Individualisme

Individualisme
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L'individualisme est une conception politique, sociale et morale qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur des individus par rapport à ceux du groupe. Il prône l'autonomie individuelle face aux diverses institutions sociales et politiques (la famille, le clan, la corporation, la caste...) qui exercent sur lui certaines règles. Il s'oppose ainsi à l'obligation du groupe envers lequel l'individu a des devoirs. Il ne faut cependant pas confondre individualisme et égoïsme à courte vue. Car si l'égoïste ne considère que ses intérêts personnels, l'individualiste considère l'intérêt des individus et non le sien uniquement. Par exemple, faire partie d'une organisation n'est pas incompatible avec le principe d'individualisme.

Sommaire

Problématique

L'individualisme repose sur deux principes :

  • la liberté individuelle, ou le droit de se préoccuper en premier lieu de la condition des individus de la société avant la condition de la société elle-même
  • l'autonomie morale : chaque individu se doit de mener une réflexion individuelle, sans que ses opinions soient dictées par un quelconque groupe social.

On pourrait considérer que Descartes est le précurseur de l'individualisme lorsque, à la suite du procès de Galilée, mettant en valeur la position du sujet pensant (cogito), il s'oppose à certains types d'organisation de son époque. Le principe individualiste a ainsi soulevé dès les XVIIe et XVIIIe siècles la question de la relation entre l'intérêt individuel et l'intérêt général. Comment assurer une certaine cohésion dans une société individualiste ?

L'affirmation de l'individu peut aussi être considérée comme un moyen de mettre en valeur les talents individuels pour construire une organisation collective viable. Opposer individualisme et collectivité est donc une erreur. A travers une échelle de la complexité liée à la quantité et la diversité de préoccupations et d'informations prises en charge par une personne ou un système, l'intelligence sociale propose une articulation entre l'individu et le collectif.

Le principe individualiste rencontre cependant diverses objections. Ainsi tout individu dépend pour sa survie d'une société, donc d'un groupe envers lequel il a naturellement des devoirs : la société lui permet de vivre ; l'idéal individualiste est donc dans son principe un reniement des conditions de vie de l'individu. Ainsi les principes de nationalisme, voire dans certains cas de démocratie (l'individu doit se plier à la volonté de la majorité, ce que Alexis de Tocqueville nomme la « tyrannie de la majorité » notamment dans De la démocratie en Amérique), certaines idéologies de type collectiviste ou pensées politiques telles que le socialisme, mais aussi en sociologie la méthodologie holiste, tendent au contraire à donner la primauté à la société sur l'individu.

Le personnalisme chrétien

Une version affaiblie de l'individualisme est prônée par des penseurs comme Emmanuel Mounier sous le nom de personnalisme. L'individualisme est une forme de liberté et se pose en principe fondamental de plusieurs types de société : anarchisme, libéralisme...

L'individualisme libéral

Distinctions dans l'emploi du terme individualisme selon Friedrich Hayek: « Quels sont, alors, les caractères essentiels du vrai individualisme ? La première chose qui doit être dite est qu'il s'agit d'abord d'une théorie sociale : un essai pour comprendre les forces qui déterminent la vie sociale de l'homme, et ensuite seulement un ensemble de principes politiques déduits de cette vision de la société. Ce fait devrait en lui-même suffire à refuser le plus sot des malentendus qui courent à ce sujet : l'idée suivant laquelle l'individualisme postulerait (ou fonderait ses arguments sur cette hypothèse) l'existence d'individus isolés ou auto suffisants, au lieu de partir de l'étude de gens dont la nature et le caractère sont déterminés par le fait qu'ils existent en société.

Si cela était vrai, l'individualisme n'aurait vraiment rien à apporter à notre compréhension de la société. Mais son postulat essentiel est en fait différent, à savoir qu'il n'existe aucun autre moyen de s'assurer des phénomènes sociaux que de comprendre les actions que les individus entreprennent vis-à-vis des autres, dans l'idée qu'ils se conduiront d'une certaine façon. Cet argument s'attaque principalement aux théories proprement collectivistes de la société, qui se prétendent capables d'appréhender directement des formations sociales comme la société, etc., c'est-à-dire comme des entités en soi, qui seraient censées exister indépendamment des individus qui les composent.

L'étape suivante de l'analyse sociale de l'individualisme est dirigée, elle, contre un pseudo-individualisme rationaliste qui ne conduit pas moins au collectivisme dans la pratique. Elle consiste à affirmer que nous pouvons découvrir, en examinant les effets combinés des actions individuelles, que bien des institutions sur lesquelles repose le progrès humain sont apparues et fonctionnent sans qu'aucun esprit ne les ait connues ni ne les contrôle. Que, suivant l'expression d'Adam Ferguson, « Les nations se retrouvent face à des institutions qui sont bel et bien le résultat de l'action des hommes, sans être celui d'un projet humain » et que la collaboration spontanée des hommes libres engendre souvent des résultats qui dépassent ce que leur cervelle d'individus pourra jamais entièrement saisir.

C'est bien la grande idée de Josiah Tucker et Adam Smith, d'Adam Ferguson et Edmund Burke, la grande découverte de l'économie politique classique, qui est devenue la base de notre compréhension, non seulement de la vie économique mais de la plupart des phénomènes véritablement sociaux.  »[1]

L'individualisme libertarien

L'individualisme libertarien, propose de faire confiance à l'autorégulation : la société est fondée sur :

  • un équilibrage des relations et comportements sociaux par des contrats tacites ou formels (l'État et les autres collectivités n'étant ainsi considérés légitimes que sous la forme de contrats, devant être décidés librement, parmi d'autres) ;
  • l'échange de services au niveau du marché ou chacun obtiendrait satisfaction de son intérêt individuel (on trouve du pain parce que l'intérêt des boulangers est d'en vendre).

