Rishi

Rishi
Un rishi sculpté au bas d'une colonnette du Phra Prang Sam Yod de Lopburi en Thaïlande.

Rishi ( ऋषि en écriture devanāgarī, ṛṣi en translittération IAST) est un mot de vieil-indien repris dans la langue sanskrite, construit sur la racine monovocalique « Ṛ- » comme le nom apparenté « Ṛ ta » qui se traduit par « régularité » et s'applique à tous les mouvements réguliers du cosmos védique. Un Rishi védique est un témoin primordial de toutes les régularités à l'œuvre en ce monde qui manifestent pour lui le Véda au sens premier de « découverte » de l'ordre cosmique.

Après la période védique de la culture indienne, le brahmanisme conçoit les sept Rishi comme d'anciens sages qui auraient « entendu » (Śruti) le Véda primordial.

L´hindouisme considère les Rishi comme des yogi qui, en méditation profonde, entendirent les « hymnes » du Véda émanés du Brahman.

Sommaire

Prolégomènes

Étymologie

Une racine exceptionnelle dans la langue sanskrite se note en écriture devanāgarī, translittérée Ṛ- en IAST, approximativement prononcée iR- mais transcrite par Ri- en français, que Louis Renou traduit entre autres par « se produire, atteindre, restituer »[1]. Exceptionnelle parce que limitée à une pure voyelle roulante, la septième de l'alphabet, sans consonnes radicales pour l'étayer. Cette racine intègre un verbe spécial lui aussi, qui utilise un suffixe thématique -cch- inséré entre la racine et les désinences de la conjugaison, fournissant la forme verbale ṛcchati que Jean Varenne traduit ainsi : « il participe »[2]. Cette racine intègre aussi le nom masculin ऋषि (ṛṣi) parfois transcrit Richi en français, et toujours transcrit Rishi en anglais, généralement traduit par « chantre-auteur des hymnes védiques », mais aussi par « sage, ermite, ascète »[3].

Étymologiquement un Richi (un Rishi) est un ancien Sage qui participe au Veda qu'il l'atteint par l'écoute et restitue en stances védiques constitutives de la tradition orale du Rig-Véda. Que l'initiale du nom Richi soit la septième lettre de l'alphabet indien devanāgarī et que la tradition indienne s'accorde généralement à dénombrer sept Richi primordiaux forme une coïncidence mnémotechnique utile et coutumière de la mentalité védique fortement imprégnée de magie.

Évolution sémantique

Autre coïncidence numérique et magique : dans les Vedāṅga, « membres du Veda » postérieurs au védisme primitif, l'astrologie indienne nomme « sept rishi » (saptarishi) l'ensemble des sept étoiles qui forment ce que l'astronomie contemporaine appelle la Grande Ourse.

Védisme

Article détaillé : Védisme.

La tradition indienne attribue aux rishi la composition des hymnes (sûkta) les plus anciens du Rig-Véda qui forment la base de la Rigveda-samhita, première collection de textes écrits du védisme[4].

La tradition rapporte aussi que chacun des dix cycles (mandala) du Rig-Véda serait tributaire d'une seule famille de rishi. Pour Richard Waterstone cette croyance en dix familles de rishi proviendrait cependant de structures littéraires propres à chacun des dix mandala qui leur donnent un style spécifique[5].

Ṛta ordre régulier

Les Rishi écoutent, et entendent le Ṛta[6], rythme du cosmos manifesté dans le cours régulier des étoiles (ṛ kṣa), la succession régulière des saisons (ṛ tu), la simplicité (ṛ jutā) d'une conduite droite et honnête (ṛ ju) qui mène à la prospérité (ṛ ddhi) et à la fécondité du mâle (ṛ ṣabh[7]).

Cette fécondité et cette prospérité rendent les Rishi débiteurs (ṛ ṇī ) d'une obligation (ṛ ṇa) nouvelle, celle de régulariser l'expression de leurs vœux en versets (ṛ cā) bien cadencés de chants védiques (rik, rig > rigveda). Ces strophes votives constituent une arme (ṛ ṣṭi) puissante contre les forces du chaos et du désordre (la nirṛti, la non ṛta).

La racine de tous ces mots est «  »[8], un des rares lexèmes sanskrits sans consonne initiale ni finale, pure roulante vocalique qui manifeste le pouvoir dynamique d'une « vibration universelle » sans commencement ni fin, ouverte, sans limites, impersonnelle, éternelle[9].

Śruti audition de l'ordre régulier

Article détaillé : Śruti.

Les Rishi entendirent le cosmos proférer de lui-même le son fondamental que développent ensuite les stances du Veda éternel[10] dont voici un exemple : « ô Soma, ô bienfaiteur puissant, uni à ta douce rosée, viens dans le sacrifice au milieu de ces richesses qui font ta gloire », premier verset d'une « hymne » au pouvoir de Soma, transmis par les sept Rishi Bharadwaja, Gasyapa, Gotama, Atri, Viswamitra, Djamadagni, et Vasishtha[11].

