- Philosophie indienne
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On définit classiquement deux sortes de philosophies indiennes selon qu'elles reconnaissent ou non l'autorité du Veda :
- les philosophies āstika (आस्तिक en devanāgarī) sont celles qui reconnaissent l'autorité du Veda et les Upanishads qui en sont la conclusion. Il s'agit des six écoles orthodoxes que sont le Mīmāṃsā, le Nyāya, le Sāṃkhya, le Vaiśeṣika, le Vedānta et le Yoga[1]. Chacun de ces six systèmes philosophiques est un point de vue (darśana) concernant le Veda et s'associe par paire[N 1]. On peut faire remonter les plus anciens au VIIe siècle av. J.‑C. mais ceux-ci n'ont connu une rédaction en sanskrit que plus tardivement.
- les philosophies nāstika (नास्तिक) sont celles qui rejettent l'autorité du Veda. Elles incluent le Cārvāka, les Ājīvika, le Jaïnisme et le Bouddhisme. Ces traditions hindoues, bien qu'hétérodoxes, appartiennent néanmoins de plein droit à la spiritualité indienne[2].
Sommaire
Les différentes écoles āstika
Les six écoles philosophiques indiennes āstika constituent chacune un point de vue (darśaṇa) concernant le Veda. On les regroupe classiquement par paire et affinité. Les deux premières écoles (Nyāya et Vaiçeshika) sont analytiques alors que les quatre autres sont synthétiques [3].
Nyāya et Vaiśeṣika
Le Nyāya
Articles détaillés : Nyâya et Nyāya.L'école du Nyāya (en sanskrit न्याय, nyāya) est basée sur un texte appelé le Nyāya Sūtra. Il a été composé par Akshapada Gautama (à ne pas confondre avec Siddhârtha Gautama, le fondateur du bouddhisme) vers le Ve siècle[4]. La contribution importante apportée par cette école est sa méthodologie. Elle est basée sur un système de logique qui a été plus tard adoptée par la plupart des autres écoles indiennes (orthodoxes ou pas), de la même manière qu'on peut dire que la science, la religion et la philosophie occidentales sont en grande partie basées sur la logique aristotélicienne[5].
Mais le Nyāya n'est pas simplement une logique. Son but est de se délivrer de la souffrance par le biais de la connaissance valide (pramāṇa) en accord avec la réalité. Selon l'école du Nyāya, il y a exactement quatre sources de connaissance ou pramāṇas: la perception, l'inférence, la comparaison et le témoignage[6]. Cependant, la connaissance obtenue par chacun d'eux peut naturellement toujours être valide ou invalide. Dans un sens, le Nyāya est probablement ce qui s'approche le plus, dans le monde indien, de la philosophie épistémologique occidentale contemporaine. Mais il ne faut jamais perdre de vue le fait que les sages du Nyāya ont effectué leurs travaux dans un but spécifiquement religieux.
Le Vaiśeṣika
Article détaillé : Vaisheshika.Le système de Vaiśeṣika (en sanskrit वैशेषिक, vaiśeṣika), fondé par la sage Kanada, postule un pluralisme atomique. Suivant les préceptes de cette école de pensée, tous les objets de l'univers physique, les substances matérielles, sont réductibles à un certain nombre d'atomes, sauf les cinq substances immatérielles : le temps, l'espace, l'éther (ākāsha) l'esprit et l'âme. Les atomes constitutifs des substances matérielles sont les atomes de feu, de terre, d'air et d'eau. Au total, cette école postule l'existence de neuf éléments[7].
Bien que le système de Vaiśeṣika se soit développé indépendamment du système Nyāya, les deux ont par la suite fusionné en raison de leurs théories métaphysiques étroitement liées[8]. Sous sa forme classique, cependant, l'école de Vaiśeṣika diffère du Nyāya sur un point important : là où Nyâya accepte quatre sources de connaissance valides (pramanas), le Vaiśeṣika n'accepte seulement que la perception et l'inférence[9].
