- Luna Papa
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Luna Papa
Données clés Titre original Лунный папа Réalisation Bakhtiar Khudojnazarov Scénario Bakhtiar Khudojnazarov et Irakli Kvirikadze Acteurs principaux Chulpan Khamatova,
Moritz Bleibtreu,
Ato MukhamedshanovPays d’origine Allemagne,
France,
Russie,
Japon,
Autriche,
Suisse,
Tadjikistan,
OuzbékistanSortie 1999 Durée 107 minutes Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Luna Papa (Lunnyy papa, en cyrillique Лунный папа) est un film réalisé par le cinéaste tadjik Bakhtiar Khudojnazarov, sorti en 1999. Il a été co-produit par des sociétés basées dans huit pays différents : Allemagne, Russie, Japon, Autriche, Suisse, France, Tadjikistan et Ouzbékistan. Néanmoins, pour le réalisateur, le film est avant tout « centre-asiatique »[1].
Sommaire
Synopsis
À Far-Khor, ville imaginaire d'Asie centrale[2], Mamlakat Bekmaroudova (Chulpan Khamatova), une jeune villageoise de dix-huit ans, vit avec son père, Safar (Ato Mukhamedshanov), qui est vétérinaire[3], et son frère, Nasreddin (Moritz Bleibtreu), qui est mentalement perturbé depuis son service militaire effectué durant la guerre d'Afghanistan[3]. Elle rêve de devenir comédienne. Un soir de pleine Lune, Mamlakat arrive en retard pour la représentation d'une pièce de Shakespeare par une troupe ambulante, à laquelle elle voulait absolument assister. Déçue, elle erre dans les alentours, dans l'obscurité d'un bois, où un homme, qu'elle entend mais ne voit pas, l'aborde. Naïve, elle croit l'inconnu lorsqu'il prétend être un acteur (affirmant même connaître intimement Tom Cruise[4]) puis elle ne résiste pas à ses avances pourtant forcées. Ils ont ainsi une relation sexuelle furtive dans le bois puis l'homme disparaît sans que Mamlakat ait pu voir son visage ni connaitre son identité. La jeune femme découvre plus tard qu'elle est enceinte de lui et se lance à la recherche du père de son enfant, avec l'aide de son père, qui a difficilement accepté la nouvelle, et de son frère. Ensemble, ils écument les théâtres du pays pour tenter d'identifier le père biologique du futur enfant.
Fiche technique
- Sauf mention contraire, les informations concernant la fiche technique proviennent du site IMDb.
- Réalisation : Bakhtiar Khudojnazarov
- Scénario : Bakhtiar Khudojnazarov et Irakli Kvirikadze
- Musique originale : Daler Nazarov
- Direction artistique : Negmat Jouraiev
- Photographie : Martin Gschlacht, Dušan Joksimović, Ulugbeck Khamraev, Rostislav Pirumov et Rali Raltschev
- Montage : Evi Romen et Kirk von Heflin
- Costumes : Zebo Nasirova
- Production : Philippe Avril, Karl Baumgartner, Thomas Koerfer, Heinz Stussak et Igor Tolstunov
- Coproduction : Christoph Friedel, Kenzô Horikoshi, Christa Saredi et Jan Schütte (de)
- Production associée : Yevgeni Gindilis, Raimond Goebel et Michael Seeber
- Production exécutive : Sergey Kozlov
- Sociétés de production par pays d'origine :
- Allemagne : Pandora Film[5] (coproducteur), ZDF/Arte[5] (producteur associé), Novoskop Film[5] (producteur associé), Hessische Filmförderung Filmförderunganstalt (de)[5] (participation), Filmboard Berlin-Brandenburg[5] (participation)
- Autriche : Prisma Films[5] (coproducteur), Öterreichisches Filminstituwiener Filmfinanzierungsfonds[5] (participation)
