Observatoire pour la minéralogie, l'eau, les glaces et l'activité

Observatoire pour la minéralogie, l'eau, les glaces et l'activité

L'Observatoire pour la minéralogie, l'eau, les glaces et l'activité, généralement désigné par son acronyme OMEGA, est un instrument scientifique embarqué à bord de la sonde spatiale européenne Mars Express, lancée le 2 juin 2003 par un lanceur Soyouz-FG/Fregat depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan, et toujours en activité depuis autour de la planète Mars.

Sommaire

Finalité et conception

Initialement conçu dans les années 1980 pour la plateforme ARGUS de la mission Mars 96 des forces spatiales de la fédération de Russie, dont le lancement par une fusée Proton a échoué le 16 novembre 1996, il a été actualisé et adapté dans les années 1990 en vue du programme Mars Express de l'Agence spatiale européenne.

Il s'agit d'un spectromètre imageur pesant 28,6 kg et travaillant dans les domaines de la lumière visible et infrarouge, de longueurs d'onde comprises entre 0,35 et 5,2 µm (infrarouge), avec une résolution au sol allant de 300 m depuis 250 km d'altitude à 4,8 km depuis 4 000 km d'altitude. Sa maîtrise d'œuvre est assurée par l'IAS d'Orsay, en collaboration avec le LESIA du campus spatial Paris Diderot, l'IKI RAN à Moscou, et l'Institut de physique de l'espace interplanétaire (IFSI) à Rome.

Résultats

L'intérêt de ce dispositif est de pouvoir établir à la fois des cartes de composition minéralogique de la surface martienne et de répartition des constituants clés de son atmosphère, tels que le dioxyde de carbone CO2 et la vapeur d'eau H2O. Il a donc permis de mieux connaître le cycle du CO2 entre les calottes polaires et l'atmosphère au cours d'une année martienne, et d'établir la présence de 15 % de glace d'eau dans la calotte polaire australe[1].

Phyllosilicates et roches magmatiques

L'un des enseignements majeurs d'OMEGA a été l'identification de phyllosilicates largement répandus dans les régions les plus anciennes de la planète[2], révélant l'interaction prolongée des roches ignées avec l'eau liquide. Par ailleurs, OMEGA a confirmé l'abondance des roches ignées sur la surface de Mars, notamment des olivines et des pyroxènes, avec pour ces derniers un taux de calcium plus bas dans les hautes terres cratérisées de l'hémisphère sud que sur le reste de la planète, où on le rencontre avec de l'olivine, indiquant que les matériaux les plus anciens de l'écorce martienne se seraient formés à partir d'un manteau appauvri en aluminium et en calcium[3].

Sulfates hydratés

OMEGA a également permis de détecter, en de nombreux endroits de la planète, des sulfates hydratés, tels que, par exemple, de la kiesérite MgSO4•H2O dans la région de Meridiani Planum[4], voire, dans la région de Valles Marineris, des sulfates encore davantage hydratés dont il n'a pas été possible d'identifier la nature minéralogique[5], ainsi que des dépôts de gypse CaSO4•2H2O sur de la kiesérite au fond d'un lac asséché, indiquant un changement de nature saline de ce plan d'eau au cours de son asséchement, passant du sulfate de magnésium [ Mg2+ ][ SO42-]  au sulfate de calcium [ Ca2+ ][ SO42- ] [6]. De vastes étendues de sulfate de calcium hydraté, vraisemblablement du gypse, ont également été détectées en bordure de la calotte polaire boréale[7]. La présence de ces minéraux hydratés est une indication forte de la présence passée d'étendues d'eau liquide à la surface de Mars, une eau contenant notamment des sulfates de magnésium et de calcium dissous.

Chronostratigraphie minéralogique

On doit à cet instrument, et à l'équipe de Jean-Pierre Bibring qui analyse les données recueillies par ce dispositif, l'élaboration d'une chronostratigraphie minéralogique de la planète Mars sensiblement différente de l'échelle des temps géologiques martiens généralement acceptée[8]. Cette approche novatrice repose sur un système stratigraphique en trois éons :

  • Phyllosien : « âge des argiles » antérieur à 4,2 Ga, terrains caractérisés par la présence de phyllosilicates, dont des argiles, vraisemblablement formés sous l'action d'eau liquide
  • Theiikien : « âge sulfurique[9] » entre 4,2 et 3,8 Ga, géologie dominée par les minéraux soufrés résultant du volcanisme martien
  • Sidérikien : « âge ferrique[10] » après 3,8 Ga, époque de formation des oxydes de fer anhydres, omniprésents à la surface de la planète et responsables de sa couleur rouge.

La datation précise de ces éons demeure largement incertaine, et l'analyse détaillée des résultats d'OMEGA suggère en fait une discontinuité ente le Phyllosien et le Theiikien, faisant coïncider le début de ce dernier avec l'Hespérien de la géologie martienne[11] tout en maintenant une durée moindre pour le Phyllosien que pour le Noachien, ce qui conduit du même coup à réajuster la définition des époques géologiques martiennes :

Cette discontinuité, qui coïnciderait plus ou moins avec l'hypothétique « grand bombardement tardif » (LHB en anglais, daté plutôt entre 4,1 et 3,8 milliards d'années), matérialiserait en fait l'époque d'activité volcanique maximum, qui se prolongerait au Theiikien en disparaissant progressivement au fur et à mesure que la planète aurait perdu l'essentiel de son activité interne.