Sāṃkhya et Yoga
Le Sāṃkhya
Article détaillé : Sāṃkhya.Le Sāṃkhya (Sanskrit (devanāgarī): सांख्य) est généralement considéré comme le plus vieux des systèmes philosophiques indiens, il aurait été fondé au VIIe siècle av. J.‑C. par Kapila[N 2]. Il s'agit, historiquement, de la première description connue du modèle complet de l'univers, à la fois scientifique et transcendant. Sa philosophie considère l'univers comme se composant de deux réalités éternelles en opposition ou présentant une dualité : le principe de l'intelligence ou masculin (puruṣa) et le principe de la nature ou féminin (prakṛti)[10]. Cette philosophie ou métaphysique de Kapila est dite "athée", car celle-ci ne fait pas intervenir une volonté qui anime toute chose mais seulement la nécessité. La métaphysique de Kapila s'oppose en quelque sorte à celle de Patanjali qui s'appuie également sur le Sāṃkhya mais qui est reconnue comme étant de nature théiste (celle-ci fait intervenir l'existence d'un dieu connu sous le nom d'Īśvara)[11].
Dans la Bhagavadgītā, le Sāṃkhya est une philosophie non-dualiste puisqu'elle considère prakṛti, la création et les créatures, comme étant le prolongement matériel de puruṣa associé a Dieu, celui-ci s'opérant par la mâyâ (ou l'Illusion qu'engendre l'attachement aux gunas)[12]. Notons également que prakṛti et purusha sont deux énergies de nature divergente et complémentaire : prakṛti, la nature est féminine, puruṣa, l'âme est d'essence masculine. Cette distinction a donné lieu à de multiples élaborations philosophiques complexes qui abondent dans les sciences du yoga. La réalisation ne peut se faire qu'en se libérant de prakṛti, qui mène aux ténèbres de l'ignorance pour se confondre en puruṣa. Le Sāṃkhya a assez vite été interprété en différentes versions restreintes, notamment par les quatre religions majeures de l'Inde ancienne, bouddhisme, jaïnisme, shivaïsme et le Vaishnava qui n'ont conservé que des versions dualistes ou monistes du modèle complet, tout en lui rajoutant un aspect religieux[13],[14],[15].
La suite de cet article fait référence à des rudiments de compréhension du Sâmkhya issus principalement de la Sāṃkhya-Kārikā (Sāṃkhyakārikā) ou d'autres textes sanskrits.
Le puruṣa (intelligence) est conscient, statique et exempt de toutes les qualités. Il est le spectateur silencieux de la prakṛti (matière ou nature)[N 3], qui se compose de trois guṇa (dispositions) : sattva, la principe de régularité, de maintien de l'évolution, rajas, le principe d'activité et de matité ou vertu et tamas, le principe de freinage, passion et ignorance[16]. Quand l'équilibre des gunas est rompu, l'ordre du monde évolue. Cette perturbation est due à la proximité du puruṣa et de la prakṛti. La libération (kaivalya), alors, consiste en la réalisation de la différence entre les deux[17].
C'est une philosophie dualiste et athée. Deux principes sont à la base du système sāṃkhya : la prakṛti, qui est un principe général, inconscient, commun à une pluralité de monades conscientes, les puruṣa. De l’union d’un puruṣa et de la prakṛti se crée l’éveil (buddhi), le premier principe évolué, transformé. Celui-ci crée le ‘faiseur de moi’ (ahaṃkāra). Du faiseur de moi découlent deux créations parallèles : d’une part la pensée (manas), les cinq facultés d’éveil (buddhīndriya), c’est-à-dire les cinq sens, et les cinq facultés d’action (karmendriyāṇi), c’est-à-dire la parole, les mains, les pieds, l’anus et les organes génitaux ; d’autre part les cinq éléments subtils (tanmātra) qui ne sont pas spécifiques, c’est-à-dire perceptibles comme objets des sens, sauf pour les dieux et les yogis. Les cinq éléments subtils créent enfin les cinq éléments grossiers (mahābhūta), lesquels sont spécifiques, c’est-à-dire perceptibles comme objets des sens. Parmi ces principes, l’éveil, le ‘faiseur de moi’ – principe d’individuation et de prétention – et la pensée constituent ‘l’organe interne’ antaḥkaraṇa, qu’on pourrait qualifier d’appareil psychique. Les principes allant de l’éveil aux éléments