La Cagoule

La Cagoule
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La Cagoule est le surnom donné par la presse à l'« Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale » (OSARN, c'est le nom donné par ses fondateurs, l'adjectif nationale disparaît assez vite pour donner l'OSAR) transformé par erreur, à la suite d'une faute figurant dans un rapport d'informateur en « Comité secret d'action révolutionnaire » (CSAR). C'est un groupe d'extrême droite actif dans les années 1930 en France. Son principal dirigeant fut Eugène Deloncle.

Ce surnom lui a été attribué par Maurice Pujo de l'Action française. Lorsque ce terme est utilisé par son journal, c'est avec dédain et mépris : Pujo, comme Charles Maurras, le collaborateur le plus célèbre du quotidien L'Action française, ne tient pas à ce que son organisation royaliste soit confondue avec cette organisation ouvertement terroriste, dont plusieurs dirigeants sont d'anciens membres de l'Action française.

Sommaire

Création

La Cagoule naît de la volonté des responsables du Parti national révolutionnaire (PNR), fondé en décembre 1935 à la suite d'une scission de l'Action française d'entrer en clandestinité pour échapper à la surveillance de la police consécutive aux émeutes du 6 février 1934. En juin 1936, après la victoire du Front populaire, ses responsables, principalement Jean Filliol et Eugène Deloncle, créent l'OSARN (Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale), nom que Eugène Deloncle revendique lors de l'instruction judiciaire en 1937 plutôt que celui de Comité secret d'action révolutionnaire (CSAR) (voir plus haut).

Si l'Action française sait que l'OSAR existe, c'est qu'une partie non négligeable des dirigeants sont d'anciens camelots ou simplement, d'anciens militants tels que :

C'est aussi le cas de Maurice Cochinaire, de Nancy, chef de la Cagoule d'Alsace-Lorraine; il a été trésorier de l'Action française à Nancy en 1924 et responsable des Camelots du Roi pour l'Est jusqu'en 1936[1] .

Mais pour les membres de la Cagoule, lassés de l'attentisme de Pujo et de Maurras [réf. souhaitée], l'heure est venue d'agir. En janvier 1935, Deloncle démissionne et fonde, dans le secret le plus absolu, l'organisme conspirateur.

Ami intime d’Eugène Deloncle, Eugène Schueller, fondateur de la société l'Oréal, met ses moyens personnels à disposition de la Cagoule qui organise des réunions dans son propre bureau du siège de la société. En outre il aida financièrement l'organisation (ref. Alternatives Economiques 297, page 78).

Des jeunes gens, amis et étudiants pour la plupart, résidant à l’internat des pères maristes (au 104, rue de Vaugirard à Paris), fréquentent alors les chefs de la Cagoule. Sans tous adhérer au mouvement ou faire état publiquement d'une quelconque approbation, il y a parmi cette bande d'amis Pierre Bénouville (issu de l'Action française), François Mitterrand, Claude Roy et André Bettencourt[2].

Le nom de Georges Loustaunau-Lacau, officier de l'armée française et fondateur des réseaux "Corvignoles", apparaît également.

Action subversive

Anticommuniste, antisémite et antirépublicain, ce mouvement est de tendance fasciste. À partir de 1935, ce groupe mène des actions de déstabilisation de la République.

À la fin du mois de novembre 1936, Deloncle rencontre le général Henri Giraud[3]. Giraud promet son aide à Deloncle en cas de soulèvement communiste et Deloncle lui annonce que les cagoulards se rangeraient sous ses ordres en échange. Très satisfait, Giraud « est évidemment d'accord pour travailler avec les gens de l'OSARN et souhaite la meilleure réussite à l'entreprise de Deloncle et Duseigneur... » [4],[5].

Dimitri Navachine (30 août 1889 - 23 janvier 1937), journaliste et économiste russe en affaire avec l'URSS, directeur de la Banque commerciale pour l'Europe du Nord de 1925 à 1930 et ami personnel du ministre Anatole de Monzie, lequel fit reconnaître l'URSS par la France et négocia le remboursement de l'emprunt russe, est assassiné de six coups de baïonnette tronquée, dont un en plein coeur, par Filliol le 23 janvier 1937 avenue du Parc des Prince, entre le Bois de Boulogne, dont il rentrait comme à son habitude à 10 h 30, et son domicile, 28 rue Michel-Ange.