- France : Les Films de l'Observatoire[5] (coproducteur), CNC[5] (participation), Communauté urbaine de Strasbourg[5] (participation), Fonds Sud Cinéma[5] (participation)
- Japon : Euro Space[5] (coproducteur)
- Ouzbékistan : Lona Studio[5],[6] (producteur associé)
- Russie : NTV-Profit (ru)[5] (coproducteur)
- Suisse : Thomas Koerfer Film AG[5] (coproducteur), Frenetic Film[5] (producteur associé), Fernsehen DRS[5],[6] (producteur associé), Office fédéral de la culture[5] (participation), Fondation Montecinemaverità[5] (participation)
- Tadjikistan : Tajik Filmstudio (coproducteur)[7], VISS[6] (coproducteur)
- Conseil de l'Europe : Eurimages[5] (participation)
- Sociétés de distribution : Océans Films[5] (France), Arthaus Filmverleih (Allemagne), Frenetic Films[8],[9] (Suisse), Lucky Red[10] (Italie)
- Langue originale : russe et plus secondairement farsi[11]
- Format : Couleurs - 35mm - 1,66:1 - Dolby Digital/Dolby SRD[11]
- Durée : 107 ou 109 minutes (métrage : 2 989m[8])
- Dates de sortie :
- Italie : 8 septembre 1999 (Mostra de Venise), 10 mars 2000 (sortie nationale)
- Canada : 17 septembre 1999 (Festival de Toronto)
- Japon : 5 novembre 1999 (Festival de Tokyo), 29 juillet 2000 (sortie limitée : Tokyo)
- Grèce : 13 novembre 1999 (Festival de Thessalonique), 29 septembre 2000 (sortie nationale)
- États-Unis : 21 janvier 2000 (Festival de Sundance),12 janvier 2011[12] (sortie lmitée), 25 juillet 2003 (sortie limitée : Los Angeles)
- Russie : 31 mars 2000
- France : 3 mai 2000
- Suisse : 3 mai 2000[8] (Suisse romande), 15 juin 2000 (Suisse alémanique)
- Belgique : 28 juin 2000
- Allemagne : 27 juillet 2000
- Autriche : 7 septembre 2000[10]
- Dates de sortie en DVD :
Distribution
- Chulpan Khamatova : Mamlakat Bekmaroudova
- Moritz Bleibtreu : Nasreddin Bekmaroudov, le frère
- Ato Mukhamedshanov : Safar Bekmaroudov, le père
- Merab Ninidze : Alik
- Polina Rajkina : Khabibula (voix)
- Nikolai Fomenko : Yassir
- Lola Mirzorakhimova : Zube
- Sherali Abdulkajsov : Akbar
- Dinmukhamet Akhimov : Le gynécologue
- Azalbek Nazriyev : Alisher Khamrayev
Autour du film
De la genèse au tournage
En 1993, Bakhtiar Khudojnazarov reçoit le Lion d'argent lors de la 50e Mostra de Venise pour son film On est quitte (Kosh ba kosh), ce qui lui permet d'obtenir des financements de producteurs occidentaux[n 1] et donc un budget suffisant pour réaliser un projet de plus grande ampleur[19], ce qui aboutira à la réalisation de Luna Papa. Selon Irakli Kvirikadze, il se retrouve alors par hasard avec son ami[20] Khudojnazarov et avec le producteur Karl Baumgartner dans un café de Berlin[21] où Baumgartner, qui venait de s'engager dans la production ambitieuse de Underground de Kusturica, demande aux deux hommes de lui proposer un projet plus abordable financièrement[21]. Kvirikadze, qui a l'habitude de noter diverses histoires vraies dans un cahier, retrouve une histoire géorgienne qu'il avait oubliée, à propos d'une fille enceinte[21]. Il écrit rapidement une première ébauche de synopsis à partir de cette histoire et la propose dès le lendemain à Khudojnazarov et Baumgartner qui se disent enthousiastes[21]. Kvirikadze et Khudojnazarov réfléchissent longtemps à une idée de scénario avant de décider de faire un film « dédié à [leurs] mères »[1], alors que celle de Kvirikadze vient de mourir[20]. Les deux scénaristes se donnent alors pour objectif d'écrire « une comédie, pleine d'humour, d'ironie, et de poésie »[20].