subtils forment l’entité subtile qui transmigre de mort en naissance, une âme en quelque sorte, qui serait toutefois distincte de la monade consciente, du véritable sujet, qui ne peut jamais être objet. Cette entité est appelée ‘phallus’ (liṅga), mot par lequel on désigne en logique un signe caractéristique duquel on infère le porteur du signe, le ‘signifié’ (ainsi la fumée est le signe de la présence du feu). L’éveil est également appelé ‘le grand’ (mahat) parce que certaines écoles sāṃkhya le considèrent comme commun aux puruṣa (C’est le cas, selon la Yuktidīpikā ad SK 40, des disciples de Vārṣagaṇya : « L’école de Vārṣagaṇya [considère] le ‘grand’ comme commun parce qu’il est de la nature de la prakṛti. » sādhāraṇo hi mahān prakṛtitvād iti vārṣagaṇānāṃ pakṣaḥ). Si ce n’est pas le cas, il est tout au moins antérieur au principe d’individuation, ‘le faiseur de moi’ (ahaṃkāra), et il est en ceci cosmique qu’il détermine la ‘création idéelle’ (pratyayasarga), qui le positionne dans la création. Cette ‘création idéelle’ l’oriente selon huit pôles : (1) s’il est ‘vertueux’, c’est-à-dire s’il accomplit ses devoirs (religieux/sociaux. Ceux-ci ne sont pas généraux mais dépendent de la caste, etc.), il monte dans la hiérarchie des êtres ou (2) il descend s’il n’est pas vertueux. (3) S’il est doué de ‘souveraineté’, c’est-à-dire de pouvoirs (force dans la sphère animale, pouvoir dans la sphère humaine et pouvoirs magiques dans la sphère céleste), il ne rencontre pas d’obstacle, ou (4) le contraire s’il n’en a pas. (5) S’il est ‘passionné’, il meurt et renaît sans cesse, à moins qu’il ne soit (6) détaché, auquel cas il se dissout dans la prakṛti (ce que font les "yogi" mais qui ne constitue pas la libération selon le Sāṃkhya). Enfin (7), il s’enchaîne s’il ne possède pas la connaissance ou (8) il se libère s’il possède le savoir. Ce savoir est essentiellement, bien entendu, la connaissance pratique de la philosophie sāṃkhya, qui doit aboutir à ce que le puruṣa comprenne qu’il n’est pas la personne qu’il croit être, qu’il est pure conscience, et cesse de s’identifier à son appareil psychique. (Sāṃkhyakārikā 44-45 dharmeṇa gamanam ūrdvhaṃ gamanam adhastād bhavaty adharmeṇa / jñānena cā'pavargo viparyayād iṣyate bandhaḥ // vairāgyāt prakçtilayaþ saṃsāro bhavati rājasād rāgāt / aiśvaryād avighāto viparyayāt tadviparyāsaḥ //) [18]
Le Yoga de Patañjali ou Sāṃkhya Yoga
Article détaillé : Yoga Sūtra.Cette école ou système philosophique connu également sous le nom de Sāṃkhya théiste ou Sāṃkhya Yoga a pour chef de file présumé Patañjali considéré comme le rédacteur des Yoga Sūtra, ouvrage de référence de ce système. La différence la plus significative est que l'école du yoga inclut non seulement le concept d'Ishvara (ou dieu personnel) à sa vision du monde métaphysique, ce que le Sāṃkhya athée de Kapila ne fait pas, mais confirme également Ishvara comme un des modèles sur lequel méditer[19]. Le but de l'enseignement du Yoga est d'obtenir la libération des conditionnements internes engendrant la souffrance. L'adepte du yoga est appelé Yogi.
Outre que le Yoga ou le Sāṃkhya Yoga soit une école liée à la philosophique indienne orthodoxe, c'est aussi un ensemble de voies pratiques qui sont sensées conduire le yogi vers la libération de sa propre souffrance. On compte traditionnellement quatre voies majeures décrites dans la Bhagavad Gita qui sont[20]:
- Bhakti Yoga : Yoga de la dévotion et de l'adoration ;
- Jnana Yoga : Yoga de la connaissance transcendante ;
- Karma Yoga : Yoga du service et de l'action désintéressée ;
- Raja Yoga : Yoga codifié par Patañjali et procédant essentiellement par méditation (dhyâna).
Il existe également d'autres écoles de yoga indien mais qui sont plus rattachées à une forme de tradition ésotérique ou liées au Tantrisme et certaines écoles du Bouddhisme. Nous présentons ci-dessous un résumé succinct pour chacune de ces voies pratiques de yoga en référence aux textes tratidionnels hindous et particulièrement les Yoga Sûtras de Patañjali.