L'organisation exerce aussi une répression impitoyable auprès de ses membres coupables d'indélicatesses. Sont ainsi éliminés Léon Jean-Baptiste en octobre 1936 et Maurice Juif le 8 février 1937, probablement pour des malversations financières.

Le mouvement tisse des liens avec des dirigeants fascistes du gouvernement de Benito Mussolini en Italie et acheminent des armes au général Francisco Franco en Espagne[6] . En échange, La Cagoule obtient un appui financier. Les frères Carlo et Nello Rosselli, deux intellectuels antifascistes italiens, sont ainsi assassinés le 9 juin 1937 pour le compte des services de renseignement fascistes à Bagnoles-de-l'Orne [7]. L'OSARN reçoit des armes du gouvernement italien en contrepartie [citation nécessaire]. En août 1937, il organise la destruction à l'aérodrome de Toussus-le-Noble d'avions destinés à l’Espagne républicaine [citation nécessaire].

Le 11 septembre 1937, le groupement provoque un attentat à la bombe contre la Confédération générale du patronat français (4, rue de Presbourg à Paris)[8] et l'Union des industries et métiers de la métallurgie[9], pour faire accuser les communistes[10]. Deux agents de police, en faction devant les bâtiments, sont tués par l'explosion. L'enquête permet d'établir la responsabilité des membres de la cagoule clermontoise, rassemblés au sein du groupe dénommé les Enfants de Gergovie. Plusieurs de ces membres appartiennent à l'encadrement de l'usine Michelin. Pierre Michelin, fils de l'un des fondateurs de l'usine, est lui-même suspecté d'avoir aidé au financement de cette section de la Cagoule[11]. Pire, dans une interview accordée à l'hebdomadaire Marianne fin janvier 1938, un enquêteur dévoile que Pierre Michelin était l'un des chefs de cette section.

Après l'échec de leur coup d’État dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, le complot est mis au jour. Le ministre de l'intérieur Marx Dormoy fait démanteler l'organisation le 23 novembre. Des caches d’armes réparties sur tout le territoire sont découvertes. En 1938, plus de cent vingt membres de la Cagoule sont arrêtés. Cela ne permet cependant pas de détruire complétement ses ramifications dans les milieux économiques, en particulier dans les grandes entreprises qui, selon les Renseignements généraux et la police judiciaire, ont financé le mouvement terroriste. Le 5 juillet 1941 Marx Dormoy sera assassiné à l'hôtel du Relais de l'Empereur de Montélimar par d'anciens membres de l'organisation terroriste, en représailles.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Après l'armistice de juin 1940, plusieurs membres ou sympathisants de la Cagoule se rallièrent au gouvernement de Vichy. Parmi eux beaucoup d'adeptes de la "France seule" croient en un double jeu de Pétain. Cet espoir se dissipera progressivement avec l'entrevue de Montoire, puis la libération de Laval le 17 décembre 1940.

Certains cagoulards étaient de fervents nationalistes, antiallemands et hostiles à toute compromission avec l'occupant. La lutte pour la libération de la patrie devient donc une priorité, d'autant qu'en 1941, date de l'échec de la Blitzkrieg de Hitler, toutes les chancelleries comprennent que le Reich nazi est condamné. En 1942, avec la victoire soviétique de Stalingrad, chacun comprend que l'Armée rouge de Staline écrasera le Reich et apportera la victoire militaire aux Alliés.

Pour ces adeptes du complot et de l'action clandestine, la Résistance est une option naturelle. Et on trouvera des anciens de la cagoule ou de milieux apparentés parmi les premiers résistants:

André Dewavrin, qui travaillait à Londres avec Duclos et Fourcaud a été accusé par André Labarthe d'avoir fait partie de la Cagoule avec la carte no 93. Cette accusation ne s'est pas avérée.