Le scénario s'inspire de plusieurs histoire d'enfance de Kvirikadze[20], dont un conte traditionnel géorgien[22], mais aussi du vécu personnel de Khudojnazarov[20]. Le scénario incorpore d'autres histoires vraies, comme celle de pilotes d'Asie centrale qui avaient volé un taureau puis avaient été contraints de s'en débarrasser en plein vol, la chute de l'animal causant le naufrage d'un bateau de pêche dont seule une passagère, enceinte, a survécu[23]. Khudojnazarov dit apprécier ce « genre d'histoire bien tordue et loufoque [...] parce que la logique, en revanche, [lui] semble trop sèche, sans sel »[23]. Khudojnazarov avoue avoir également puisé une partie de son inspiration dans la littérature de Luigi Pirandello et de Gabriel García Márquez[23] et évoque aussi deux tragédiens très joués en Asie centrale : Shakespeare et Sophocle[24]. D'après Kvirikadze, le plus difficile a été de trouver une fin à l'histoire et les scénaristes ont écrit une douzaine de dénouements, dont plusieurs ont ensuite été tournées pour permettre de se fixer sur le choix final au moment du montage[22].
L'histoire de Luna Papa ne situe pas vraiment au Tadjikistan, le pays d'origine du réalisateur, ni en Géorgie, pays d'origine de son co-scénariste et de l'histoire qui est à la base du scénario, mais dans un pays imaginaire qui s'inspire de plusieurs pays d'Asie centrale ainsi que des pourtours de la Mer Noire, de la Turquie et de la Grèce[2]. Luna Papa a été filmé dans une région où se rejoignent le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kirghizistan[25],[26]. La majeure partie des scènes a en effet été tournée dans le nord du Tadjikistan, sur les rives du Karakoum[11], une retenue d'eau artificielle créée par un barrage sur le Syr-Daria, dans les environs de la ville de Khodjent[26]. Un village entier a été construit pour les besoins du films, avec des canaux et un petit port, et a même dû être reconstruit une deuxième fois à cause d'une inondation qui a interrompu le tournage pendant trois mois[26],[27]. Sa conception a nécessité la collaboration de plusieurs décorateurs venus du Kazakhstan, d'Ouzbékistan, du Tadjikistan et de Saint-Pétersbourg[2] et d'une équipe d'environ 140 personnes pour le construire[26]. Après le tournage, le décor n'a pas trouvé preneur et a donc été entièrement détruit[2]. Le tournage a duré 170 jours répartis entre avril 1998 et avril 1999[26]. Outre les inondations, il a été rendu difficile par la multiplicité des langues parlées par les membres de l'équipe[26] ainsi que par l'instabilité politique du Tadjikistan, à cause de la présence de milices armées dans la région[26]. D'autre part, Khudojnazarov affirme que lui et une partie de son équipe ont « appris à n'être jamais rationnels »[1] et décrit ainsi l'atmosphère de tournage de son film : « Sur le plateau, nous instaurons la dictature de notre liberté »[1].
Pour l'interprétation du film, aucun acteur n'est pressenti lors de l'écriture du scénarion[21]. Selon Kvirikadze, les recherches pour l'interprétation de Mamlakat se sont déroulées partout dans le monde, notamment à Paris, à Los Angeles et à Istanbul[21], et ce n'est que peu de temps avant le tournage que Khudojnazarov a trouvé Chulpan Khamatova[21]. Le choix de Moritz Bleibtreu a été fait par le producteur[21]. Pour le personnage du père de Mamlakat, il a rapidement été évident pour les deux scénaristes qu'il fallait un acteur tadjik[21] et ce fut Ato Mukhamedshanov, dont c'est le dernier film au cinéma.
