Napoleon III et la question italienne

Napoleon III et la question italienne

Politique italienne de Napoléon III

Napoléon III en 1848

La politique italienne de Napoléon III est marquée par le soutien de la France à l'unification italienne, menacée par les ambitions de l'empire d'Autriche.

Arrivé au pouvoir par son coup d'État de 1851, Napoléon III, ex-carbonaro, demeure préoccupé par la question de l'unité italienne. La nation italienne reste en effet divisée en de nombreuses petites entités territoriales qu'il a désormais — en tant que maître d'une puissance militaire d'importance — le pouvoir d'unifier. Malgré sa volonté propre, il doit d'abord gérer la situation française et s'allier les catholiques, inquiets des menaces sur les intérêts du Pape. Il décide finalement de s'engager pour la cause italienne et contre l'empire d'Autriche en 1859, gagne, mais doit finalement modérer son action du fait d'une situation diplomatique inquiétante, notamment la menace prussienne.

La France y gagne la Lombardie, la rend à Victor-Emmanuel II, mais reçoit en échange la Savoie et le Comté de Nice. La paix de Villafranca est signée, mais laisse la France dans une situation diplomatique particulièrement inquiétante.

Sommaire

La situation en Italie

Louis-Napoléon Bonaparte, bien avant d'être élu président de la République sous la seconde République, a été profondément marqué par les évènements de février 1848 qui ont débuté à Paris et qui ont eu des répercussions dans toute l'Europe. La situation géopolitique italienne est très morcelée entre les États Pontificaux, les royaumes des Deux-Siciles et de Piémont-Sardaigne ainsi que L'Autriche. Celle-ci est en position dominante car elle contrôle directement la Lombardie Vénétie et par princes interposés Modène et la Toscane.

Un projet unitaire voit le jour avec les évènements de février 1848. La population italienne se révolte contre les Autrichiens qui occupe les États italiens du nord. Milan, située en Lombardie, est reprise par ses habitants aux Autrichiens et les Milanais réclament la rédaction d'une constitution en vue de la création d'un Royaume d'Italie, sous l'égide du roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert. Celui-ci déclare la guerre à l'Autriche le 24 mars 1848 afin d'accélérer l'unification.

Le 25 juillet 1848, le royaume de Sardaigne est défait par les troupes autrichiennes mené par Schwarzenberg à Custoza. Le Pape Pie IX avait soutenu le Piémont-Sardaigne dans sa démarche d'unification avant de faire volte-face et de provoquer une révolution qu'il fuit. Les Autrichiens battent les sardes et le pape revient à Rome le 1er avril 1849 sous la protection des Français.

Victor-Emmanuel, fils de Charles-Albert, qui est devenu roi du Piémont-Sardaigne, signe l'armistice avec les Autrichiens et appelle au pouvoir Cavour en octobre 1850. Ce dernier devient président du conseil (1er ministre) en février 1852. Il incite Victor-Emmanuel à envoyer des troupes à la guerre de Crimée.

« Le principe de nationalités » : la liberté pour les Italiens

Lorsqu'il prend le pouvoir par les élections, puis ensuite par le coup d'État du 2 décembre 1851, Napoléon III est occupé par « le principe des nationalités » du Printemps des Peuples. Il souhaite que les Italiens soient libres. Son véritable problème, qui se développe au fil des années, est de soutenir ou non l'unité italienne. Mais les Français, catholiques pour beaucoup, pensent que cette unité italienne se fera au détriment du Pape car il n'aura alors plus d'États pontificaux. Cela entraînerait aussi une guerre contre l'Autriche.

La situation dans les États occupés après février 1848 devient de plus en plus difficile pour les populations : de nombreuses insurrections (entre 1850 et 1857) ont lieu et sont violemment réprimées par les Autrichiens. Les Autrichiens mettent en place dans les États pontificaux une autorité corrompue, violente et autoritaire. Cavour, au pouvoir depuis 1852, souhaite moderniser le pays et inciter ainsi les populations vers l'unité. Il essaie d'entretenir de bonnes relations diplomatiques avec l'Empire en jouant sur le sentiment pro-italien de Napoléon III. La guerre de Crimée a permis ces rapprochements diplomatiques. L'attentat d'Orsini va bouleverser la donne.