Ainsi, l'écoute perpétuelle (Shruti) de l'ordre éternel (Rita) permet aux Rishi[12] de connaître (Veda) cet ordre et de trouver (Veda) les moyens de l'exprimer en strophes (ṛ cā) rythmées, bien mesurées, qui se transmettent régulièrement de bouche à oreille jusqu'aux indiens d'aujourd'hui[13] et les dépassent, éternellement transmises aux générations hindouistes à venir car, « Pères d'une heureuse lignée, puissions-nous chanter longtemps encore dans le sacrifice »[14].

En note au verset « C'est ainsi que les premiers Rishi ont obtenu le bonheur », Langlois note que le nom de Oûmas donné aux Rishi les distinguent des Pitri, les Ancêtres, avec lesquels il convient de ne pas les confondre[15].

Sept Rishi ou davantage

« Le brillant Soma est versé ... en même temps s'approchent les sept Rishi éclairés », en ce début d'une autre stance (rik, rig-), le nombre sept permet d'associer les rishi aux sept offrandes du sacrifice védique (yajña) et aux sept mètres de la poésie védique[16].

Ce chiffre sept étant « magique » plutôt qu'arithmétique, le nombre réel des Rishi pourrait bien être supérieur. La plupart des hymnes de la huitième lecture de la section huit du Rig-Véda sont en effet attribués à des Rishi très nombreux[17]. Le tableau ci-après en compte trois fois onze, soit trente-trois (11 et 33 sont aussi des chiffres magiques dans la numérologie védique). La plupart des Rishi y sont apparentés à l'aide de l'expression « fils de » et sont donc masculins, tel Atri fils de Sankhya. Quelques Rishi sont du genre féminin, telles Satchi fille de Pouloman, Indrani, ou Sraddha fille de Cama.

Rigveda-samhita, Section 8, Lecture 8 du classement de Alexandre Langlois :
Hymne Rishi fils de
1 I Atri Sankhya
2 II Souparna Tarkchya
3 III Indrânî
4 IX Sraddha fille de Cama
5 XI les Ondes mères d'Indra
6 XII Yami
7 XIV Kétounaman Agni
8 XV Bhouvana Aptya
9 XVI Tchakchous Sourya
10 XVII Satchi fille de Pouloman
11 XIX Yakchmanasana Pradjapati
12 XXII Pratchétas Angiras
13 XXIII Capota Nirriti
14 XXIV Richabha Virat ou Sakwari
15 XXV Viswamitra Djamadagni
16 XXVI Anila
17 XXVIII Vibhrat Sourya
18 XXXIII Ourdhwagravan Ambouda
19 XXXIV Sounou Ribhou
20 XXXV Patanga Pradjapati
21 XXXVI Arichtanémi Tarkchya
22 XXXVIII Djaya Indra
23 XXXIX Pratha Vasichta
24 idem Sapratha Bharad
25 idem Gharma Sourya
26 XL Tapourmourdhan Vrihaspati
27 XLI Pradjavan Pradjapati
28 XLIII Satyadhriti Varouna
29 XLIV Oula
30 XLV Vatsa Agni
31 XLVI Syéna Agni
32 XLVII Sarparadjgni
33 XLIX Savanarasa

Pour montrer que la définition du nombre exact des Rishi s'avère un problème très compliqué, voici le verset 15 d'un hymne à Indra[18]. : « Dans la partie inférieure (d'Indra) apparaissent sept Rishi, et huit dans la partie supérieure, derrière lui se sont fixés neuf personnages, et dix autres se partagent la partie antérieure du ciel ». Et le verset 16 de poursuivre : « Un de ces dix Rishi, Kapila, est chargé par ses compagnons de suivre, comme Aditya, le cours du grand sacrifice ».

Ces auteurs d'hymnes ne sont pas des Rishi primordiaux, mais ils portent le titre honorifique de Rishi, précurseur du titre de Maharishi qui sera utilisé dans l'hindouisme[19].

Brahmanisme

Article détaillé : Brahmanisme.

Sept Rishi (les Saptarishi) sont souvent mentionnés dans les Brahmana et les travaux postérieurs en tant que représentants typiques du caractère et de l'esprit de la période préhistorique ou mythique.

Dans le Shatapatha Brahmana (14,5,2,6), leurs noms sont Gotama, Bharadvaja, Vishvamitra, Jamadagni, Vasishtha, Kashyapa, et Atri.

Hindouisme

Article détaillé : Hindouisme.

Dans l'Hindouisme, un Rishi (ऋषि, ṛṣi) est considéré soit comme un patriarche, un saint, un prêtre, un précepteur, un auteur d'hymnes védiques, un sage, un ascète, un prophète, un ermite, soit comme une combinaison de ces différentes fonctions.

Les Purâna citent des noms de Rishi accompagnés de descriptions mythologiques embellies, certains Purâna les considèrent comme des demi-dieux, d'autres comme des sages qui ont « entendu » (Shruti) les hymnes du Veda émanés de l'être suprême Brahman pendant qu'ils étaient en méditation profonde[20].