Revenant en 2002 sur le tournage compliqué de Luna Papa, Moritz Bleibtreu en profitait pour affirmer qu'il aimait les défis car un acteur « doit se salir les mains »[28].
Style du film
Le réalisateur opte pour un ton à la fois tragi-comique[29], burlesque[30], lyrique[31] et surréaliste[31], créant un univers baroque[19] avec ses nombreux détails dans l'image[29] et son grand nombre de péripéties où se côtoient gags et drames[29]. Faire raconter l'histoire par l'enfant qui n'est pas encore né est, selon Khudojnazarov, « une solution pour permettre de rentrer facilement dans l'univers détraqué du film »[1] et fait du film « une histoire simple, à hauteur de nourrisson »[1]. L'incongruité de cette narration justifie l'onirisme du film et lui donne une certaine cohérence[31]. Pour le réalisateur, « la fantaisie, c’est la simplicité et le rythme est la chose la plus importante dans un film »[1]. Malgré la folie des personnages, ceux-ci ne sont pas caricaturaux[31] et le réalisateur les traite avec tendresse[31].
Le film a souvent été comparé aux films d'Emir Kusturica[29], valant même à Khudojnazarov le surnom de « Kusturica d'Asie centrale »[19] même si Khudojnazarov a moins tendance à plaquer un discours idéologique sur ses films[32]. Khudojnazarov apporte une explication simple à ce rapprochement : « On travaille dans le même genre, la tragi-comédie »[1] mais il revendique plus d'influences littéraires que cinématographiques[1]. En revanche, une des grandes différences entre Kusturica et Khudojnazarov est que ce dernier se focalise plus sur ses personnages féminins[33]. Interrogé sur ce point, Irakli Kvirikadze rejette catégoriquement toute comparaison avec Kusturica et nie une éventuelle inspiration[21].
Thèmes, symboles et messages
La recherche du père est évidemment le thème central de Luna Papa[23], qui fait symboliquement référence à Œdipe roi de Sophocle[24]. Pour Khudojnazarov, ce père est « déifié, au sens de grand ordonnateur de la vie [puis il] redevient très vite un homme comme les autres »[23]. Par la narration, l'embryon participe aussi à cette recherche[23]. Selon le réalisateur, le film « raconte le monde avec les yeux d'un enfant qui n'est pas encore né, l'amour d'une mère pour son fils, de la Sainte Vierge pour son sauveur, de la femme pour son mari, du filet pour le poisson, du ver pour les pommes, d'Icare pour le soleil, des gens tristes pour les gens drôles, de Mamlakat pour son Papa Lune »[24].
La présence d'animaux est associée à divers sentiments qu'ils symbolisent, comme l'angoisse, la joie ou l'absurde[24]. Par leur côté partiellement incontrôlable, ils donnent aussi « de l'énergie au film » selon le réalisateur[24]. Le village imaginaire, que Khudojnazarov appelle une « ville-mosaïque »[2], permet quant à lui de poser la question de ce qu'est la patrie[2]. Pour le réalisateur, c'est « tout sauf une notion géopolitique »[2] et, avec ce film, il se demande s'il ne s'agit pas plutôt d'une maison, d'amis ou du ventre de la mère[2]. En outre, pour Khudojnazarov, Luna Papa « témoigne du bordel qui règne dans cette région du monde »[1] qu'est l'Asie centrale.
Musique
La bande originale, majoritairement composée par Daler Nazarov ou constituée d'arrangements de musiques traditionnelles, a été enregistrée par le label EmArcy. Le CD a été produit par Pandora Film et distribué par Universal. Daler Nazarov en a assuré lui-même la production au Studio Schamms à Douchanbé[3] et a réuni des musiciens traditionnels d'Asie centrale pour l'enregistrer[34]. La musique est dominée par les instruments à cordes pincées, avec la guitare acoustique, la mandoline mais aussi des instruments traditionnels comme le rubab et le setâr, souvent appuyés par des percussions comme le tablâ ou la doira. La musique utilise également, de façon plus épisodique, le saxophone, les claviers, la flûte et aussi les voix.
