- Loi de réciprocité quadratique
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En mathématiques, et plus précisément en théorie algébrique des nombres, la loi de réciprocité quadratique, conjecturée par Euler et Legendre et correctement démontrée pour la première fois par Gauss, établit un lien entre la résolubilité de deux équations diophantiennes quadratiques voisines d'arithmétique modulaire. Cette loi permet en fait de déterminer la résolubilité de n'importe quelle équation quadratique en arithmétique modulaire.
Sommaire
Énoncés
L'énoncé complet de Gauss comporte trois assertions que l'on peut formuler de diverses façons : le « théorème fondamental » et deux « lois complémentaires ».
Premier énoncé
- Théorème fondamental.
Étant donné des nombres premiers distincts p et q impairs, la loi de réciprocité quadratique comprend deux résultats qui dépendent chacun des valeurs respectives de p et de q :
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- si au moins l'un des nombres p et q est congru à 1 modulo 4, alors p est un résidu quadratique modulo q si et seulement si q est un résidu quadratique modulo p. Plus explicitement : l'équation d'inconnue x :
- a une solution si et seulement si l'équation d'inconnue y :
- a une solution (les deux solutions sont en général différentes).
- si p et q sont congrus à 3 modulo 4, alors p est un résidu quadratique modulo q si et seulement si q n'est pas un résidu quadratique modulo p. Plus explicitement : l'équation d'inconnue x :
- a une solution si et seulement si l'équation d'inconnue y :
- n'a pas de solution.
- Première loi complémentaire.
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- -1 est un résidu quadratique modulo p si et seulement si p est congru à 1 modulo 4.
- Deuxième loi complémentaire.
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- 2 est un résidu quadratique modulo p si et seulement si p est congru à 1 ou -1 modulo 8.
Énoncé avec le symbole de Legendre
En utilisant le symbole de Legendre, ces trois énoncés peuvent être résumés respectivement par :
- Théorème fondamental.
- .
- Première loi complémentaire.
- .
- Deuxième loi complémentaire.
- .
Exemples
Avec des nombres premiers
Par exemple, si p vaut 11 et q vaut 19 :
- le théorème fondamental permet de ramener le calcul de à celui de , qui est égal à (puisque ) ;
- la première loi complémentaire donne , ce qui (par multiplicativité du symbole de Legendre) permet de remplacer par ;
- en utilisant à nouveau le théorème fondamental, ;
- la deuxième loi complémentaire permet de conclure, car .
Conclusion : le résultat étant 1, on en déduit que 11 est résidu quadratique modulo 19. D'ailleurs, on le vérifie immédiatement :
Cas général
Déterminons si 219 est un carré modulo 383. la multiplicativité du symbole de Legendre montre que :
Une première application du théorème fondamental montre que :
En appliquant encore le théorème fondamental et la multiplicativité du symbole de Legendre, puis les deux lois complémentaires, on obtient :
Outil de démonstration
Si p est un nombre premier, 5 est-il un carré modulo p ? La loi de réciprocité quadratique nous permet d'affirmer que cela arrive lorsque p est lui-même un carré modulo 5, c'est-à-dire quand
Démonstrations de la loi de réciprocité quadratique
Dans un livre publié en 2000, Franz Lemmermeyer (de) expose l'histoire mathématique des lois de réciprocité en couvrant leurs développements et rassemble des citations de la littérature pour 196 différentes démonstrations[1] de cette loi de réciprocité quadratique.
Les premières démonstrations aujourd'hui considérées comme complètes sont publiées par Gauss dans ses Disquisitiones arithmeticae en 1801. Gauss disposait des preuves dès 1796 (à l'âge de 19 ans). La première de ces preuves repose sur un raisonnement par récurrence. Dans sa correspondance avec son élève Gotthold Eisenstein, Gauss qualifie cette première preuve de laborieuse[2]. Ses troisième et cinquième preuves reposent sur le lemme de Gauss, qu'il démontra à cette occasion[1].
Une démonstration du « théorème fondamental » est donnée dans l'article Somme de Gauss. Elle se fonde sur les outils de l'analyse harmonique sur un groupe abélien fini et utilise les caractères des groupes abéliens additif et multiplicatif du corps fini Fp à p éléments. Une autre preuve figure dans les liens externes de l'article connexe Lemme de Zolotarev. Une démonstration des deux lois complémentaires est proposée ici. La première est conséquence immédiate du simple critère d'Euler. La démonstration choisie pour la deuxième est (parmi bien d'autres) celle de Thomas Joannes Stieltjes[3], par dénombrement.
