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Théories du contrat social
Les théories du contrat social sont des théories de philosophie politique qui pensent l'origine de l'État dans une convention originaire entre les humains, par laquelle ceux-ci renoncent à une partie de leurs libertés, ou droits naturels, en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social.
L'idée d'un contrat social pose déjà celle d'un état de nature, préexistant à toute société organisée. Cet état de nature ne correspond nullement à une réalité historique précédant l'instauration des lois, mais à l'état théorique de l'humanité lorsque soustraite à toute loi. Le contrat (ou pacte) social est alors pensé comme un pacte librement établi par la communauté des humains dans le but d'établir une société organisée et hiérarchisée.
Le concept même d'un pacte social apparaît précocement chez Platon (sous forme de castes) dans le cadre d'une pensée plus large sur la fondation d'une cité idéale. Hugo Grotius est cependant le premier, dans l'histoire de la philosophie politique, à consacrer une part importante de sa réflexion à la définition du contrat social. Les grands théoriciens de ce concept demeurent toutefois à ce jour Thomas Hobbes et John Locke, avant Jean-Jacques Rousseau.
Sommaire
Origines du concept
Si elles demeurent attachées aux figures philosophiques qui les ont défendues dans leur diversité, les diverses théories du contrat social trouvent leur origine dans un contexte politique et philosophique commun, qui appelait une réflexion profonde sur la genèse et la raison d'être du corps social et politique.
Pourquoi cette société ? Pourquoi la société ? Pourquoi vivre avec des hommes avec qui l'on n'a pas nécessairement voulu vivre, et se soumettre à des règles auxquelles on n'a pas choisi de se soumettre ? Par quels chemins l'espèce humaine est-elle arrivée à une structure si gigantesque qu'elle ne semble plus être qu'une seule créature, un monstre à la forme imprécise comme le Léviathan ? Face à des questions auxquelles il est factuellement impossible de répondre dans le détail, les philosophes ont construit des cadres. Et par ces structures de pensée, ceux-là même ont véhiculé ce qu'ils pensaient devoir placer au centre de la société. Le contrat social est intéressant parce qu'il est un travail « scientifique », par la recherche des hypothèses de la création, en même temps que philosophique.
Les trois types de contrat social
Il existe à ce jour deux types fondamentaux de contrat social, nommés selon leurs théoriciens respectifs : le contrat hobbesien (le contrat social d’après Thomas Hobbes) et le contrat lockéen (d’après John Locke). On y ajoute parfois un troisième, bien qu’il soit considéré comme une extension du contrat de type hobbesien, car s'appuyant sur la même logique de rupture avec l'état de nature: le contrat rousseauiste (d’après Jean-Jacques Rousseau). Il faut en effet distinguer différents types de contrat selon la finalité attribuée à l'État qui l'institue, laquelle diffère d'un auteur à l'autre : alors qu'il s'agit de préserver la vie de chacun chez Hobbes, Locke considère que le but de l'État est de sauvegarder la liberté individuelle et la propriété privée, tandis que le contrat social chez Rousseau est appelé à rendre le peuple souverain et ainsi à garantir l'intérêt général.
Le contrat social selon Hobbes
La conception hobbesienne du contrat social, présentée dans le Léviathan, s’inscrit dans une logique sécuritaire. L’état de nature est défini comme une « guerre de tous contre tous » où « l'Homme est un loup pour l'Homme » et dans laquelle chacun, guidé par son instinct de conservation, cherche à préserver sa vie. Le contrat social intervient donc pour assurer la sécurité, c’est-à-dire au fond la vie de chacun, en aliénant les libertés individuelles des uns sur les autres. L’État est donc là pour rompre avec l’état de nature en restreignant les droits de chacun. Hobbes prévoit toutefois un droit de résistance aux abus de l’État, lorsque ce dernier met en péril la vie de ses sujets. La vie peut être invoquée comme principe supérieur à la valeur du contrat, car c’est pour sa sauvegarde que l’État a été instauré.
