Occitanie jusqu'aux années 70

Occitanie jusqu'aux années 70

Occitanie jusqu'aux années 1970

Situation de l'Occitanie au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

Effondrement économique

Dès 1940, de nombreux Espagnols s'établirent dans le pays (pour la plupart des exilés politiques de la guerre civile dont une majorité de Catalans), ainsi que des Italiens, des Arméniens et, plus tard, des Maghrébins et des Africains, exilés politiques ou économiques, qui ont modifié l'ethnographie occitane.

Ainsi, la perte démographique subie durant les années 1950-1960 dans le camp occitan aurait favorisé la vague culturelle et de francisation urbaine.

Entre 1943 et 1953, ce ne seront pas moins de treize exploitations de bauxite du Var qui seront fermées, en dépit de la production annuelle de 800 000 tonnes. De la même manière, la chute inexorable du secteur minier cévenol vit le nombre de travailleurs passer de 20 000 en 1946 à 12 000 en 1949. Parallèlement, à Alès, la production va chuter de 3,1 millions de tonnes en 1953 à 2,28 millions en 1954, pour remonter à 2,6 millions en 1960 et finir à 2,5 millions en 1966 ; le nombre d'employés passera lui de 5 000 ouvriers en 1950 à 3 000 en 1958.

L'Occitanie a payé un prix élevé à la crise du charbon, non seulement au niveau français mais également européen, qui fut à l'origine de la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) qui allait devenir la Communauté économique européenne (CEE). En 1948 fermèrent également les mines de lignite de Lacauneta et Lamòta, celles de houille de Plasença et les sites de transformation de Port-Saint-Esprit et Le Bosquet-de-l'Orb (Hérault).

L'agriculture ne fut pas non plus épargnée. En 1951, en Camargue, quelque douze fermes possédaient 60 % de la terre cultivable et contrôlaient la moitié de la production de riz tandis que dans le bas Languedoc, quelque quatre-vingt-dix-sept propriétaires se partageaient 5 477 hectares. Entre 1962 et 1972, près de 40 000 hectares du Languedoc passèrent aux mains de propriétaires étrangers.

À cette époque, les principaux syndicats paysans étaient le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF), d'obédience communiste, et le Mouvement syndical des travailleurs paysans (MSTP), socialiste. Commence alors le « plan Veau » avec l'objectif de liquider la petite exploitation familiale, car le parcellement rend l'exploitation difficile, mais on ne put éviter la naissance en 1958 de 229 sociétés viticoles dont 70 étrangères. 1955 verra la naissance de la « Compagnie nationale du bas Rhône-Languedoc » dont le but sera de récupérer de nouvelles terres et de développer le secteur touristique.

En 1960 est créée une usine d'aluminium à Noguères (Aquitaine), mais, en 1962, le gouvernement français décide de façon totalement arbitraire la fermeture du complexe minier et industriel de Decazeville, à la Salle, fait qui sera alors considéré comme le catalyseur des revendications occitanes modernes. Robert Lafont voit les causes du sous-développement de la région dans la pauvreté du sol et la basse rentabilité par l'État, le manque de vision des intérêts régionaux, la crise démographique et le manque de possessions des moyens de distribution. Cependant, l'Occitanie n'est pas une région pauvre. À Péchiney (Ariège) est produit le cinquième de l'aluminium français et Toulouse emploie 14,7 % des ouvriers français des secteurs chimique et aéronautique. Encore et toujours, le Languedoc de 1963 n'avait que deux entreprises employant plus de cent personnes et avec la capitale régionale (l'une d'elles étant Explosius Rey à Nîmes), tandis que 96,6 % des ateliers employaient moins de vingt personnes et 79,8 % en employaient moins de trois. En Provence la situation était identique, hormis pour les entreprises de Paul Ricard.

De plus, 1966 vit la fermeture des arsenaux de des tancaren les drassanes de Port-de-Bouc (Provence) et l'ouverture des raffineries pétrolières de Fos, étang de Berre, Frontignan et d'Ambès qui, bien que créant des emplois, provoquent de nombreuses pollutions et quelques catastrophes écologiques que tenta de réduire la création, en 1972, du Parc naturel régional de Camargue, près des Saintes-Maries-de-la-Mer, avec 80 000 hectares de marais et de milieux aquatiques protégés.

Formation de l’occitanisme

La fin de la guerre sera marquée en Occitanie par un patriotisme français triomphant. Les collaborateurs occitans furent poursuivis, et les résistants souvent attaqués tant par les gaullistes que par les communistes. À Limoges, pour finir, il y a une résistance occitane à l'intérieur des autorités gaullistes, et le général de Gaulle lui-même vint à Toulouse pour désarmer le maquis qui ne voulait pas rendre les armes prétextant la volonté de venir en aide aux résistants républicains basques et catalans.