Le Bhakti Yoga
Article détaillé : Bhakti yoga.Les Upanishads proclament que la délivrance de la souffrance passe par la connaissance (jñāna). Le Brahmasūtra précise quant à lui que cette connaissance ne relève pas de l'intellect et de sa capacité de jugement et de discernement mais davantage de la méditation et de la contemplation (Dhyāna)[21]. Pour le Bhakti Yoga cette contemplation est portée à la dévotion et l'adoration[N 4].
La Bhagavad-Gîtâ et le Bhâgavata Purâna insistent sur la dévotion portée à l'être suprême en donnant des explications sur le développement de cette aptitude (Bhakti)[22]. La bhakti fait partie de la plupart des traditions religieuses. Dans l'hindouisme, on la trouve donc depuis le début.
Le Bhakti Yoga a été codifié vers le XIIe siècle dans un texte sanskrit appelé le Bhakti-sūtra et attribué à Nârada ou ses homonymes[23]. Parmi les premières écoles à préconiser le Bhakti Yoga, on trouve celle de Vira-Shaiva, au XIIIe siècle. Son fondateur, Basava (1125-1167), rejette le système des castes, nie la suprématie des Brahmanes, condamne les sacrifices rituels, accepte les femmes dans son école et insiste sur la bhakti et le culte d'un seul dieu, Shiva. Ses élèves s'appellent des vira-shaivas, ce qui veut dire « les dévots de Shiva »[24].
Cependant, au-delà des écoles et mouvements formels, le développement de la bhakti comme forme importante de pratique hindouiste a laissé une trace indélébile sur la foi. La spéculation philosophique a toujours été la préoccupation d'une minorité, en Inde comme ailleurs. La pratique de la bhakti, cependant, est immédiatement accessible à tous. Si elle n'élimine pas la plus mauvaise part du système des castes, au moins, elle offre aux gens un répit provisoire.
Jñāna Yoga
Article détaillé : Jnana Yoga.Karma Yoga
Article détaillé : Karma yoga.Rāja Yoga
Article détaillé : Raja yoga.Mīmāṃsā et Vedānta
La Mīmāṃsā
L'objectif principal de l'école mīmāṃsā (Devanagari मीमांसा)[25], aussi appelée Pūrvamīmāṃsā pour la distinguer du vedānta était d'établir l'autorité des Veda. En conséquence, la contribution la plus importante de cette école de l'ancienne recherche à l'hindouisme était sa formulation des règles d'interprétation des Veda. Ses suiveurs croyaient que la révélation devait être prouvée par le raisonnement, et ne devait pas être acceptée aveuglément comme un dogme. En accord avec cette croyance, ils ont souligné la grande importance du dharma, qu'ils ont compris comme le résultat des rituels védiques. La Mīmāṃsā accepte les enseignements logiques et philosophiques des autres écoles, mais estime que celles-ci ont prêté une attention insuffisante à l'action juste. Il croit que les autres écoles de pensée, qui poursuivent la moksha (la délivrance, l'équivalent du nirvana des bouddhistes) comme but final, ne sont pas complètement exemptes de désir et d'égoïsme. Selon la Mīmāṃsā , la recherche éperdue de la libération procède d'un désir égoïste d'être libre. Seule l'action en accord avec les prescriptions des Veda peut permettre d'atteindre le salut (plutôt que la libération). Bien que la Mīmāṃsā ne suscite pas beaucoup d'études savantes aujourd'hui, son influence se fait sentir dans la vie de l'hindou pratiquant. Tous les rituels hindous, cérémonies et prescriptions religieuses sont influencés par lui.
Le Vedānta
L'école d'Uttara Mimamsa (nouvelle recherche), généralement connue sous le nom de Vedānta (devanāgarī: वेदान्त) , se concentre sur les enseignements philosophiques des Upanishad plutôt que sur les injonctions ritualistes des Brahmanas. Il y a plus de cent Upanishads qui ne forment pas un système unifié. Leur systématisation a été entreprise par Badarayana, dans un travail appelé Brahma Sutra.
La manière dont les aphorismes des textes du Vedânta sont rédigés laisse la porte grande ouverte pour une multitude d'interprétations. Cela a entraîné une prolifération des écoles du Vedānta. Chacune de ces dernières a interprété à sa façon les textes et a produit sa propre série de sous-commentaires — tout en prétendant être seule fidèle à l'original.