Le contrat social selon Locke
Locke formule sa théorie du contrat social dans le Second Traité du gouvernement civil, d’après une logique libérale. L’état de nature est caractérisé selon lui par les droits naturels que sont la « liberté individuelle » et la « propriété privée », chacun voulant préserver sa liberté et ses biens. Le contrat social intervient pour garantir ces droits naturels, pour assurer leur sauvegarde. L’État est donc instauré pour garantir l’état de nature (caractérisé par la jouissance par tous de leurs droits naturels) en lui donnant une sanction légale. Locke prévoit un droit de résistance aux abus de l’État, lorsqu’il met en péril la liberté et la propriété qu’il doit sauvegarder. Comme la vie chez Hobbes, la liberté et la propriété peuvent être invoquées dans l’État lockéen car le contrat social vise justement à leur sauvegarde. On retrouve chez Locke l'abandon de la volonté de tous à un certains nombres d'instances chargées d'organiser la vie: l'exécutif (qui comprend également le pouvoir judiciaire), le législatif et le fédératif (qui correspondrait aujourd'hui aux affaires extérieures). Le contrat lockéen est établi pour diminuer les conflits et non pour établir la paix ou le bonheur comme dans le contrat social de Hobbes.
Le contrat social chez Rousseau
La conception qu'a Rousseau de l'état de nature est complexe : l’homme est naturellement bon mais rapidement la société le corrompt, jusqu'à ce que chacun agisse bientôt égoïstement en vue de son intérêt privé. Le contrat social, tel qu'il est théorisé dans Du Contrat social, a pour but de rendre l’homme souverain, et de l’engager à abandonner son intérêt personnel pour suivre l’intérêt général. L’État est donc créé pour rompre avec l’état de nature, en chargeant la communauté des humains de son propre bien-être. Le contrat social rousseauiste est davantage proche du contrat hobbesien en ce qu’il vise lui aussi à rompre avec l’état de nature (le contrat lockéen visant, lui, à le garantir par un cadre légal). Mais à la différence de Hobbes comme de Locke, le contrat social rousseauiste ne charge pas un tiers de la sauvegarde de la vie ou de la liberté et de la propriété de chacun, mais charge les citoyens eux-mêmes de cette sauvegarde par le principe de la volonté générale. Le contrat rousseauiste est un pacte d’essence démocrate, dans lequel le contrat social n’institue pas un quelconque monarque, mais investit le peuple de sa propre souveraineté.
Tableau récapitulatif des trois principales théories du contrat social
Conception de l’état de nature Logique dans laquelle s’inscrit le pacte Valeurs que doit préserver
le pacte et qui peuvent être
légitimement invoquées pour
résister à l’Étatselon Hobbes
(Léviathan)guerre de tous
contre toussécuritaire
(rompre avec l'état de nature)la sécurité, la vie,
de chacun.selon Locke
(Second Traité du
gouvernement civil)chacun jouit de
droits naturels
(liberté et propriété privée)libérale
(garantir l'état de nature)la liberté et la
propriété privéeselon Rousseau
(Du contrat social)chacun agit selon
son intérêt particuliersécuritaire et démocrate
(rompre avec l'état de nature : faire
du peuple son propre souverain pour
orienter l'action vers l’intérêt général)l’intérêt général
(toutefois, nulle occasion de résister à l'État :
le peuple étant son propre souverain, toutes
les actions de l'État vont dans son intérêt)Autres articles
- État de nature
- Léviathan, de Thomas Hobbes
- Traité du gouvernement civil, de John Locke
- Du contrat social, de Jean-Jacques Rousseau
Liens externes
- Gilbert Boss, La portée du contrat social chez Hume et Spinoza, Munich, 1998, 27 pages. (en pdf)
- Serge Paugam (organisateur), Solidarité/Solidarités. Le contrat social en choix et en actes, à l'EHESS, Paris, 7 au 9 mars 2007 : vidéos des interventions
- Claude Pérès L'individu dans le Contrat Social : un concept coercitif
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