Pour le critique italien Alberto Crespi, le film est, au sens positif du terme, « bourré de musique »[35], et son compatriote Silvio Danese souligne l'heureuse collaboration entre Nazarov et Khudojnazarov[36].
Liste des titres de la bande originale[3]
N° Titre Compositeur Interprètes et musiciens Durée 1 Quiet Soul Daler Nazarov Ikbol Sawkibekov (guitare, mandoline, rubab),
Rustam Rachimov (batterie), Sarif Pulotov (tablâ)4min04 2 In Paradise Traditionnel (arrangements : Daler Nazarov) Ensemble Rubab de Douchanbé (chorale) 3min48 3 Girl From The Village Daler Nazarov Ikbol Sawkibekov et Daler Nazarov (guitares),
Anwarscho (guitare basse), Sarif Pulotov (tablâ et dotâr)4min20 4 Theme Of A City Daler Nazarov Daler Nazarov (guitare), Ikbol Sawkibekov (rubab),
Gumontsch Sawkibekov (gidgak), Hussein Isatulaev (accordéon),
Sarif Mulotov (doira)3min17 5 Alik Daler Nazarov Daler Nazarov (sifflet), Hussein Isatulaev (claviers) 0min25 6 Father Daler Nazarov Jadidja Iljaev (saxophone) 3min58 7 Loneliness Daler Nazarov Ikbol Sawkibekov (guitare, setâr), Hussein Isatulaev (claviers) 3min21 8 Bedor Schaw G. Rumi et Daler Nazarov Nusrat Odinamamadov et Nobowar (chant),
Sarif, Dorobscho et Husein (chœur)2min39 9 Posle Snaharki Daler Nazarov Ikbol Sawkibekov (guitare), Hussein Isatulaev (claviers) 2min37 10 Happyness Traditionnel (arrangements : Daler Nazarov) Ikbol Sawkibekov (guitare), Jadidja Iljaev (flûte),
Sarif Mulotov (tablâ), Anwarscho (guitare basse),
Daler Nazarov (guitare)3min42 11 Sadness Daler Nazarov Daler Nazarov (flûte), Hussein Isatulaev (claviers) 1min31 12 On The Way Daler Nazarov Sarif Pulotov (percussions) 3min26 13 Rythm Of The Mountain Traditionnel (arrangements : Daler Nazarov) Chœur d'enfants de Douchanbé 4min58 14 Only Song Daler Nazarov Sachiri Bachtari (rubab), Salimi Bachtari (tablâ),
Ikbol Sawkibekov (guitare)4min20 15 Fading Desire Daler Nazarov Daler Nazarov (flûte), Ikbol Sawkibekov (setâr, mandoline),
Hussein Isatulaev (claviers)4min22 Accueil critique
Luna Papa reçoit un accueil globalement positif en France : AlloCiné établit une note moyenne de 3,92/5 à partir de 12 titres de la presse française[37]. Ciné Live le gratifie de la note maximale et plusieurs titres apprécient le film avec une note de 4/5, dont des publications spécialisées comme Télérama, Les Inrockuptibles et Première, alors que Le Monde ne lui accorde qu'un 2/5[37]. Le film est choisi comme « découverte du mois » par la rédaction de Première pour son numéro de mai-juin 2000[38],[n 2].