L'attentat manqué d'Orsini, un tournant involontaire vers l'unité italienne

Le 14 janvier 1858, trois bombes sont lancées sur le couple impérial qui se rendait à l'Opéra. Ce sont quatre Italiens, dont Felice Orsini, ancien carbonaro, qui les lancent. Beaucoup craignent alors que les rapprochements diplomatiques effectués soient réduits à néant du fait de la nationalité des poseurs de bombes. Orsini et ses trois compatriotes (Gomez, Pieri, De Rudio) sont jugés et donnent une publicité inattendue à la cause indépendantiste. Orsini, lors de son procès, est défendu par l'avocat républicain Jules Favre.

Napoléon III, sortit indemne de cet attentat comme son épouse Eugénie, laisse circuler les écrits nationalistes d'Orsini, et prend contact avec Cavour, par l'entremise de Henri Conneau, durant l'été 1858. Ils se rencontrent à Plombières le 21 juillet 1858 et mettent en place une sorte d'alliance, définissant une stratégie pour que l'unité italienne voit le jour. En premier, une alliance militaire entre la France et le Piémont se met en place afin de chasser les Autrichiens du territoire italien. En second lieu, une organisation politique de l'Italie est décidée lorsque la victoire sera acquise. Le pape présidera alors cette Italie réunifiée, composée de quatre États : l'Italie du Nord, l'Italie Centrale, les États pontificaux et le royaume des Deux-Siciles.

En échange de l'aide de la France, Cavour promet à Napoléon III la Savoie et la ville de Nice. À partir de novembre 1858, la préparation française à la guerre se met en place par l'entremise d'Adolphe Niel. Deux mois plus tard, le prince Napoléon se rend dans le Piémont afin d'y préparer son mariage avec la fille de Victor-Emmanuel, mais aussi pour signer un accord trilatéral (militaire, financier et diplomatique).

Pendant ce temps, à Paris, l'empereur reçoit les différents corps diplomatiques des pays européens et conclu dans le plus grand secret un accord avec le tsar Alexandre II de Russie afin que son pays reste neutre si une guerre voit le jour entre la France et l'Autriche.

La guerre d'Italie : avril à juin 1859

Les États italiens en 1859

La guerre commence par un ultimatum des Autrichiens lancé au gouvernement de Cavour : si les préparatifs militaires ne s'arrêtent pas, alors ils entreront dans le royaume de Piémont-Sardaigne. C'est ce qui se passe le 27 avril 1859 lorsque les troupes de Ferencz Gyulai pénètrent dans le royaume.

Le 3 mai 1859, Napoléon III déclare son intention de libérer l'Italie « des Alpes à l'Adriatique. » Comme il l'avait déjà fait quatre ans plus tôt en Crimée, il lance ses généraux dans une guerre surprise face à laquelle l'état major n'a ni plan établi, ni préparation. L'empereur a de grands espoirs mais sans penser aux efforts nécessaires pour les réaliser. L'essentiel des opérations militaires se déroulent en deux mois sur le territoire de la Lombardie. Les premiers combats victorieux ont lieu à Palestro, Magenta et Solférino durant les mois de mai-juin 1859.

Le 6 juin, Napoléon III, effrayé par les ravages meurtriers de la guerre, déclare la fin des hostilités. Napoléon III craint aussi que les Autrichiens, alliés aux Prussiens, se mobilisent sur le front du Rhin, afin de créer un nouveau front, et donc déstabilisent l'armée française. L'empereur propose à son homologue autrichien François-Joseph de se rencontrer à Villafranca; Un armistice est signé le 12 juillet 1859. L'Autriche cède la Lombardie et retire ses armées présentes dans les États pontificaux. Les duchés de Modène et de Parme sont eux restaurés.