Le monisme Advaita Vedānta
C'est probablement la plus connue des écoles du Vedânta. Advaita signifie littéralement « non deux ». Son premier grand unificateur est Shankara (788-820). Suivant les traces de certains des enseignants des Upanishad, et en particulier celles de son propre professeur Gaudapada, Shankara expose la doctrine de l'Advaita — une réalité non-duelle.
En analysant les trois états de conscience — l'état de veille, le rêve et le sommeil profond — il montre la nature relative du monde et établit la vérité suprême de l'Advaita : la réalité non-duelle du brahman dans laquelle atman (l'âme individuelle) et brahman (la réalité finale exprimée dans la trimurti) ne sont qu'une.
l'Esprit Suprême (Soi Suprême) ou Brahman (prononcé comme "brəh mən") est la totalité et la seule réalité du monde. Autre que le Brahman, y compris, Dieu, l'univers, les objets matériels et les individus ne sont pas vrais. Quand l'homme essaye de connaître le Brahman sans-attribut avec son esprit (the mind), sous l'influence de Mâyâ (puissance illusoire de Brahman qui cause le Brahman devenu comme le monde matériel et distinct), Brahman devient God (le Dieu). Le Brahman est Dieu au travers de Maya. Quand la Maya est enlevée, là n'existe finalement aucune différence entre le Jiva-Atman et le Brahman. Tout est un, voici pourquoi cette école est appelée non-dualiste.
Ses théories sont controversées dès le début et certains de ses contemporains l'accusent d'enseigner le bouddhisme tout en feignant d'être hindou. Mais l'Advaitisme est certainement la philosophie la plus profonde et la plus influente de l'Inde.
Les Vedantins postérieurs ont discuté de la réalité du brahman pour savoir s'il était saguna (avec attributs) ou nirguna (sans attributs). La croyance dans le concept du saguna brahman a provoqué une prolifération d'attitudes dévotionnelles et a aidé à répandre le culte de Vishnou et de Shiva. Voyez aussi l'Advaita Vedānta et le Brahman.
Le non-dualisme qualifié du Vishistādvaita Vedānta
Ramanuja (1040-1137) fondateur de l'école philosophique du Vishistādvaita Vedānta est le premier partisan du concept de saguna brahman. Il enseigne que la réalité finale a trois aspects : Ishvara (Vishnou), cit (âme) et acit (matière). Vishnou est la seule réalité indépendante, alors que les âmes et la matière dépendent de Dieu pour leur existence. En raison de ce concept de qualification de réalité finale, le système de Ramanuja est connu comme non-dualiste.
Le dualisme Dvaita Vedānta
Comme Ramanuja, Madhva (1199-1278) identifie Dieu avec Vishnou, mais sa vision de la réalité est purement duelle et s'appelle donc le Dvaita (duel) Vedānta. Selon Madhva, il y a cinq types de séparation entre :
- Dieu et le monde,
- Dieu et l'âme individuelle,
- Les différentes âmes,
- Les âmes et la matière,
- Les différentes parties de la matière.
Les différentes écoles nāstika
Le chārvāka
Chārvāka est le nom d'un penseur indien du VIIe ou VIe siècle av. J.‑C., mais aussi de son système de pensée - aussi connu sous le nom de Lokāyata, de loka, le monde, soit la seule chose qui existe véritablement. Il s'agit d'une philosophie matérialiste, athée et hédoniste, qui réfute la théorie de la transmigration et n'admet que la perception comme moyen de connaissance. Ce penseur appartient à la génération qui, par sa remise en cause du brahmanisme et sa négation de l'existence des dieux védiques et du védisme d'où découle les rites sacrificiels.
Le jaïnisme
Le jaïnisme partage de nombreuses et apparentes ressemblances avec l'hindouisme et le bouddhisme, mais doit en être cependant différencié. Contrairement au bouddhisme mais en accord avec l'hindouisme, le jaïnisme croit à l'existence de l'âme ; en revanche, le jaïnisme se différencie de l'hindouisme dans le sens où l'âme du libéré du cycle des réincarnations ne se fond pas dans l'âme cosmique, dans l'âme universelle, mais demeure en son individualité (en rapport avec sa notion de Dieu : Dieu est dans le jaïnisme un homme qui est libéré par ses seuls propres efforts, c'est-à-dire son ascétisme total ; il n'y a pas d'Être Suprême Cosmique, où l'entendent les hindous ; on peut dire que le jaïnisme est philosophiquement athée, mais pas au niveau métaphysique). La morale qui découle de sa métaphysique est donc l'Ahimsa, la parfaite non-violence.