Louis Guichard, pour Télérama, souligne l'« époustouflante énergie » et la « capiteuse absurdité » du film[29]. Pour Les Inrockuptibles, le film, qualifié de « presque trop grandiose », est parmi les œuvres les plus intéressantes présentées à la 56e Mostra de Venise[39]. Dans Première, Olivier de Bruyn parle d'une « Kusturicacerie amusante »[38], d'une « fable foutraque, parfois fatigante mais souvent enivrante, [et d'une] fresque gargantuesque »[38], comparant le film à « ces plats goûteux mais bourratifs où l'abus d'épices menace paradoxalement d'annihiler les nuances du mets »[38], jugeant également que la ressemblance avec les films de Kusturica est néanmoins « un tantinet écrasante »[38]. Parmi les mauvaises critiques françaises, Jean-Michel Frodon, dans Le Monde, regrette la « multiplication des personnages grotesques » et qualifie le film de « tohu-bohu de fantasmagories tape-à-l'oeil d'un onirisme pesant »[19]. Également plus réservé, Christophe d'Yvoire, dans Studio, ne lui attribue que deux étoiles et, même s'il admet un « sens de l'image flamboyant dans ce film baroque et généreux »[40] et une « énergie impressionnante »[40], il regrette « des longueurs et un scénario un peu simpliste »[40] tout en soulignant que le film « n'atteint pas l'ampleur et l'inspiration de ceux de Kusturica »[40].
En Allemagne, le critique Jan Distelmeyer (de), pour epd Film (de), voit dans Luna Papa une sorte d'hybride entre Emir Kusturica, les Monty Python et Václav Vorlíček[4] et rapproche la scène où la vache tombe du ciel de la pluie de grenouilles dans Magnolia[4], sorti peu de temps avant. Dans Der Spiegel, Christian Bartels pense que Luna Papa, qu'il qualifie de « road-movie tragicomique »[41], peut faire partie des films dont les images restent en mémoire grâce à ses « paysages fascinants »[41]. Il salue le jeu de Chulpan Khamatova « avec de grands beaux yeux et des gestes de film muet »[41] et de celui Moritz Bleibtreu, quasi muet, qui « s'intègre parfaitement au paysage psychologique du film »[41], montrant ainsi son talent polyvalent[41]. Bartels note aussi que « rien n'est idéalisé »[41] dans le film et que l'Orient de Khudojnazarov est « un peu plus sauvage que l'Orient européen de Kusturica »[41].
En Italie, Alberto Crespi, dans L'Unità, rapproche le film de Kusturica mais aussi des écrivains García Márquez et Aïtmatov, de Federico Fellini et de cinéastes caucasiens comme Danielia, Abouladze ou Paradjanov[35]. Crespi pense aussi que Luna Papa a le potentiel des films qui restent à vie dans la mémoire du spectateur[42] et souligne qu'il s'agit d'un « voyage sur une planète qui pour nous, habitants de la galaxie Hollywood/Cinecittà, est étrangère »[35]. Roberto Pugliese, pour Il Gazzettino, parle d'un « conte de fées visionnaire et scintillant »[42]. Dans le Corriere della Sera, Maurizio Porro souligne les « très beaux panoramas, dus au talent visionnaire de Bakhtiar Khudojnazarov »[43]. Silvio Danese, dans Il Giorno, parle de « vols d'avions tels de oiseaux chagalliens »[36] et, s'il regrette « diverses répétitions dans la première partie »[36], il salue l'imaginaire coloré, les articulations de la narration et le « grand final »[36]. Stefano Della Casa (it) le considère comme un des meilleurs films de la Mostra de Venise 1999 et regrette qu'il ait été mis hors compétition[44]. Il remarque que Luna Papa alterne des « aventures sauvages dans le désert asiatique » et des passages où le film est « capable de couler en douceur »[44], tout en mélangeant folklore et modernité[44]. Pour Della Casa, c'est « un film qui sait comment impressionner sans être cérébral »[44] et le rapproche en cela de L'Été de Kikujiro de Kitano, les deux films étant également des preuves de « la possibilité d'un cinéma qui n'est pas encore un scannage typique du modèle dominant (américain) »[44].