Pendant la guerre le réseau d'influence de la Cagoule semble donc s'étendre à la fois au cœur de la France libre et dans le régime de Vichy. C'est ainsi par exemple que le 20 août 1940, Maurice Duclos envoyé en France par De Gaulle, peut rencontrer des proches collaborateurs du Maréchal Pétain par l'intermédiaire de Gabriel Jeantet.

L'ancien cagoulard Georges Groussard fonde les groupes de protection du maréchal Pétain mais aussi le réseau de Résistance « Gilbert » alors que Jacques Lemaigre Dubreuil, ancien financier de L'Insurgé, le journal de La Cagoule, soutient le général Giraud, quand Jacques Corrèze, après avoir combattu sur le front de l'Est rentre en France au sein d'un réseau de la résistance.

L'après-guerre

À la Libération, Jean-Marie Bouvyer bénéficie du témoignage en sa faveur de François Mitterrand, passé à la résistance en 1942. En effet, Bouvyer a caché chez lui du matériel et fabriqué de faux papiers pour le Mouvement national des prisonniers de guerre, le mouvement dirigé par François Mitterrand et Maurice Pinot. D'autres témoins, comme le capitaine FFI Maubois, ont également attesté de services rendus. Bouvyer a noué une amitié personnelle avec François Mitterrand. Lors de son procès, il affirme avoir renié ses idées des années 1930, se disant prêt à dénoncer tous les dirigeants de la Cagoule qu'il connaît et même à s'entendre avec les communistes autrefois abhorrés[13]. La mère de Jean-Marie Bouvyer devient en 1946 la marraine de Jean-Christophe Mitterrand.

Le procès de la Cagoule eut lieu en 1948.

Eugène Schueller, alors patron du groupe L'Oréal, fut un soutien inconditionnel d'Eugène Deloncle et Marcel Déat, collaborationnistes notoires. Il ne fut cependant pas inquiété à la libération, ayant donné des gages à la résistance, comme au régime de Pétain, ce qui lui permit de mettre Louis Deloncle à l'abri des poursuites de ses adversaires politiques.

Bibliographie

  • Christian Bernadac, Dagore. Les carnets secrets de la Cagoule, éditions France-Empire, 1977.
  • Philippe Bourdrel, La Cagoule, éditions Albin Michel, 1998.
  • Émile Decroix, Complot contre la France. Sous la cagoule... Qui ???, édtions Paix et Liberté, 1937.
  • Brigitte et Gilles Delluc, «  Jean Filliol, du Périgord à la Cagoule, de la Milice à Oradour », Pilote 24 édition, 2005.
  • Joseph Désert, Toute la vérité sur l'Affaire de la Cagoule. Sa trahison. Ses crimes. Ses hommes, Paris, Librairie des sciences et des arts, 1946, 112 pages.
  • Frédéric Freigneaux, Histoire d'un mouvement terroriste de l'entre-deux-guerres : la "Cagoule", mémoire de maîtrise, Histoire, Toulouse 2, 1991.
  • Frédéric Freigneaux, « La Cagoule : enquête sur une conspiration d'extrême droite », in L'Histoire, no 159, octobre 1992 (p. 6-17).
  • Frédéric Monier, Le complot dans la République. Stratégies du secret de Boulanger à la Cagoule, éditions La Découverte, collection « L'espace de l'histoire », 1998.
  • Jean-Émile Néaumet, Les grandes enquêtes du Commissaire Chenevier. De la Cagoule à l'affaire Dominici (préface de Philippe Bourdrel), éditions Albin Michel, 1995.
  • Pierre Péan, Le Mystérieux Docteur Martin, édtions Fayard, 1993.
  • Jean-Raymond Tournoux, Secrets d'État : Dien Bien Phu, les Paras, l'Algérie, l'Affaire Ben Bella, Suez, la Cagoule, le 13 mai, de Gaulle au pouvoir, éditions Plon, 1960.
  • Jean-Raymond Tournoux, L'Histoire secrète : la Cagoule, le Front populaire, Vichy, Londres, Deuxième Bureau, l'Algérie française, l'OAS, éditions Plon, 1962.
  • Jean-Claude Valla, "La Cagoule. 1936-1937". Les Cahiers libres d'histoire. n° 1. SEDE, 2000, 141 pp.