C'est dans ce contexte que le 24 avril 1945 la SEO céda le pas définitivement au nouvel Institut d'études occitanes (IEO), à Toulouse, qui édite les revues Occitània et Annales de l'IEO qui veulent promouvoir la culture occitane et revendiquer l'enseignement de l'occitan à l'école tandis qu'ils proposent une graphie unifiée. C'est ainsi que Joan Bozet, en 1952, avec l'aide de Bec et Alibert, permit que le gascon s'adapte définitivement à la graphie occitane malgré l'opposition de l'école Gaston-Febus (bien qu'en 1951 R. Lafont ait fait de même avec le provençal).

Cette nouvelle génération occitane va promouvoir en 1946 la création de la revue L'Ase Negre (l'Âne noir), de caractère culturel à laquelle participèrent Lafont, Cubainas, Pèire Lagarda, Leon Còrdas, Max Roqueta et Fèlis Castanh, chacun représentant différentes tendances politiques. Les efforts et pressions de l'IEO, à l'instar de Pèire Lois Berthaud qui occupait alors la charge d'ambassadeur français à l'Unesco, menèrent en 1951 à l'approbation par l'Assemblée nationale de la « loi Deixonne » du 11 janvier qui autorisa l'enseignement des langues régionales dans le secondaire et dans les universités. Elle fut rapidement mise en pratique à Montpellier mais ne fut pas améliorée avant fin 1966, et de fait n'entra pas en vigueur sur la totalité du territoire occitan avant l'approbation de la « loi Haby » de 1975.

Le « félibrisme » moderne

Les félibres, malgré leur dépréciation, continuèrent leur œuvre culturelle, étant donné qu'ils étaient supérieurs en nombre aux occitanistes. Ils pouvaient compter avec des organisations de prestige telles l'école Gaston-Fébus de Gascogne, la revue Lemouzi (revue régionaliste limousine fondée en 1893) et l'école occitane de P. Salvat (comptant 200 membres), fondateur également du groupe des « Prieurés et religieux amis de la langue d'Oc » (PRALO). Ils considéraient les occitanistes comme des hérétiques, déjà qu'ils considéraient que chaque dialecte occitan était original et que l'unité linguistique était une utopie, et ceux-ci les accusèrent de « folkloriser » la langue.

Cependant, le manque de meneurs charismatiques (Marius Jouveau et Arnavielle étant morts) fit passer pratiquement inaperçu de l'opinion publique le centenaire de la fondation du félibrisme de 1954. Renié Joveau (1906-1997) et Suli-Andrièu Peyre vont créer en 1952 le Groupement d'étude provençal (considéré par beaucoup comme un second Font Segunha), une tentative d'alternative à l'IEO et ainsi réhabiliter le mouvement. Il obtinrent la fondation de la Guiena de l'école félibres Lo Bornat de Perigús, l'une des plus actives alors, l'école de Jansemin à Agen et l'école Carsinolo à Carcin, mais Enric Mouly eu Rogèr Lapassada obtinrent que les associations félibres du Rouergue et du Bearn adoptassent les normes de l'IEO. Par le fait, le Languedocien Rogier Barthe (1911-1981), fils d'Emili, va tenter de lancer durant les années 1950 une « Fédération internationale d'action latine » pour promouvoir l'union des nations latines, mais sans résultat.

Occitanisme culturel et politique

Durant les années cinquante, des personnalités telles que Lafont tentère de supplanter le félibre et le fédéralisme classique de Campròs, mais c'était une tâche ardue à cause de la dispersion du groupe et des particularités régionales internes. En 1958, conjointement avec le groupe breton Ar Falz, ils mirent sur pied le Moviment Laïc de las Culturas Regionalas (Mouvement laïque des cultures régionales) dans le but de promouvoir l'enseignement des parlers régionaux.

Simultanément, occitanistes et félibres s'accordèrent pour former en 1961 la Secció de Llengues Meridionals del Pen Club (Section des langues méridionales du Pen Club) sous la présidence de l'IEO et trois vice-présidents félibres. Peu après, fut formée l'Union Culturala de Països d’Oc (Union culturelle des pays d'Oc) avec laquelle ils vinrent former partie du Conseil national de défense et promotion des langues de France, parallèmenet à l'IKAS (Iparralde), GREC (Catalogne Nord), Scola Corsa, René Schickele Kreis et Cercle Michel de Swaen. Le premier président était un occitan, André Chamson (1900-1983), qui affirmait que « bilingüísme és humanisme » (le bilinguisme est humanisme). En 1972, il fut remplacé par un autre écrivain occitan, Noël Mathieu, plus connu sous le pseudonyme de Pierre Emmanuel (1916-1984).

D'un autre côté, à partir de 1955, Joan Botiera, ancien directeur de l'Institut d'études provençales de La Sorbonne, va promouvoir les Congrès de langue et littérature occitanes, qui se tiendront à Avignon (1955), Aix-en-Provence (1958), Bordeaux (1961), Avignon (1964) dans lequel participèrent des universitaires de dix-neuf pays, Nice (1967), Montpellier (1970) et Pau (1973).

