasambhava s'occupant du versant tantrique, et l'abbé Shantarakshita s'occupant des versants mahayaniste et monacal. Ce dernier, invité par le roi, se trouva confronté à une série de calamités que l'on imputa à la contre-réaction de forces démoniaques envers son enseignement. Il dut se retirer temporairement, mais avisa le roi qu'il devrait recourir aux pouvoirs magiques (siddhis) de Padmasambhava. Ce dernier subjugua les entités adverses, les convertissant ou les astreignant même à la protection du Dharma.

Ils réussirent finalement à construire le monastère de Samye, et veillèrent à éduquer et initier de très nombreux moines et disciples, particulièrement une équipe de traducteurs, dirigée par Vairotsana. Ceux-ci accomplirent le périlleux périple de l'Inde pour en ramener des sūtras et tantras, et recevoir des initiations, comme Vimalamitra et Yeshe Tsogyal. Yeshe Tsogyal, « consort » de Padmasambhava, compila ses enseignements et sa biographie. Elle aurait caché de nombreux textes appelés termas, « trésors » cachés, car ils auraient été destinés à n'être découvert qu'ultérieurement, au moment opportun[13].

Sarma

Il s'ensuit au IXe siècle une période de persécution du bouddhisme, qui s'affaiblit par l'éradication de l'ordre monastique, sans trop affecter les lignées de yogis errants ou transmettant l'enseignement en secret. Une seconde diffusion, appelée sarma, nouvelle traduction par opposition à l'ancienne, nyingma, qui vient d'être décrite, a lieu au XIe siècle avec Rinchen Zangpo, qui se rendit en Inde, puis avec Atisha Dipankara, un maître indien qui vient au Tibet sur son invitation. Son disciple, Dromtönpa fondera l'école Kadampa.

D'autre part Marpa le Traducteur (lotsawa) se rendit lui aussi en Inde, où il reçut des enseignements de Naropa, avant de le transmettre à son tour à son disciple, Milarepa. Milarepa et son disciple Gampopa fondent l'école kagyu[14]. Cette succession est appelée Lignée du Rosaire d'Or et remonte jusqu'à Tilopa qui aurait reçu de nombreux enseignements directement du Bouddha Vajradhara.

Drokmi Sakya Yéshé (992-1072) reçoit, lui aussi en Inde, l'enseignement de Virupa (IXe siècle), le transmet à son disciple Khön Köntchok Gyalpo (1034-1102) qui fonde l'école sakya en 1073 et la transmet à son fils Sachen Kunga Nyingpo[15].

Au début du XVe siècle naîtra une autre série de lignées, fondée par Djé Tsongkhapa, l'école guéloug[16]

Citations

«  - Les cinq éléments fondamentaux de l’univers (terre, eau, feu, vent, éther) produisent des sons au moindre contact. Cela signifie qu’il existe des langages en tout. Dans ce cas-là, tout ce qu’on voit, entend, sent, goûte, et pense sont également des mots. On peut ainsi dire que tous les phénomènes de l’univers sont tous des mots qui enseignent la vérité. Les chants des oiseaux, le courant de l’eau, les bruits du vent, tous disent constamment la vérité éternelle.  »

— Kukai

Notes et références

  1. R. Guénon, Etudes sur l'Hindouisme, chapitre Kundalini Yoga.
  2. A. Padoux, What do we mean by Tantrism ? in The roots of Tantra, K. A. Harper and R. L. Brown eds. State University of New York Press, Albany, 2002.
  3. "As the Vedas are the Word of Brahma, so are the Tantras the Word of Shiva in A. Avalon, Principles of Tantra, part 2, Introduction.
  4. Dans le shingon japonais
  5. Jean Herbert et Jean Varenne, Vocabulaire de l'hindouisme, Dervy, 1985, p. 104.
  6. David N. Lorenzen, Early Evidence for Tantric Religion in The Roots of Tantra, K. A. Harper et R. L. Brown, eds, State University of New York, Albany, 2002.
  7. “Le tantra est continuité des trois parties : base, voie et fruit.” Tantra de Guhyasamaja
  8. Tantrisme bouddhique et hindou par Shridhar Rana Rinpoche
  9. Wayman Alex, The Buddhist tantras, light on Indo-Tibetan esoterism. Buddhist Tradition Series, Vol. 9, Delhi, 2005 (1re édition:1973). 247p. ISBN 81-208-0699-9
  10. (en) Tenzin Gyatso, Alexander Berzin, The Gelug/Kagyu Tradition of Mahamudra, New York, Snow Lion Publications, 1997, 1re éd. (ISBN 978-1-55939-072-9) (LCCN 96048435), p. 243 
  11. (en) Judith Simmer-Brown, Dakini's Warm Breath:The Feminine Principle in Tibetan Buddhism, Boston & London, Shambhala Publications Inc., 2002, 1re éd. (ISBN 978-1-57062-920-4), p. 141 
  12. Le paragraphe suivant résume The Great Image, The Life Story of Vairochana the translator, de Yudro Nyingpo, et autres disciples, traduit par Ani Jinba Palmo (Eugenie de Jong), Shambhala Publications, Boston, 2004, 332 p., ch. 6, (ISBN 1590300696).
  13. Pour une histoire générale, voir en ligne Nyingma.
  14. Kagyu
  15. Sakya
  16. Gelug

Bibliographie

  • Pierre Feuga Tantrisme. Doctrine, pratique, art, rituel, Dangles
  • Pierre Bédard Les trois piliers du tantra, Louise Courteau Éditrice, Québec, 1998 ISBN 2-89239-206-3; Tantra et Mythologie, Louise Courteau Éditrice, Québec, 1998 ISBN 2-89239-276-4;
  • Barry Long, Faire l'amour de manière divine, Altess-Le Relié 1995
  • Jean Varenne Le tantrisme : mythes, rites, métaphysique, Albin Michel, 1997.
  • Véronique Bouillier, Gilles Tarabout Images du corps dans le monde hindou, CNRS Éditions, 2002.
  • Ajit Mookerjee et Madhu Khanna, La voie du tantra, Seuil, 1978.
  • Osho, Tantra, spiritualité et sexe, Almasta, Budapest, 2003.
  • André van Lysebeth, Tantra, le culte de la Féminité, Évolution du corps et de l'esprit par l'érotisme et l'amour, Flammarion, 1988, (ISBN 2-08-201351-0)
  • Daniel Odier, Désirs, passions et spiritualité : l'unité de l'être., Lattès, 1999.
  • Daniel Odier, Tantra, spontanéité de l'extase. - Actes Sud, 2000
  • Sunyata Saraswati et Bodhi Avinasha, Manuel de sexualité tantrique, Éditions Jouvence, 2003.
  • Alain Daniélou, La Fantaisie des Dieux et l'aventure humaine, Nature et destin du monde dans la tradition Shivaïte, Éditions du Rocher, 1982.
  • Marisa Ortolan , Jacques Lucas, Le Tantra, horizon sacré de la relation, Éditions Le Souffle d'Or, 2005.
  • Jacques Ferber, L'amant tantrique. L'homme sur la voie de la sexualité sacrée, Éditions Le Souffle d'Or, 2007.
  • Jean Papin, Joyau des tantras ; la symphonie cosmique, Dervy, 2000
  • André Padoux, Comprendre le tantrisme ; les sources hindoues, Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, 2010. (ISBN 978-2-226-19141-0)

Voir aussi

Articles connexes


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