Le bouddhisme
Article détaillé : Philosophie bouddhiste.A l'origine, la doctrine du Bouddha est plus une philosophie qu'une religion, mais seulement si on accepte d'entendre le terme de « philosophie » dans son sens originel de « amour de la sagesse[26] ». Pierre Hadot a montré l'importance durant l'Antiquité de la conception de la philosophie, non comme un discours savant sur le monde, Dieu ou le moi, cherchant à faire système, mais comme exercice spirituel menant à la transformation de soi-même [27]. Or c'est dans ce schéma que s'inscrit clairement la philosophie du Bouddha. Le Bouddha ne se livre pas à des spéculations métaphysiques, mais bien à l'observation minutieuse des faits, et parmi eux à un problème central de notre existence: la souffrance. Tout l'effort du bouddhisme consiste à trouver une solution à cette épine de la souffrance. C'est pourquoi le Bouddha[28] a énuméré les Quatre Nobles Vérités qui constituent la colonne vertébrale de sa pensée:
- la Noble Vérité de la Souffrance,
- la Noble Vérité de l'Origine de la Souffrance,
- la Noble Vérité de la Cessation de la Souffrance,
- la Noble Vérité du Chemin qui mène à la Cessation de la Souffrance.
Ce thème de la cessation de la souffrance va marquer considérablement la pensée indienne, pas seulement les écoles bouddhistes, mais aussi les courants hindouistes. Pour le Bouddha, ce chemin qui conduit à l'extinction de la souffrance (extinction se disant « nirvâna » en sanskrit) se résume dans le Noble Octuple Sentier[29]: vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d'existence juste, effort juste, attention juste, concentration juste. Ce Noble Octuple Sentier constitue le cœur du bouddhisme, et non un quelconque culte religieux du Bouddha. C'est vraiment l'outil par excellence pour nous affranchir de la souffrance. C'est à tel point vrai que quand Ananda demande au Bouddha agonisant comment vouer un culte aux reliques sacrées du Bouddha, celui répond: « Ne vous occupez pas de rendre un culte au corps de l'Ainsi-Allé[30] Occupez-vous de votre propre tâche. Engagez-vous dans votre propre tâche. Demeurez attentifs, résolus dans votre propre tâche[31] ». Et cette tâche, c'est de demeurer vigilant et persévérant dans le Dharma du Bouddha afin de se libérer de l'ignorance, de l'illusion et de l'attachement à la souffrance. Et pour ce faire, il convient d'observer le réel tel qu'il est.
A ce titre, le bouddhisme est une « leçon de choses » (Dhamma en pali, Dharma en sanskrit), l'enseignement de la réalité, un exposé des faits, une analyse minutieuse des phénomènes au détriment de la spéculation religieuse. C'est un point important qui différencie le Bouddha des Vedas et Upanishads hindouistes: le Bouddha n'essaye pas de répondre aux grandes questions métaphysiques pour se focaliser sur la seule question de la souffrance et de sa résolution. Le Bouddha explique cela dans sa métaphore de la flèche: imaginons un homme touché par une flèche et qui ne voudrait pas la retirer tant qu'il ne connaît pas l'homme qui l'a tirée, sa caste et son origine, tant qu'il ne connaît pas le matériau de la flèche et sa provenance, et ainsi de suite... L'homme aura le temps de mourir avant d'avoir retiré la flèche[32]...
Autre différence importante d'avec la philosophie hindoue, c'est le refus par le Bouddha du concept d'Atman, le Soi, le "je" permanent, l'âme éternelle. C'est la doctrine de l'Anatman ou non-soi. Le "je" n'est aux yeux des bouddhistes qu'une création mentale qui fluctue au gré des états de conscience et des événements. Il n'y a rien de permanent dans ce "je" ou cette conscience, mais un processus continuel de transformation[33]. L'image qui est souvent avancée est celle d'un fleuve qui n'est pas identique à deux endroits de celui-ci, mais reste quand même le même fleuve dans sa continuité. Le Gange n'est pas le même à sa source, à Bénarès ou à son embouchure quand il se jette dans l'océan; pourtant il reste le Gange. De même, la philosophie bouddhique ne reconnaît pas une identité éternelle ou permanente au "je", mais reconnaît une continuité qui court au travers du flux des différents instants de conscience. Et c'est cette succession rapide d'instants de conscience, qui donne cette impression illusoire d'un ego permanent, d'un Atman.