L'individualisme anarchiste

L'individualisme anarchiste propose des réponses anarchistes à la problématique de l'individualisme. C'est-à-dire que pour que l'individualisme se réalise pleinement, il faut au préalable s'affranchir de toute autorité s'exerçant sur l'individu telle que l'État ou encore la Religion. Les anarchistes individualistes (ou individualistes anarchistes) sont contre la propriété privée (telle que la loi la conçoit), qu'elle soit personnelle ou collective.

L'individualisme en sociologie

En tant que méthode d'analyse

Article détaillé : Individualisme méthodologique.

En tant qu'objet d'analyse

Un particularisme occidental ?

Pour Raymond Boudon, "l’individualisme n’est pas une caractéristique de la seule société occidentale, qui serait apparu au XIV° siècle"[2].

Pour d'autres, le caractère inédit[réf. nécessaire] de la société occidentale contemporaine se signale par un individualisme inconnu des sociétés anciennes. Dans celles-ci, la source des normes et des valeurs serait toujours extérieure à l'individu et résiderait essentiellement dans le groupe, dans la société englobante qui définirait, au niveau idéologique, la position et le statut des individus, par exemple en assignant par la naissance la place de chacun dans le système de castes Hindou (Louis Dumont).

En revanche, dans la société occidentale marquée par la sécularisation et le désenchantement du monde (Marcel Gauchet), l'individu ne reconnaît plus aucune autorité supérieure et sacralisée[3]. Alors que les sociétés anciennes se caractérisaient par leur « Holisme » (selon l'expression de Louis Dumont) et par leur structure hiérarchique (systèmes des castes en Inde, hiérarchies des ordres — clergé, noblesse, Tiers État — dans l'Ancien Régime en Europe), la société moderne (au moins en Occident) est dominée par des valeurs d'égalité et de liberté, caractéristiques de l'individualisme (l'affirmation générale de ces valeurs ne signifie évidemment pas qu'elles se traduisent au niveau des faits).

Dans cette perspective, le personnalisme chrétien, l'individualisme anarchiste ou l'individualisme libéral ne sont que des variantes (parfois exacerbées) d'un individualisme beaucoup plus profond qui caractérise l'ensemble de nos sociétés occidentales. Après les bouleversements politiques mondiaux de la fin des années 1960, l'appartenance de l'individu aux divers types de groupes et de communautés est entrée en crise. Dans "la crise", les valeurs d'autonomie et d'intérêt particulier sont devenues prédominantes. Ces processus de particularisation, d'affirmation de l'ego, ont été analysés comme une égogestion généralisée par le sociologue Jacques Guigou dans son ouvrage La Cité des ego[4].


La coopération

Pour Émile Durkheim, la où la cohésion des sociétés traditionnelles repose sur des liens communautaires, la société contemporaine, basée sur la division du travail, requiert une « solidarité organique » qui rend caduc ces liens communautaires. Dans une société où la spécialisation des tâches est faible il est nécessaire d'entretenir des liens d'ordres affectif ou moral pour amener les individus à coopérer entre eux. Dans une société où les individus doivent se spécialiser, la cohésion sociale est assurée par les seuls interdépendances fonctionnelles.

On rejoint le modèle des liens forts - liens faibles de Mark Granovetter: dans une société de type communautaire les individus établissent principalement des liens forts (ils connaissent surtout des gens qui se connaissent eux-mêmes entre eux) alors qu'une société individualiste repose essentiellement sur des liens faibles (les gens fréquentent beaucoup de personnes qui ne se connaissent pas entre elles)[5].

La solidarité

Pour Marcel Mauss, le modèle communautaire traditionnel du don et contre-don entretient la cohésion du groupe par le développement d'une dette éternellement renouvelée, issue des multiples échanges entre ses membres. Avec le développement de l'idéal individualiste, les liens communautaires se distendraient et les solidarités traditionnelles péricliteraient.

La logique assurantielle

Comme le dit Jean-Jacques Rousseau : « Personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne » [6]. Ainsi, rompre avec ses proches, couper les ponts, s'émanciper des autres, c'est prendre le risque suivant : le jour où vous vous retrouverez en difficulté, où vous serez dans le besoin et qu'il vous faudra du soutien, personne ne sera là pour vous aider.

Selon Marcel Gauchet, l'individualisme n'aurait donc pu se développer qu'à l'aide d'institutions chargées de soutenir l'individu face aux aléas de la vie : chômage, retraite, maladie, catastrophes naturelles ou accidents domestiques, etc. : « Que signifierait l’individualisme contemporain sans la sécurité sociale ? »[7].

L'individualisme dans la littérature

Notes et références

  1. Friedrich Hayek, Vrai et faux individualisme
  2. Raymond Boudon,Renouveler la démocratie
  3. Louis Dumont, Homo Hierarchicus, Paris Gallimard, 1979, et Essais sur l'individualisme, Paris Seuil, 1991.
  4. Jacques Guigou, La cité des ego. L'impliqué 1987. Rééd. L'Harmattan 2008. ISSN 978-2-296-06767-7
  5. L'analyse structurale des réseaux sociaux p44 Vincent Lemieux, , Mathieu Ouimet 2004 ISBN 2-7637-8036-9
  6. Discours d’économie politique Jean-Jacques Rousseau 1755
  7. La démocratie contre elle-même p114, Marcel Gauchet 2002 ISBN 2-07-076387-0

Voir aussi

Articles connexes

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Théorie

Liens externes


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