Au Portugal, Rui Pedro Tendinha, dans Notícias Magazine, parle d'un « nouveau type de Monty Python »[42] et témoigne que le film est, à sa sortie, la « coqueluche des circuits d'art et essai »[42] du pays.
Exploitation du film et accueil public
Luna Papa a été projeté pour la première fois à la Mostra de Venise le 8 septembre 1999. D'abord pressenti pour la sélection officielle, le film a été placé dans une section annexe non compétitive après les déclarations d'Emir Kusturica, président du jury de cette 56e édition, qui avait laissé entendre avant le festival qu'il lui attribuerait le Lion d'or[35],[44]. Il a ensuite été sélectionné ou présenté dans de nombreux festivals à travers le monde, notamment ceux de Toronto, de Tōkyō, de Thessalonique et de Sundance. À partir de mars 2000, il a progressivement été distribué sur les circuits nationaux, tout en continuant sa carrière dans les festivals comme celui de Karlovy Vary.
Les résultats au box-office sont restés globalement modestes. En Europe, le film a connu ses meilleurs résultats en Allemagne, en France et en Italie, où il a dépassé à chaque fois les 100 000 entrées, et a cumulé près de 600 000 entrées sur l'ensemble du continent selon l'Observatoire européen de l'audiovisuel[n 3]. Luna Papa a toutefois connu des résultats plus conséquents au Japon et en Russie, atteignant le million d'entrées dans ce dernier pays. 18 pays sont
Principaux résultats au box-office :- Allemagne : 175 455 entrées[10]
- Autriche : 24 294 entrées[10]
- Belgique : 17 293 entrées[10]
- Espagne : 9 888 entrées et 40 452 € de recettes en un mois d'exploitation[45]
- États-Unis : 13 930 $ de recettes en 2001[12], dont 10 338 $ pour le premier week-end (93e performance nationale, 8e parmi les nouveaux films)[46]
- France : 136 400 entrées[10], dont 50 052 à Paris[47]
- Italie : 125 891 entrées[10]
- Japon : environ 500 000 entrées[48]
- Pays-Bas : 24 330 entrées[10]
- Portugal : 14 407 entrées[10]
- Russie : environ 1 000 000 entrées[48]
- Suisse : 22 792 entrées[8], dont 11 227 pour la Suisse romande[8]
- Total Europe : 584 860 entrées dans les États membres de l'Observatoire européen de l'audiovisuel[10], dont 541 494 pour la seule année 2000[10]
Sur de nombreux sites web à travers le monde, Luna Papa obtient un bon accueil public puisque les moyennes sont généralement situées entre 7 et 7,5 sur 10.
Site web Pays d'origine
du siteSituation au 18 juin 2011 Note moyenne Nombre de votes Commentaires IMDb[49] États-Unis 7,1/10 2 026 IMDb utilise un système de moyenne qui lui est propre. Le site indique néanmoins la moyenne arithmétique, 7,5, et la note médiane, 8. D'autre part, 14,7% des votants ont attribué la note maximale et IMDb indique que 1 273 votants ne sont pas américains. Kinopoisk (ru)[50] Russie 7,506/10 568 20,42% des votants ont attribué la note maximale. Filmweb (pl)[51] Pologne 7,5/10 103 votes MovieMeter (nl)[52] Pays-Bas 3,31/5 98 La note moyenne est stable depuis 2008[53]. Moviepilot (es)[54] Allemagne 6,2/10 97 AlloCiné[55] France 3,8/5 51 83% des votants ont attribué la note maximale. Filmstarts (de)[56] Allemagne 3,7/5 41 Distinctions
- Sauf mention contraire ou complémentaire, les informations concernant les distinctions proviennent du site IMDb[57].