En 1959, Francés Fontan (François Fontan) (1929-1979), fondit le Partit Nacionalista Occitan (Parti nationaliste occitan) (PNO), premier parti nationaliste.

Autres options

Par le fait, de nombreux politiques français sont d'origine occitane. Nous pouvons souligner, dans la période d'après-guerre, le Gascon de Comminges Vincent Auriol qui sera président de la République de 1947 à 1954, comme plus tard le sera l’Auvergnat Georges Pompidou de 1969 à 1974 et bien plus tard le limousin Jacques Chirac. Paradoxalement, était également languedocien le chef et fondateur de l’Organisation armée secrète (OAS) en 1961, le militaire Raoul Salan (1899-1984), qui fut condamné à mort en 1968 puis amnistié quelques mois plus tard.

Dans la frange politique, mais plus précisément comme un phénomène occitan, on peut inclure un bref éclair politique, le poujadisme, toutefois difficile à classer, par le biais de l’ Union de défense des commerçants et artisans de France (UDCAF) (UDCA) dirigée par le Gascon Pierre Poujade (1928-2003), qui obtint cinquante-deux députés en 1956 mais qui fut totalement absorbé par le gaullisme en 1959.

La lutte pour la terre

Les années 1960 sont caractérisées par la dégringolade catastrophique de la langue, une crise économique larvaire, l'invasion touristique, la nécrose sociale due au vieillissement chronique de la population dans certains départements, la dégradation du tissu industriel et petites et moyennes entreprises dans le secteur du textile, le rapatriement massif d'un million et demi de pieds-noirs avec une aide financière qui leur permit de s'installer, et l'opposition politique entre un Sud qui devient socialiste et un Nord résolument gaulliste (tant et si bien que l'on pouvait distinguer un « Oc rouge » sur une ligne allant de Draguignan à Limoges d'un « Oc blanc » au Sud du Massif central). Tout cela devait finir par exploser et finir par provoquer durant ces années les activistes occitans, incorporant de nouvelles revendications à leur programme en faveur des viticulteurs et des mineurs, toutes dénonçant la discrimination économique.

Le détonateur furent les faits déjà mentionnés de La Salle, qu'intensifia la crise économique occitane avec l'intention du gouvernement français de maintenir une production charbonnière intérieure, interrogée par la même CECA et une exigence d'assainissement qui provoqua le sacrifice des bassins miniers occitans.

Le 4 février 1962 s'est formé à Narbonne le « Comité occitan d'études et d'action » (COEA), comme un groupe de pression et un club d'opinion, qui édita dès 1964 la revue Viure, sous l'influence des thèses algériennes et de Frantz Fanon. Ils dénoncèrent ainsi la situation occitane comme un « colonialisme intérieur » défini comme la somme de la dépendance économique et de l'aliénation culturelle.

Le fait est que se produisit à La Salle la première « grève régionale » avec le soutien de l'IEO, et que les mineurs fosséens occitanophones vont aligner le COEA au niveau d'un club de réflexion dans le genre du PSF de François Mitterrand, permettant ainsi à la droite française de découvrir le problème occitan. Cependant, le COEA rejette l'indépendantisme et le transfert des tactiques tiers-mondistes vers l'Europe, et voit comme une solution le mélange de régionalisme, d'occitanisme culturel et de socialisme. En 1964, Lafont aurait donné son support publiquement à Mitterrand durant la « Convention des institutions républicaines », suivi peu après par tout le COEA. Ainsi, en 1965, Mitterrand aurait gagné dans tous les départements occitans au second tour de l'élection présidentielle française.

En 1967 se forma le « Peuple d'Oc » et les événements de mai 1968 influèrent également dans le développement de l'occitanisme : le « Centre national des jeunes agriculteurs », la « Jeune chanson » (Jove Cançon) de caractère revendicatrice, les écrivains Joan Larzac, auteur de Realitat Occitana e Crestianisme (ROC) et Ives Roqueta ; aux « Valls Valdeses » du « Mouvement autonomiste occitan » (MAO) ; en 1970, la « Fédération anarcho-communiste d'Occitanie » (FACO) et « Occitanie libertaire », de nature anarcho-écologiste ; et, en 1971, « Lutte occitane » (LO), qui va mener à terme des actions revendicatrices sur le Larzac et Naussac avec un certain succès.

Ce succès va encourager Robert Lafont à se présenter comme candidat à l'élection présidentielle française de 1974, chapeautant ainsi une candidature des minorités, mais l'administration fera en sorte de lui interdire les médias télévisés et finalement la candidature sera rejetée par le Conseil constitutionnel pour motifs techniques. Les revendications culturelles auront plus de succès, ainsi, le nombre d'auteurs occitans va augmenter et en 1972 donnera l'impulsion à une Université occitane d'études.

Voir aussi

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