Références

  1. (en) ESA Mars Express News – 17 mars 2004 « Water at Martian south pole. »
  2. (en) F. Poulet, J.-P. Bibring, J. F. Mustard, A. Gendrin, N. Mangold, Y. Langevin, R. E. Arvidson, B. Gondet et C. Gomez, « Phyllosilicates on Mars and implications for early martian climate », dans Nature, no 438, 1er décembre 2005, p. 623-627 (ISSN 0028-0836) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1038/nature04274
  3. (en) J. F. Mustard, F. Poulet, A. Gendrin, J.-P. Bibring, Y. Langevin, B. Gondet, N. Mangold, G. Bellucci et F. Altieri, « Olivine and Pyroxene Diversity in the Crust of Mars », dans Science, vol. 307, no 5715, 11 mars 2005, p. 1594-1597 (ISSN 0036-8075) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1126/science.1109098
  4. (en) R. E. Arvidson, F. Poulet, J.-P. Bibring, M. Wolff, A. Gendrin, R. V. Morris, J. J. Freeman,1 Y. Langevin, N. Mangold et G. Bellucci, « Spectral Reflectance and Morphologic Correlations in Eastern Terra Meridiani, Mars », dans Science, vol. 307, no 5715, 11 mars 2005, p. 1591-1594 (ISSN 0036-8075) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1126/science.1109509
  5. (en) Aline Gendrin, Nicolas Mangold, Jean-Pierre Bibring, Yves Langevin, Brigitte Gondet, François Poulet, Guillaume Bonello, Cathy Quantin, John Mustard, Ray Arvidson et Stéphane LeMouélic, « Sulfates in Martian Layered Terrains: The OMEGA/Mars Express View », dans Science, vol. 307, no 5715, 11 mars 2005, p. 1587-1591 (ISSN 0036-8075) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1126/science.1109087
  6. (en) Jean-Pierre Bibring, Yves Langevin, Aline Gendrin, Brigitte Gondet, François Poulet, Michel Berthé, Alain Soufflot, Ray Arvidson, Nicolas Mangold, John Mustard, P. Drossart, et l'équipe OMEGA, « Mars Surface Diversity as Revealed by the OMEGA/Mars Express Observations », dans Science, vol. 307, no 5715, 11 mars 2005, p. 1576-1581 (ISSN 0036-8075) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1126/science.1108806
  7. (en) Yves Langevin, François Poulet, Jean-Pierre Bibring, Brigitte Gondet, « Sulfates in the North Polar Region of Mars Detected by OMEGA/Mars Express », dans Science, vol. 307, no 5715, 11 mars 2005, p. 1584-1586 (ISSN 0036-8075) [texte intégral (page consultée le 6 février 2010)] 
    DOI:10.1126/science.1109091
  8. (en) Jean-Pierre Bibring, Yves Langevin, John F. Mustard, François Poulet, Raymond Arvidson, Aline Gendrin, Brigitte Gondet, Nicolas Mangold, P. Pinet et F. Forget, ainsi que l'équipe OMEGA : Michel Berthé, Jean-Pierre Bibring, Aline Gendrin, Cécile Gomez, Brigitte Gondet, Denis Jouglet, François Poulet, Alain Soufflot, Mathieu Vincendon, Michel Combes, Pierre Drossart, Thérèse Encrenaz, Thierry Fouchet, Riccardo Merchiorri, GianCarlo Belluci, Francesca Altieri, Vittorio Formisano, Fabricio Capaccioni, Pricilla Cerroni, Angioletta Coradini, Sergio Fonti, Oleg Korablev, Volodia Kottsov, Nikolai Ignatiev, Vassili Moroz, Dimitri Titov, Ludmilla Zasova, Damien Loiseau, Nicolas Mangold, Patrick Pinet, Sylvain Douté, Bernard Schmitt, Christophe Sotin, Ernst Hauber, Harald Hoffmann, Ralf Jaumann, Uwe Keller, Ray Arvidson, John F. Mustard, Tom Duxbury, François Forget, G. Neukum, « Global Mineralogical and Aqueous Mars History Derived from OMEGA/Mars Express Data », dans Science, vol. 312, no 5772, 21 avril 2006, p. 400-404 (ISSN 1095-9203) [texte intégral (page consultée le 28 décembre 2009)] 
    DOI:10.1126/science.1122659
  9. Terme forgé à partir du grec ancien τὸ θεΐον signifiant « le soufre » ; la racine exacte serait plutôt l'adjectif *θειικον dans le sens de « sulfurique. »
  10. Terme forgé à partir du grec ancien ὁ σίδηρος signifiant « le fer » ; la racine exacte serait plutôt l'adjectif *σιδηρικος dans le sens de « ferrique. »
  11. Science – 21 avril 2006 « Sketch of the alteration history of Mars, with phyllosilicates formed first, then sulfates, then anhydrous ferric oxides, » dans l'article cité plus haut (DOI:10.1126/science.1122659)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes



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