Récompenses
- Festival des 3 Continents de Nantes 1999 : Montgolfière d'Or
- Festival international du film de Tōkyō 1999 : Prix de la meilleure contribution artistique[58]
- Festival international du film de Bergen 2000 : Prix du jury
- Festival international de Bruxelles 2000 : Prix du jeune public européen et Mention spéciale du prix FIPRESCI
- Festival du cinéma russe à Honfleur 2000 : Meilleure actrice pour Chulpan Khamatova et prix du public[59]
- Festival international du film de Tbilissi 2000 : Prométhée d'Or (de)
- Kinotavr 2000 : Premier prix (Rose d'or)[60]
- Prix 2000 de la Guilde des critiques de film russes : Meilleur film (Bélier d'Or[n 4]) et meilleur réalisateur pour Bakhtiar Khudojnazarov[62]
- Prix de qualité (Qualitätsprämie) 2000 de l'Office fédéral de la Culture[9] (Suisse)
- Prix Nika 2001 : Meilleur réalisateur pour Bakhtiar Khudojnazarov
Nominations et sélections
- Mostra de Venise 1999 : Sélection officielle dans la section non compétitive « Dreams and Visions »[5]
- Festival international de Bruxelles 2000 : Étoile de Crystal
- Festival international de Valladolid 2000 : Épi d'Or
- Festival du cinéma russe à Honfleur 2000 : Sélection officielle en compétition[59]
- Prix 2000 de la Guilde des critiques de film russes : Meilleure actrice pour Chulpan Khamatova[62]
- Nika 2001 : Meilleur film, meilleure actrice (Chulpan Khamatova), meilleur scénario (Bakhtiar Khudojnazarov et Irakli Kvirikadze) et meilleur son (Rustam Akhadov)
- Pré-sélectionné pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère[11]
Voir aussi
Bibliographie
- Luna Papa de Bakhtiar Khudojnnazarov, Conseil général de la Loire-Atlantique, 9 p., 2000
Liens externes
- Luna Papa sur l’Internet Movie Database - Version plus complète en anglais
- Luna Papa sur AlloCiné
- (pt) Site portugais officiel du distributeur Atalanta Filmes
- (en) Fiche du film sur le site de la société de production Pandora Film
- (ja) Fiche du film sur le site de la société de production Euro Space
Notes et références
Notes
- On est quitte. C'est le cas notamment de Pandora Film mais aussi de Euro Space et VISS[18]. Certaines sociétés de production de Luna Papa avaient déjà co-produit
- « top 7 de la rédaction » (p. 75) derrière Erin Brockovich et Gladiator. Dans le numéro de mai-juin 2000 (p. 59), Première attribue la note de 3 étoiles sur un maximum de 4 pour la critique d'Olivier de Bruyn ; dans le numéro de juin-juillet 2000 (p. 76), le tableau récapitulatif des avis de la rédaction crédite le film de 3 étoiles pour 4 rédacteurs et de 2 étoiles pour 2 autres rédacteurs. Dans le même numéro, avec une moyenne de 2,75 (extrêmes exclues), Luna Papa est placé à la troisième place du
- Observatoire européen de l'audiovisuel, dont la Russie. Néanmoins, pour Luna Papa, le site de l'OEA fournit des informations sur 18 d'entre eux seulement ; aucune information n'est donnée pour la Russie. 37 pays européens sont membres de l'
- [61]. Appelé « Bélier d'or » (Золотой Овен) à sa création en 1998, le prix a ensuite pris le nom d'« Éléphant blanc » (белый Cлон) à partir de 2005
Références
- Olivier de Bruyn, « Bakhtiar Khudojnazarov : "Ma vie ressemble à un asile psychiatrique" », dans Première, no 279, mai-juin 2000, p. 60 (ISSN 0399-3698)
- Entretien avec Bakhtiar Khudojnazarov, p. 5 du livret de la bande originale.
- ASIN B00004VTQU) Livret et boitier du CD de la bande originale du film Luna Papa, Universal Music France, 2000 (
- (de) Jan Distelmeyer, « Luna Papa » sur filmzentrale.com. Consulté le 12 juin 2011
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