Dans Mahābhārata 12, livre issu de la Smirti et non de la Shruti, les Rishi sont Marichi, Atri, Angiras, Pulaha, Kratu, Pulastya et Vasishtha.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Jan Gonda, Die Religionen Indiens, Band 1: Veda und älterer Hinduismus, 1960, traduction italienne de Carlo Danna sous le titre Le religioni dell'India : Veda e antico induismo, 514 pages, Jaca Book, Milano, 1980, ISBN
  • Jan Gonda, Védisme et hindouisme ancien. Traduit de l'allemand par L. Jospin, 432 pages, Payot, Paris 1962, (épuisé en français)
  • Alexandre Langlois, Rig-Véda ou Livre des hymnes, 646 pages, Maisonneuve et Cie, 1872, réédité par la Librairie d'Amérique et d'Orient Jean Maisonneuve, Paris 1984, ISBN 2-7200-1029-4
  • Jean Varenne, Le Véda, Les Deux Océans, réédition 2003, ISBN 2-86681-010-4
  • Kreith Crim, General Editor, The Perennial Dictionary of World Religions, originally published as Abingdon Dictionary of Living Religions, 830 pages, Harpers and Row, Publishers, San Francisco, 1981, ISBN 978-0-06-061613-7
  • Gerhard J. Bellinger, Knaurs Grosser Religions Führer, 1986, traduction française préfacée par Pierre Chaunu sous le titre Encyclopédie des religions, 804 pages, Librairie Générale Française, Paris 2000, Le Livre de Poche, ISBN 2-253-13111-3
  • N. Stchoupak, L. Nitti et Louis Renou, Dictionnaire sanskrit-français, 897 pages, Librairie d'Amérique et d'Orient, Jean Maisonneuve Successeur, Paris 1932, réédition 1987 (réimpression, 2008). (ISBN 2-7200-1049-9)
  • Jean Varenne, professeur à l'université de Provence, Grammaire du sanskrit 128 pages, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je » n° 1416, Paris 1971.
    (ISBN 9782130358947)

Notes et références

  1. Stchoupak & Nitti & Louis Renou, Dictionnaire sanskrit-français, page 163 à droite.
  2. Jean Varenne, Grammaire du sanskrit, page 86, §118, remarques.
  3. Stchoupak & Nitti & Louis Renou, opus citatum, page 164 à droite.
  4. Charles S. J. White, professeur de philosophie et de religion, American University, article rishi dans The Perennial Dictionary of World religions (originally Abingdon Dictionary), page 623.
  5. Richard Waterstone, India, traduction française de Zeno Bianu L'Inde éternelle, page 17.
  6. Jan Gonda, Veda e antico induismo, page 81 : « ... del ṛta, cioè la manifestatione prima e più importante della struttura armonica dell'universo ».
  7. Stchoupak & Nitti & Renou, Dictionnaire Sanskrit-Français, page 164, ṛ ṣabh signifie aussi taureau.
  8. Stchoupak & Nitti & Renou, opus citatum, pages 163 et 164.
  9. l'étymologie du mot pourrait être dérivée de la forme obsolète de « tige » qui signifie « pour voir, perception de l'esprit » [réf. nécessaire].
  10. Charles S.J. White, professeur de philosophie et de religion (The American University), in The Perennial Dictionary of World Religions (Abingdon), page 623.
  11. Alexandre Langlois, Rig-Véda ou Livre des hymnes, (RV 7, 2, 3, verset 1), page 482.
  12. la mentalité des Rishi n'a pas encore inventé les notions de Deus, ou d'Esprit, ou de transcendance, car leur pensée moniste ne crée aucune division dans leur monde (pas même celle des castes, invention ultérieure elle aussi).
  13. Jan Gonda, op. cit., page 41 : « è stato tramandato molto a lungo solo oralmente nelle « scuole » dei brahmani ».
  14. Alexandre Langlois, op. cit., (RV 2,8,7, verset 3 partim), page 191
  15. Alexandre Langlois, opus citatum, (RV 7, 6, 1, verset 7), page 497.
  16. Alexandre Langlois, opus citatum, (RV 7, 4, 2, versets 1-2), page 497.
  17. Alexandre Langlois, opus citatum, page 41, divise le Rigveda en 8 sections (ashtaka), divisées chacune en huit chapitres (adhyâya) qui contiennent chacun un nombre variable d'hymnes (sûkta) composés de versets (rk, rig) qui donnent leur nom à l'ensemble de textes nommé Rig-Véda; la référence à un verset reprend donc quatre nombres sous la forme suivante (RV 1,5,13,7) qui se lit : Rigveda, section 1, chapitre 5, hymne 13, verset 7. Langlois nomme aussi les chapitres « lectures ».
  18. Alexandre Langlois, op. cit., (RV 7,7,9, versets 15 et 16)
  19. Alexandre Langlois, op. cit., (RV 8,8,9, versets 15 et 16), page 599, note 4 à droite, dit simplement que ce sont des Rishi imaginaires.
  20. Charles S. J. White, professeur de philosophie et de religion à la American University, article rishi dans The Perennial Dictionary of World religions (originally Abingdon Dictionary), page 623.

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