Le bouddhisme donnera naissance par la suite à une riche tradition philosophique diversifiée en de nombreuses écoles ainsi que des courants religieux et dévotionnels envers le Bouddha et les bodhisattvas.
Comparaison avec la philosophie occidentale
Le lecteur occidental, qui s'interrogerait sur la pertinence de cette dénomination de philosophie (astika et nastika) plutôt que celle de métaphysique voire de religion, doit se départir de son mode de pensée habituel. Nous sommes ici devant deux systèmes de vision du monde disjoints, d'un côté : les « religions abrahamiques », judaïsme, christianisme et islam, et de l'autre l'approche de la philosophie indienne ; il serait fallacieux de juger un système selon les critères de l'autre.
Dans les religions abrahamiques, en substance, le rapport de l'homme au monde est défini par la soumission ou l'abandon à Dieu, un dieu unique qui transmet son message à ses créatures au travers de plusieurs prophètes et aussi par l'intermédiaire d'un ange (l'Ange de Dieu), message indiscutable et exclusif à tout autre.
Dans la philosophie āstika, qui reconnait les écritures sacrées, le rapport de l'homme au monde est révélé et non pensé par des êtres réalisés appelés rishis. Si complexes ou si séduisantes qu'elles soient, ces visions restent annexes comparativement au but ultime qu'est la réalisation du Soi (Atman) ou simplement le fait de voir ce qui est à chaque instant. Toutefois l'adhésion à cette vision permet aux disciples d'avoir une réprésentation intellectuelle de l'ineffable réalisation de leur gurû, tout en sachant bien que représentation n'est pas réalisation. Ces visions peuvent nécessiter ou non l'existence de dieu(x). Les philosophies astika comme les nastika peuvent considérer cette existence de dieu(x) comme instrumentale dans le cours de la vie des créatures qui habitent le monde grossier ou subtil. Elles peuvent même considérer, comme dans le cas du bouddhisme, que la condition des dieux est assez proche de celles des autres créatures du monde dans la mesure où ceux-ci sont sujets à la mort ou à l'évanescence.
Les notions de dogme et de soumission — consubstantielles aux « religions du Livre » — sont étrangères à ces philosophies, elles y sont remplacées par la notion de la connaissance vraie du monde se traduisant par l'expression « Ce qui est ou c'est Cela » (Tat Tvam Asi), une connaissance qui se révèle en s'affranchissant de l'ignorance, de l'illusion, de la mâyâ. Il s'agit d'une perception du monde basée sur l'instant présent et non par l'acceptation d'un dogme, une connaissance qui passe soit par la réalisation du Soi, soit par l'amour du divin, deux voies qui ne sont pas d'ailleurs incompatibles. Par là-même, ces philosophies offrent une vision de l'homme bien plus libre que la créature des « religions du Livre », celle d'un homme victime d'une ignorance dont il est possible de se défaire. Cette vision offre à l'homme l'éventualité, non pas d'être une créature subalterne issue du divin, mais au contraire de réaliser qu'il est partie intégrante de celui-ci. Égaré par la profusion des productions de son esprit, l'homme vit en marge de la réalité comme en rêve, cela qui relève de l'ignorance de la véritable nature des choses selon cette philosophie. Cette illusion, mâyâ, il l'ignore, et après avoir profondément remis en cause ses convictions sur ce qu'il prend pour vrai, alors peut-être le voile de l'illusion se déchire, révélant l'ultime dans ce monde-même (cf. sâdhu).
Ces absences de dogmatisme et du concept d'inféodation prophétique au profit de la recherche d'une vérité autonome expliquent la grande tolérance religieuse dans le monde indien, tout au moins jusqu'à l'irruption de l'islam des invasions. Elles font comprendre aussi l'accueil bienveillant dont ont profité la communauté pârsîe fuyant la Perse, la communauté juive de Cochin ou les conversions chrétiennes du premier siècle. Elles font comprendre enfin les tentatives de syncrétisme que le monde indien a connu, comme celui de Kabîr, la surprenante Dîn-i-Ilâhî de l'empereur moghol Akbar ou l'apparition du sikhisme, qui n'est devenu guerrier et fortement opposé à l'islam qu'à la suite de la violente persécution qu'il a subi de la part d'Aurangzeb.