Démonstration des deux lois complémentairesSoit p un nombre premier différent de 2. L'objectif est de déterminer le statut quadratique de -1 et 2 dans l'anneau Z/pZ, isomorphe au corps fini à p éléments, noté Fp. L'ordre de son groupe multiplicatif Fp* est p-1 (qui est pair).
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- Conséquences du critère d'Euler :
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- le produit a.b de deux éléments de Fp* est quadratique si a et b sont simultanément quadratiques ou si aucun des deux ne l'est ;
- un élément de Fp* est non quadratique si et seulement s'il est racine du polynôme P(X) de Fp[X] défini par :
; -
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- il y a exactement (p-1)/2 résidus quadratiques.
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- Première loi complémentaire :
- Elle résulte de l'imparité de p (qui ne peut donc être congru modulo 4 qu'à ±1) et de la deuxième conséquence ci-dessus : -1 est non quadratique si et seulement si ( − 1)(p − 1) / 2 = − 1, c'est-à-dire si p est congru à -1 modulo 4.
Pour aborder la démonstration de la deuxième loi, considérons l'ensemble B des résidus non quadratiques différents de - 1. On remarque que si b est un élément de B, alors b-1 aussi, et il est différent de b. En effet, les seuls éléments égaux à leurs inverses sont 1 et -1 et aucun élément de B n'est égal à l'un de ceux-là.
On distingue deux cas suivant le résultat fourni par la première loi.
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- Deuxième loi complémentaire si p est congru à 1 modulo 4 :
- Dans ce cas, -1 est un résidu quadratique et B est l'ensemble des (p-1)/2 résidus non quadratiques. Soit C l'ensemble égal à B - 1, c'est-à-dire l'ensemble des éléments de B auxquels on retranche 1. L'égalité suivante montre que la moitié des éléments de C sont des résidus quadratiques et l'autre non :
- En effet, si b - 1 est un résidu quadratique, comme b ne l'est pas et que -1 l'est, b-1 - 1 ne l'est pas non plus. Ce qui montre que l'on peut partitionner C en un ensemble de paires dont un élément est un résidu quadratique et l'autre non. Comme (p - 1)/2 est pair, le calcul de P(1) montre que :
- Par conséquent, 2 est un résidu quadratique si et seulement si le nombre de résidus non quadratiques de C, qui vaut (p-1)/4, est pair, c'est-à-dire si p est congru à 1 non seulement modulo 4, mais modulo 8.
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- Deuxième loi complémentaire si p est congru à -1 modulo 4 :
- Dans ce cas, -1 n'est pas un résidu quadratique et B ne contient que (p-3)/2 éléments. Considérons alors l'ensemble C' égal à B + 1. L'égalité suivante et le raisonnement précédent montrent que la moitié des (p-3)/2 éléments de C' sont des résidus quadratiques et l'autre non :
- Notons Q(X) le polynôme défini par :
- En calculant Q(-1) de deux façons et en réutilisant que (p-3)/2 est pair, on obtient :
- L'élément p - 1 n'est pas un résidu quadratique dans ce cas, et l'inverse de 2 est un résidu quadratique si et seulement si 2 l'est. En conséquence, 2 est un résidu quadratique si et seulement si le nombre de résidus non quadratiques de C', qui vaut (p-3)/4, est impair, c'est-à-dire si p est congru à -1 non seulement modulo 4, mais modulo 8.
Ces deux lois sont aussi conséquences directes du lemme de Gauss.
Généralisations
Il existe des lois de réciprocité cubique, biquadratique (en) (c'est-à-dire de degré 4) et ainsi de suite. Cependant la véritable généralisation de toutes ces lois, généralisation monumentale, est la théorie des corps de classes.
Notes et références
- (en) F. Lemmermeyer, Proofs of the Quadratic Reciprocity Law
- (en) Reinhard Laubenbacher et David Pengelley, Gauß, Eisenstein, and the "third" proof of the Quadratic Reciprocity Theorem: Ein kleines Schauspiel
- Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse 1e série, tome 11, N° 1, 1897, p. 5-8 pdf T. J. Stieltjes, Sur le caractère quadratique du nombre 2 dans
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