Cavour, surpris par cet accord, démissionne avec l'impression d'avoir été trahi. En novembre 1859, la paix de Zurich met un terme définitif à la guerre et donc à la participation française dans cette guerre. Napoléon III compose avec la méfiance du Royaume-Uni en remplaçant Walewski, qui est hostile à sa politique, par Thouvenel, un anticlérical et un défenseur de l'alliance avec le Royaume-Uni, et il contrebalance la montée du nouveau royaume italien par l'acquisition du comté de Nice et du duché de Savoie. Napoléon, comme tous les gouvernements français, ne trouve qu'une solution provisoire au problème italien. Pour autant, Napoléon III réaffirme son soutien aux Italiens dans leur processus d'unification.

De juillet 1859 à avril 1860, des duchés italiens se rallient les uns et les autres dans un mouvement unitaire, soutenu par l'opinion publique, et le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel. L'expédition des Mille menée par Garibaldi, qui débute en mai 1860, permet l'annexion du royaume des Deux-Siciles. Le 14 mars 1861, le Royaume d'Italie est proclamé, Victor-Emmanuel devient roi d'Italie.

Raisons de la modération française

Les raisons de cet abandon de la part de l'Empereur au milieu d'un triomphe apparent sont nombreuses. Ni Magenta ni Solférino n'ont été des batailles décisives. De plus, son idée d'une fédération est menacée par le mouvement révolutionnaire qui semble effrayer tous les princes de l'Italie centrale et qui l'entraîne dans une discussion malvenue avec le parti clérical français.

Pire, Napoléon III a oublié de tenir compte de la Confédération germanique qui est liée par un accord d'assistance avec l'Autriche. La mobilisation de la Prusse sur le Rhin, combinée avec les difficultés militaires et le risque d'une défaite en Vénétie, modèrent assez son enthousiasme et le décident à mettre fin à cette guerre. D'un côté les catholiques s'agitent de toute part en Europe pour obtenir l'indépendance des territoires papaux ; et de l'autre côté les républicains français protestent contre l'abandon des traditions révolutionnaires dont ils ont approuvé le renouveau avec enthousiasme.

L'Italie souhaite compléter son unification avec Rome

Article détaillé : Prise de Rome.

L'intérêt principal de Napoléon III envers l'unité italienne est de garder en place le Pape ainsi que ses États pontificaux dans la future Italie qu'il a imaginée. Le roi Victor-Emmanuel a en effet laissé Garibaldi envahir les États du Pape malgré une promesse que le roi avait faite à l'Empereur. Ce dernier envoie alors des troupes pour protéger le Pape et empêcher les Italiens de rentrer dans Rome. Une convention est signée entre la France et l'Italie le 15 septembre 1864 par laquelle les Français acceptent de se retirer des États du Pape à condition que les troupes italiennes ne franchissent plus les frontières des États pontificaux.

En décembre 1866, les dernières troupes françaises quittent Rome, mais de nouvelles insurrections éclatent dans la ville, en 1867, à l'instigation des volontaires de Garibaldi. Napoléon III ordonne le retour de ses troupes et impose que Rome soit rendue à l'Église catholique romaine.

La guerre franco-allemande de 1870 va servir les intérêts de l'unité italienne. En effet, l'Italie reste neutre dans ce conflit. La France rappelle alors ses troupes présentes dans Rome pour les envoyer sur le front prussien. La défaite française à Sedan et la proclamation de la Troisième République permettent au roi Victor-Emmanuel de lancer un ultimatum au Pape : celui-ci doit lui donner Rome, en échange de quoi son indépendance spirituelle est reconnue. Le Pape refuse. Les troupes italiennes rentrent dans Rome et prennent possession des États pontificaux. Un plébiscite entérine cette annexion et Rome devient la capitale du Royaume d'Italie début juillet 1871.

Bibliographie

  • Soutou Georges-Henri, L'Europe de 1815 à nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 2007.
  • Olivesi Antoine et Nouschi André, La France de 1848 à 1914, Paris, Armand Colin, 2005.
  • Pécout Gilles, Naissance de l'Italie contemporaine 1770-1922, Paris, Nathan, 2002.
  • Milza Pierre, Histoire de l'Italie, des origines à nos jours, Paris, Fayard, 2005.
  • Miquel Pierre, le second Empire, Paris, Plon, 1992.

Voir aussi

Liens internes

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