Philosophes indiens modernes
Parmi les personnalités les plus représentatives : sages, philosophes, enseignants, érudits ou maîtres spirituels, figurent: Râmakrishna, Vivekananda, Krishnamurti, Sri Aurobindo, Ramana Maharshi, Shivananda, Chinmayananda, Mâ Ananda Moyî.
Notes et références
Notes
- Généralement, celles-ci sont groupées par eux. On a ainsi: Mîmâmsâ et Védânta, Nyâya et Vaiçeshika, Sâmkhya et Yoga.
- A.Daniélou, qui indique qu'il en existe un résumé en langue tamoule, le Manimékhalaï (ou plutôt plusieurs résumés, puisqu'il existe plusieurs versions) Ou trois siècles plus tôt, selon
- Henry Thomas Colebrooke (traduit de l'anglais en français par Guillaume Pauthier) dans son ouvrage Essais sur la philosophie des Hindous Voir la traduction du texte Sāṃkhyakārikā de
- dhyāna) et l'abandon à dieu (Ishvara) Les Yoga Sutras insistent sur la concentration (dhāraṇā), la méditation (
Références
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- Page 205 Michel Mourre, Les religions et les philosophies de l'Asie, éd. la table ronde
- ISBN 9782296015098) Éléments de logique classique: 1, l'art de penser et de juger, 2, l'art de raisonner. François Chénique. Editions L'Harmattan, 2006, pages 22 et 23 . (
- ISBN 9788126011940) The Encyclopaedia Of Indian Literature. Amaresh Datta. Éd. Sahitya Akademi, 2006, page 1378. (
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- HADOT Pierre, « Exercices spirituels et philosophie antique », Albin Michel (2e éd.), Paris, 2002 ainsi que « Qu’est-ce que la philosophie antique ? », Gallimard, Paris, 1995. Voir aussi l'article de Matthew Kapstein, « Qu'est-ce la philosophie bouddhiste ? » publié dans le hors-série n°50 du Nouvel Observateur de avril/juin 2003, qui montre les parallèles entre l'appel à la transformation de soi et de sa vision du monde dans le bouddhisme et les exercices spirituels de l'Antiquité gréco-romaine, tels que les décrit Pierre Hadot dans ses ouvrages.
- Rewata Dhamma, « Le premier enseignement du Bouddha », Claire Lumière, Vernègues, 1998.
- Walpola Rahula, « L’enseignement du Bouddha (d’après les textes les plus anciens) », Seuil/Points Sagesse, Paris, 1961, pp. 68-74.
- « Ainsi-Allé » traduit le terme « Tathagatha » et désigne couramment le Bouddha dans les soutras.
- Môhan Wijayaratna, « Le dernier voyage du Bouddha (avec la traduction intégrale du Mahâ-Parinibbâna-Sutta) », éd. Lis, Paris, 1998, p. 96.
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- Walpola Rahula, op. cit., pp 75-93.
Bibliographie
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- Philosophies d'ailleurs. Volume 1 : Les pensées indiennes, chinoises et tibétaines, sous la direction de Roger-Pol Droit, Éditions Hermann, 2009
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- (en) Encyclopedia of Indian philosophies de Karl H. Potter, Motilal Banarsidass Publ.,
- Vol 1, Bibliography, 1995, ISBN 81-208-0308-6, ISBN 978-81-208-0308-4, partiellement en ligne [1]
- Vol 2, Indian metaphysics and epistemology, the tradition of Nyāya-Vaiśeṣika up to Gaṅgeśa, Partie 1, 1977, ISBN 81-208-0309-4, ISBN 978-81-208-0309-1, partiellement en ligne, [2]
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- Vol 7, Abhidharma Buddhism to 150 A.D., 1996, ISBN 81-208-0895-9, ISBN 978-81-208-0895-9, partiellement en ligne [4]
- Vol 8, Buddhist philosophy from 100 to 350 A.D.,1999, ISBN 81-208-1553-X, ISBN 978-81-208-1553-7, partiellement en ligne [5]
- Vol 9, Buddhist philosophy from 350 to 600 A.D., 2003, ISBN 81-208-1968-3, ISBN 978-81-208-1968-9, partiellement en ligne [6]
Voir aussi
Liens externes
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