Notes et références

  1. Maurice Cochinaire (26 mai 1896 – 2 novembre 1968) est un ancien combattant, installé à Nancy depuis 1920 comme marbrier-sculpteur. Son nom figure sur les listes du CSAR qui ont pu être déchiffrées; il a le numéro 202 et porte le grade d'adjudant. Deloncle et Pozzo di Borgo se sont rendus à Nancy à deux reprises selon les rapports de police de Nancy, le 11 juillet 1936 et en juillet 1937. Cochinaire a cherché dès 1936 à créer des groupes d'auto-défense contre le communisme. Il serait parvenu à entraîner quelques anciens Camelots mais son activité est restée limitée selon l'enquête du commissaire spécial de Nancy. La police a en tout cas perquisitionné son entreprise à la fin de l'année 1937 sur commission rogatoire du juge Béteille dans l'affaire du CSAR. in Jean-François Colas, "Les droites nationales en Lorraine dans les années 1930 : acteurs, organisations, réseaux", thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 2002
  2. En 1945, Eugène Schueller exprimera toute sa gratitude envers Mitterrand et Bettencourt pour avoir témoigné en sa faveur lors de son procès pour collaboration en nommant le premier directeur du magazine Votre Beauté puis en finançant sa campagne électorale dans la Nièvre en 1946 et le second en le nommant à la direction de son groupe de cosmétique. Schueller aura aussi contribué au lancement de la carrière de François Dalle, autre mariste de la rue de Vaugirard [1] ; Sur les relations troubles du trio Dalle, Bettencourt, Mitterrand, voir Une histoire sans fard - L'Oréal, des années sombres au boycott arabe par l'historien israélien Michel Bar-Zohar chez Fayard.
  3. Pierre Péan, Le Mystérieux Docteur Martin, p. 140
  4. Selon Péan, le colonel Charles de Gaulle était présent mais les biographes de Giraud ne mentionnent pas cet entretien. Par ailleurs, De Gaulle n'a jamais été accusé d'appartenir à la Cagoule hormis une évocation sans la moindre preuve par Henry de Kérillis, ancien député de Neuilly-sur-Seine dans un pamphlet publié en 1945.
  5. voir aussi Éric Roussel, Charles de Gaulle, éd. Gallimard, 2002, p. 57.
  6. Le Choix de la Défaite, Les élites françaises dans les années 1930, page 365, Annie Lacroix-Riz, Les Edition Armand Colin "Franco, fournisseur d’armes simultané de l'OSARN puis hôte en 1937 des cagoulards en fuite".
  7. Pierre Milza et Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, p.392
  8. Selon des sources familiales, François Méténier, ingénieur, ancien industriel à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, est le principal suspect.
  9. 45, rue Boissière à Paris
  10. Eugen Weber, L'Action française, éd. Fayard, 1985, p. 439.
  11. Philippe Mangeon, Biographie de Robert Marchadier
  12. Jean-François Colas, op. cit., t. III, notice biographique : il est capitaine de réserve en 1939, il est fait prisonnier en 1940 et emprisonné plusieurs mois dans un Oflag. Il fuit en zone libre, vit d'expédients à Nice. Il est arrêté par les Allemands en 1944, emprisonné au siège de la Gestapo à Paris, condamné à mort mais sauvé par l'intervention d'un chef de la Milice. Il vit plusieurs années dans la clandestinité. Il est condamné à mort par contumace à la Libération, se rend en 1951. Il est alors condamné en septembre 1951 à 15 mois de prison pour « intelligence avec l'ennemi » ; il a bénéficié de la clémemce de la justice pour « services rendus à la résistance ». Il fonde ensuite un atelier d'art lorrain.
  13. Pierre Péan, Une jeunesse française, éd. Fayard, 1994, p 540-541

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